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29/03/2012 | FRANCE | N°11/02017

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 29 mars 2012, 11/02017


RG N° 11/02017

+RG 11/2172

N° Minute :













































































































AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE

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ARRÊT DU JEUDI 29 MARS 2012







Appel d'une décision (N° RG 10/00195)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 04 avril 2011

suivant déclaration d'appel du 20 Avril 2011



APPELANTE :



La SAS CHARLES ANDRE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Jea...

RG N° 11/02017

+RG 11/2172

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 29 MARS 2012

Appel d'une décision (N° RG 10/00195)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 04 avril 2011

suivant déclaration d'appel du 20 Avril 2011

APPELANTE :

La SAS CHARLES ANDRE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean-Pierre VOLFIN (avocat au barreau de TARASCON)

INTIME :

Monsieur [Y] [R]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Comparant et assisté par Me Michel DUHAUT (avocat au barreau de GRASSE)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Monsieur Bernard VIGNY, conseiller, faisant fonction de président,

Madame Hélène COMBES, conseiller,

Madame Dominique JACOB, conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 Février 2012,

Madame Hélène COMBES, chargée du rapport, et Monsieur Bernard VIGNY, assistés de Melle Sophie ROCHARD, Greffier, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoirie(s), conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Notifié le :

Grosse délivrée le :

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 29 Mars 2012, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 29 Mars 2012.

R.G. : 11/2017HC

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat à durée indéterminée du 2 avril 2002, [Y] [R] a été embauché par la société Charles André en qualité de directeur des systèmes d'information.

Il a été licencié par courrier du 21 mars 2008 avec dispense d'exécuter le préavis, l'employeur lui reprochant d'avoir de son propre chef mis en place un système de suivi des heures effectuées par les salariés préjudiciable aux intérêts de la société.

Le 7 avril 2008, il a saisi le conseil de prud'hommes de Montélimar d'une contestation de son licenciement.

Après radiation de l'affaire le 18 janvier 2010 et réinscription au rôle le 22 juillet 2010, le conseil de prud'hommes a par jugement du 4 avril 2011, dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Charles André à payer à [Y] [R] avec exécution provisoire :

- 137.205 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 7.622,50 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 5.525,40 euros à titre de rappel de salaire et 552,54 euros au titre des congés payés afférents,

- 26.631,44 euros au titre des heures supplémentaires et 2.663,14 euros au titre des congés payés afférents,

- 9.000 euros au titre de la prime sur objectifs,

- 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.

Le conseil a ordonné la remise d'une attestation Pôle Emploi rectifiée et le remboursement des indemnités de chômage dans la limite de six mois.

La société Charles André a relevé appel le 20 avril 2011 et [Y] [R] le 26 avril 2011.

[Y] [R] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ses dispositions relatives à la prime d'objectifs (9.000 euros).

L'infirmant pour le surplus il demande la condamnation de la société Charles André à lui payer les sommes suivantes :

- 339.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 66.000 euros en réparation des circonstances vexatoires de la rupture,

- 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 44.717 euros à titre de rappel de salaire et 4.471 euros au titre des congés payés afférents, 

- 251.800 euros au titre des heures supplémentaires et 25.180 euros au titre des congés payés afférents,

- 45.000 euros au titre du travail dissimulé.

Il demande également la capitalisation des intérêts à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et 4.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Il expose qu'à compter de 2003, il a contesté les modalités de sa rémunération et a sollicité les moyens d'exécuter correctement sa mission.

Il fait valoir que son licenciement est la conséquence de ces demandes.

Sur le licenciement, il rappelle que la cause doit être réelle, établie, objective, exacte et sérieuse.

Il indique que la décision de le licencier était prise depuis plusieurs semaines et soutient qu'au jour du licenciement, la faute reprochée n'était pas avérée.

Il observe sur ce point que le programme informatique à l'origine de son licenciement est toujours dans l'entreprise.

Il soutient encore que plusieurs motifs (déloyauté et incompétence) ne peuvent être tirés d'un même fait et conteste le grief d'incompétence après six années de relation contractuelle.

Il invoque également l'existence de motifs contradictoires dans la lettre de licenciement, la société Charles André après avoir rappelé son indépendance et son autonomie, lui reprochant de ne pas avoir sollicité son autorisation lors de la mise en place de l'outil.

Il ajoute que la mise en doute de ses qualités professionnelles et la décision précipitée de le licencier, confèrent à la rupture une dimension vexatoire et conteste avoir fait preuve de déloyauté procédurale.

Sur le harcèlement moral, il invoque plusieurs faits, comme l'interdiction de participer à un salon professionnel au mois de mars 2008, et la volonté de l'employeur de se débarrasser de lui.

Il indique que la dégradation de sa situation professionnelle dans les derniers mois a provoqué une dépression nerveuse qui a détruit son couple.

Sur les heures supplémentaires, il fait valoir qu'il était cadre supérieur chef de service mais non cadre dirigeant puisqu'il ne participait pas à la direction de l'entreprise.

Il indique qu'il n'avait aucune délégation de pouvoir, qu'il travaillait sous la direction du directeur administratif et financier et qu'aucune convention de forfait n'avait été conclue, de sorte que soumis à l'horaire légal de travail, il est en droit de réclamer le paiement des heures de travail accomplies au-delà de la durée hebdomadaire de 35 heures.

Il invoque au soutien de sa demande les attestations qu'il produit, de même que les informations données par l'outil de gestion du service informatique.

Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, il relève que la dissimulation de l'employeur est exclusive de toute bonne foi.

Sur la demande de rappel de salaires, il indique qu'il a perçu une rémunération inférieure à celle qui est prévue au contrat et soutient que les sommes attribuées au titre de l'intéressement, ne sont pas des éléments de salaire et ne peuvent se substituer à un élément de rémunération.

Sur sa situation personnelle, il précise qu'il n'a pas retrouvé d'emploi et qu'il a dû emprunter de l'argent pour racheter une entreprise dont il tire des revenus très inférieurs au salaire que lui versait la société Charles André.

La société Charles André conclut au rejet de toutes les demandes et réclame 4.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Sur le licenciement, elle fait valoir que [Y] [R] a mis en place un programme de gestion des projets informatiques dont le but initial était la planification des projets informatiques.

Elle expose que cette fonction initiale a été dévoyée par le salarié, puisqu'engendrant une base automatique de 40 heures par semaine pour les cadres, elle a permis à des salariés de revendiquer le paiement d'heures supplémentaires sur la base de ce programme de gestion, sans possibilité pour l'employeur de vérifier le bien fondé des demandes.

Elle explique que le système informatique recueillait des informations invérifiables sur les heures effectuées par les cadres du service informatique alors même que le système des gestions n'avait nullement pour objet de justifier du nombre d'heures de travail et que les salariés se trouvaient en situation de solliciter le paiement d'heures non effectuées.

Elle dénonce le caractère aléatoire du nombre d'heures de travail saisi par le système et dont l'employeur ne pouvait vérifier l'exactitude.

Elle soutient que par son comportement, [Y] [R] a fait preuve de déloyauté et qu'il a directement attenté aux intérêts de son employeur ;

qu'il a en outre manifestement fait prévaloir son propre intérêt, puisqu'il s'est fondé sur ce programme dès le 15 février 2008 pour solliciter le paiement des heures supplémentaires qu'il disait avoir accomplies.

Elle précise que si elle a continué d'utiliser le programme des gestions après le licenciement de [Y] [R], c'est uniquement dans sa fonction initiale.

Elle ajoute que [Y] [R] a fait preuve de déloyauté tout au long de la procédure en fabriquant de fausses pièces.

Sur les autres demandes, elle réplique :

- qu'il a perçu la rémunération globale prévue au contrat,

- qu'en tant que cadre dirigeant, sa rémunération était importante (groupe 7 des cadres supérieurs) et qu'il ne peut réclamer des heures supplémentaires,

- qu'en tout hypothèse, il avait une totale autonomie, aucun horaire de travail ne lui étant imposé et qu'il ne justifie pas des horaires réalisés.

Elle conteste toute dissimulation d'activité, toute mesure vexatoire et tout harcèlement moral.

DISCUSSION

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;

Attendu qu'il convient d'ordonner la jonction des affaires inscrites au répertoire général sous les numéros 11/2017 et 11/2172 ;

Attendu que la société Charles André ne conteste pas les dispositions du jugement sur la prime d'objectifs (9.000 euros) qui seront dès lors confirmées ;

1 - Sur le licenciement

Attendu qu'embauché le 2 avril 2002 en qualité de directeur des services d'information, [Y] [R] était en charge de l'administration du réseau, du développement des programmes, de la gestion du parc, de la maintenance et de l'assistance technique ;

Attendu qu'au cours de la relation contractuelle, il a fait de nombreuses réclamations relatives à sa rémunération (24 janvier 2003, 29 avril 2005, 30 mai 2005, 22 septembre 2005, 23 novembre 2005, 9 juillet 2007, 13 août 2007, 11 octobre 2007, 30 novembre 2007, 13 décembre 2007, 21 janvier 2008) ;

que la dernière est un courrier recommandé du 15 février 2008 dans lequel il déplore une rémunération inférieure à la rémunération convenue, l'absence d'augmentation de son salaire, les difficultés rencontrées pour obtenir le paiement du bonus et invoque une créance de 44.717 euros au titre des salaires et de 239.233 euros au titre des heures supplémentaires ;

Attendu que dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la société Charles André lui reproche son manque de loyauté caractérisé par la mise en place d'un programme de suivi des projets préjudiciables aux intérêts de l'entreprise en ce qu'il permet aux salariés de réclamer le paiement d'heures supplémentaires dont la réalité ne peut être vérifiée par l'entreprise ;

qu'elle lui reproche également un revirement de position permettant de douter de sa loyauté et de sa capacité à faire la distinction entre son intérêt personnel et celui de la société ;

Attendu qu'il ressort des explications fournies par les parties lors de l'audience et des pièces versées aux débats, que le système litigieux est destiné à la planification et au suivi des projets menés par les salariés du service informatique ;

Attendu que bien qu'aucun document contemporain de son élaboration ne soit versé aux débats, il résulte des pièces produites que ce programme n'était en aucune façon un outil de calcul ou de suivi des horaires des salariés de sorte que si les projets étaient planifiés sur la base d'un horaire de 40 heures par semaine pour les cadres du service, cet horaire était purement théorique et ne pouvait servir de fondement à des réclamations ;

Attendu que [Y] [R] a rappelé ce point lorsqu'au mois de septembre 2007, [K] [V] salarié du service informatique, a sollicité du directeur des ressources humaines le paiement d'heures supplémentaires ;

Attendu qu'en réponse à sa demande, [K] [V] a été reçu en entretien le 6 septembre 2007, par [I] [L] et [Y] [R], ce dernier ayant rédigé en ces termes le compte-rendu de l'entretien :

'Il montre très clairement que les heures supplémentaires sont un levier pour entamer une discussion avant son départ. (....)

Nous lui avons indiqué que nous ne partageons pas son approche et que nous ne sommes pas d'accord sur les heures supplémentaires faites.

A aucun moment nous lui avons validé des heures supplémentaires.

Ces deux 'arguments' sont :

1. Une note que j'aurai faite il y a des années avant son arrivée dans le groupe indiquant que les horaires étaient jusqu'à 18h.

2. La gestion de projet où nous travaillons sur une charge de jours.homme de 40h.

J'ai donc reprécisé les deux éléments :

Pour le premier point : un email fut effectivement envoyé avant son arrivée indiquant qu'il n'y aurait plus de récupération et que les horaires (....)

Sur le deuxième point : Le suivi de projet se base sur 40h pour calculer une charge en jours.homme théorique mais en aucun cas un calcul d'horaires ou un suivi des horaires.

De plus [K] peut saisir ce qu'il désire dans le système sans qu'un control de sa hiérarchie ne soit effectué. C'est donc un outil de travail pour la gestion des projets mais non pas un suivi et control des horaires. (...)

A la suite de cela NL est venu me voir dans mon bureau pour me demander quels étaient ces horaires.

J'ai immédiatement demandé à [M] [T] de venir m'assister comme témoin dans ma réponse afin que celle-ci ne soit pas sortie du contexte.

Ma réponse fut : 'tes horaires sont ceux en vigueur dans le groupe et spécifié sur le tableau d'affichage à l'entrée principal des employés et sont ceux que tu dois respectés depuis ton entrée dans le groupe.'

Attendu qu'au vu de ce compte-rendu, [W] [Z], directeur des ressources humaines, a par courrier du 20 septembre 2007 adressé une fin de non recevoir à [K] [V] en reprenant l'argumentation de [Y] [R] sur le deuxième point, expliquant que la charge de 40 heures en jour/homme est purement théorique ;

Attendu qu'il ressort du compte-rendu du 6 septembre 2007 que selon le concepteur du programme lui-même, il ne peut être utilisé pour calculer ou suivre les horaires, dès lors que la saisie se fait sans aucun contrôle de la hiérarchie ;

que c'est en des termes dénués de toute ambiguïté que [Y] [R] a contesté la possibilité pour [K] [V] de réclamer le paiement d'heures supplémentaires sur la base du programme de gestion de projets et qu'il a fait appel à un salarié de l'entreprise pour lui communiquer sa réponse, afin qu'elle ne soit pas dénaturée ;

Attendu que deux semaines après qu'il ait formulé une demande tendant au paiement de la somme de 239.233 euros au titre des heures supplémentaires et près de six mois après qu'il ait argumenté en faveur du rejet de la demande d'heures supplémentaires de [K] [V], [Y] [R] a écrit à [W] [Z] :

'Je reviens vers toi concernant la demande de paiement des heures supplémentaires de [K] [V] et de son action en justice.

J'ai vérifié l'ensemble de ces éléments que son avocat a avancé dans ses conclusions et il me parait évident que sa demande est fondée.

Soit nous procédons au paiement de ces heures, soit vous ne désirez pas le faire mais dans ce dernier cas je te demande de me donner des instructions précises par retour de la présente car, comme je viens de le dire, sa demande est fondée.' ;

Attendu que dans ce courrier, [Y] [R] n'explique pas les éléments sur lesquels il s'est appuyé pour revoir sa position et affirme de façon péremptoire que la demande du salarié est justifiée ;

Attendu que la société Charles André ne peut sérieusement reprocher à [Y] [R] d'avoir à son insu mis en place un système fortement préjudiciable aux intérêts de l'entreprise, dès lors qu'il était admis que le programme n'avait aucune finalité de contrôle des horaires ;

Attendu que le grief concernant la déloyauté doit en revanche être retenu ;

qu'il ressort en effet de la chronologie ci-dessus rappelée, qu'à la seule fin de conforter sa demande au titre des heures supplémentaires (239.233 euros ), [Y] [R] n'a pas hésité à prendre une position radicalement contraire à celle qu'il avait prise quelques mois plus tôt sans expliquer en quoi que ce soit la raison de son revirement ;

Attendu que la société Charles André soutient à juste titre que ce revirement traduit l'incapacité de [Y] [R] à faire la distinction entre son intérêt personnel et celui de l'entreprise ;

que le manquement du salarié à son obligation de loyauté justifie la rupture du contrat de travail ;

Attendu que le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que [Y] [R] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu'aucun élément ne permet de retenir que la rupture du contrat de travail s'est faite dans des conditions vexatoires, de sorte que [Y] [R] sera également débouté de sa demande de ce chef ;

Attendu [Y] [R] n'établit pas que sa charge de travail était inacceptable ;

que le seul fait que trois jours après la convocation à l'entretien préalable, la société Charles André ait décidé de ne pas l'envoyer à un salon professionnel, ne saurait caractériser un harcèlement moral au sens de l'article L 1152-1 du code du travail ;

qu'il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

2 - Sur le rappel de salaire

Attendu qu'au soutien de sa demande de rappel de salaire, [Y] [R] fait valoir qu'alors que sa rémunération brute contractuelle était fixée à 91.470 euros par an (soit 7.622,50 euros par mois), il a perçu une somme inférieure tout au long de la relation contractuelle ;

Attendu qu'en application des dispositions de l'article L 3312-4 du code du travail, les sommes versées au titre de l'intéressement n'ont pas le caractère de rémunération ;

Attendu que sur la base des salaires versés, le conseil de prud'hommes a fait un exact calcul du différentiel dû et ce dans les limites de la prescription ;

qu'il est en effet de jurisprudence constante que l'envoi de lettres recommandées de réclamation n'a pas d'effet interruptif de la prescription, de sorte la demande de rappel de salaire de [Y] [R] ne peut être faite qu'à compter du 7 avril 2003 ;

que le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de salaire de [Y] [R] à hauteur de 5.525,40 euros outre les congés payés afférents ;

3 - Sur les heures supplémentaires

Attendu que la société Charles André n'établit pas en quoi [Y] [R] qui n'avait aucune délégation de pouvoir, était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome ;

Attendu que la société Charles André ne le contredit pas lorsqu'il indique dans ses écritures qu'il effectuait avec son supérieur hiérarchique les entretiens annuels des membres de son équipe, qu'il recevait des directives et ne circulait pas dans des véhicules de la même gamme que les cadres dirigeants ;

que c'est à tort qu'elle soutient qu'il était cadre dirigeant, ce qui ne peut uniquement se déduire de la liberté dont il disposait dans l'organisation de son temps de travail ;

Attendu que [Y] [R] soutient à bon droit qu'en l'absence de convention de forfait il était soumis à l'horaire légal de travail, de sorte qu'il peut légitimement réclamer le paiement des heures supplémentaires accomplies au-delà de 35 heures par semaine sur la base desquelles il était rémunéré ;

Attendu qu'il résulte des pièces produites, que la société Charles André exigeait une grande disponibilité du pôle informatique afin qu'il puisse fournir un service aux filiales ;

que c'est ainsi que dans une note du 17 septembre 2004, [W] [Z] exigeait la présence des chefs de projet de 8 heures du matin jusqu'à 18 heures et écrivait : 'Bien entendu, si le travail l'exige, ils doivent rester plus tard pour dépanner la filiale. Pour les appels d'urgence pendant le déjeuner, merci d'y répondre personnellement.' ;

Attendu que dans de nombreux autres documents (courriers électroniques énumérés par le conseil de prud'hommes), l'employeur exige de la part des cadres, un travail quotidien de 8 heures ;

Attendu qu'en tant que directeur des systèmes d'information, [Y] [R] avait au minimum les mêmes contraintes que les salariés de son équipe ;

Attendu que dans une attestation du 28 juillet 2008, [M] [T], responsable études et développement dans le service de [Y] [R], atteste de sa présence quotidienne de 8 heures à 19 heures, sans interruption certains jours de la semaine ;

Attendu que [Y] [R] établit qu'il travaillait bien au delà de la durée légale du travail, la société Charles André ne pouvant refuser de payer les heures supplémentaires accomplies en invoquant le montant de sa rémunération ;

Attendu que sur la base d'un horaire de travail de 45 heures par semaine, il sera fait droit dans les limites de la prescription à sa demande au titre des heures supplémentaires (en tenant compte des majorations) à hauteur de 156.900 euros outre 15.690 euros au titre des congés payés afférents ;

Attendu qu'il ne peut être contesté que l'employeur qui exige par écrit et de façon habituelle de ses salariés un horaire de travail supérieur à l'horaire légal sans payer la moindre heure supplémentaire, agit de façon intentionnelle ;

Attendu qu'il sera fait droit à la demande de [Y] [R] sur le fondement de l'article L 8223-1 du code du travail, à hauteur de la somme de 45.000 euros qu'il réclame ;

Attendu qu'il lui sera également alloué 4.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Ordonne la jonction des affaires inscrites au répertoire général sous les numéros 11/2017 et 11/2172 ;

- Infirme le jugement rendu le 4 avril 2011 par le conseil de prud'hommes de Montélimar en ce qu'il a dit le licenciement de [Y] [R] sans cause réelle et sérieuse.

- Statuant à nouveau, dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et déboute [Y] [R] de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

- Déboute [Y] [R] de ses demandes de dommages-intérêts au titre des circonstances vexatoires de la rupture et du harcèlement moral.

- Confirme le jugement en ses dispositions relatives au rappel de salaire (5.525,40 euros et 552,54 euros), à la prime d'objectifs (9.000 euros), aux frais irrépétibles et aux dépens.

- L'infirmant en ses dispositions relatives aux heures supplémentaires, condamne la société Charles André à payer à [Y] [R] :

la somme de 156.900 euros au titre des heures supplémentaires et celle de 15.690 euros au titre des congés payés afférents,

la somme de 45.000 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 8223-1 du code du travail,

- Condamne la société Charles André à payer à [Y] [R] la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles.

- La condamne aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur VIGNY, président, et par Mademoiselle ROCHARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/02017
Date de la décision : 29/03/2012

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°11/02017 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-29;11.02017 ?
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