V.L
RG N° 11/02929
N° Minute :
Notifié le :
Grosse délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU JEUDI 20 DECEMBRE 2012
Appel d'une décision (N° RG 10/00260) rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN-JALLIEU en date du 10 mai 2011 suivant déclaration d'appel du 09 Juin 2011
APPELANTE :
LA SAS SEPAL prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 10]
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représentée par Me Véronique COTTET-EMARD (avocat au barreau de LONS LE SAUNIER)
INTIME :
Monsieur [H] [I]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Assisté de Me Murielle MAHUSSIER (avocat au barreau de [Localité 5])
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,
Madame Véronique LAMOINE, Conseiller,
Monsieur Frédéric PARIS, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Servane HAMON, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 05 Novembre 2012,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoiries.
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 13 Décembre 2012, délibéré au cours duquel il été rendu compte des débats à la Cour. Le délibéré a été prorogé au 20 décembre2012.
L'arrêt a été rendu le 20 Décembre 2012.
RG N° 11/ 2929 VL
EXPOSÉ DES FAITS
Par contrat de travail écrit en date du 19 juin 1995, à effet au 28 août 1995, Monsieur [H] [I] a été embauché par la SAS SEPAL, appartenant depuis 1996 au Groupe FAIVELEY PLASTURGIE, et ayant pour activité l'injection plastique de précision, ce pour une durée indéterminée, au poste d'outilleur mouliste commandes numériques, puis il a accédé au poste de technicien d'atelier, statut ETAM, niveau 4, échelon 3, coefficient 285 de la Convention Collective de la métallurgie. A compter de novembre 2006, il bénéficiait du statut Assimilé Cadre. Au dernier état des relations contractuelles, il percevait une rémunération moyenne mensuelle brute de 3 904,20 €.
En 2007, la SAS SEPAL, qui comptait alors trois sites ([Localité 4], [Localité 5] et [Localité 6]) a décidé de fermer le site de [Localité 4] et de transférer les activités de ce site à [Localité 6].
En mai 2008, elle a encore fermé le site de [Localité 5] et regroupé l'ensemble des activités sur le site de [Localité 6]. Ce transfert a entraîné une modification du contrat de travail des salariés, ceux-ci passant de la Convention Collective de la métallurgie à la Convention Collective de la plasturgie. Monsieur [H] [I] se voyait ainsi proposer, le 3 juin 2008, une modification de son contrat de travail avec changement :
* du lieu de travail de [Localité 5] à [Localité 6],
* de l'intitulé de l'emploi par une affectation à l'emploi de technicien d'atelier "moules neufs", statut collaborateur, non cadre, coefficient 810 de la Convention Collective de la plasturgie.
Le 2 juillet 2008, Monsieur [H] [I] donnait son accord à cette modification de son contrat de travail.
Au cours du premier semestre 2009, est intervenue une nouvelle réorganisation entraînant compression du personnel, ne concernant pas personnellement Monsieur [H] [I]. Mais, dès le début du second semestre 2009, la SAS SEPAL a convoqué le CE en annonçant un nouveau projet de réorganisation, avec licenciement collectif pour motif économique et plan de sauvegarde de l'emploi, en exposant que les mesures mises en oeuvre antérieurement s'avéraient insuffisantes. La consultation des organes représentatifs de l'entreprise a été normalement conduite, avec, notamment, désignation d'un expert par les élus du C.E. en juin 2009.
Parallèlement, par lettre recommandée du 3 août 2009, la SAS SEPAL notifiait à Monsieur [H] [I] qu'elle était contrainte de supprimer les deux postes de techniciens d'atelier "moules neufs" qu'elle comptait, tout en lui indiquant que, en application des critères d'ordre retenus, il n'était cependant pas susceptible d'être licencié. Néanmoins, dans la même lettre, l'employeur indiquait à Monsieur [H] [I] que, dans le cadre du plan de réorganisation et de restructuration, la poursuite de leur collaboration ne pouvait être envisagée que sous réserve d'un changement de poste conduisant à une modification de son contrat de travail ; il lui proposait alors un poste d'outilleur mouliste au coefficient 750 pour une rémunération de 2 634 € bruts mensuels, ce que Monsieur [H] [I] refusait par lettre du 24 août 2009.
Dès lors, la SAS SEPAL, par lettre recommandée du 8 septembre 2009, notifiait à Monsieur [H] [I] les postes possibles identifiés à son profit à titre de mesure de reclassement pour éviter son licenciement, en lui proposant un poste d'opérateur sur presse au sein de l'entreprise au salaire de 1 538 € bruts, ou bien un autre comme opérateur polyvalent au sein d'une société EUDICA appartenant au même groupe, pour une rémunération de 1 552 € bruts. Monsieur [H] [I] a décliné ces deux propositions.
Par lettre recommandée en date du 27 septembre 2009, la SAS SEPAL a notifié à Monsieur [H] [I] son licenciement pour motif économique, mesure que ce dernier a contestée par lettre du 5 janvier 2010.
Monsieur [H] [I] a saisi le Conseil de Prud'hommes de BOURGOIN-JALLIEU en contestant son licenciement et demandant la condamnation de son employeur à diverses indemnités.
Par jugement du 10 mai 2011, le Conseil de Prud'hommes de BOURGOIN-JALLIEU a jugé que le licenciement de Monsieur [H] [I] est fondé sur une cause économique réelle et sérieuse, mais a condamné la SAS SEPAL à lui régler la somme de 30'000 € pour défaut de reclassement interne et une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il a encore rejeté les demandes de Monsieur [H] [I] fondées sur :
* l'existence de manoeuvres frauduleuses à l'occasion de son transfert du site de [Localité 5] au site de [Localité 6],
* le non-respect du plan de sauvegarde de l'emploi.
La SAS SEPAL a, le 10 juin 2011, interjeté appel de ce jugement, qui lui avait été notifié le 13 mai 2011.
Demandes et moyens des parties
La SAS SEPAL, appelante, demande à la Cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu, à sa charge, un défaut de reclassement interne, et en sa condamnation subséquente à des dommages-intérêts et à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Elle conclut à sa confirmation sur le surplus.
Elle sollicite, par conséquent, le rejet de toutes demandes de Monsieur [H] [I] à ce titre, et sa condamnation à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
A titre subsidiaire, si la Cour confirmait le défaut de reclassement, elle fait valoir que Monsieur [H] [I] ne démontre pas le préjudice dont il entend obtenir réparation, et demande que, dans ce cas, l'indemnité allouée soit celle, forfaitaire, fixée par l'article L. 1235-3 du Code du Travail soit les salaires des six mois précédant le licenciement.
Elle soutient, en ses conclusions régulièrement transmises, visées et développées oralement à l'audience, que :
* le licenciement de Monsieur [H] [I] était bien fondé sur un motif économique réel et sérieux, ainsi que l'a retenu le premier juge, en ce que ses comptes ont présenté une réduction du chiffre d'affaires de 38 % entre l'exercice clos au 31 mars 2009 et celui de l'année précédente, et une perte de 2 400 K€ ; les résultats consolidés du groupe sont, eux aussi, déficitaires à la même date, alors que le résultat net de ce groupe était bénéficiaire pour l'exercice clos le 31 mars 2008 ;
* il n'y a aucun caractère opportuniste ou artificiel dans la détermination des catégories professionnelles au sein de l'entreprise ;
* elle a parfaitement respecté ses obligations en proposant en l'espèce à Monsieur [H] [I] les seuls postes disponibles au moment de son licenciement, et elle s'explique en détail sur un poste de Technicien Cellule Devis invoqué par Monsieur [H] [I], pour préciser en quoi ce poste n'était pas disponible pour lui.
Monsieur [H] [I], intimé et appelant incident, demande l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a considéré fondé le licenciement, en invoquant au principal la fraude opérée par la SAS SEPAL dans les opérations de restructuration ; il soutient, ainsi que, lors de la modification de son contrat en 2008 (transfert sur le site de [Localité 6]), la SAS SEPAL aurait agi intentionnellement en le plaçant sur un poste dont elle savait qu'il allait être impacté par la restructuration. En outre, en transposant sa classification de la Convention Collective de la Métallurgie vers celle de la Plasturgie, elle lui a octroyé un coefficient ne correspondant pas à la réalité de ses fonctions, et tel que, lors de la mise en oeuvre des critères d'ordre, il aurait dû être comparé à des salariés de même niveau et ne pas subir de rétrogradation.
A titre subsidiaire, il conteste le motif économique réel et sérieux invoqué, en faisant valoir qu'il faut analyser les résultats non de la seule société SEPAL, mais du groupe FAIVELEY dont elle fait partie, et que les documents produits sur ce dernier sont partiels et donc inexploitables.
Encore plus subsidiairement, il fait valoir que la SAS SEPAL ne rapporte pas la preuve que les difficultés annoncées ont entraîné la suppression de son poste. A tout le moins, il demande que soit constatée la perte injustifiée de son emploi en raison du caractère opportuniste et artificiel des catégories professionnelles définies par son employeur.
A titre surabondant, il demande la confirmation du jugement sur le défaut de reclassement, mais la majoration de l'indemnité qui lui a été allouée, pour être portée à la somme de 80 000 € qu'il réclamait en première instance, en réparation du préjudice que lui cause la rupture du contrat de travail. Il y a ajoute une demande de condamnation de la SAS SEPAL à lui payer une indemnité de 40 000 € pour non respect du plan de sauvegarde de l'emploi en matière de reclassement externe, ainsi qu'une indemnité de 2 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Motifs de la décision
Sur le licenciement
# sur la fraude invoquée
Ainsi que le souligne Monsieur [H] [I], qui l'invoque en l'espèce, la fraude suppose une volonté consciente de se soustraire à l'application d'une règle obligatoire. En l'espèce, Monsieur [H] [I] fait état, pour étayer son allégation d'une fraude, de la modification de son contrat de travail au moment de la suppression du site de [Localité 5] et de son transfert sur le site de [Localité 6] avec passage de la Convention collective de la Métallurgie à celle de la Plasturgie. Il soutient, ainsi, que c'est délibérément que la SAS SEPAL l'a alors placé sur un poste dont elle savait qu'il allait être impacté par la restructuration.
Or, le simple énoncé de ces faits ne suffit pas à démontrer que cette modification ait présenté, de la part de l'employeur, un caractère intentionnel dans le seul but de l'évincer par un futur licenciement. En effet, le simple fait que le nouveau coefficient qui lui a été ainsi attribué, soit 810 de la Convention Collective de la Plasturgie, ait été insuffisant au regard de la réalité de ses fonctions, si tant est que cette insuffisance soit avérée, ne démontre pas pour autant l'intention de l'employeur d'utiliser, dès l'origine, cette sous qualification pour évincer le salarié. De même, l'affectation de Monsieur [H] [I] à l'atelier 'Moules Neufs' à cette date ne peut, en soi, être analysée comme relevant d'une intention délibérée de l'employeur de le licencier du seul fait que, par la suite, c'est précisément cette activité 'Moules Neufs' qui a été arrêtée lors de la seconde restructuration, le long délai - une année - écoulé entre d'une part la proposition de nouveau contrat de travail du salarié transmise par l'employeur le 3 juin 2008 et, d'autre part, la seconde restructuration de l'entreprise initiée et portée à la connaissance du CE au mois de juin 2009 permettant, a priori, d'exclure l'existence d'un lien nécessaire et calculé entre ces deux événements ; Monsieur [H] [I] n'apporte, pour sa part, d'autre élément que ses seules affirmations, qui permettraient de considérer que la SAS SEPAL avait d'ores et déjà en juin 2008 l'intention de supprimer l'activité 'Moule Neufs'.
Il en résulte que c'est à bon droit que le conseil de Prud'hommes a écarté l'existence de manoeuvres frauduleuses à l'occasion de la modification du contrat de travail de M. [H] [I].
# sur le motif économique
Aux termes de l'article L. 1233 - 2 du Code du Travail, « tout licenciement pour motif économique est (...) justifié par une cause réelle et sérieuse». S'agissant de cette cause, l'article L. 1233 - 3 précise que «constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.» La jurisprudence considère qu'une autre cause possible d'un licenciement économique consiste dans une réorganisation décidée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.
Par ailleurs, l'article L. 1233-42 du Code du Travail édicte que «la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur».
En l'espèce, la lettre de licenciement est constituée de 14 pages parmi lesquelles les 10 premières comportent un exposé fouillé des éléments de la détérioration de la conjoncture pour le secteur de la plasturgie - transformation des matières plastiques par injection - dans son domaine plus large du marché des pièces techniques en sous-traitance, ainsi que les chiffres des résultats du Groupe Faiveley Plasturgie, et de la SAS SEPAL en particulier pour l'exercice clos au 31 mars 2009 en comparaison de celui clos au 31 mars 2008. Les chiffres ainsi annoncés sont, pour l'essentiel, corroborés par les pièces produites aux débats, desquelles il résulte les éléments suivants :
* situation de la SAS SEPAL :
exercice clos au 31 mars 2008
exercice clos au 31 mars 2009
chiffre d'affaires
20 469 974 €
12 575 822 €
résultat d'exploitation
(751 292 €)
(2 466 378 €)
* comptes consolidés des sociétés françaises du Pôle plasturgie du groupe Faiveley :
exercice clos au 31 mars 2008
exercice clos au 31 mars 2009
chiffre d'affaires (cumul)
66 607 K€
49 353 K€
résultat d'exploitation
(cumul)
(931 K €)
(3 938 K€)
* résultats de deux sociétés de plasturgie du groupe, à l'étranger (FAIVELEY PLASTURGIE SLOVAKIA et SIBO en Chine) : pour la première perte quasi-constante en 2009 par rapport à 2008, pour la seconde augmentation du chiffres d'affaires et perte en diminution entre 2009 et 2008.
* les comptes de la SAS FAIVELEY PLASTURGIE (société holding) présentent une augmentation, entre 2009 et 2008, du résultat d'exploitation bénéficiaire. Cependant, s'agissant d'une société financière, ses résultats ne sont pas, en soi, significatifs de la santé du secteur industriel et de la branche d'activité 'plasturgie' du Groupe.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les difficultés économiques invoquées par la SAS SEPAL dans la lettre de licenciement, constitués par une baisse de la production et une détérioration des résultats, sont bien réelles et sérieuses ; dans cette lettre, elle énonçait, sans être contredite aujourd'hui sur ce point, les résultats des 3 exercices précédents, révélant que les difficultés sont anciennes (diminution du chiffre d'affaires, et augmentation de la perte d'exploitation pour SEPAL depuis 2007, se creusant au fil des exercices) et inhérentes au secteur d'activité concernés.
# sur l'élément matériel du licenciement
L'article L. 1233 - 3 du Code du Travail édicte que le licenciement pour motif économique suppose la suppression ou transformation de l'emploi, ou enfin la modification du contrat de travail non acceptée par le salarié.
La lettre de licenciement en l'espèce visait la suppression de l'emploi de Monsieur [H] [I] dans le cadre plus général de la suppression de l'activité de 'production de moules neufs intégrée', et c'est ce que la SAS SEPAL confirme dans ses conclusions. Monsieur [H] [I] conteste la réalité de cette suppression en faisant valoir qu'un autre salarié de l'entreprise, M. [V], utilise aujourd'hui le centre d'usinage '5 axes/DMU 50 évolution' autrefois utilisé par lui et servant à réaliser des pièces compliquées. Selon lui, si cette machine est encore utilisée, c'est que la production de moules neufs n'a pas été réellement supprimée.
Or, tout d'abord il n'est pas démontré par M. [H] [I], ni reconnu par la SAS SEPAL, que le centre d'usinage en question ne pourrait être utilisé que pour la fabrication des moules neufs, à l'exclusion de la fabrication de toutes autres pièces nécessaire à l'activité de l'entreprise. Ensuite, ce n'est pas parce qu'un autre salarié de l'entreprise effectue aujourd'hui, le cas échéant, les tâches autrefois confiées à M. [H] [I], que l'emploi de ce dernier n'a pas été effectivement supprimé, certaines tâches pouvant être redistribuées à des salariés déjà en place dans l'entreprise ce qui est bien le cas en l'espèce de M. [V]. La situation serait différente si l'employeur avait procédé à une nouvelle embauche pour faire réaliser ces tâches, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Au vu de ces éléments, la réalité de la suppression de l'emploi de Monsieur [H] [I] n'apparaît pas devoir être remise en cause.
# sur l'abus et la perte injustifiée de l'emploi par la multiplication des catégories professionnelles
* sur les caractéristiques des catégories professionnelles en l'espèce
Il ressort de la page 8 du document d'information et consultation du comité d'entreprise du 4 juin 2009 que la SAS SEPAL comptait, au moment du licenciement, 94 salariés répartis en 33 catégories professionnelles. Ainsi que l'a relevé le conseil de Prud'hommes, la multiplication de ces catégories au regard du nombre de salariés de l'entreprise est, en soi, excessive ; elle conduit, au vu du tableau en question, à ce que l'essentiel des catégories en cause comporte 1, 2 ou 3 salariés ; en cela, l'entreprise n'a, tout d'abord, pas respecté l'esprit des 'catégories professionnelles'servant de base à l'établissement de l'ordre des licenciements, définies par la jurisprudence comme 'regroupant l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune'. En l'espèce il n'y a pas eu véritablement de regroupement des salariés en catégories, mais bien plutôt un éclatement.
Cependant, la catégorie professionnelle concernée par M. [H] [I], apparaît à l'inverse, quant à elle et contrairement aux autres, procéder certes d'un regroupement, mais d'un regroupement artificiel puisque cette catégorie est intitulé 'Outilleur et technicien atelier', et que les effectifs correspondants sont ainsi quantifiés '10 + 2". C'est la seule catégorie de l'entreprise dont l'intitulé, dans le tableau en cause, révèle la coexistence de deux fonctions, et dont les effectifs, sont quantifiés avec l'utilisation du signe '+ ' ; cette présentation est un indice d'une apparente juxtaposition de deux fonctions distinctes, d'une part les outilleurs, d'autre part les techniciens d'ateliers, tandis que les autres catégories professionnelles de l'entreprise reposent à l'inverse sur une hyper-spécialisation sans aucun regroupement par type de fonction. En cela, il ne peut qu'être constaté, en premier lieu, que la SAS SEPAL n'a pas fait preuve de cohérence dans la constitution des catégories de salariés de l'entreprise au regard des licenciements.
En second lieu et surtout, il apparaît, au vu des explications de la SAS SEPAL, que le critère du regroupement des salariés dans la catégorie concernant Monsieur [I], a été le secteur d'activité des 'Moules'. Or, ce critère n'apparaît pas correspondre aux éléments d'une catégorie professionnelle, dès lors qu'un secteur d'activité ne regroupe pas nécessairement des fonctions identiques, tandis que les catégories professionnelles doivent regrouper des salariés exerçant des fonctions de même nature. A cet égard, le coefficient applicable aux différents salariés d'une même catégorie peut être un élément révélateur de l'identité ou de la similitude, puisque la répartition en catégories permet, entre autres, à l'employeur, de proposer au salarié un nouveau poste ou un reclassement dans un poste de niveau équivalent. Or force est de constater que les monteurs d'une part, les techniciens d'autre part ne relèvent pas des mêmes coefficients et ne bénéficient pas de niveaux de rémunération équivalents ; ainsi, Monsieur [H] [I] avait dans l'entreprise, atteint le coefficient 810 de la convention collective de la Plasturgie pour une rémunération mensuelle brute de 3 904,20 € (moyenne à octobre 2009) ; or le poste d'outilleur mouliste qui lui a été proposé avant son licenciement correspondait au coefficient 750 et à une rémunération mensuelle brute de 2 634 €. Il s'agit donc, de toute évidence, de postes qui n'ont pas le même niveau de rémunération.
Il en résulte que l'affectation de l'emploi de Monsieur [H] [I] dans une catégorie comprenant aussi les outilleurs a présenté un caractère artificiel, ne reposant notamment sur aucune équivalence de niveau de rémunération.
* sur les conséquences
La conséquence du caractère artificiel et non conforme de la catégorie professionnelle dans laquelle Monsieur [H] [I] a été placé, est que :
* le poste de travail de Monsieur [H] [I] certes a été supprimé,
* mais selon les critères d'ordre du licenciement, il ne devait pas être licencié ainsi que l'employeur le souligne lui-même,
* or en ne lui proposant, en modification de son contrat de travail, qu'un seul poste d'outilleur, à un coefficient et niveau de rémunération bien moindre, au seul motif qu'il relevait de la même catégorie professionnelle, sachant que le salarié ne pouvait l'accepter vu la différence de coefficient et de rémunération, l'entreprise est parvenue au résultat d'un licenciement de ce salarié, et par conséquent à un contournement des règles mêmes du licenciement, derrière une apparence de respect de la légalité des procédures.
Il en est de même, au surplus, de l'obligation de reclassement de l'employeur puisque, dans les mêmes conditions, ce dernier n'a proposé en reclassement à Monsieur [H] [I] que des postes d'outilleur ou équivalents, que ce dernier ne pouvait que refuser.
Ce contournement des règles, au préjudice du salarié, atteint son comble lorsque la SAS SEPAL expose que le poste de 'Technicien Cellule Devis' existant dans l'entreprise, et revendiqué par Monsieur [H] [I], n'a pu être proposé à ce dernier parce qu'il l'avait été à Monsieur [V] préalablement licencié, dans le cadre du reclassement., Ainsi, un salarié qui n'était pas concerné par le licenciement par l'application des critères d'ordre se retrouve finalement moins bien traité que celui qui a fait l'objet d'un licenciement immédiat, ce par le seul fait que les postes proposés au salarié dans le cadre d'une modification de son contrat de travail, comme relevant d'une même catégorie professionnelle artificielle, ne pouvaient qu'être refusés par lui compte-tenu de la non-équivalence de la classification et de la rémunération.
Un tel contournement des règles doit conduire à considérer que le licenciement de Monsieur [H] [I] est intervenu sans cause réelle et sérieuse. Le jugement doit donc être infirmé sur ce point.
Sur les demandes d'indemnités
# indemnité consécutive à la rupture du contrat de travail
Monsieur [H] [I] demande l'allocation d'une somme totale de 80 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la rupture de son contrat de travail. Il expose être père de trois enfants et n'avoir pas retrouvé d'activité au lendemain de son licenciement, tandis que son épouse travaille à temps partiel. Il établit, ainsi, avoir étaient indemnisé par POLE EMPLOI du 2 octobre 2009 au 7 janvier 2011. Compte-tenu, en outre, de son ancienneté de 14 ans dans l'entreprise, et de son âge soit 44 ans au moment du licenciement, enfin du dernier niveau de sa rémunération (de l'ordre de 3 900 € bruts mensuels en moyenne), il peut lui être alloué, en réparation de son préjudice, la somme totale de 50 000 € à titre de dommages-intérêts.
A cet égard, contrairement à ce qu'écrit la SAS SEPAL, le montant des six derniers mois de salaires fixé pour l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse par l'article L. 1235-3 du Code du Travail n'est pas forfaitaire mais minimal ; le montant de cette indemnité peut prendre en considération notamment la durée du travail dans l'entreprise. Enfin, elle est due sans préjudice de l'indemnité de licenciement et des autres indemnités consécutives à la rupture, notamment celle compensatrice du préavis.
# indemnité pour non-respect des engagements du PSE en matière de reclassement externe
Monsieur [H] [I] fait valoir que la SAS SEPAL s'est engagée, dans le PSE, à mettre en place une cellule de reclassement dans le cadre de laquelle il devait bénéficier, au minimum, de 2 'OVE.' (Offre Valable d'Emploi). Il soutient s'être vu proposer aucune OVE dans le cadre de la cellule de reclassement, ces offres devant s'entendre, aux termes du PSE, de postes 'dont la rémunération est égale à 80 % de l'ancienne rémunération brute et dont le lieu géographique se situe dans un rayon de 50 km ' alors que, si la SAS SEPAL invoque trois offres de postes, elle ne mentionne aucunement le montant de la rémunération. Or, c'est à Monsieur [H] [I] qu'il appartient de prouver que la SAS SEPAL n'a pas respecté son obligation et, par conséquent, que les postes qui lui ont été ainsi proposés ne remplissaient pas les critères du PSE. Or il ne le démontre pas puisqu'il ne soutient ni avoir été tenu dans l'ignorance du montant de rémunération du poste proposé, ni que ce poste l'ait été pour une rémunération insuffisante par rapport aux engagements du PSE, les pièces fournies, notamment les compte-rendus périodiques de la cellule de reclassement ALTEDIA versés aux débats, ne mentionnant en rien, pour les trois postes proposés en externe, un manque d'information sur le salaire ou un refus du salarié au seul motif de la rémunération.
Il en résulte que Monsieur [H] [I] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, et que dès lors sa demande de dommages-intérêts complémentaires ne peut qu'être rejetée ainsi que le premier juge en a décidé.
Sur les demandes accessoires
La SAS SEPAL, qui succombe sa position et en son appel, devra supporter les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de Procédure Civile. Pour les mêmes motifs, il ne peut être fait application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en sa faveur.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [H] [I] tout ou partie des frais exposés dans le cadre de la présente et non compris dans les dépens ; il y a donc lieu de lui allouer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en sus de celle allouée par les premiers juges à ce titre, qu'il apparaît équitable de confirmer.
Par ces Motifs
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au Greffe après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré uniquement en ce qui concerne les dépens et l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'INFIRME pour le surplus et, statuant à nouveau,
DIT que le licenciement de Monsieur [H] [I] est intervenu sans cause réelle et sérieuse.
CONDAMNE par conséquent la SAS SEPAL à payer à Monsieur [H] [I] :
* la somme de 50'000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail toutes causes confondues,
* la somme supplémentaire de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
REJETTE toutes les autres demandes.
CONDAMNE la SAS SEPAL aux dépens.
PRONONCÉ publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
SIGNÉ par Monsieur DELPEUCH, Président, et Madame KALAI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT