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29/03/2012 | FRANCE | N°10/03026

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 29 mars 2012, 10/03026


RG N° 10/03026



N° Minute :





















































































AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU JEUDI 29 MARS 2012







Appel d'une décision (N° RG F09/01389)<

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rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 18 juin 2010

suivant déclaration d'appel du 05 Juillet 2010



APPELANTE :



Madame [P] [U]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Comparante et assistée par Me Sabrina CUYNAT-BOUMELLIL (avocat au barreau de GRENOBLE)







INTIMEE :



La S.A.S. RESSORTS TECHNIQUES RAYNAUD prise en la personne de son r...

RG N° 10/03026

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 29 MARS 2012

Appel d'une décision (N° RG F09/01389)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 18 juin 2010

suivant déclaration d'appel du 05 Juillet 2010

APPELANTE :

Madame [P] [U]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Comparante et assistée par Me Sabrina CUYNAT-BOUMELLIL (avocat au barreau de GRENOBLE)

INTIMEE :

La S.A.S. RESSORTS TECHNIQUES RAYNAUD prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Fabrice NICOLETTI (avocat au barreau de BOURG EN BRESSE)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de président,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Madame Hélène COMBES, Conseiller,

DEBATS :

A l'audience publique du 23 Février 2012,

Monsieur Bernard VIGNY, chargé du rapport, et Madame Dominique JACOB, assistés de Melle Sophie ROCHARD, Greffier, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoirie(s), conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Notifié le :

Grosse délivrée le :

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 29 Mars 2012, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 29 Mars 2012.

RG 10/3026BV

Mme [U] a été embauchée le 8 juillet 1974 par la société Ressorts Raynaud, en qualité d'ouvrier régleur. À la suite de la liquidation judiciaire de cette société, le contrat de travail de la salariée a été repris par la société Ressorts Techniques Raynaud, à compter du 2 juillet 2001.

Par lettre du 11 juin 2009, elle a été convoquée à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 23 juin 2009, Mme [U] a été licenciée pour faute grave motivée de la façon suivante : « vous avez refusé ainsi que votre responsable hiérarchique vous l'avait demandé, dès le 7, de démonter l'outillage positionné sur la machine FSE 23 pour réaliser des pièces « flexitech » .

M. [O] avait pris soin, à cette occasion, de vous indiquer que les 2000 pièces qui devaient être réalisées devaient être disponibles à 14:00.

À 11:00, lorsque celui-ci s'est rendu, une nouvelle fois, près de votre poste de travail, en présence de M.[M] vous avez jugé utile de réitérer votre refus de procéder au démontage entonnant, de surcroît, à l'égard de l'intéressé, des propos injurieux.

M. [O] vous a alors indiqué que les pièces devaient être impérativement réalisées pour 14:00. Vous vous êtes emportée et vous l'avez alors bousculé et insulté.

Bien plus, vous n'avez pas hésité à vous munir d'un marteau pour le menacer en lui indiquant, selon vos propres termes : « tu ne le veux pas dans la gueule celui-là ' ».

M. [O] et M. [M] se sont alors retirés afin de vous permettre de vous calmer.

À 13:10, lorsque M. [O] a voulu s'assurer de la réalisation de la commande « flexitech », il a pu constater que celle-ci n'avait pas été réalisée, que la machine FSE 23 était arrêtée et que vous aviez abandonné votre poste sans aucune autorisation et sans en avoir informé quiconque.

L'ensemble de ces faits ne me permet plus, compte tenu de leur gravité et de leur caractère inacceptable, de poursuivre notre collaboration ».

Le conseil des prud'hommes de Grenoble, par jugement du 18 juin 2010, a débouté Mme [U] de toutes ses demandes.

Mme [U] a relevé appel. Elle demande de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et sollicite les sommes suivantes :

4194 € à titre de préavis, outre les congés payés afférents

732,27 € au titre du salaire de la mise à pied, outre les congés payés afférents

21'669 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

2097 € au titre de l'absence de mention du droit au DIF

2097 € pour irrégularité de la procédure

75'000 € à titre de dommages-intérêts pour la rupture

3000 € en application de l'article 700 du CPC

Elle expose que :

- peu avant son licenciement, 2 salariés ont été licenciés pour motif économique.

- elle a commencé sa journée de travail du 8 juin 2009, à 6:00 du matin. Elle était seule. Comme tous les jours, elle a mis en route les machines - au nombre de trois - pour continuer les productions en cours.

Après avoir regardé sur l'établi les nouvelles commandes, elle s'est aperçue, à moitié à cheval sur une ancienne commande flexitech et une autre commande, de la présence d'un post-it. Contrairement à ce qui est indiqué dans la lettre de licenciement, et repris par le jugement, elle n'a eu connaissance de la commande que le lundi matin, le 7 juin 2009 étant un dimanche.

Le post-it mentionnait : 2000 pièces pour 14:00. Il ne mentionnait pas : « démonter la machine ».

- face à ce post-it, elle ne savait pas *si la commande concernait la société Flexitech qui avait demandé à plusieurs reprises de la repousser, ou *sur quelle machine elle devait effectuer cette commande, alors même qu'elle avait deux commandes à finir impérativement et que les deux machines de production dont elle avait la charge étaient montées pour ce faire. Elle a attendu son supérieur M. [O]. Elle ne pouvait prendre la décision de démonter une des machines sans l'accord de celui-ci. Ce dernier est arrivé vers 8:00.

- elle a cru entendre son supérieur bougonner : je m'en fous, alors qu'elle l'avait interpellé sur son problème. Elle a continué son travail. Vers 11:00, elle a eu une conversation avec M. [M]. M. [O] a « déboulé » très en colère. Elle lui a dit, énervée par sa mauvaise foi : toi si tu dormais moins dans ton bureau, le planning dans l'atelier serait mieux géré. À aucun moment elle n'a refusé de réaliser la production. Elle était assise à son tabouret, et en se levant, elle a simplement pousser M. [O] du bras car il se trouvait à sa gauche (elle avait un marteau à la main gauche).

Elle a consulté le lendemain son médecin qui a constaté son état d'anxiété avec angoisse et qui l'a mise en arrêt de travail jusqu'au 17 juin 2009.

- sur l'irrégularité de la procédure : le lieu de l'entretien préalable n'était pas précisé.

La société Ressorts Techniques Raynaud demande la confirmation du jugement et sollicite 700 € en application de l'article 700 du CPC.

Elle fait valoir que :

- Mme [U] a reconnu devant les premiers juges, de façon explicite, avoir insulté et menacé M. [O].

Sur l'erreur de date figurant dans la lettre de licenciement : la note porte la date du 7 juin et Mme [U] en a pris connaissance le 8, au début de sa journée de travail.

Sur la charge de travail : d'autres salariés que Mme [U] étaient chargés de plusieurs machines.

Sur le manque d'information quant au matériel utilisé : la note de M. [O] était claire. Il fallait démonter la machine et fabriquer 2000 ressorts pour flexitech pour 14:00. La commande a été effectuée l'après-midi par M. [K] qui a succédé à Mme [U].

Sur le comportement du responsable hiérarchique : l'attestation de M. [G] sur le caractère irascible de M. [O] n'est pas crédible, ce salarié ayant quitté l'entreprise après avoir démissionné.

- la société verse de nombreuse attestations sur la bonne ambiance de travail.

- M. [O] a précisé les circonstances de l'incident : quand il a ordonné à Mme [U] de mettre en route la production de flexitech immédiatement, elle a hurlé : « tu n'as qu'à l'arrêter et la régler au lieu d'avoir le cul sur ta chaise et de dormir dans ton bureau ». Mme [U] a surgi de sa chaise en me bousculant violemment, me provoquant. Je lui ai demandé de se calmer. Elle est allée chercher son marteau dans sa caisse à outils et a déclaré : « tu le veux pas dans la gueule celui-là ». Ces déclarations sont confirmées par M.[M].

- l'adresse de la société était mentionnée sur la convocation. La société ne dispose que d'un seul établissement.

MOTIFS DE L'ARRET.

Le licenciement de Mlle [U] a été prononcé pour faute grave, de sorte qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve des faits invoqués.

1. Sur le refus d'exécuter la commande flexitech.

En ce qui concerne le déroulement des faits litigieux, les attestations versées aux débats font apparaître les éléments suivants :

- attestation de M. [O] :... Le vendredi 5 juin, le client flexitech annonce qu'il est en rupture de stock, il me demande de faire un geste commercial en le dépannant en urgence... Le soir même, j'ai mis une note sur la machine FSE 23 (démonter la machine, il me faut 2000 ressorts flexitech pour 14:00). Lundi 8 juin au matin je suis allé saluer Mlle [U] et j'ai vérifié que mes instructions avaient bien été suivies. Mlle [U] était en train de boucler des ressorts manuellement et m'a signalé qu'elle refusait de démonter la machine tant que la série en cours ne serait pas terminée. À 11:00 je me suis entretenu avec M. [M] afin de trouver une solution, nous nous sommes rendus auprès de Mlle [U] afin de lui ordonner de mettre en place la production de flexitech sur le champ ; sa réponse a été rendue en hurlant « tu n'as qu'à l'arrêter et la régler au lieu d'avoir le cul sur ta chaise et de dormir dans ton bureau ». Je lui ai rappelé qu'il me fallait les 2000 pièces pour 14:00 et qu'il était urgent de monter la machine, Mlle [U] a surgi de sa chaise en me bousculant violemment, me provoquant.... Elle s'est alors mise à m'insulter à vive voix, est allée chercher son marteau dans sa caisse à outils et a déclaré « tu ne le veux pas dans la gueule celui-là » ma réponse a été bien informée de mon intention de signaler son attitude... Vers 13:10 je suis allé vérifier que la commande flexitech était prête, et, à ma grande surprise, non seulement la commande n'était pas prête mais la machine était éteinte ; Mlle [U] n'était pas à son poste, elle était partie sans autorisation ».

- dans une deuxième attestation, M. [O] ajoute : «... Mlle [U] n'était pas seule à régler ou surveiller plusieurs machines... Le départ de Mlle [U] tous (les salariés) m'ont répondu qu'elle est partie sans rien dire et M. [M] était présent.... 7:30 M. [E] m' informé que Mme [U] ne voulait pas faire ces pièces en urgence ».

- attestation de M. [M] : « le 8 juin 2009, j'ai été témoin des événements suivants : vers 11:00, M. [O] m'a dit qu'il avait donné pour instruction à Mme [U] d'arrêter la production en cours et de monter cette série ( flexitech ) afin de fabriquer la quantité de pièces nécessaires dans la journée. Malheureusement, cette instruction n'a pas été suivie, Mme [U] refusant d'arrêter la série en cours.... Elle (Mme [U]) m'a répondu que la production en cours ( Intrama ) était très difficile à régler et qu'elle voulait terminer la série initialement prévue, soit encore environ deux jours de production..... Elle s'est alors mise à railler tous les gens des bureaux..... Lorsque mon collègue qui m'avait rejoint a insisté à son tour, elle s'est violemment emportée contre lui, en proférant d'abord diverses insultes, puis en se dirigeant vers lui et en le menaçant avec un marteau dans la main. J'ai alors eu très peur et suis intervenu en m'interposant pour éviter un drame... Elle est ensuite retournée à son poste de travail, sans toutefois monter la série urgente flexitech. Un peu plus tard à l'heure de la pause déjeuner, elle est sortie à vive allure de l'entreprise à bord de sa voiture puis n'est pas revenue dans l'après-midi ».

- dans une deuxième attestation, datée du 14 octobre 2011, M. [M] déclare : « à 11:00...je me suis rendu auprès de Mme [U].... Mme [U] m'a clairement répondu qu'elle refusait d'obéir aux instructions transmises par M. [O] dont elle avait pourtant parfaitement connaissance. Lorsque M. [O] nous a rejoint, elle s'est violemment emportée contre lui en lui proférant des insultes telles que « tu n'as qu'à l'arrêter et la régler toi-même au lieu d'avoir le cul sur ta chaise ». Elle s'est ensuite emparée d'un marteau et a menacé directement M. [O] en continuant à l'insulter « tu ne le veux pas dans la gueule celui-là ».

Le jugement ne mentionne pas que Mme [U] a « explicitement reconnu avoir insulté et menacé M. [O], à l'occasion des questions posées par la juridiction prud'homale en cours d'audience », ainsi que l'indique la partie intimée dans ses conclusions.

La société intimée soutient que M. [O] avait déposé la note écrite relative à la commande flexitech, dès le 7 juin 2009. Or, le 7 juin était un dimanche et Mme [U] n'a pris son travail que le lundi 8 juin, à 6:00 du matin.

Dans sa première attestation, M. [O], ainsi que cela est rapporté ci-dessus, a déclaré : « le vendredi 5 juin, le client flexitech m'annonce qu'il est en rupture de stock...le soir même, j'ai mis une note sur la machine FSE 23 (démonter la machine, il me faut 2000 ressorts flexitech pour 14:00) ».

La société intimée prétend que la note destinée à Mme [U] comportait les indications suivantes : « démonter la machine, il me faut 2000 ressorts flexitech pour 14:00 ».

Cette note n'a pas été conservée et son contenu ne résulte que de la déclaration de M. [O].

La première attestation de M.[M] ne mentionne pas l'existence de cette note, n'indique pas que M. [O] la lui a montré. M. [M] déclare simplement à cet égard : « il (M. [O]) avait donc donné pour cela instruction à Mme [U] d'arrêter la production en cours et de monter cette série afin de fabriquer la quantité de pièces nécessaires dans la journée ».

Dans ses conclusions, Mme [U] précise que la note, ou, le post-it mentionnait seulement : « 2000 pièces pour 14:00 ». En l'absence de précisions supplémentaires, Mme [U] indique avoir attendu l'arrivée de M. [O] pour lui demander des instructions. Mme [U] ajoute que M. [O] est arrivé vers 8:00 du matin. Dans son attestation, ce dernier indique, en ce qui concerne son heure d'arrivée : « lundi 8 juin au matin..... ».

Mme [U] indique que, lorsque M. [O] est arrivé le matin, ce dernier ne lui a pas donné d'instructions particulières et a paru se désintéresser de la situation.

L'appelante verse l'attestation de M. [E], alors salarié de la société intimée, qui déclare : «..... Je n'ai pas été témoin des faits survenus le 8 juin 2009. Le matin du 8 juin 2009, j'ai entendu la voix de M. [O] qui criait, je me suis déplacé pour essayer de comprendre ce qui se passait. J'ai vu que M. [O] n'était pas loin de Mme [U]. Je suis allé voir auprès d'elle, ce que voulait le chef, elle m'a expliqué qu'elle avait juste demandé des instructions pour une commande et savoir sur quelle machine l'effectuer, qu'il ne lui avait pas répondu et qu'il était parti en gueulant sans qu'elle comprenne pourquoi.

J'ai de nouveau entendu la voix de M. [O] en fin de matinée. À 12:00 je me suis rendu au réfectoire prendre mon déjeuner, et là Mme [U] était dans tous ses états et elle n'a pas pu prendre son repas car elle était trop mal. Elle pleurait et m'a signalé qu'elle rentrait chez elle et qu'elle allait voir son médecin ».

La deuxième attestation délivrée par M. [O], dans laquelle il déclare notamment que M. [E] l'avait informé à 7:30 du refus de Mme [U] de faire les pièces en urgence, est contraire aux propres déclarations de M. [E].

Cette deuxième attestation émanant de M. [O] ne peut être prise en considération.

Les éléments ci-dessus examinés ne permettent pas de retenir que M. [O] a effectivement déposé, sur la machine FSE 23 une note ou un post - it comportant les indications suivantes : « démonter la machine, il me faut 2000 ressorts flexitech pour 14:00 ».

La société intimée n'établit pas que Mme [U] a, comme elle le lui reproche dans la lettre de licenciement, refusé, ainsi que son responsable hiérarchique le lui avait demandé, dès le 7, de démonter l'outillage positionné sur la machine FSE 23 pour réaliser des pièces flexitech.

La société intimée n'établit pas non plus que Mme [U] a refusé, à 11:00 du matin, de démonter la machine, ainsi que le lui reproche la lettre de licenciement, et cela alors même que la salariée n'avait pas, à sa prise de poste à 6:00 du matin, trouvé d'instructions précises relatives à la commande flexitech.

En ce qui concerne la bousculade, les insultes et les menaces visées dans la lettre de licenciement, la société intimée se réfère aux déclarations de M. [O] et de M. [M], dans leurs attestations respectives.

Si Mme [U] reconnaît avoir dit à l'attention de M. [O] : « toi si tu dormais moins dans ton bureau, le planning dans l'atelier serait mieux géré », elle conteste toutefois avoir dit : « tu ne le veux pas dans la gueule celui-là ' ».

Elle conteste également toute menace avec un marteau.

Les propos que Mme [U] reconnaît avoir tenus à M. [O], l'ont été sous le coup de l'énervement.

En ce qui concerne les propos « tu ne le veux pas dans la gueule celui-là ' » qui auraient été proférés à l'encontre de M. [O], seul ce dernier les rapporte.

Dans sa première attestation, M. [M] qui se trouvait , d'après ses déclarations sur les lieux, ne fait état que de « diverses insultes » dont il ne donne pas le contenu. Ce n'est que dans une deuxième attestation datée du 14 octobre 2011, soit largement postérieure au jugement frappé d'appel, qu'il a fait état de ces propos.

Cette deuxième attestation, rédigée de façon opportuniste, ne peut être prise en considération. Il n'est pas douteux que si M. [M] avait entendu les propos en question, il n'aurait pas manqué d'en faire état dans sa première attestation.

Les faits de bousculade ne sont pas démontrés. Les déclarations de M. [M] relatives à la bousculade prétendue ne sont pas vraisemblables. À cet égard, en effet Mme [U], que la partie intimée ne dément pas, s'interroge légitimement sur la menace qu'elle pouvait constituer à l'égard de M. [O] d'une corpulence nettement plus importante que la sienne. M. [O], selon les écritures de l'appelante mesure 1 m 72 et pèse plus de 90 kilos.

S'agissant des menaces à l'aide d'un marteau, les déclarations de M. [O] et de M. [M] ne permettent pas de caractériser des menaces. Les faits prétendus n'ont eu aucun témoin et Mme [U] indique qu'elle avait effectivement un marteau à la main gauche, pour les nécessités de son travail mais qu'elle n'en a pas menacé M. [O].

2. Sur l'abandon de poste.

Mme [U] a continué son travail jusqu'à 12:00, heure à laquelle elle est allée prendre son repas dans le réfectoire. Elle dit que fortement contrariée, elle a quitté l'entreprise pour rentrer chez elle et voir un médecin.

Dans l'attestation de M. [E] mentionnée ci-dessus, l'intéressé précise : « au retour de sa pause déjeuner, M. [O] m'a demandé où était Mme [U], je l'ai informé qu'elle était rentrée chez elle pour aller voir son médecin car elle ne se sentait pas bien du tout. Le lendemain matin, Mme [U] après sa visite chez le médecin m'a téléphoné sur mon lieu de travail pour me dire qu'elle était en arrêt pour neuf jours. J'en ai donc informé M. [O] ».

Si les attestations de Messieurs [O] et [M] mentionnent que Mme [U] n'a informé personne de son départ, il est incontestable qu'après le différend l'ayant opposée à M. [O], Mme [U], très perturbée, ainsi que l'a relevé M. [E], est allée consulter son médecin qui, ne pouvant la recevoir le jour même, l'a reçue le 9 juin et qui a décrit son état dans les termes suivants : « je l'ai vue dans un état d'anxiété avec angoisse, avec maux de tête et ayant nécessité un traitement par antalgiques. Son angoisse nécessite un traitement par anxiolytiques. Son état psychologique nécessite un arrêt de travail jusqu'au 17 juin 2009 ».

Le départ de l'entreprise de Mme [U], dans les circonstances de l'espèce, n'était pas fautif.

La société intimée, pour établir l'agressivité de Mme [U], produit aux débats une lettre de cette dernière, datée du 12 octobre 1996, adressée à son employeur et dans laquelle elle s'explique sur un avertissement en date du 8 octobre 1996.

La production de cette lettre n'est pas licite, l'avertissement en question ayant été amnistié par la loi du 6 août 2002. L'évocation de cette sanction n'est pas admissible.

Il convient d'ordonner le retrait de cette pièce des débats.

xx

Le licenciement de Mme [U] doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Il est du à Mme [U], au titre du préavis, la somme de 4194 €, outre les congés payés afférents et celle de 732,27 € au titre du salaire de la mise à pied.

Au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, il est dû à Mme [U] la somme de 21'669 €.

Mme [U], après près de 35 années au sein de la société Ressorts Raynaud, s'est trouvée, alors qu'elle était âgée de près de 52 ans, privée d'emploi. Depuis son licenciement, elle n'a pu occuper que des emplois intérimaires, à partir du mois de mars 2010, moins bien rémunérés que celui occupé au sein de la société intimée. Mme [U] n'a que très peu de chances de retrouver un emploi suivant contrat à durée indéterminée.

Le préjudice de Mme [U] sera indemnisé par l'octroi de la somme de 62'910 € à titre de dommages-intérêts.

La lettre de convocation à l' entretien préalable ne comportait pas le lieu de ce dernier. Cette omission constitue une irrégularité de procédure. La société intimée sera condamnée à payer à Mme [U] la somme de 200 € à titre de dommages-intérêts.

L'article L.6323 -17 du code du travail, alors en vigueur dispose : « le droit individuel à la formation est transférable en cas de licenciement du salarié, sauf pour faute grave ou faute lourde ».

L'article L.6323 -18 du code du travail, alors en vigueur dispose : « dans la lettre de licenciement, l'employeur informe, s'il y a lieu, le salarié de ses droits en matière de droit individuel à la formation, notamment de la possibilité de demander pendant le préavis à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation ».

En application des textes sus visés alors en vigueur, Mme [U] doit être déboutée de sa demande.

Sur l'application de l'article 700 du CPC.

L'équité commande la condamnation de la société intimée à payer à Mme [U] la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

x

Il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par la salariée licenciée, dans la limite de 4 mois.

PAR CES MOTIFS.

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après avoir délibéré conformément à la loi.

Infirme le jugement en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau.

Ordonne le retrait des débats de la pièce numéro 15 produite par la société Ressorts Techniques Raynaud.

Dit que le licenciement de Mme [U] est dénué de cause réelle et sérieuse.

Condamne la société Ressorts Techniques Raynaud à payer à Mme [U] les sommes suivantes :

- 4194 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 419,40 € au titre des congés payés afférents,

- 732,27 € au titre du salaire de la mise à pied conservatoire

- 21'669 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 62910 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice résultant de la rupture injustifiée,

- 200 € à titre de dommages-intérêts pour l'irrégularité de la procédure,

- 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de tout autre demande.

Dit qu'il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par la salariée, dans la limite en l'espèce de 4 mois, et dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme de l'arrêt sera adressée à Pôle Emploi Rhône-Alpes- service contentieux- [Adresse 3].

Condamne la société Ressorts Techniques Raynaud aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été avisées préalablement dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Signé par M. Vigny, président, et par Mlle Rochard, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/03026
Date de la décision : 29/03/2012

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°10/03026 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-29;10.03026 ?
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