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21/03/2012 | FRANCE | N°11/01657

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 21 mars 2012, 11/01657


RG N° 11/01657



N° Minute :





















































































AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU MERCREDI 21 MARS 2012







Appel d'une décision (N° RG 09/00251

)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 02 mars 2011

suivant déclaration d'appel du 22 Mars 2011



APPELANT :



Monsieur [N] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Comparant et assisté par Me Giovanna RODA (avocat au barreau de VALENCE)





INTIMÉE :



La SA AST GROUPE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicili...

RG N° 11/01657

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU MERCREDI 21 MARS 2012

Appel d'une décision (N° RG 09/00251)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 02 mars 2011

suivant déclaration d'appel du 22 Mars 2011

APPELANT :

Monsieur [N] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Comparant et assisté par Me Giovanna RODA (avocat au barreau de VALENCE)

INTIMÉE :

La SA AST GROUPE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Mme Aude COURRIEU, directrice des ressources humaines assistée par Me Florence DRAPIER FAURE (avocat au barreau de LYON)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,

Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

DEBATS :

A l'audience publique du 06 Février 2012,

Monsieur Daniel DELPEUCH, chargé du rapport, et Monsieur Bernard VIGNY, assistés de Melle Sophie ROCHARD, Greffier, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoirie(s), conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Notifié le :

Grosse délivrée le :

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 14 Mars 2012, délibéré prorogé au 21 mars 2012.

L'arrêt a été rendu le 21 Mars 2012.

RG 11/1657DD

M. [N] [B] a été embauché le 2 novembre 2006 par la société AST Groupe en qualité de conducteur de travaux VEFA statut cadre. Le 11 février 2008, M. [B] a pris en charge les fonctions de conducteur de travaux « construction de maisons individuelles ».

Le 20 janvier 2009, M. [B] a reçu un avertissement suite à des problèmes apparus dans le suivi de certains chantiers.

Le 6 mars 2009 la société AST Groupe a convoqué M. [B] à un entretien préalable et il a été licencié le 16 mars 2009 pour faute grave en raison de manquements graves à ses obligations contractuelles entraînant un préjudice en matière commerciale, financière et d'image de marque.

Le Conseil de Prud'hommes de valence a été saisi le 7 avril 2009 par M. [B] qui a demandé la requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de la société AST Groupe à lui payer, outre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse les indemnités de rupture et divers éléments de salaire et au titre du non respect de la procédure de licenciement pour motif économique.

Le conseil de prud'hommes a rendu sa décision le 2 mars 2011. Il a dit que le licenciement de M. [B] repose sur une faute grave et l'a débouté de toutes ses demandes.

La Cour est saisie par l'appel interjeté le 22 mars 2011 par M. [B], le jugement lui ayant été notifié le 02/03/2011.

Demandes et moyens des parties

M. [B], appelant, demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et en conséquence de condamner la société AST Groupe à lui payer les sommes de :

- 41 446,44 euros à titre de dommages et intérêts,

- 1 713,33 euros au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire,

- 1 602,73 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 9 894 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 989,40 euros au titre des congés payés afférents,

- 11 000 euros au titre de la commission par livraison,

De dire qu'il s'agit d'un licenciement économique déguisé et de condamner la société AST Groupe à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

De condamner la société AST Groupe à lui payer les sommes de 2 400 euros à titre de commission sur vente et 400 euros à titre de commission sur parrainages,

D'ordonner la remise de l'attestation Pôle Emploi rectifiée sous astreinte et de condamner la société AST Groupe à lui payer la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner à payer les dépens.

M. [B] expose par conclusions régulièrement communiquées, déposées et développées oralement à l'audience que :

1) ce qui lui est reproché dans la lettre du 16 mars 2009 est une insuffisance professionnelle qui ne présente pas un caractère fautif et ne peut donner lieu à un licenciement disciplinaire, lequel suppose rapportée la preuve de manquements volontaires du salarié à ses obligations professionnelles ou d'erreurs professionnelles consécutive à sa mauvaise volonté délibérée,

1-2) l'expérience passée du salarié et la nature de ses fonctions (il était gérant d'une entreprise de bâtiment) ne peut démontrer un « comportement délibérément dilettante » alors que les attestations produites montrent qu'il n'a jamais fait preuve d'une mauvaise volonté délibérée, mais elles confirment qu'il a bien été licencié pour insuffisance professionnelle,

1-3) la fiche de fonction produite par l'employeur est postérieure au licenciement,

2) il s'explique sur chacun des chantiers évoqués par l'employeur, et il fait remarquer que chaque dossier était examiné par M. [Z] responsable de l'agence lequel ne faisait pas correctement son travail et se dédouanait sur M. [B] de ses responsabilités,

2-2) il n'avait que des pouvoirs très limités et dépendait de l'employeur quant à l'organisation des chantiers, et donc des carences de celui-ci, et les difficultés ont continué après son licenciement,

2-3) lui-même justifie par les attestations de clients son professionnalisme,

3) il s'agit bien en fait d'un licenciement pour motif économique déguisé, le chiffre d'affaire ayant baissé de 37% en 2008.

La société AST Groupe, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner M. [B] à lui payer la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les dépens.

La société AST Groupe expose par conclusions régulièrement communiquées, déposées, et développées oralement à l'audience que :

1) les manquements de M. [B] sont établis tout comme son manque de loyauté,

2) les justifications qu'il apporte sont inconsistantes.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;

Sur les demandes au titre du licenciement pour faute grave :

Attendu que les articles L 1232-1 et -6 du Code du travail disposent que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse et que l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement ; qu'en l'absence d'énonciation des motifs, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; que l'énoncé d'un motif imprécis équivaut à une absence de motif ;

Attendu que l'article L 1235-1 du Code du travail dispose qu'en cas de litige sur le licenciement, le juge, auquel il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ;

Attendu que la faute grave peut être définie comme résultant d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis  ;

Attendu que la faute grave reprochée à M. [B], aux termes de la lettre de licenciement du 16 mars 2009, est motivée dans les termes suivants :

« Vous avez été engagé en qualité de conducteur de travaux, statut cadre, à compter du 2 novembre 2006.

Dans ce cadre, il vous a été confié la mission de suivre le bon déroulement des travaux de construction des maisons individuelles situées sur votre secteur et de coordonner l'action des différentes entreprises sous traitantes appelées à intervenir sur les chantiers.

Or, en dépit des instructions qui vous ont été données, nous constatons que vous ne suivez pas correctement le bon déroulement des travaux de construction placés sous votre responsabilité de façon à ce que les chantiers soient exempts de toute malfaçon et achevés dans les délais convenus avec nos clients.

Nous avons récemment reçu de nombreux courriers de clients extrêmement mécontents mettant en cause votre professionnalisme et, par là même, le sérieux et la crédibilité de notre société. » ;

Attendu que de nombreux exemples de ces manquements sont décrits dans la lettre de licenciement ; que les réclamations de clients sont produites, couvrant la période antérieure et postérieur à l'avertissement notifié à M. [B] le 20 janvier 2009 ;

Attendu que l'ensemble des réclamations des clients relève bien des compétences de M. [B] et de ses missions contractuelles ;

Attendu que contrairement à ce que M. [B] a soutenu pour contester l'avertissement notifié le 20 janvier 2009, il apparaît bien établi qu'alors que la réception avait eu lieu, il a été avisé le 6 janvier 2009 du fait qu'aucune évacuation n'étaient faite (mail d'Agence [Localité 6] du 6/01), ce qui est confirmé par le courrier Lealex du 20 janvier 2009 à AST ; que l'avertissement est donc justifié ;

Que le courrier en date du 28 janvier 2009 des époux [E] confirme les insuffisances graves de M. [B] dans la réalisation de ses missions, tout comme celui de M. [O] et Mme [V] du 12 février 2009 et d'autres clients et notamment M. [L], de M. [H] ;

Que les réponses apportées par M. [B] dans ses conclusions aux diverses réclamations des clients démontrent la réalité des problèmes et l'insuffisance de ses réponses ;

Attendu que les attestations des supérieurs de M. [B] lorsqu'il travaillait au service VEFA confirment l'insuffisance professionnelle qui est la sienne au regard de sa fonction mais aucunement de fautes de sa part ;

Attendu que si M. [B] met en cause les compétences de M. [Z] son chef d'agence, il n'établit pas en avoir fait part à son employeur auparavant ; que les manquements qui lui sont reprochés relèvent en tout état de cause aussi de ses fonctions propres ; qu'ils s'analysent en une insuffisance professionnelle ;

Attendu que l'insuffisance professionnelle ne constitue pas, en soi, une faute grave ; qu'elle n'autorise donc la rupture anticipée du contrat par l'employeur que si elle conduit le salarié à commettre des erreurs professionnelles graves ;

Attendu que telle est le cas dans les divers reproches qui ont été adressés à M. [B] s'agissant principalement d'un manque de rigueur dans le suivi de certains chantiers qui lui ont été confiés et de retards apportés aux prises en charge des travaux à effectuer ; que ce comportement ne concerne toutefois pas l'ensemble des activités de M. [B] ;

Que le courrier de M. [J] et Mme [W] adressé le 8 janvier 2009 à M. [A] démontre que M. [B] a assuré avec compétence le suivi de leur chantier et pointe le comportement de M. [Z] et l'aide que leur a apporté M. [B] ; que leur courrier du 6 février 2010 à la société AST Groupe démontre que le renvoi de M. [B] n'a pas amélioré le suivi de leur chantier ;

Attendu qu'aucun des griefs invoqués par la société AST Groupe ne relève d'une volonté délibérée de M. [B] ; que l'entretien d'évaluation conduit par M. [Z] le 12 décembre 2008, s'il pointe des « manques dans l'organisation et la planification pour réduire au mieux les délais de réalisation et la marge, un manque de contrôle des dossiers avant la mise en chantier », admet que « la finition de certains travaux de ces chantiers est correcte » ; que son investissement dans son travail est positivement noté ;

Attendu que lorsqu'il résulte de la lettre de licenciement que l'employeur a prononcé un licenciement disciplinaire, le juge, ayant écarté l'existence d'une faute grave, doit rechercher si les faits reprochés n'étaient pas constitutifs d'une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement ; qu'il est tenu d'écarter la cause réelle et sérieuse du licenciement dès lors que les faits, même s'ils sont établis, n'ont pas un caractère fautif ; qu'il en est ainsi par exemple lorsque les erreurs imputées au salarié ne relèvent pas d'une mauvaise volonté délibérée, mais d'une insuffisance professionnelle ;

Attendu qu'il y a en conséquence lieu de réformer le jugement et de juger que le licenciement de M. [B] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse dès lors que la preuve d'une mauvaise volonté délibérée n'est pas rapportée ;

Attendu que la preuve du caractère économique du licenciement invoqué par M. [B] n'est pas rapportée, son poste ayant été pourvu dans un délai bref ;

Attendu que les indemnités de ruptures sont dues et les salaires pendant la mise à pied également ; qu'il y a lieu d'allouer à M. [B] la somme de 19 788 euros à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que la société AST Groupe n'a pas contesté la demande de M. [B] relative à sa rémunération variable ; qu'il y a lieu d'y faire droit s'agissant des livraisons effectuées pendant la mise à pied (3 600 euros) ; que pour la période postérieure au licenciement cette demande n'est plus fondée ;

Attendu que M. [B] ne justifie pas du bénéfice de primes de vente pour les salariés de sa catégorie, ni d'un droit à prime de parrainage ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

Attendu que le licenciement ne résultant pas d'une faute grave, il y a lieu en application de l'article L 122-14-4 deuxième alinéa in fine du Code du travail d'ordonner la transmission d'une copie certifiée conforme du présent arrêt à l'UNEDIC ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour après en avoir délibéré conformément à la loi, contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [B] au titre des primes de vente et de parrainage ;

Et statuant à nouveau :

Dit que le licenciement de M. [B] est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société AST Groupe à payer à M. [B] les sommes suivantes :

- 1 713,33 euros au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire,

- 1 602,73 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 9 894 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 989,40 euros au titre des congés payés afférents,

- 3600 euros au titre de la commission par livraison,

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2009

- 19 788 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Rejette le surplus des demandes de M. [B] ;

Condamne la société AST Groupe à payer à M. [B] la somme de 1 600 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,

Déboute la société AST Groupe de sa demande faite en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Ordonne en application de l'article L 122-14-4 deuxième alinéa in fine du Code du travail la transmission d'une copie certifiée conforme du présent arrêt à POLE EMPLOI RHONE ALPES, Service Contentieux, [Adresse 4] ;

Condamne la société AST Groupe aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur DELPEUCH, président, et par Mademoiselle ROCHARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01657
Date de la décision : 21/03/2012

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°11/01657 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-21;11.01657 ?
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