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04/01/2012 | FRANCE | N°11/00721

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 04 janvier 2012, 11/00721


RG N° 11/00721



N° Minute :

















































































































Notifié le :



Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



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OUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU MERCREDI 04 JANVIER 2012







Appel d'une décision (N° RG 07/00592)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 05 janvier 2011

suivant déclaration d'appel du 03 Février 2011



APPELANTE :



Madame [K] [H]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Comparante et assistée par Me Charlotte BELLET (avocat au barreau de PARIS)







INTIMEE :



La SA...

RG N° 11/00721

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU MERCREDI 04 JANVIER 2012

Appel d'une décision (N° RG 07/00592)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 05 janvier 2011

suivant déclaration d'appel du 03 Février 2011

APPELANTE :

Madame [K] [H]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Comparante et assistée par Me Charlotte BELLET (avocat au barreau de PARIS)

INTIMEE :

La SA LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Michel PEIGNARD (avocat au barreau de VANNES)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de chambre,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

DEBATS :

A l'audience publique du 21 Novembre 2011,

Madame Dominique JACOB, Conseiller, chargée du rapport, et Madame Astrid RAULY, Conseiller, assistées de Melle Sophie ROCHARD, Greffier, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoirie(s), conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 04 Janvier 2012, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 04 Janvier 2012.

RG 11/ 721 DJ

EXPOSE DU LITIGE

[K] [H], gérante de la SARL IZA ayant pour objet l'exploitation d'un fonds de commerce de vente de produits de beauté et de soins esthétiques sous l'enseigne YVES ROCHER à [Localité 4], a signé le 20 juin 2000 un contrat de gérance libre avec la SA LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER (ci-après dénommée la SA YVES ROCHER).

Le contrat a été renouvelé pour une durée de trois ans à compter du 21 juin 2003.

Par lettre du 1er mars 2006, la société a notifié à la SARL IZA - [K] [H] son intention de ne pas renouveler le contrat à son échéance le 20 juin 2006.

La SARL IZA a été déclarée en liquidation judiciaire le 28 juin 2006.

Le 13 juillet 2006, [K] [H] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Valence d'une demande de requalification du contrat de gérance en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, sollicitant du conseil qu'il dise que la rupture du contrat est imputable à la SA YVES ROCHER et s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et lui alloue diverses sommes à caractère salarial, notamment à titre d'heures supplémentaires, et indemnitaire.

Le Conseil de Prud'hommes statuant en formation de départage le 19 janvier 2009 a rejeté l'exception d'incompétence d'attribution soulevée par la SA YVES ROCHER et s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes formées par [K] [H], décision confirmée par arrêt de la cour du 14 septembre 2009 qui a renvoyé les parties sur le fond devant le Conseil de Prud'hommes de Valence.

Par jugement du 5 janvier 2011, la juridiction prud'homale a dit que [K] [H] avait le statut de salariée et que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il a condamné la SA YVES ROCHER à payer à [K] [H] :

- 18.995,40 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 3.850,50 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 15.402 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

a fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2.567 euros,

a débouté [K] [H] de ses autres demandes et la société de toutes ses demandes.

[K] [H], à qui le jugement a été notifié le 13 janvier 2011, a interjeté appel le 3 février 2011.

Elle sollicite l'infirmation du jugement sur le montant du salaire de référence et des sommes qui lui ont été allouées ainsi que sur le rejet de ses demandes formées au titre du rappel de salaire, de l'indemnité de préavis, de l'indemnité compensatrice de congés payés.

Elle demande à la cour de fixer le salaire de référence à 2.687 euros et de condamner la SA YVES ROCHER à lui payer :

- 17.815 euros de rappel de salaire,

- 85.400 euros de rappel d'heures supplémentaires,

- 4.032 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 6.720 euros d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 64.488 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle relève que la SA YVES ROCHER s'est désistée du pourvoi interjeté à l'encontre de l'arrêt de la cour du 14 septembre 2009.

Elle sollicite l'application des dispositions du code du travail et de la convention collective de la parfumerie esthétique.

Elle revendique le statut de directrice d'institut, dans la mesure où elle en assumait toutes les responsabilités, et la rémunération versée par la SA YVES ROCHER à ses directrices d'institut (notamment à Mme [M], également directrice salariée).

Elle fait valoir que sa demande en paiement au titre du rappel de salaire pour la période comprise entre le 10 juillet 2001 (5 ans avant la saisine de la juridiction prud'homale) et le 20 juin 2006 n'est pas prescrite ; qu'elle démontre, notamment par des attestations d'anciennes salariées, qu'elle a effectué au minimum 55 heures de travail par semaine sur toute la période contractuelle ; que le contrat de location gérance lui imposait de diriger personnellement l'institut, ce qui signifiait qu'elle devait être présente sur toute l'amplitude d'ouverture et ne pouvait se faire remplacer hormis lors des courtes périodes de congés.

Elle affirme n'avoir pris que trois semaines de congés par an et demande l'indemnisation du préjudice subi par la faute de la société.

Sur son préjudice, elle fait remarquer que Pôle emploi l'ayant considérée comme une commerçante indépendante, elle n'a eu droit à aucune protection chômage ; qu'elle a travaillé en contrats à durée déterminée et qu'elle suit actuellement une formation et a dû vendre sa maison en 2008.

La SA YVES ROCHER, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté [K] [H] de ses demandes formées au titre du préavis, des congés payés non pris et du rappel de salaire, de la débouter de ses demandes au titre des heures supplémentaires, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement de fixer l'indemnité de licenciement à 1.891,13 euros en application des dispositions de la convention collective et les dommages et intérêts à 7.564,50 euros et, en tout état de cause, de la condamner à lui payer 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- les dispositions du code du travail et de la convention collective sont applicables à [K] [H] en application de l'article L 781-1 du code du travail, mais que celle-ci ne peut pour autant être considérée comme salariée en tant que telle ;

- la demande de rappel de salaire, formée pour la première fois par conclusions notifiées le 17 février 2010, est prescrite pour la période antérieure au 17 février 2005 ;

- le seul salaire de référence qui s'impose est celui prévu à la convention collective ;

- selon la convention collective, la rémunération des cadres comprend les dépassements individuels d'horaires dans la mesure où ils ne sont pas imposés et n'ont pas de caractère systématique ;

- [K] [H] ne justifie d'aucune intervention ni d'aucun contrôle de la société sur l'organisation de son temps de travail qu'elle gérait librement, de même que ses congés ;

- elle ne démontre pas avoir été empêchée par la société de prendre ses congés payés pendant cinq ans ;

- la rupture des relations contractuelles est la suite logique des constatations faites par la société et des sommes importantes dues par la société dirigée par [K] [H] ;

- toutefois si la cour était amenée à dire que la SA YVES ROCHER est à l'origine de la résiliation du contrat, l'indemnité due ne pourrait être fixée qu'en application de l'article L 722-14.4 du code du travail alors applicable (salaire des 6 derniers mois), [K] [H] ne démontrant avoir subi aucun préjudice particulier pouvant justifier une somme supérieure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux écritures déposées et soutenues oralement et sans modification à l'audience.

Par arrêt définitif du 14 septembre 2009, la cour a jugé qu'il résultait des éléments factuels qui lui avaient été soumis que les conditions d'application de l'article L 781-1 du code du travail, devenu l'article L 7321-1, étaient remplies et qu'en vertu de ce texte, les dispositions du code du travail étaient applicables à [K] [H].

Les parties conviennent de l'application à la cause de la convention collective nationale de la parfumerie esthétique.

Sur la demande de rappel de salaire :

Il n'est pas contesté que [K] [H] était, comme l'a justement relevé le Conseil de Prud'hommes, responsable du bon fonctionnement de l'institut, de l'équipe d'esthéticiennes, des commandes, du stock, des remises bancaires et de la comptabilité, ce qui correspond aux responsabilités d'une directrice d'institut, cadre. Elle employait quatre salariées, esthéticiennes.

Le Conseil d'Etat ayant annulé l'accord du 27 avril 2004 qui fixait la rémunération minimum des cadres, seule subsiste la rémunération de référence pour le coefficient 200 qui correspond aux fonctions d'esthéticienne. Or la rémunération d'une directrice d'institut se situe nécessairement à un niveau supérieur.

Le Conseil de Prud'hommes a écarté la référence faite par [K] [H] à la rémunération versée à une directrice d'une succursale, Mme [M], à hauteur de 2.687 euros, pour retenir les indications d'un 'tableau de synthèse salaire de base + variable Standyr' élaboré par la SA YVES ROCHER.

Les chiffres figurant sur ce tableau ne sont toutefois étayés par aucun document probant, contrairement aux références produites par l'appelante. Il y a lieu par conséquent de fixer la rémunération mensuelle de [K] [H] à la somme de 2.687 euros.

Au regard des bilans et avis d'imposition produits par [K] [H], il apparaît une différence de 17.815 euros bruts entre ce qu'elle a perçu et la rémunération minimale à laquelle elle avait droit. Il y a lieu de faire droit à sa demande en paiement de rappel de salaire à hauteur de cette somme.

Sur les heures supplémentaires :

[K] [H] produit deux attestations d'esthéticiennes qui ont travaillé avec elle et qui témoignent qu'elle était présente pendant toute l'amplitude d'ouverture de l'institut, soit 49 heures 30 par semaine, et qu'elle restait le soir après la fermeture pour effectuer diverses tâches de clôture de caisse, de rangement ou de mise en place de promotions.

En retenant 5 heures supplémentaires par semaine, le Conseil de Prud'hommes a fait une exacte appréciation du temps consacré par [K] [H] à son activité de directrice de l'institut.

Il ne peut en effet être déduit de l'obligation contractuelle de la gérante de diriger personnellement l'institut qu'elle devait être présente pendant toute l'amplitude d'ouverture de celui-ci, alors qu'elle employait du personnel sous sa responsabilité.

Sur la rupture du contrat :

La rupture du contrat de gérance s'analyse en un licenciement. La SA YVES ROCHER admet que la lettre de rupture en date du 1er mars 2006 n'est pas motivée et que [K] [H] est fondée à réclamer l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Cette indemnité s'élève à la somme de 4.032 euros.

Verbalement à l'audience [K] [H] précise qu'elle réclame non pas une indemnité compensatrice de congés payés mais des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait qu'elle n'a pas pu prendre la totalité de ses congés sur la période non prescrite de 5 ans.

Elle invoque le témoignage de deux de ses salariées, esthéticiennes, et la politique commerciale imposée par la SA YVES ROCHER qui l'empêchait de prendre la totalité de ses congés payés.

Elle ne démontre toutefois pas que, dans les faits, elle devait demander l'autorisation de prendre des vacances qui lui auraient été refusées.

Le préjudice subi par [K] [H] du fait de la rupture du contrat de gérance a été justement évalué à la somme de 15.402 euros, au regard de son ancienneté et des difficultés qu'elle a rencontrées pour retrouver une situation stable.

La SA YVES ROCHER ne démontre pas que l'exercice par [K] [H] des voies de recours a dégénéré en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts.

L'équité commande d'allouer à [K] [H] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement déféré sur la condamnation de la SA LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER à payer à [K] [H] 18.995,40 euros au titre des heures supplémentaires, 15.402 euros de dommages et intérêts et 2.500 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi que sur le rejet des demandes d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de congés payés,

- l'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

- Condamne la SA LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER à payer à [K] [H] les sommes de :

- 17.815 euros de rappel de salaire de juillet 2001 à juin 2006,

- 4.032 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Ordonne à la société de remettre à [K] [H] les bulletins de salaire correspondant aux heures supplémentaires, un certificat de travail et l'attestation Assedic,

- Déboute la société de sa demande reconventionnelle,

- Condamne la SA LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur DELPEUCH, président, et par Mademoiselle ROCHARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00721
Date de la décision : 04/01/2012

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°11/00721 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-04;11.00721 ?
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