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24/10/2012 | FRANCE | N°11/04016

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 24 octobre 2012, 11/04016


RG N° 11/04016



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Notifié le :



Grosse délivrée le :







AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU MERCREDI 24 OCTOBRE 2012







Appel d'une décision (N° RG F10/00247)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN-JALLIEU

en date du 21 juin 2011

suivant déclaration d'appel du 25 Juillet 2011





APPELANT :



Monsieur [K] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Comparant et assisté de Me Patrick BLANC (avocat au barreau de BOURGOIN JALLIEU)





IN...

RG N° 11/04016

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MERCREDI 24 OCTOBRE 2012

Appel d'une décision (N° RG F10/00247)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN-JALLIEU

en date du 21 juin 2011

suivant déclaration d'appel du 25 Juillet 2011

APPELANT :

Monsieur [K] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Comparant et assisté de Me Patrick BLANC (avocat au barreau de BOURGOIN JALLIEU)

INTIMEE :

EURL PORCHER TISSAGES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

75 RD 1085

[Localité 2]

Comparante en la personne de sa responsable des ressources humaines madame [Z] dûment mandatée et assistée de Me Philippe GAUTIER (avocat au barreau de LYON)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Hélène COMBES, Conseiller, FF de Président

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

Monsieur Frédéric PARIS, Conseiller,

Assistés lors des débats de Monsieur Laurent LABUDA, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 19 Septembre 2012,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 24 Octobre 2012.

L'arrêt a été rendu le 24 Octobre 2012.

RG : 11/4016FP

M. [S] a été embauché le 14 janvier 1974 en qualité d'ouvrier tisseur à la société PORCHER, fabriquant de tissus en fil de verre.

Il occupait alors un poste de tisseur en équipe de nuit sur le site de Badinières.

Il a subi un accident du travail le 1er septembre 2009.

Les visites de reprises ont été effectuées les 4 et 18 février 2010.

M. [S] a été déclaré inapte lors de la 2ème visite du médecin du travail à tout poste, inapte au poste de tisseur, inapte à tout poste exposant au bruit et sollicitant les deux membres supérieurs ; inapte à toute activité de manutention.

L'employeur a notifié à M. [S] par lettre du 26 avril 2010 son impossibilité à opérer un reclassement dans le groupe PORCHER.

M. [S] a été licencié le 19 mai 2010 pour inaptitude au poste de tisseur et à tous les postes dans l'entreprise et l'impossibilité de proposer un poste de reclassement au sein de l'entreprise PORCHER TISSAGES et au sein du groupe PORCHER INDUSTRIES.

M. [S] a saisi le conseil des prud'hommes de [Localité 3] le 12 octobre 2010 d'une demande d'indemnité pour non-respect de l'obligation de reclassement, pour un montant de 59 085,36 € correspondant à 24 mois de salaires.

Par jugement du 21 juin 2011 le CPH a débouté M. [S] de ses demandes.

M. [S] a interjeté appel.

Par conclusions il demande à la cour de :

- réformer le jugement déféré,

- constater le non- respect de l'obligation de reclassement,

- condamner la société PORCHER à lui payer la somme de 59 085,36 € et celle de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile (CPC).

Il soutient que l'employeur doit rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement.

La société PORCHER a limité ses recherches à certains postes et certains sites.

L'employeur n'a pas donné la liste complète de tous les postes sur les 4 sites du groupe PORCHER au médecin du travail.

Il pouvait être reclassé sur des postes de visite avec un aménagement du poste, de laboratoire ou de règleur de buse. Il était apte pour ces postes.

La société PORCHER ne s'est pas acquittée avec sérieux et loyauté de son obligation de reclassement.

Par conclusions la société PORCHER TISSAGES demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de lui accorder la somme de 500 € au titre de l'article 700 du CPC.

Elle fait valoir qu'elle a recherché un poste en interne et dans les sociétés du groupe.

Aucun poste compatible avec les restrictions médicales n'était disponible.

Le médecin du travail a écarté le poste visite, en plus aucun poste n'était disponible dans ce service.

Au laboratoire, l'entreprise a adopté un plan de sauvegarde pour l'emploi et dans ce cadre elle a fait appel à des départs volontaires, il n'y avait donc pas de postes disponibles dans ce service à la date à laquelle devait être reclassé M. [S].

S'agissant du régleur de buse, il n'y a aucun poste disponible depuis l'accident du travail, et les missions de ce poste ne sont pas compatibles avec les restrictions d'aptitude du salarié, compte tenu qu'il faut se servir des bras.

Sur l'indemnité demandée, la demande est exorbitante et M [S] ne justifie pas de sa situation actuelle.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'obligation de reclassement

L'article L 1226-10 du code du travail dispose que «'lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.'».

Il résulte de ces dispositions que l'employeur est tenu d'une obligation de reclassement.

Il s'agit d'une obligation de moyen renforcée.

Il doit ainsi s'efforcer de trouver un poste de reclassement en mettant en 'uvre toutes les mesures à sa disposition, telles mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail dans l'entreprise ou au sein du groupe à laquelle l'entreprise appartient.

Les recherches de reclassement doivent être compatibles avec les avis du médecin du travail, et les postes doivent être disponibles.

Il appartient à l'employeur d'établir qu'il a mis en 'uvre cette obligation.

En l'espèce, il n'est pas discuté que l'inaptitude est d'origine professionnelle.

La société PORCHER TISSAGE ne verse pas aux débats de documents permettant de connaître précisément la composition du groupe PORCHER et l'effectif total du groupe.

Il est juste justifié de l'existence de 4 sites sur le département de l'Isère.

L'extrait d'articles de presse dont la teneur n'est pas critiquée par l'employeur fait état d'un groupe qui emploie 2000 salariés dans le monde, dont 600 dans le Nord Isère.

Après des demandes effectuées exclusivement sur trois sites du département de l'Isère, ceux de [Localité 2], [Localité 7], et [Localité 4] et de l'Ardèche, il a été proposé un seul poste, celui d'adhérisseur câbleur sur le site de la Voulte situé dans le département de l'Ardèche.

Le médecin du travail consulté par la société PORCHER a émis un avis négatif sur ce poste, compte tenu des inaptitudes de M.' [S].

Il est surtout établi par les pièces du dossier que dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi sur le site de la [Localité 4], la société Porcher prévoyait des départs volontaires.

Mme [I] occupant un poste d'ouvrier au laboratoire avait fait acte de candidature le 27 novembre 2009.

Il n'est pas contesté que le poste de cette salariée était compatible avec l'aptitude restreinte de M. [S].

Le délai pour se porter candidat à un départ volontaire était fixé au 30 juin 2010 et l'employeur a donné à Mme [I] selon lettre du 22 décembre 2009 un accord de principe en précisant que «'dans la mesure où vous n'appartenez pas à une catégorie professionnelle impactée par le projet de licenciement, c'est-à-dire par une ou des suppressions de postes, votre demande ne pourra être acceptée de manière définitive que si votre départ volontaire permet d'éviter un licenciement.'».

Il ajoutait que «'autrement dit, l'acceptation définitive de votre demande dépendra de l'acceptation de votre poste en tant que proposition de reclassement par un salarié concerné par un projet de licenciement.'».

La société PORCHER était donc en mesure de libérer un poste au laboratoire lorsqu'elle a effectué les recherches de reclassement au sein des sociétés du groupe en mars 2010, la liste des départs volontaires dans le cadre du PSE n'étant arrêtée qu'au 30 juin 2010 soit à une date postérieure à l'avis médical d'inaptitude de M. [S] du 18 février 2010, date de la 2ème visite de reprise effectuée par le médecin du travail.

Rien n'interdisait dès lors la société PORCHER de proposer ce poste à M. [S] avant de constater l'impossibilité de reclassement notifié à M. [S] le 26 avril 2010.

De plus si le poste concernant la visite n'était pas compatible avec l'état de santé de M. [S], il n'est versé par contre aucun élément sur le poste de régleur de buse permettant au juge de vérifier si les affirmations de la société PORCHER concernant la transformation de ce poste, et l'incompatibilité de ce poste avec l'état de santé de M. [S] sont exactes.

Enfin, aucun élément concernant les autres sites du groupe n'est versé aux débats.

Dans ces conditions la société PORCHER a été défaillante dans l'exécution loyale de son obligation de reclassement.

Sur le préjudice

M. [S], du fait du non-respect de l'obligation de reclassement, a droit à une indemnité s'élevant au moins à un an de salaire conformément à l'article 1226-15 du code du travail.

Agé de 60 ans lors du licenciement, M. [S] n'a pas retrouvé de travail.

Il percevait un salaire mensuel brut de 1602 € et a bénéficié d'allocations chômage du 11 juillet 2010 au 31 mars 2012 d'un montant moyen de 1500 € par mois.

Compte tenu de ces éléments, de l'ancienneté très importante de 36 années de M. [S] au sein de la société, il sera accordé à ce dernier une indemnité de 50'000 €.

Sur les demandes accessoires

La société PORCHER partie perdante tenue aux dépens de première instance et d'appel devra indemniser la partie adverse des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Par ces motifs la Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

DIT que la société PORCHER TISSAGES n'a pas satisfait à son obligation de reclassement,

CONDAMNE la société PORCHER TISSAGES à payer à M. [S] la somme de 50'000 € à titre d'indemnité et celle de 2000 € au titre de l'article 700 du CPC.

CONDAMNE la société PORCHER TISSAGES aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame COMBES, Président, et Madame HAMON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/04016
Date de la décision : 24/10/2012

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°11/04016 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-24;11.04016 ?
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