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07/02/2012 | FRANCE | N°10/02766

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 07 février 2012, 10/02766


RG N° 10/02766



N° Minute :





















































































AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU MARDI 07 FEVRIER 2012







Appel d'une décision (N° RG 20080653)



rendue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VALENCE

en date du 14 janvier 2010

suivant déclaration d'appel du 16 Juin 2010



APPELANTE :



Madame [M] [L] épouse [V]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]



Représentée par Me Algida BEDJEGUELAL (avocat au barreau de VALENCE)



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/002580 du 21/06/2011 a...

RG N° 10/02766

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MARDI 07 FEVRIER 2012

Appel d'une décision (N° RG 20080653)

rendue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VALENCE

en date du 14 janvier 2010

suivant déclaration d'appel du 16 Juin 2010

APPELANTE :

Madame [M] [L] épouse [V]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Algida BEDJEGUELAL (avocat au barreau de VALENCE)

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/002580 du 21/06/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)

INTIMEE :

LA CAF DE LA DROME, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Mme [R], munie d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,

Madame Hélène COMBES, Conseiller,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

DEBATS :

A l'audience publique du 10 Janvier 2012, Mme COMBES, chargé(e) du rapport, et M. DELPEUCH, assisté(e)s de Mme Corinne FANTIN, Adjoint faisant fonction de Greffier, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoirie(s), conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Notifié le :

Grosse délivrée le :

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 07 Février 2012, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 07 Février 2012.

Mme [M] [L], de nationalité marocaine, a épousé M. [H] [V], de nationalité française le 8 mars 2006. Celui-ci a été désigné allocataire d'une allocation logement. Le couple s'est séparé de fait au mois de juin 2007.

Un enfant [E], dont la mère a eu la charge effective, est né le [Date naissance 2] 2007.

La situation administrative de Mme [V] a été régularisée le 29 mai 2008 par la délivrance d'un titre de séjour temporaire pour une année.

[M] [L] a contesté la décision de la commission de recours amiable de la caisse d'allocations familiales de la Drôme du 3 novembre 2008, lui refusant l'octroi des prestations familiales en faveur de son fils [E] [V] à compter de sa déclaration de grossesse.

Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valence a été saisi le 27 décembre 2008 et par jugement en date du 14 janvier 2010 il a rejeté le recours formé par Mme [V] au motif que « Les deux récépissés de demande de carte de séjour dont Mme [M] [V] se prévaut délivrés le 12 février 2008 jusqu'au 11 mai 2008, puis le 13 mai 2008 jusqu'au 12 août 2008 ne correspondent pas aux documents limitativement énumérés par l'article D.512-1 du Code de la sécurité sociale ».

La Cour est saisie par l'appel interjeté le 16/06/2010 par Mme [V] suite à la notification du jugement reçue le 18/05/2010.

Demandes et moyens des parties

Mme [V], appelante, demande à la cour de réformer le jugement rendu le 14/01/2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valence, de condamner la caisse d'allocations familiales à lui payer les prestations familiales dues pour l'enfant [E] à compter de sa déclaration de grossesse, soit le 19 mars 2007 (allocations prénatales, prime de naissance, allocations familiales) sous astreinte et de condamner la caisse d'allocations familiales à lui payer la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [V] expose en ses conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience que :

1) Mme [V] avait droit de plein droit à un titre de séjour dès la naissance de l'enfant [E], le 26 octobre 2007 dès lors qu'elle en avait la charge effective et permanente de sorte qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une reconduite à la frontière,

1-2) [E] est un enfant français (né en France d'un père français) dont Mme [V] est le seul parent qui contribue à l'entretien et à l'éducation (jugement du tribunal de grande instance de Valence du 22/11/2007) et en lui délivrant en mai 2008 un titre de séjour vie privée et familiale, la préfecture a pris acte sur la production de l'acte de naissance de l'enfant et de sa qualité de français de ce que Mme [V] était en séjour régulier dès cette naissance,

2) le 16 mars 2007, M. [H] [V] a déposé une demande de titre de séjour pour son épouse, Mme [L], ainsi qu'une déclaration de grossesse dont la caisse d'allocations familiales a accusé réception le 3 avril 2007 ; le 18 juin 2007 Mme [V] a reçu un récépissé de demande de titre de séjour,

2-2) les époux ont bénéficié de l'allocation logement en mai 2007 mais lorsque le mari a décidé de quitter l'épouse, Mme [V] a dû être accueillie en centre d'hébergement d'urgence et elle a saisi le juge aux affaires familiales qui a statué le 22/11/2007,

3) s'agissant de la période pendant laquelle la vie commune existait : lorsqu'elle vivait avec son mari, Mme [V] bénéficiait de la qualité d'allocataire au même titre que son mari de sorte que la caisse d'allocations familiales ne pouvait lui réclamer le remboursement des prestations servies pendant cette période, peu important à l'époque le titre de séjour de Mme [V],

3-2) la caisse rappelle que les articles L 512-1 et -2 du code de la sécurité sociale fixe la liste des titres de séjour que doivent posséder l'adulte demandeur et l'enfant à charge, mais elle n'a pas pris en considération la jurisprudence consécutive à l'application des normes internes, supranationales qui consacre un droit aux prestations familiales à l'égard des enfants mineurs, ni les normes qui instituent un droit au séjour automatique d'un parent d'enfant français et par voie de conséquence un droit au bénéfice des prestations familiales,

3-3) dans la mesure où l'enfant [E] est le bénéficiaire direct, enfant français, n'est pas soumis à l'obligation de régularité du séjour, la propre situation de Mme [V] ne peut lui être opposée,

3-4) au regard des normes internationales :

- d'une part l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme qui prévoit une interdiction de discrimination a été appliqué dans le cadre des prestations sociales contributives ou non qui constituent des droits patrimoniaux au sens de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 ce qui fait que ces prestations sociales doivent être accordées sans discrimination fondée sur la nationalité et sans condition de réciprocité sauf à justifier d'un motif raisonnable et objectif

- d'autre part l'article 8 de la Convention oblige tout signataire à permettre aux personnes présentes sur son territoire de mener une vie familiale normale, ce qui concerne également l'aspect patrimonial de la vie familiale et en conséquence le droit au versement des prestations familiales sans discrimination fondée sur la nationalité,

- enfin l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant directement applicable devant les juridictions française qui dispose que les prestations sociales sont attribuées au profit exclusif de l'enfant et dans leur intérêt.

La caisse d'allocations familiales, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris.

Elle expose en ses conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience que :

1) Mme [V] n'étant pas titulaire d'un titre de séjour lui permettant d'être désignée allocataire, le dossier a été radié auprès de la caisse d'allocations familiales en juin 2007,

1-2) qu'en mai 2008 elle a obtenu un titre de séjour vie privée et familial valable un an lui permettant la réouverture de ses droits à prestations à compter du mois de juin 2008,

2) Elle souligne que Mme [V] ne pouvait être considéré comme allocataire, l'ouverture des droits à prestations familiales étant subordonnée à la production, pour l'allocataire étranger, d'un titre de séjour en cours de validité, dont la liste exhaustive est portée dans l'article D 5 112-1 du code de la sécurité sociale,

2-2) il n'y a pas de caractère recognitif de la décision régularisant le droit au séjour.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;

Attendu que s'il a été reconnu que le bénéfice des prestations familiales peut être subordonné à l'accomplissement de la procédure de regroupement familial, la situation de Mme [V] est différente dès lors qu'elle assume la charge effective et permanente d'un enfant né en France d'un père français, c'est-à-dire, d'un enfant français ;

Attendu que pour la période pendant laquelle les époux ont vécu ensemble, les droits à prestations familiales étaient ouverts au titre du mari et que c'est donc à juste titre que des prestations ont été servies dans le cadre de la vie commune de sorte que la demande de répétition de l'indu est sans fondement pour cette période ;

Attendu qu'il résulte de l'application littérale combinée des articles L 512-1, R 512-1 et D 512-1 du code de la sécurité sociale telle que revendiquée par la caisse d'allocations familiales de la Drôme que Mme [V], née [L] ne peut prétendre aux prestations familiales ouvertes du fait de la naissance de l'enfant [E] parce qu'elle ne produit pas l'une des pièces prévues à l'article D 512-1 du code de la sécurité sociale pour justifier de la régularité de son séjour en France ;

Attendu d'une part que cette application revient à écarter l'effet recognitif de la délivrance de son titre de séjour par le Préfet au mois de mai 2008, cette délivrance valant reconnaissance du fait qu'à compter de la date de la naissance de l'enfant, Mme [V], née [L], remplissait les conditions de régularité de séjour en raison du fait qu'elle était mère d'un enfant français ;

Attendu d'autre part que l'application des dispositions combinées des articles précités se heurtent aux normes supérieures que constituent les articles 14 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant ;

Que les prestations familiales doivent être attribuées, s'agissant d'un enfant français, et non d'un enfant étranger, sans discrimination fondée sur la nationalité (article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme) et de façon à permettre tant à l'enfant qu'à sa mère, de mener une vie familiale normale (article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme), ce qui s'applique au bénéfice des prestations familiales ouvertes par la naissance de cet enfant ;

Attendu encore que l'enfant [E] est français ; qu'il a droit au bénéfice des prestations familiales ; qu'appliquer les dispositions de l'article D 512-1 du code de la sécurité sociale revient à le traiter moins favorablement que tout autre enfant français ou à tout enfant étranger dont les parents serait en situation régulière ; qu'il en résulte un traitement discriminatoire à son égard ;

Attendu encore qu'à partir de la naissance de [E], les droits à prestations sociales sont ouverts à son bénéfice ; que ces droits ne peuvent lui être refusés à raison de l'absence de production par Mme [V], née [L], sa mère, qui en a la charge permanente et effective, d'un titre prévu à l'article D 512-1 du code de la sécurité sociale, sans violer l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant puisque cela revient à le priver des prestations familiales instituées à son profit exclusif et dans son seul intérêt ;

Qu'il y a en conséquence lieu de réformer le jugement et de condamner la caisse d'allocations familiales à payer à Mme [V], née [L] les prestations familiales ouvertes du fait de la naissance de l'enfant [E], mais aussi pendant la période de vie commune où ces droits étaient ouverts du fait du père de l'enfant et conjoint de Mme [L] ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Condamne la caisse d'allocations familiales de la Drôme à payer à Mme [V], née [M] [L] les prestations familiales dues à l'enfant [E] à compter de la déclaration de grossesse jusqu'à la séparation des époux, puis à compter de la naissance de l'enfant ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Madame FANTIN, faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02766
Date de la décision : 07/02/2012

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°10/02766 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-07;10.02766 ?
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