RG N° 10/04429
N° Minute :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU JEUDI 03 NOVEMBRE 2011
Appel d'une décision (N° RG F09/1240)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 23 septembre 2010
suivant déclaration d'appel du 08 Octobre 2010
APPELANTE :
La S.A.S.PACE EUROPE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par M. [K] [S] 'General Counsel & Company Secretary' assisté par Me Simon WESLEY (avocat au barreau de LYON)
INTIME :
Monsieur [T] [R]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Comparant et assisté par Me Jean FOLCO (avocat au barreau de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de Président,
Madame Dominique JACOB, Conseiller,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,
DEBATS :
A l'audience publique du 29 Septembre 2011,
Monsieur Bernard VIGNY, chargé du rapport, en présence de Madame Dominique JACOB, assistés de Melle Sophie ROCHARD, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Notifié le :
Grosse délivrée le :
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 03 Novembre 2011, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 03 Novembre 2011.
RG 10/4429BV
M. [R] a été embauché en qualité d'ingénieur par la société XCOM, le 5 juin 1990.
Cette société a été rachetée en 2001 par le groupe Pace, groupe britannique.
Un premier plan social a été mis en place en 2008 réduisant l'effectif à 23 salariés. Cependant avant l'expiration de ce plan, la fermeture complète du site de [Localité 5] a été décidée.
Par lettre du 30 avril 2009, M.[R] a été licencié pour motif économique.
Par jugement en date du 23 septembre 2010, le conseil des prud'hommes de Grenoble a :
- dit le licenciement de M. [R] sans cause réelle et sérieuse.
- condamné la société Pace Europe à lui payer 138'000 € à titre de dommages-intérêts, outre une somme sur le fondement de l'article 700 du CPC.
La société Pace Europe a relevé appel ; elle conclut au débouté de l'ensemble des demandes de M. [R] et à sa condamnation à lui payer la somme de 5000 € en application de l'articles 700 du CPC.
Elle expose que:
- sur le motif économique : la lettre de licenciement énonce ce motif. Il convenait de sauvegarder la compétitivité de la société. La finalité n'était pas exclusivement financière ou boursière ou à court terme (l'action de la société n'est pas remontée suite aux licenciements).
La société a subi de plein fouet la crise de l'économie mondiale fin octobre 2008. La crise a eu pour effet immédiat d'augmenter ses coûts de manière significative, en raison du repli de la £, de réduire ses prévisions pour 2009 de manière drastique (bénéfice 33m £ réduit à 3m£) puis effacement de deux tiers de la valeur de l'action.
L'enquête trimestrielle de conjoncture dans l'industrie en France, du mois d'avril 2009 faisait état d'une détérioration de la compétitivité et de difficultés de trésorerie des entreprises.
Pour les autres pays occidentaux la situation était comparable.
- la société a dû affronter la concurrence de Motorola, Thomson,Humax (Corée) Cisco (USA).
- en ce qui concerne la situation financière : la société a été confrontée au repli de la livre sterling par rapport au dollar. Elle a dû procéder à une baisse prévisionnelle de ses bénéfices (cf. plus haut). Le prix de son action a baissé (idem). Le cours de l'action est une mesure pertinente. Cependant il ne s'agit pas de licenciements boursiers.
La société était active dans des pays atteints par la récession économique.
La télévision payante apparaissait et constituait une concurrence importante.
- la société, par les mesures prises, a tenté de se préparer aux évolutions qui se profilaient depuis le début 2009 et d'affronter la prochaine phase de changement technique et compétitif du secteur. Elle a ainsi limité les nouveaux recrutements, supprimé certaines fonctions, a invité les responsables budgétaires à réduire leur budget 2009 de 10 %, a réduit le nombre de projets, a réduit les investissements internes ; les membres de l'équipe dirigeante ont accepté de renoncer à toute augmentation de salaire aligné sur l'inflation en 2009.
- depuis 2009, le groupe s'est redressé de façon rapide sinon spectaculaire.
- sur l'obligation de reclassement : la société a proposé au salarié le seul poste d'architecte informatique disponible au sein du groupe au plan mondial à l'époque (poste situé en Angleterre), correspondant à son niveau d'expérience de qualification (voir pièce 17,18.1 à 5, 34). M. [R] a refusé cette proposition, comme offrant insuffisamment de garanties d'emploi, à tort.
- dans le cadre du plan social, M. [R] a perçu : 70'100 € au titre de l'indemnité légale de licenciement et 96'734 € au titre de l'indemnité supra légale de licenciement dans le cadre du PSE.
M. [R] ne justifie d'aucun préjudice.
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M. [R] conclut à la confirmation du jugement et sollicite 3000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC. Il fait valoir que :
- sur le reclassement : la société n'a pas épuisé toutes les propositions de reclassement pouvant être faites ; elle n'a pas fait preuve de loyauté dans cette recherche. L'emploi proposé en Angleterre ne présentait aucune garantie de pérennité. Le salaire était moindre, et son épouse qui était fonctionnaire aurait dû se mettre en disponibilité.
Le groupe est présent dans une quinzaine de pays. En France, ce groupe est présent non seulement à travers la société Pace Europe SA S mais encore à travers la société Pace France située à [Localité 6] forte de 232 salariés. La société appelante ne justifie pas de recherche auprès de ces sociétés.
La société se devait de respecter les dispositions des articles 28 et 33 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 (en cas de licenciement collectif d'ordre économique, elle doit rechercher les possibilités de reclassement extérieur en particulier dans le cadre des industries des métaux, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi...les recherches doivent être faites de préférence dans la localité où les localités voisines...).
- sur le motif économique : les activités développées à [Localité 5] s'inscrivaient dans le cadre d'un CAT, c'est-à-dire d'unités commerciales, faisant appel à des compétences en France, au Royaume-Uni et en Inde.
Le cabinet d'expertise SACEF mandaté par le comité d'entreprise a pu mener sa mission, malgré certaines réticences de la société, jusqu'au bout : il a conclu de la manière la plus nette que les contraintes invoquées par la société n'avaient aucun impact déterminant sur l'activité du groupe Pace et plus spécialement du CAT Irdeto. Il a considéré que l'on était en présence d'un CAT Irdeto performant et plein d'avenir. L'analyse de ce cabinet a été retenue par l'autorité administrative, dans le cadre des demandes d'autorisation de licenciement concernant les salariés protégés.
La décision de la société ne vise qu'à accroître ses profits, en transférant l'activité développée à [Localité 5] sur des sites situés dans des régions du monde où les contraintes sociales sont moins fortes. La société Pace, en rachetant en 2001 la société XCOM, en a récupéré le savoir-faire, la clientèle et les biens immobiliers, puis s'est débarrassée de cette dernière. Les résultats du groupe en 2008 étaient bons comme cela se dessinait alors pour 2009. À ce jour, le groupe est numéro un mondial dans son domaine d'activité.
- M. [R] a créé une entreprise dont il ne tire à ce jour aucun revenu.
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Le conseil de M. [R] indique que la société appelante ayant justifié du respect des dispositions des articles 28 et 33 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987, il renonçait à soutenir ce moyen.
MOTIFS DE L'ARRET.
Constitue un licenciement économique, le licenciement prononcé pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emplois ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, ou à une réorganisation décidée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.
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La lettre de licenciement adressée au salarié était ainsi motivée (extraits) :
«...nous sommes dans l'obligation de poursuivre notre projet de licenciement économique en raison* de la fermeture de la société Pace Europe et *de la cessation de son activité en France et des difficultés économiques et financières nécessitant de prendre des mesures pour sauvegarder la compétitivité du groupe Pace. En 2006, le groupe Pace a confié le développement du CAT IRDETO à sa filiale située en France,Pace Europe, en coordination avec d'autres équipes du groupe...fin 2007, début 2008, confronté à un nombre de clients et un niveau de ventes suffisants, à des coûts plus élevés que ceux estimés au lancement du CAT IRDETO, à l'évolution du marché et à une concurrence accrue sur les produits bas de gamme, le groupe Pace a été contraint de réorganiser l'activité du CAT IRDETO et par voie de conséquence de la société Pace Europe.
Malheureusement, la crise financière et économique mondiale survenue en fin d'année 2008 ainsi que les fluctuations sans précédent des taux de changes contraignent le groupe Pace à prendre, à nouveau, des mesures de réorganisation pour sauvegarder la compétitivité.
Le groupe est actuellement confronté à un certain nombre de menaces pesant sur sa compétitivité et notamment :
en raison du net repli brutal et sans précédent du taux de change de la livre sterling par rapport au dollar américain à la fin d'octobre 2008, il est apparu à la suite du GBR d'octobre 2008 que les prévisions concernant le résultat d'exploitation pour 2009 s'effondreraient à 3 millions de livres sterling en 2009, au lieu de 33 millions de livres sterling initialement prévues.
Cette situation a contraint le groupe à prendre des mesures pour redresser la situation... afin de présenter un résultat d'exploitation prévisionnelle pour 2009 à hauteur de 24 millions de livres sterling.
Le groupe a été contraint d'annoncer à la City la révision à la baisse de ses prévisions bénéficiaires pour 2009.
Suite à la publication de cette annonce, les analystes et économistes ont revu à la baisse les prévisions concernant les performances du groupe, et le cours de l'action de la société Pace plc a été réduite de deux tiers passant de 97,5 p au 19 septembre 2008 à 35 p le 29 octobre 2008.
Cette évolution liée à l'aggravation de la crise financière et économique mondiale a des répercussions prévisibles importantes sur le groupe Pace : la perception que les fournisseurs ont de la santé financière du groupe à travers l'effondrement du cours de l'action risque de les amener à revoir à la baisse les conditions de crédit dont nous profitons..... La très faible valorisation de la société fait de Pace plc une cible de rachat intéressante avec le risque, en cas de reprise, de suppressions de postes plus importantes pour minimiser les coûts et maximiser les synergies. Le maintien du niveau de bénéfice et du prix de l'action est indispensable pour per mettre au groupe d'investir dans le développement de produits nouveaux.....
Les économies de la plupart des pays dans lesquels le groupe Pace est présent sont en récession...le groupe Pace achète la majorité (90 %) des principaux composants en dollars américains alors même que 50 % des ventes du groupe sont facturées en euro ou en livres sterling....l'évolution des taux de change se traduit par une augmentation du coût unitaire des produits commercialisés... 17 % entre octobre et novembre 2008.
Dans ce contexte économique difficile, les clients du groupe prévoient un fléchissement du marché dans le segment des consommateurs à faibles revenus.
En ce qui concerne plus particulièrement le CAT IRDETO, lors de la dernière révision des activités et en tenant compte de la restructuration mise en place, les prévisions affichaient une amélioration....le CAT IRDETO n'est toujours pas parvenu à développer une clientèle suffisante. Le coût de l'emploi dans les pays de la zone euro est désormais plus élevé . Le CAT IRDETO étant principalement localisé en France, l'impact des taux de change fait augmenter les frais généraux liés à la société Pace Europe.
Dans ce contexte économique difficile, le groupe Pace est contraint de prendre des mesures pour limiter ses coûts, telles que : nouveaux recrutements limités aux remplacements indispensables, certaines fonctions ont été supprimées... les responsables budgétaires ont été invités à réduire leur budget de 2009 de 10 %... investissements internes revus à la baisse.....
Dans le cadre des mesures destinées à limiter les coûts il a été décidé notamment de fermer la société Pace Europe. La fermeture de la société Pace Europe en France et la suppression des 23 postes du site de [Localité 5] permettront de réaliser une économie de plus d'un million de livres sterling par an, ce qui représente 15 % des frais généraux du CAT IRDETO.....
La fermeture de la société Pace Europe et la cessation de son activité en France nous contraignent à supprimer l'ensemble des postes de la société Pace Europe. Votre poste est par conséquent supprimé »......
1. Présentation du groupe Pace.
Le groupe Pace plc est présent dans une quinzaine de pays, dont la France. Ce pays compte de sociétés :Pace France, basée à [Localité 6] (232 salariés) et Pace Europe basée à [Localité 5] (23 salariés, 2,6 % de l'effectif total du groupe).
Le groupe Pace est organisé en 8 CAT (Customer Account Teams) et 9 CST (Customer Support Teams).
Le groupe est organisé autour de plusieurs secteurs spécialisés dans chacun des principaux systèmes de décodage / décryptage ( CAT ), dont le système IRDETO.
Chaque CAT constitue un centre de profits totalement indépendants. Le CAT IRDETO est constitué de trois équipes réparties entre la Grande-Bretagne, la France ([Localité 5]) et l'Inde.
Pace Europe est une filiale à 100 % du groupe Pace plc et ne possède aucune autonomie dans sa gestion puisqu'elle est gérée comme un centre de coûts par sa maison mère et considérée ainsi par l'administration fiscale française : l'intégralité des coûts du site comprenant les frais de personnel et les frais de fonctionnement du site de [Localité 5] font l'objet d'une refacturation au Royaume-Uni.
2. Sur le bien-fondé du motif économique.
Avant d'aborder les motifs invoqués dans la lettre de licenciement, il importe de relever que le cabinet SACEF qui a procédé, à la demande du comité d'entreprise, à l'examen et à l'analyse de la situation de la société appelante, a mentionné, en exergue au rapport, les éléments suivants :
- la direction de la société a refusé la communication des informations au sujet des autres CAT et du « consolidé groupe » qu'elle a qualifiées de trop sensibles. Aucun élément de comparaison n'a été obtenu entre le CAT IRDETO et ses pairs et aucune explication n'a été fournie sur les motifs avancés dans le livre III pour justifier de la nécessité de fermer l'établissement de [Localité 5].
- les informations, notamment en ce qui concerne l'économie de 1 million de Livres suite à la fermeture de l'établissement de [Localité 5], ont été insuffisantes.
- selon la direction, le seul budget disponible pour l'année 2009 est celui préparé avant le livre III. Il n'est donc pas possible de juger de la pertinence, disent les auteurs du rapport, de la nouvelle organisation envisagée puisqu'aucun calcul budgétaire ne vient démontrer que les économies seront au rendez-vous et les clients conservés. En outre, cela signifierait que les dirigeants piloteront l'activité en 2009 avec un budget qui ne reflète pas la nouvelle organisation envisagée.
Sur les motifs économiques mentionnés dans la lettre de licenciement.
La société appelante invoque les difficultés macro-économiques qui ont touché la plupart des économies mondiales à la fin de l'année 2008.
Si nombre de sociétés commerciales ont été mises en difficulté par la crise mondiale, si les économies de certains pays ont été plus particulièrement touchées, la situation n'a pas été uniforme.
En effet, ainsi que le rapport du cabinet SACEF le souligne, sans être contredit, en ce qui concerne les zones géographiques dans lesquelles se trouvent les clients du CAT IRDETO, il s'est plutôt agi d'un ralentissement de la croissance (+4,7 % en Afrique, 2,5 % en Europe centrale) ; par ailleurs en ce qui concerne les nouveaux clients potentiels de la société appelante, figurent des pays connaissant une croissance notable : Ukraine, Inde.
Contrairement à d'autres marchés, le marché de l'électronique grand public est un marché qui, ainsi que le relève le rapport SACEF, résiste mieux aux crises.
En ce qui concerne l'impact de la variation des taux de change, la société appelante n'a pas fourni d'éléments permettant de retenir la réalité d'une forte dégradation de la marge brute.
Le rapport SACEF mentionne en effet qu'en réponse à sa demande de documents, la société appelante n'avait adressé qu'une page « EXCEL » et n'avait pas adressé de budget en ce qui concerne les autres CAT.
Le rapport SACEF mentionne également, de façon pertinente, que l'évolution défavorable de la courbe des taux de change n'est pas soudainement apparue en octobre 2008 mais résulte d'une tendance de fond, tendance nécessairement connue des dirigeants du Groupe.
L'analyse du chiffre d'affaires par zones géographiques montre que le groupe Pace opère depuis de nombreuses années à l'international, de sorte que son exposition aux risques de l'évolution des taux de change constitue une donnée de son activité.
L'examen auquel les auteurs du rapport SACEF se sont livrés montrent que le CAT IRDETO est peu exposé à l'évolution défavorable des taux de change. Le rapport a analysé les revenus, les coûts de production, l'ajustement avant marge brute, les coûts du CAT, les coûts de la recherche et du développement et les coûts de siège. La société appelante n'apporte pas d'éléments contraires.
La société appelante n'a pas produit, en cause d'appel, d'éléments permettant d'établir, ainsi qu'elle l'affirme dans la lettre de licenciement, que les fluctuations « sans précédent » des taux de change la contraignaient à prendre des mesures de réorganisation pour sauvegarder sa compétitivité.
Dans ces conditions, la baisse prévisionnelle des bénéfices invoqués pour l'année 2009, baisse imputée par la société appelante aux fluctuations des taux de change, ne peut être sérieusement retenue. En toute hypothèse, la société appelante fait état d'une baisse des bénéfices de 33 millions de Livres à 3 millions de Livres, et non d'une situation déficitaire.
La société appelante développe la nécessité dans laquelle elle se trouvait de mettre un terme à la baisse du cours de son action et de prendre les mesures propres à inverser la tendance.
Lors de la rédaction de leur rapport, le 30 décembre 2008, les analystes du cabinet SACEF ont constaté un rebond spectaculaire du cours de l'action (+43 % pour atteindre 0,55£ ) par rapport aux cours mentionnés dans le livre III sans qu'aucune annonce particulière, disent les auteurs, n'ait été faite auprès de la City.
Le rapport mentionne que le cours a été suspendu en raison du rachat d'une activité de Philips en début d'année, que le cours a évolué dans un « tunnel » compris entre un peu moins de 0,80 £ et un peu moins de 1 £, que le passage sous le plancher des 0, 80 £ intervient le 06 octobre pour atteindre son plus bas le 29 octobre à 0,3525 £ et que depuis fin octobre, le cours regagne du terrain progressivement, après une courte rechute autour du 20 novembre en raison de gros volumes de transactions.
Par ailleurs, la société appelante ne caractérise aucune menace au niveau du groupe en ce qui concerne la trésorerie.
Le rapport SACEF mentionne, au vu des éléments analysés au sein de la société, que le groupe avait augmenté ses réserves de liquidités et n'avait pas de problème particulier de trésorerie pour financer ses opérations courantes, envisageant des acquisitions portant sur des technologies qu'elles ne maîtrisait pas.
Le motif purement financier invoqué n'est pas avéré.
En ce qui concerne la « perception que les fournisseurs ont de la santé financière du groupe Pace », la société appelante n'illustre pas la menace invoquée. En ce qui concerne les fournisseurs du groupe, le rapport SACEF mentionne, ce que la société appelante ne contredit pas, que le seul fournisseur du CAT IRDETO était la société Unihan, dont la maison mère est la société AsusTek et que cette dernière n'avait nullement souffert de la crise, qu'elle envisageait l'année 2009 sous de très bons auspices, tant sur le marché des ordinateurs que des cartes mères.
La société appelante n'établit pas non plus que la situation dans laquelle elle était, la désignait comme une « cible » de rachat par d'autres sociétés. À cet égard le rapport SACEF indique que ce risque n'est pas réel, dès lors, d'une part, que dans le cas de la société appelante, les 20 premiers actionnaires institutionnels représentent à eux seuls exactement 53,92 % du capital, au 1er décembre, et, d'autre part, que la maison-mère détient une partie du capital de la société Pace dans une proportion constituant une minorité de blocage (il faudrait nécessairement son accord pour toute opération touchant au capital).
La société appelante soutient que le CAT IRDETO est confronté à des risques importants, n'étant toujours pas parvenu à développer une clientèle suffisante. Elle mentionne deux clients : Digiturk en Turquie et Multichoice en Afrique du Sud. Cependant elle n'apporte pas d'éléments caractérisant les risques invoqués.
Le rapport SACEF, au terme d'une analyse très détaillée et très documentée (nombreuses données chiffrées, courbes de chiffre d'affaires, courbes des coûts, comparaisons entre les différents CAT, analyses financières, données comptables...), exclut tout risque de la nature invoquée par la société appelante.
Il montre, éléments financiers à l'appui, que la crise financière n'a eu aucun impact sur les clients actuels ou à venir du CAT IRDETO, que ce dernier a réalisé d'excellentes performances sur l'année écoulée, arrêtée au mois d'octobre 2008 (dernières données comptabilisées), qu'une analyse comparative avec les autres CAT montre que le CAT IRDETO a réalisé les meilleures performances du groupe sur la base du cumul à fin octobre, 2008, que sur un plan stratégique, il s'agit d'un CAT qu'il faut faire grandir tout en préservant son niveau de performance actuelle et que lors de chaque «Global Business Review », l'exécutif s'est appuyé sur les chiffres actualisés et des hypothèses de développement pour prendre les décisions stratégiques qui s'imposaient au niveau du CAT IRDETO.
Le rapport retient que ce CAT IRDETO était « performant et plein d'avenir ».
Au terme de cette analyse, il convient de constater que les motifs invoqués par la société appelante dans la lettre de licenciement adressé à M. [R], ne sont pas fondées. Dès lors, ainsi que l'a retenu le Conseil de prud'hommes de Grenoble dans son jugement du 23 septembre 2010, le licenciement de M. [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En conséquence, le jugement doit être confirmé.
En ce qui concerne le préjudice de M. [R], il convient de retenir que ce dernier avait, au moment de son licenciement, une ancienneté de prés de 19 ans, qu'il est resté de nombreux mois au chômage, avant de prendre la décision de créer sa propre entreprise, dont il ne tire à ce jour aucun revenu, et étant, à ce jour, âgé de 52 ans, il lui reste encore de nombreuses années avant de pouvoir faire valoir ses droits à la retraite.
En allouant à M. [R] la somme de 138'000 € à titre de dommages-intérêts, le premier juge a exactement évalué son préjudice.
Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne l'indemnisation de M. [R].
L'équité commande la condamnation de la société appelante à payer à M. [R] la somme de 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi.
Confirme le jugement en toutes ses dispositions.
Condamne la société Pace Europe à payer à M. [R] la somme de 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en cause d'appel.
Condamne la société Pace Europe aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement toujours pas mis à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les partis ayant été préalablement avisés dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa trois du code de procédure civile.
Signé par M. Vigny, président, et par Mademoiselle Rochard, greffier, auquel la minute de la décision avait été remise par le magistrat signataire.
Le greffierLe Président