RG N° 11/00776
N° Minute :
Notifié le :
Grosse délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU MERCREDI 07 DÉCEMBRE 2011
Appel d'une décision (N° RG F08/00132)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GAP
en date du 28 septembre 2009
suivant déclaration d'appel du 17 Février 2011
APPELANT :
Monsieur [V] [O]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Comparant et assisté par Me Philippe LECOYER (avocat au barreau de HAUTES-ALPES)
INTIMES :
URSSAF DE GAP, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Christophe ARNAUD (avocat au barreau de HAUTES-ALPES)
Monsieur MONSIEUR LE PREFET DE LA REGION
[Adresse 3]
[Localité 2]
Non comparant ni représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, président de chambre
Madame Hélène COMBES, conseiller,
Madame Astrid RAULY, conseiller,
DEBATS :
A l'audience publique du 05 octobre 2011,
Monsieur Daniel DELPEUCH, chargé du rapport, et Madame Hélène COMBES, assistés de Melle ROCHARD, greffier, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été renvoyée à l'audience du 2 novembre 2011 pour mise en cause du préfet de la région lequel, régulièrement convoqué, n'a pas comparu.
A l'audience du 2 novembre 2011 l'affaire a été mise en délibéré au 07 Décembre 2011, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 07 Décembre 2011.
RG 11/776DD
M. [V] [O] a été embauché par la caisse d'allocations familiales le 10 juin 1983 en qualité de technicien. Il a obtenu le diplôme d'agent de contrôle au mois de mai 1993 et a été admis comme agent de sécurité sociale en juin 1993, puis muté en août 1993 aux Urssaf de [Localité 7] et à partir de novembre 1997 de [Localité 6] en qualité d'inspecteur de recouvrement.
En 2006, M. [O] a demandé l'application rétroactive de la régularisation d'échelons d'avancement dont il considère qu'elle n'a pas été appliquée lors de l'obtention de son diplôme d'inspecteur de recouvrement, mais s'est vu refuser celle-ci.
Le Conseil de Prud'hommes de Gap a été saisi le 10 octobre 2008 par M. [O] qui a demandé des rappels de salaire pour 2 échelons conventionnels de 2% et les congés payés afférents, les intérêts au taux légal et des dommages et intérêts pour divers motifs, une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le conseil de prud'hommes a rendu sa décision le 28 septembre 2009. Il a constaté que les demandes antérieures au 10 octobre 2003 sont prescrites et que celles postérieures à cette date sont infondées. Le conseil de prud'hommes a débouté M. [O] de ses demandes.
La Cour est saisie par l'appel interjeté le 23/10/2009 par M. [O].
Par arrêt en date du 7 juin 2010, la procédure a été retirée du rôle, puis rétablie pour le 17 février 2011 et plaidée à l'audience du 5 octobre 2011.
Demandes et moyens des parties
M. [O], appelant, demande à la cour de réformer le jugement entrepris, à titre principal de rejeter l'application de la prescription et de condamner l'Urssaf des Hautes-Alpes à lui payer les sommes suivantes :
- 8 073,08 euros à titre de rappel de salaire et 807,31 euros au titre des congés payés afférents,
- 1 407,58 euros au titre des intérêts au taux légal et 140,70 euros au titre des congés payés afférents,
A titre subsidiaire si la prescription est retenue, de condamner l'Urssaf des Hautes-Alpes à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de la perte de chance de bénéficier d'une évolution de carrière normale,
D'ordonner la régularisation de sa situation à compter du 10 octobre 2003 et en conséquence de condamner l'Urssaf des Hautes-Alpes à lui payer :
- 8 412,74 euros à titre de rappel de salaire jusqu'au 30 avril 2001 outre 841,27 euros au titre des congés payés afférents,
- 1 585,75 euros à titre d'intérêts au taux légal et 158,57 euros au titre des congés payés afférents,
- 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour traitement discriminatoire,
D'ordonner la remise d'une feuille de paie rectifiée,
- la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de première instance et d'appel.
M. [O] expose par conclusions régulièrement communiquées, déposées et développées oralement à l'audience que :
1) la prescription atteint les créances qui sont déterminées dans leur montant et qu'il n'a eu connaissance de ses droits qu'à compter du 27 février 2006, de sorte que ne seraient prescrites que les demandes antérieures au 21 février 2001,
1-2) la prescription ne vise que les sommes qui ont la nature de rémunération, qu'en l'occurrence le litige porte sur une reconstitution de carrière et que les dommages et intérêts réclamés n'y sont pas soumis,
1-3) en tout état de cause, si la prescription est retenue, il a perdu une chance de bénéficier de l'évolution de carrière à laquelle il avait droit,
2) les termes de la convention collective relatifs à l'avancement, dans leur rédaction antérieure au 1er février 2005 sont les suivants :
- l'article 29 prévoit un avancement de 2 % par an, dans la limite de 40 %, la hiérarchie disposant de la possibilité d'attribuer chaque année civile un avancement supplémentaire de 2%,
- l'article 32 dispose que les agents nouvellement diplômés bénéficient de 2 échelons d'avancement conventionnel de 2 % dès la fin de leurs examens,
- l'article 33 prévoit qu'en cas de promotion à une qualification hiérarchique supérieure, l'agent perd le bénéfice des échelons supplémentaires dont il a pu bénéficier, les autres échelons acquis étant maintenus.
2-2) en juillet 1993, après l'obtention de son diplôme, il a bénéficié de deux échelons d'avancement conventionnel, mais qu'à l'occasion de sa mutation à l'URSSAF de [Localité 7] il les a perdus, à tort.
2-3) le contrat de travail s'étant poursuivi de manière continue avec l'URSSAF des Hautes-Alpes, l'erreur commise par l'URSSAF de [Localité 7] n'exonère pas l'actuel employeur de l'obligation de régulariser sa situation.
2-4) une jurisprudence s'est développée qui a confirmé la position des agents évincés de leurs échelon d'avancement conventionnels qui devaient être conservés lors des promotions, jurisprudence que la Cour de cassation a confirmée le 7 décembre 2010,
3) depuis le 1er février 2005, date d'entrée en vigueur du protocole d'accord modifiant ces dispositions conventionnelles, les notions d'"échelon d'avancement conventionnel" et d'"échelon d'avancement conventionnel supplémentaire" ont été supprimées pour faire place à celles de "points de compétence", de "points de compétence spécifique" et de "points d'expérience professionnelle".
3-1) l'URSSAF a toutefois continué de faire référence aux échelons "cours de cadres" (') en convertissant le pourcentage d'augmentation (4%) en points de compétence (11,36).
3-2) en tout état de cause il a droit au maintien du niveau atteint par sa rémunération sur laquelle les nouvelles dispositions conventionnelles sont sans incidence,
L'URSSAF des Hautes-Alpes, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement. Elle expose que :
Au préalable, en matière salariale, la prescription part de la date d'échéance du salaire et n'est interrompue que par la saisine du conseil de prud'hommes à l'exclusion d'une lettre recommandée avec accusé de réception, or les demandes de M. [O] s'analysent en demandes de rappel de salaires.
Ensuite la Cour de cassation a changé sa jurisprudence en décembre 2010 et il est demandé à la cour de conserver la première interprétation de la Cour de cassation
1) comme cela lui a été écrit le 10 octobre 2006, [V] [O] s'était bien vu attribuer, le 1er juillet 1993, les deux échelons d'avancement liés à la réussite de son examen,
1-2) par la suite l'URSSAF de [Localité 7] qui l'avait placé au coefficient 284 a constaté que l'augmentation de salaire étant supérieure à 5 %, il y avait lieu, en application de l'article 33 de la convention collective applicable à l'époque, de supprimer ces échelons,
2) si une difficulté d'application de la convention collective devait se poser, elle concernerait donc exclusivement l'URSSAF de [Localité 7] qu'il appartenait à [V] [O] d'attraire devant la juridiction compétente,
3) elle-même a repris [V] [O] dans la situation qui lui a été communiquée par l'URSSAF de [Localité 7],
3-2) l'ancienneté acquise ultérieurement a été prise en compte et [V] [O] ne conteste pas que ses promotions ont entraîné une augmentation de salaire de plus de 5 %.
4) si une faute a été commise, ce ne saurait être par l'Urssaf des Hautes-Alpes.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience sans modification ;
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier que suite à sa réussite aux examens de fin d'études de la formation des cadres, option agent de contrôle des employeurs des 28 et 29 juin 1993, M. [O] a bénéficié de deux échelons d'avancement conventionnel supplémentaire de 2% ; qu'il avait en outre le 1er juin 1993 bénéficié d'un échelon conventionnel au titre de l'ancienneté, décision de l'URSSAF des Hautes-Alpes ;
Qu'il a ensuite été promu à la date du 1er août 1993 ; qu'à la suite de cette promotion, l'Urssaf de [Localité 7] a supprimé ces échelons après avoir constaté que son augmentation de salaire était supérieure à 5% ;
Attendu que si l'article 32 de la convention collective stipule que toute promotion dans un niveau de qualification supérieur entraîne la disparition des échelons supplémentaires d'avancement conventionnel acquis dans le précédent emploi sont supprimés, les autres échelon d'avancement conventionnel acquis sont maintenus ; que le salarié a la garantie dès l'obtention du coefficient de carrière du niveau de qualification d'une rémunération supérieure d'au moins 5% à celle servie dans son emploi avant la promotion, y compris l'avancement conventionnel et les points de degré acquis ;
Attendu qu'il n'entre pas dans les prévisions de cet article de supprimer les échelons d'avancement conventionnel autres que supplémentaires ; que ces échelons supplémentaires sont ceux qui « résultant de l'appréciation portée annuellement par la hiérarchie » ; que les 2 échelons attribués en raison de l'acquisition d'un diplôme au titre de l'une des options du cours des cadres organisé par l'UNCANSS n'entrent pas dans la catégorie des échelons supplémentaires, lesquels relèvent de l'article 31 de la convention collective ;
Attendu que c'est en conséquence à bon droit que M. [O] demande que ses salaires soient régularisés ;
Attendu qu'il existe une permutabilité des agents d'une URSSAF à l'autre de sorte que la demande dirigée contre l'URSSAF des Hautes-Alpes est recevable ; que c'est bien le même contrat de travail qui s'est poursuivi ;
Attendu qu'il s'agit d'une créance de salaire qui de ce fait est soumise à la prescription quinquennale ; que le conseil de prud'hommes a été saisi le 10 octobre 2008 ; que les rappels antérieurs au 10 octobre 2003 sont prescrits ;
Attendu qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande de M. [O] pour la somme de 9 254,01 €, soit 8 412,74 € au titre des rappels de salaire et 841,27 € au titre des congés payés afférents ;
Attendu qu'il n'est pas rapporté la preuve d'un refus discriminatoire de l'URSSAF des Hautes-Alpes à l'encontre de M. [O], le fait que d'autres Urssaf ait agi différemment ne suffisant pas à démontrer une discrimination visant M. [O] personnellement ; que la demande de ce chef doit être rejetée ;
Attendu qu'il y aura lieu de remettre à M. [O] un bulletin de paie conforme ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour après en avoir délibéré conformément à la loi, contradictoirement,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Condamne l'URSSAF des Hautes-Alpes à payer à M. [O] les sommes de 8 412,74 € au titre des rappels de salaire et de 841,27 € au titre des congés payés afférents ;
Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2008 ;
Rejette la demande de dommages et intérêts de M. [O] pour traitement discriminatoire ;
Ordonne la remise à M. [O] d'un bulletin de paie conforme ;
Condamne l'URSSAF des Hautes-Alpes à payer à M. [O] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne l'URSSAF des Hautes-Alpes aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
Signé par Monsieur Delpeuch, Président, et par Madame Rochard, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GreffierLe Président