RG N° 10/04813
10/4599
N° Minute :
Notifié le :
Grosse délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU JEUDI 03 NOVEMBRE 2011
Appel d'une décision (N° RG 09/1457)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 22 octobre 2010
suivant déclaration d'appel du 16 Novembre 2010
APPELANTS et INTIMES :
Maître [C] [L] es qualité de mandataire liquidateur de la société CPBA
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par Me Dominique BRET (avocat au barreau de GRENOBLE)
C.G.E.A. [Localité 6]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représenté par Me FOLCO (avocat au barreau de GRENOBLE)
INTIME et APPELANT INCIDENT :
Monsieur [T] [X]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Comparant et assisté par Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE (avocat au barreau de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de Président,
Madame Dominique JACOB, Conseiller,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,
DEBATS :
A l'audience publique du 06 Octobre 2011,
Monsieur Bernard VIGNY, chargé du rapport, et Madame Dominique JACOB, assistés de Melle Sophie ROCHARD, Greffier, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 03 Novembre 2011, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 03 Novembre 2011.
RG 10/4813BV
M. [X] a été embauché par la SARL Concepts de Préfabrication Pour le Bâtiment- CPBA par contrat à durée indéterminée en qualité de VRP exclusif puis, à compter du 1er juillet 2002, en qualité de technico-commercial niveau IV échelon 1 coefficient 255 de la convention collective de la métallurgie de l'Isère.
Les difficultés sont rapidement apparues au sujet des heures de travail effectuées par le salarié et payées par l'employeur.
La société qui comprenait 52 salariés a été admise au bénéfice de la procédure de redressement judiciaire par jugement d'ouverture du tribunal de commerce de Grenoble du 12 août 2008. La liquidation judiciaire de la société a été prononcée par jugement du 3 février 2009, et maître [L] désigné en qualité de liquidateur.
Par courrier du 3 février 2009, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement pour motif économique par Maître [L], ès qualité de liquidateur de la société.
Son licenciement pour motif économique lui a été notifié le 16 février 2009.
Le salarié a adhéré à la CRP le 23 février 2009.
Par jugement du 22 octobre 2010 le conseil des prud'hommes de Grenoble a :
- dit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse , et a ordonné à Maître [L], ès qualité de liquidateur d'inscrire sur le relevé de créances salariales de la société :
- 2271,37 € brut à titre de paiement des jours fériés et dimanches sur foires
- 227,14 euros de congés payés afférents,
- 811,78 euros au titre des heures supplémentaires
- 81,17 € au titre des congés payés afférents
- 20'000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse
- 3279 € de dommages-intérêts pour remise tardive des documents sociaux
- 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- déclaré le jugement opposable à l' AGS CGEA d'[Localité 6]
- ordonné à Maître [L], ès qualité de liquidateur de remettre un certificat de travail et l'attestation pour l'emploi conformes au jugement
- débouté M. [X] de ses autres demandes
Appel contre cette décision a été interjeté le 8 novembre par Me [L], appel limité aux condamnations suivantes, à des dommages-interêts : 20'000 € et 3279 €.
M.[X] a interjeté appel incident limité aux dispositions suivantes : rappel de salaire sur jours fériés et dimanches sur foires et congés payés afférents, prime d'ancienneté, commissions sur dossier, congés payés afférents, heures supplémentaires et repos compensateurs et congés payés afférents.
Me [L] expose que :
- il a exécuté son obligation de reclassement ainsi qu'il résulte du courrier adressé à L'UDIMEC le 18 mars 2009.
- il avait pour obligation de notifier les licenciements dans le délai de 15 jours à compter de la date de la liquidation judiciaire, afin que les créances liées à la rupture soient couvertes par l' AGS. Il ne peut être tenu pour responsable de la réponse tardive de L'UDIMEC.
-M. [X] a adhéré à la convention de reclassement personnalisé le 23 février et les documents Pôle emploi, notamment la fiche numéro 3, ont été joints au dossier de CRP et adressés à Pôle emploi le 2 mars 2009.
°°°
M. [X] demande à la cour de constater qu'il n'a pas été rempli de l'intégralité de ses droits salariés au cours de sa collaboration professionnelle et demande d'ordonner à Maître [L] de lui payer :
- 11'010 € bruts de salaire pour dimanche et jours fériés sur foires, outre les congés payés afférents,
- 521 € bruts de prime d'ancienneté, outre les congés payés afférents,
- 767 € d'indemnités de congés payés
- 59'580 € bruts d'heures supplémentaires plus repos compensateurs, outre les congés payés afférents,
- 20'000 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
Il demande d'ordonner à Maître [L] de lui délivrer un certificat de travail et l'attestation ASSEDIC conformes, et sollicite l'inscription sur le relevé des créances salariales de la somme de 3279 € à titre de dommages-intérêts pour délivrance tardive de l'attestation ASSEDIC.
Il demande de déclarer la décision commune et opposable à l'AGS.
Il demande également de mettre aux frais de la liquidation judiciaire la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que :
- sa rémunération prévoyait une partie fixe à laquelle s'ajoutait une commission ; plusieurs avenants sont intervenus qui concernaient la partie variable de son salaire,
- la rémunération variable était la suivante, en application du dernier avenant :
- chiffre d'affaires mensuel hors taxe inférieur à 43.280 euros : 2 % sur la totalité du chiffre d'affaires
- chiffre d'affaires mensuel hors taxes supérieure à 43.280 €: 3 % sur la totalité du chiffre d'affaires
- il était également prévu une prime dans les conditions suivantes :
- chiffre d'affaires mensuel inférieur à 34630 € : pas de prime
- chiffre d'affaires mensuel égal ou supérieur à 34.630 € : prime de 457,35 euros bruts
- chiffre d'affaire mensuel égal ou supérieur à 51.940 € : prime de 762,25 euros bruts
- au-delà de 68.7480 euros bruts de chiffre d'affaires mensuel et par tranche de 16.000 € : prime de 304,90 euros bruts.
-depuis le début de la relation contractuelle, il est apparu des difficultés relatives au paiement de l'intégralité de ses heures de travail ; il a écrit fin 2002 afin de réclamer le paiement des heures supplémentaires effectuées et s'est rapproché de l'inspection du travail mais la société n'a pas procédé à la régularisation de sa situation ;
- en 2003, il s'est vu imposer une activité sur les foires, en fin de semaine, les dimanches, sans contrepartie financière ni récupération ; il produit les justificatifs,
- il n'a pas perçu sa prime d'ancienneté à compter du mois de septembre 2006
- son licenciement est abusif compte tenu de l'absence de recherches reclassement, la lettre de licenciement se bornant à faire référence à l'autorisation du juge commissaire et n'invoquant pas l'impossibilité de reclassement , ce qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
- il émet les plus extrêmes réserves quant à l'authenticité des documents produits tardivement par maître [L] ; la simple information de L'UDIMEC ne respecte pas les dispositions de l'accord national du 12 juin 1987,
- il n'a pas été informé des recherches de reclassement extérieur qu'aurait effectuées le liquidateur.
°°°
L'AGS CGEA d'[Localité 6] intervient à la procédure et rappelle les conditions de sa garantie.
MOTIFS DE L'ARRET.
1. Sur le licenciement.
a. Sur la mise en oeuvre de l'accord du 12 juin 1987.
L'accord national sur l'emploi dans la métallurgie en date du 12 juin 1987 prévoit :
article 28 : « lorsqu'une entreprise sera conduite à réduire ou à cesser son activité, elle recherchera en liaison étroite avec le comité d'entreprise, les délégués syndicaux et les organismes habilités toutes les solutions permettant d'assurer le reclassement du personnel... Elle favorisera les adaptations nécessaires, notamment dans le domaine des ressources de la formation et du reclassement des travailleurs...
Si toutefois elle est amenée à envisager un licenciement collectif d'ordre économique, elle doit...rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise en particulier dans le cadre des industries des métaux, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi... »
article 33 : « les entreprises doivent rechercher les possibilités d'emploi susceptible de convenir aux salariés dont le licenciement aura dû être décidé, de préférence dans la localité ou les localités voisines, ainsi que les moyens de formation et de reconversion qui pourraient être utilisés par eux.
Les chambres syndicales territoriales apporteront à cette recherche leur concours actif .L'IUMM fera de même s'il apparaît que l'ampleur du problème dépasse le cadre territorial. Les entreprises feront connaître ces possibilités de reclassement, de formation et de reconversion au comité d'entreprise ou d'établissement ainsi qu'au personnel intéressé ».
En l'espèce, par courrier du 3 février 2009, soit le jour où le jugement de liquidation judiciaire a été prononcé, Me [L] a adressé à l'UDIMEC une correspondance dans laquelle, après avoir rappelé le jugement pré cité, indique devoir rechercher « une solution de reclassement », et dans laquelle il demande : « je vous remercie de me confirmer si vous avez la possibilité de reclasser au sein de vos adhérents, les salariés dont la liste est jointe à la présente, en cas d'emploi vacant correspondant à l'aptitude professionnelle des salariés... »
Par courrier daté du 18 mars 2009 et reçu par Me [L] le 23 mars 2009, l'UDIMEC répond avoir bien reçu le courrier concernant les salariés de la société CPBA et avoir transmis à son service emploi les profils des postes concernés. Cet organisme précise que tout renseignement sur son fonctionnement peut être trouvé sur son site Internet et que les salariés licenciés peuvent inscrire directement en ligne leur CV.
M. [X] qui émet les plus extrêmes réserves quant à l'authenticité de ces courriers, n'apporte pas d'éléments susceptibles de conforter ses doutes.
Me [L] justifie avoir respecté les dispositions de l'accord du 12 juin 1987, en saisissant l'UDIMEC, dès le prononcé du jugement de liquidation judiciaire, étant rappelé que le liquidateur ne dispose que d'un délai de 15 jours pour procéder au licenciement des salariés.
Le liquidateur ne peut être tenu responsable du délai mis par l'UDIMEC pour répondre à sa demande.
Les indications données par le liquidateur étaient suffisantes et permettaient une information complète de l'UDIMEC. En effet, le courrier adressé à cet organisme était accompagné d'une liste des salariés concernés mentionnant leur aptitude professionnelle.
L'obligation d'associer les représentants du personnel à la procédure de reclassement externe qui figure au premier alinéa de l'article 28 de l'accord du 12 juin 1987, n'est pas mentionnée à l'alinéa 2 de cet article, consacré au licenciement collectif d'ordre économique.
Aucune disposition, dans l'accord du 12 juin 1987, ne fait obligation à l' UDIMEC d'informer les salariés du résultat de ses recherches.
b. Sur les recherches de reclassement par le liquidateur.
Le liquidateur a procédé, en application de la décision du juge commissaire, au licenciement de l'ensemble des salariés de la société CPBA. Cette dernière ne faisait pas partie d'un groupe de sociétés. Toute recherche de reclassement était impossible.
2. Sur la demande de rappel de salaires.
a. Jours fériés et dimanches occupés à des foires.
M. [X] justifie avoir demandé à plusieurs reprises, à partir du 7 décembre 2002, le paiement des jours fériés travaillés et dimanches occupés à des foires.
La demande est fondée, à compter du 21 août 2004 (le premier juge a été saisi le 21 août 2009), à hauteur de 33 jours x 68,83 € = 2271,37 €, outre les congés payés afférents.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
b. Sur la prime d'ancienneté.
Ainsi que l'a relevé le premier juge, une régularisation de la prime d'ancienneté est mentionnée sur le bulletin de paye de septembre 2006, pour la période de janvier 2005 à août 2006.
M.[X] indique, cependant, que sa demande couvre toute la durée de la relation contractuelle. Il lui reste du la somme de 16 mois x 32,56 € = 520,96 €.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
c. Sur les commissions sur dossiers en cours repris par M. [W].
La demande de M.[X] porte sur un chiffre d'affaires à partir de « clients potentiels ».
Cette demande ne peut être retenue alors que le contrat de travail et les avenants successifs ont prévu une commission sur chiffre d'affaires, réalisé et non pas potentiel ou espéré.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
d. Sur l'indemnité de congés payés.
M.[X] qui demande la somme de 767 € bruts, soit la différence entre 3943 € dus et 3177 € perçus, ne donne aucune explication sur son mode de calcul.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
e. Sur les heures supplémentaires, le repos compensateur.
M. [X] produit un tableau récapitulatif des heures supplémentaires accomplies entre 2002 et 2009. Seules peuvent être prises en considération les heures effectuées à partir du 21 août 2004.
De très nombreuses notes de frais sont également versées aux débats, concernant des frais d'autoroute, de carburant, d'hôtels restaurants et des frais divers, pour la même période.
La partie appelante ne produit pas de documents relatifs au temps de travail et aux horaires de M.[X].
Les éléments produits aux débats permettent de retenir que M. [X] a effectué 2340 heures supplémentaires. Il lui est du la somme de 26'160,50 € , outre les congés payés afférents.
Il est dû à M.[X], la somme de 7848,50 € au titre des repos compensateurs.
f .Sur la remise tardive du certificat de travail et de l'attestation ASSEDIC.
L'attestation ASSEDIC, aujourd'hui Pole Emploi, est datée du 2 mars 2009, alors que le licenciement est intervenu le 16 février 2009 et que M. [X] a adhéré à la convention de reclassement personnalisé le 23 février 2009.
La demande de dommages-intérêts n'est pas justifiée, de sorte que le jugement sera infirmé sur ce point particulier.
L'équité commande la condamnation de la société CPBA, en liquidation judiciaire, à payer à M. [X] la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Prononce la jonction des instances 10/4599 et 10/4813.
Confirme le jugement en ce qu'il a inscrit, au profit de M.[X], au passif de la société CPBA les sommes de : 2271,37 € et 227,14 € au titre des jours fériés et dimanches travaillés,
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [X] de ses demandes au titre des commissions et des congés payés et confirme le jugement en ce qui concerne les dépens.
Infirme le jugement pour le surplus.
Statuant à nouveau.
Ordonne l'inscription des sommes suivantes au profit de M. [X], au passif de la société Concepts de Préfabrication Pour le Bâtiment :
- 520, 96 € au titre de la prime d'ancienneté,
- 26'160,50 € au titre des heures supplémentaires,
- 2616,05 € au titre des congés payés afférents,
- 7848,50 € au titre des repos compensateur,
Dit que la condamnation prononcée par le jugement du 22 octobre 2010 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au profit de M.[X], doit être supportée par la société CPBA, en liquidation judiciaire.
Condamne la société Concepts de Préfabrication pour le Bâtiment à payer à M.[X], la somme de 1500 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en cause d'appel.
Déboute M.[X] de tout autre demande.
Dit l'arrêt opposable à l'AGS CGEA d'[Localité 6].
Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Signé par M.Vigny, président, et par Mlle Rochard, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffierLe Président