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18/02/2013 | FRANCE | N°11/04405

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 18 février 2013, 11/04405


S.A



RG N° 11/04405



N° Minute :































































































Notifié le :

Grosse délivrée le :







AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE


r>CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU LUNDI 18 FEVRIER 2013







Appel d'une décision (N° RG 09/00506)

rendue par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de VALENCE

en date du 01 septembre 2011

suivant déclaration d'appel du 28 Septembre 2011





APPELANT :



Monsieur [V] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me Anne NOBILI, avocat au barreau de VALENCE





INTIMEE :



LA SA MALOSSE prise en...

S.A

RG N° 11/04405

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU LUNDI 18 FEVRIER 2013

Appel d'une décision (N° RG 09/00506)

rendue par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de VALENCE

en date du 01 septembre 2011

suivant déclaration d'appel du 28 Septembre 2011

APPELANT :

Monsieur [V] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Anne NOBILI, avocat au barreau de VALENCE

INTIMEE :

LA SA MALOSSE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Eric VACASSOULIS, avocat au barreau de VALENCE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Hélène COMBES, Conseiller faisant fonction de Président,

Monsieur Frédéric PARIS, Conseiller,

Madame Stéphanie ALA, Vice-Président placé,

Assistés lors des débats de Madame Ouarda KALAI, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 22 Janvier 2013,

Madame ALA a été entendue en son rapport,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 18 Février 2013.

L'arrêt a été rendu le 18 Février 2013.

RG N°11/4405S.A

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [V] [O] a été embauché suivant contrat à durée indéterminée en date du 1er septembre 1997 par la SA MALOSSE dont le siège social est à [Localité 9], en qualité de grutier maçon N3-P1.

Monsieur [V] [O] a été mis à pied à titre conservatoire le 29 avril 2009 puis licencié pour faute grave par lettre recommandée datée du 18 mai 2009 l'employeur lui reprochant un manquement à l'obligation de sécurité et des refus réitérés d'exécuter les instructions.

Monsieur [V] [O] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Valence d'une contestation du licenciement.

Par jugement en date du 1er septembre 2011, rendu sous la présidence du juge départiteur, le Conseil de Prud'hommes de VALENCE l'a débouté de ses demandes.

Monsieur [V] [O] qui a interjeté appel de la décision le 29 septembre 2011, demande ainsi qu'il l'a rappelé oralement à l'audience :

- que le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Valence le 1er septembre 2011, soit réformé ;

- que la société MALOSSE soit condamnée à lui verser les sommes de:

- 4174 euros au titre de l'indemnité de préavis et 417,40 euros au titre des congés payés afférents ;

- 1 458 euros au titre du paiement du salaire pendant la mesure de mise à pied et 145

euros au titre des congés payés afférents ;

- 4 132,20 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et que la société supporte la charge des entiers dépens.

L'appelant expose qu' il lui a été reproché dans le lettre de licenciement de ne pas avoir porté son casque de protection le 28 avril 2009 alors que le préposé de la CRAM s'est présenté sur le chantier le 29 avril 2009 de sorte que le Conseil de Prud'hommes, qui a relevé l'erreur contenue dans la lettre de rupture, n'en a pas tiré toutes les conséquences.

Il conteste la présentation des faits effectuée par la société MALOSSE exposant qu'il a depuis douze ans travaillé avec une casquette de protection coquée et que le casque mis à sa disposition le 29 avril 2009 par le conducteur de travaux était dépourvu de lanières ce qui l'empêchait de travailler. Il indique qu'il n'avait pas de casque conforme en sa possession. Il ajoute que d'autres ouvriers travaillaient sans casque, que les faits qui lui sont reprochés ont été commis alors qu'il travaillait au sol ce qu'il ne faisait jamais. En définitive, il estime que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et que son employeur s'est emparé d'un prétexte pour mettre un terme au contrat de travail alors que par ailleurs il nourrissait des griefs à son endroit et que son état de santé était défaillant.

La société MALOSSE, intimée, demande à la Cour de confirmer le jugement, de juger que le licenciement de Monsieur [O] repose bien sur une faute grave et de le débouter de l'intégralité de ses demandes.

Elle expose que Monsieur [O] a refusé à plusieurs reprises et pendant plusieurs jours (le jour de la visite de l'agent de la CRAM puis le lendemain) de porter son casque de protection.

Elle ajoute que l'appelant tente d'entretenir la confusion sur la date de visite de l'agent de la CRAM mais que cela est de peu d'importance dans la mesure où les faits contenus dans la lettre de licenciement se rapportant aux faits commis le jour de la visite de cet agent ne sont pas contestés par le salarié et qu'ils ont été réitérés le lendemain.

La société conteste les affirmations de Monsieur [V] [O] et maintient que ce dernier ne travaillait pas avec une casquette coquée mais avec une casquette ordinaire.

Elle affirme que le casque qui lui a été remis était pourvu de lanière de serrage et concernant de manière plus générale la question de la sécurité, précise que ses salariés sont porteurs de casques et qu'elle se conforme aux règles de sécurité.

DISCUSSION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

En outre, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, c'est à l'employeur qu'il revient d'apporter la preuve de la faute grave qu'il invoque.

Après un rappel de la chronologie, la société MALOSSE a, dans la lettre de licenciement du 18 mai 2009 qu'elle a adressée à Monsieur [V] [O] indiqué :

'Il résulte de ces faits que dans l'exercice de vos fonctions, vous avez manqué gravement à une obligation de sécurité élémentaire, par ailleurs visée aux dispositions de l'article L. 230-3 du Code du travail.

Plus précisément encore, il est établi que vous avez réitéré à plusieurs reprises un refus fautif d'exécuter les instructions qui vous ont été données pour vous éviter de vous placer en position d'insécurité.

Un tel comportement est inacceptable.

La persistance de votre attitude ne permet pas à l'entreprise de vous maintenir à votre poste, même le temps du préavis puisque malgré les instructions qui vous sont données par votre hiérarchie et dont la légitimité vous a été confirmée par un préposé de d'administration dûment autorisé, votre attitude ne varie pas.

Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour faute grave.'

Il en ressort que la faute grave résulte pour l'employeur d'un refus réitéré du salarié d'exécuter les instructions qui lui ont été données et non seulement du défaut de port du casque de protection le jour du passage du contrôleur de la Cram.

Selon la chronologie reprise par l'employeur dans la lettre de licenciement les faits se seraient déroulés de la façon suivante :

- le 28 avril 2009 un contrôle de la Caisse Régionale d'Assurance Maladie (ci après la CRAM) a eu lieu sur chantier auquel Monsieur [V] [O] était employé. A cette occasion, l'agent de la Caisse Régionale d'Assurance Maladie aurait relevé que Monsieur [V] [O] n'était pas porteur de casque de sécurité. Il aurait alors adressé une demande de port de casque à Monsieur [V] [O] qui aurait refusé ;

- le même jour, le chef de chantier, alerté par l'agent de la CRAM, aurait demandé au salarié de porter le casque sans obtenir satisfaction, il s'en serait ouvert le soir même au conducteur de travaux, Monsieur [S] ;

- le lendemain, soit le mercredi 29 avril, Monsieur [S], qui aurait constaté que Monsieur [V] [O] n'était pas porteur du casque dès le matin, lui aurait demandé de s'en équiper et, face au refus du salarié motivé par l'absence de casque à portée, lui en aurait fourni un qui aurait été monchalamment revêtu par dessus une casquette ;

- le même jour, dans l'après midi, lors d'une visite destinée à s'assurer du respect des consignes de sécurité, Monsieur [S] aurait de nouveau constaté l'absence de port de casque. Face à un tel comportement, Monsieur [S] aurait notifié verbalement au salarié une mise à pied conservatoire immédiate.

Ces faits ont conduit l'employeur à considérer qu'ils étaient d'une gravité telle que le maintien du salarié pendant la durée du préavis était impossible.

Cependant, la lecture des pièces du dossier permet de contredire la chronologie ainsi dressée.

En effet, il ressort tant du courrier établi le 25 août 2009 par Monsieur [A] ( ingénieur conseil chef de secteur BTP au sein de la CRAM) que des témoignages établis par le chef de chantier Monsieur [P] [F] et Monsieur [G] [Y] co-gérant de la société MALOSSE, tous trois versés par la société MALOSSE, que la visite de l'agent de la CRAM a eu lieu non le 28 avril mais le 29 avril 2009, ce qui, au demeurant, n'est contesté par aucune des parties.

Par ailleurs, la lecture de la lettre de mise à pied conservatoire, précédée d'une mise à pied verbale, permet de constater que la mesure a pris effet le jour où la lettre a été expédiée soit le 29 avril 2009.

Il en résulte que le salarié mis à pied, n'était pas présent sur le chantier le 30 avril 2009.

Dans ces conditions, le témoignage de Monsieur [S], conducteur de travaux, produit par la société MALOSSE, qui date précisément les faits dont il témoigne du lendemain de la visite de l'agent de la CRAM, soit le 30 avril 2009, journée au cours de laquelle Monsieur [V] [O] aurait, à deux reprises ( le matin, puis l'après midi), manifesté son intention de se soustraire à l'obligation du port de casque de sécurité, ne peut être considéré comme probant.

Il sera d'ailleurs relevé que, dans une lettre non datée, adressée à son employeur à la suite de l'envoi de la lettre de licenciement, Monsieur [V] [O] a immédiatement contesté la chronologie des faits rappelant qu'ils s'étaient tous déroulés le 29 avril 2009 date à laquelle il a eu affaire tant à l'agent de la CRAM qu'à Monsieur [S].

Il reste dès lors à apprécier si l'employeur rapporte la preuve, comme il l'invoque, de refus réitérés de porter les éléments de sécurité.

A cet égard, la lecture du courrier dressé par Monsieur [A] permet de constater que, face au contrôleur présent sur le chantier, qui a rappelé et commenté à Monsieur [V] [O] son obligation de port de casque, ce dernier n'a pas obtempéré.

Aucun élément dans le dossier et en particulier le témoignage de Monsieur [P] [F], chef de chantier, ne permet de considérer, comme l'affirme l'employeur dans la lettre de licenciement, que Monsieur [V] [O] a, postérieurement à l'intervention de l'agent de la CRAM, opposé un refus de port de casque au chef de chantier, puisque ce dernier déclare uniquement en avoir référé au conducteur de travaux.

En ce qui concerne les faits qui se seraient produits avec Monsieur [S], non le 30 mais le 29 avril dans la journée, Monsieur [V] [O], qui ne conteste pas avoir rencontré ce dernier a plusieurs reprises dans la journée, conteste l'affirmation suivant laquelle il aurait refusé de porter un casque conforme aux normes de sécurité à plusieurs reprises affirmant uniquement qu'un casque non conforme lui aurait été remis dans le courant de l'après midi du 29 avril.

Or, comme il l'a été rappelé, c'est à l'employeur, qui invoque l'existence d'une faute grave, d'en rapporter la preuve ce que la société MALOSSE échoue à faire dans la mesure où le témoignage de Monsieur [S] est dénué de force probante et où aucun autre élément ne permet de corroborer les affirmations de l'employeur.

En définitive, il résulte des éléments versés au débats que seul un refus opposé à l'agent de la CRAM est avéré ce qui ne permet pas de considérer que les refus réitérés de port d'élément de sécurité invoqués par l'employeur à l'appui de sa décision de licenciement pour faute grave sont établis.

Dans ces conditions, il convient de considérer que la mise à pied immédiate de Monsieur [V] [O] est infondée et que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En ce qui concerne les conséquences financières découlant de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, il sera relevé que le montant des demandes formées par Monsieur [V] [O] n'est pas contesté, même à titre subsidiaire, par la société MALOSSE.

Dès lors, elle sera condamnée à lui verser les sommes de :

- 4174 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis outre 417,40 euros bruts au titre des congés payés afférents;

- 1458 euros bruts au titre de la mesure conservatoire et 145 euros bruts au titre des congés payés afférents;

- 4132,20 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement.

En ce qui concerne les dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, il sera observé que la société MALOSSE compte plus de onze salariés, que Monsieur [V] [O] était, au moment de son licenciement âgé de 56 ans et avait une ancienneté de près de douze ans au sein de l'entreprise.

A cela, il sera ajouté que, dans les semaines qui ont suivi de licenciement, le Dr [C] a constaté que l'intéressé a présenté 'un état dépressif réactionnel à un problème professionnel' ce qui atteste du particulier retentissement des faits sur sa personne.

Il apparaît également qu'il a été inscrit au pôle emploi dès le 25 mai 2009 et qu'il a perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi des mois d'août à octobre 2009, puis pour les mois de février et mai 2010 ce qui atteste de ses difficultés à retrouver un emploi.

Dans ces conditions, il convient de fixer le montant de ses dommages et intérêts à la somme de 18.300 euros.

Il y a lieu en application de l'article L 1235-4 du code du travail, d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par [V] [O].

Au vu des circonstances de la cause, le remboursement sera ordonné dans la limite de six mois. 

Enfin, la société MALOSSE, sera condamnée à verser au salarié la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et supportera la charge des entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de VALENCE le 1er septembre 2011 ;

- Statuant à nouveau :

- CONDAMNE la SA MALOSSE à verser à Monsieur [V] [O] les sommes de :

- 4.174 euros au titre de l'indemnité de préavis outre 417,40 euros bruts au titre des congés payés afférents;

- 1.458 euros au titre du rappel de salaire pendant la mise à pied et 145 euros bruts au titre des congés payés afférents;

- 4.132,20 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- 18.300 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- ORDONNE en application de l'article L 1235-4 du code du travail le remboursement par la SA MALOSSE aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par Monsieur [V] [O] dans la limite de six mois.

- DIT qu'à cette fin, une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée à Pôle Emploi Rhône-Alpes - service contentieux - [Adresse 5].

- CONDAMNE la SA MALOSSE à verser à Monsieur [V] [O] une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

- CONDAMNE la SA MALOSSE aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame KALAI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/04405
Date de la décision : 18/02/2013

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°11/04405 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-02-18;11.04405 ?
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