RG N° 12/00919
N° Minute :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU JEUDI 04 OCTOBRE 2012
Appel d'une décision (N° RG 20110037)
rendue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VALENCE
en date du 15 décembre 2011
suivant déclaration d'appel du 18 Janvier 2012
APPELANTE :
LA MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE ARDECHE DROME LOIRE Régime de protection sociale des salariés et non salariés agricoles
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée Me Bernard GALLIZIA substitué par Me DUMOULIN (avocats au barreau de GRENOBLE) qui dépose son dossier
INTIMEE :
Madame [E] [C]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Comparante en personne, assistée de Me Katia GUILLERMET (avocat au barreau de LYON)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,
Monsieur Frédéric PARIS, Conseiller,
Madame Astrid RAULY, Conseiller,
DEBATS :
A l'audience publique du 06 Septembre 2012, M. PARIS, chargé(e) du rapport, et M. DELPEUCH, assisté(e)s de Mme Corinne FANTIN, Adjoint faisant fonction de Greffier, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoirie(s), conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Notifié le :
Grosse délivrée le :
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 04 Octobre 2012, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 04 Octobre 2012.
Mme [E] [C] née [G] a effectué un rachat de cotisations d'assurance sociale arriérées pour une activité de salariée agricole au cours des périodes du 1er juillet au 31 août des années 1966 et 1967.
Il s'agissait de ramassage de fruits chez M. [X] [U] à [Localité 6].
La MSA a accepté le rachat le 2 juin 2005 ce qui a permis à Mme [C] de valider six trimestres.
Mme [C] a fait valoir ses droits à la retraite en juillet 2008.
Après examen a posteriori du dossier courant août 2010, la MSA a relevé que les deux témoins de Mme [C] ne l'avaient pas vu travailler, et que la signature de l'une des attestations ne correspondait à pas à l'auteur de celle-ci.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 février 2011 la MSA a notifié à Mme [C] l'annulation du rachat de cotisations en raison de son caractère frauduleux.
Mme [C] a saisi la commission de recours amiable de la MSA le 14 février 2011.
Par décision du 4 août 2011 la commission de recours amiable a maintenu cette décision.
Mme [C] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valence le 29 avril 2011.
Par jugement du 15 décembre 2011, le TASS de [Localité 6] a déclaré valable le rachat, et condamné la MSA à verser à Mme [C] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile (CPC).
La MSA a interjeté appel par déclaration du 18 janvier 2012.
Par conclusions la MSA demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré,
- constater le caractère frauduleux du dossier,
- confirmer la décision d'annulation du rachat de cotisations pour le motif de fraude,
- condamner Mme [C] à payer à la MSA la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du CPC.
En la forme elle soutient que la décision de la MSA était opposable en ce qu'elle a été notifiée à Mme [C], et que celle-ci a pu saisir la commission de recours amiable.
Au fond, l'article R 351-11 du code de la sécurité sociale prévoit la possibilité sous réserve de justifier d'une activité, de procéder au versement de cotisations afférentes à une activité antérieure de plus de trois ans.
L'assuré doit justifier du travail, ou à défaut produire une déclaration sur l'honneur et contresignée par deux témoins.
La circulaire régissant le rachat des cotisations précise que les témoins doivent être en âge de connaître l'intéressé et de l'avoir vu travailler.
En l'espèce il s'agissait de ramassage de fruits ; les témoins n'ont pas vu travailler Mme [C].
La signature portée sur l'une des attestations n'est pas celle de Mme [M].
Des investigations complémentaires de la caisse ont permis d''établir en recoupant plusieurs dossiers de rachat, l'existence d'un réseau de personnes ayant des liens familiaux, amicaux, professionnels qui ont procédé à des rachats de cotisations en témoignant chacune leur tour les unes en faveur des autres.
Ces constatations ont conforté l'opinion de la MSA quant au caractère frauduleux de la déclaration de Mme [C].
Par conclusions Mme [C] demande à la cour de :
- déclarer la décision de la MSA inopposable à Mme [C],
- confirmer le jugement déféré,
- ordonner le versement des prestations retraites et de ses arriérés à Mme [C],
- condamner la MSA à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du CPC.
Elle fait valoir que la MSA ne lui a pas notifié le contrôle contrairement à ce que prévoit l'article D 724-9 du code rural, ce qui rend la décision de la MSA inopposable, celle-ci reposant sur le contrôle.
Elle a produit des témoignages véritables, confirmé lors du premier jugement par d'autres témoignages.
Il est normal que les témoins se connaissent, et il ne peut être tiré de cette circonstance l'existence d'une fraude.
La circulaire invoquée par la MSA n'est pas opposable aux administrés.
Il ne peut être exigé que les témoins aient été présents sur le lieu de travail.
Il est suffisant notamment que les témoins soient venus accompagner la personne sur le lieu de travail.
La MSA dans ses recoupements a procédé par amalgame.
Mme [M] a confirmé son témoignage devant le TASS en faveur de Mme [C], il ressort des deux attestations que Mme [M] a apposé sur l'une des attestations une signature professionnelle, et sur l'autre une signature personnelle. Il n'y a donc aucun faux en écriture.
La décision de la MSA a placé les époux [C] dans une situation financière très difficile, les droits à la retraite de Mme [C] ont été suspendus, ce qui justifie l'allocation d'une indemnité de 5 000 € au titre du préjudice économique subi.
MOTIFS DE LA DECISION
Il est constant que Mme [C] n'a pas reçu de lettre d'observations de la MSA suite à la procédure de contrôle engagée par la caisse et n'a pu ainsi faire valoir ses observations ou ses contestations avant que la MSA ne prenne la décision d'annulation critiquée.
Or l'article D 724-9 du code rural dispose qu'à l'issue du contrôle, la caisse de mutualité sociale agricole adresse au moyen d'une lettre recommandée avec avis de réception aux personnes contrôlées un document rappelant l'objet du contrôle, et mentionnant les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle, et s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature et du mode de calcul des redressements d'assiette et de taux envisagés, ou du montant des prestations à reverser, tels que connus à cette date.
La personne contrôlée dispose d'un délai de trente jours pour faire part de sa réponse à ces observations.
Le recouvrement des prestations indues, des cotisations, des pénalités et des majorations de retard ne peut intervenir qu'au terme du délai prévu de trente jours.
Cette disposition fait obligation aux agents de contrôle des caisses de mutualité sociale agricole de communiquer leurs observations à l'employeur en l'invitant à y répondre dans un délai déterminé.
La lettre d' observations constitue une formalité substantielle en ce qu'elle est destinée à assurer le caractère contradictoire du contrôle et la sauvegarde des droits de la défense entraînant non seulement l'inopposabilité du contrôle mais aussi la nullité de ce contrôle et de la procédure subséquente.
La MSA n'ayant pas respecté les formalités prévues à l'article D 724-9 du code rural, elle ne peut dès lors procéder au recouvrement de prestations indues puisque toute décision prise sur la base d'un contrôle non régulier est nulle.
Il convient dès lors d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré opposable à Mme [C] la décision d'annulation de rachat, et de le confirmer en ce qui concerne la déclaration de validité des rachats des cotisations arriérées relatives aux périodes du 1er juillet au 31 août des années 1966 et 1967.
La demande de dommages et intérêts sera déclarée irrecevable comme n'ayant pas été incluse dans le dispositif des conclusions de Mme [C], et n'ayant pas été demandée lors de l'audience.
La partie perdante tenue aux dépens d'appel devra indemniser la partie adverse des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Par ces motifs
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME partiellement le jugement déféré en ce qu'il a déclaré opposable à Mme [C] la décision d'annulation de rachat.
LE CONFIRME en toutes ses autres dispositions.
CONDAMNE la MSA de l'Ardèche, Drôme et Loire à payer à Mme [C] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du CPC.
CONDAMNE la MSA de l'Ardèche, Drôme et Loire aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Madame FANTIN, faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président