RG N° 10/04149
N° Minute :
Notifié le :
Grosse délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 12 OCTOBRE 2011
Appel d'une décision (N° RG F09/00262)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE
en date du 09 septembre 2010
suivant déclaration d'appel du 30 Septembre 2010
APPELANT :
Monsieur [V] [I]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Renaud FOLLET (avocat au barreau de VALENCE)
INTIMEE :
La S.A.R.L. FRANCE DISTRIBUTION EXPRESS, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 12]
[Localité 3]
Représentée par Me Giovanna RODA (avocat au barreau de VALENCE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,
Madame Dominique JACOB, Conseiller,
Madame Astrid RAULY, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Nadine LEICKNER, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 19 Septembre 2011,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 12 Octobre 2011.
L'arrêt a été rendu le 12 Octobre 2011.
RG 10/4149AR
[V] [I] a été embauché à compter du 5 décembre 2006 comme chauffeur SPL par la société France distribution express par contrat à durée indéterminée.
L'article 4 de son contrat de travail disposait que le lieu d'affectation est situé à [Localité 3] et que le salarié accepte par avance toute mutation géographique que les nécessités de l'entreprise justifieraient dans le périmètre suivant : [Localité 9], [Localité 7], [Localité 10].
Le 12 janvier 2009, il a été informé de la décision de son employeur de le muter à l'agence de [Localité 9], mutation qu'il a refusée le 2 février 2009.
Le 19 février 2009, il a été licencié.
Le salarié a contesté son licenciement et a sollicité des indemnités de repas devant le conseil des prud'hommes de Valence.
Par jugement du 9 septembre 2010, le conseil des prud'hommes de Valence a débouté [V] [I] de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à renvoyé l'affaire devant le juge départiteur sur la demande d'indemnités de repas unique.
Appel de cette décision a été interjeté par [V] [I] le 30 septembre.
Le 27 janvier 2011 le conseil des prud'hommes de Valence statuant en départage a statué sur la demande d'indemnités de repas.
Par conclusions régulièrement déposées, [V] [I] demande à la cour de dire que la société a mis en oeuvre une clause de mobilité contractuelle de façon déloyale, en se prévalant d'un faux motif, de réformer le jugement rendu en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts, de dire que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et de condamner la société France distribution express à lui payer 15'753,39 euros de dommages-intérêts ainsi que la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir qu'il a toujours effectué la liaison [Localité 11]-[Localité 4], donnée par chronopost en sous-traitance à la société France distribution express ; qu'il a refusé pour raisons personnelles la décision de l'employeur de le muter à l'agence de [Localité 9] en raison de la suppression de la liaison qu'il effectuait ;
que la société France distribution express a justifié son licenciement par la perte d'un marché sur la région lilloise ; qu'à la suite de sa contestation elle a tenté de rectifier son erreur et lui a adressé une nouvelle lettre de licenciement le 6 mars 2009 dans laquelle elle vise la perte de la liaison [Localité 11] -[Localité 4], alors que seule la lettre de licenciement a pu fixer les limites du litige de sorte que le motif de la rupture de son contrat de travail, visant une situation étrangère aux relations de travail, apparaît comme inopérant.
Il soutient en outre que la clause de mobilité apparaît nulle au regard de son caractère disproportionné et à tout le moins non écrite,
qu'elle apparaît trop étendue au regard tant des intérêts légitimes de la société de la nature de ses fonctions et disproportionnées par rapport au but recherché ;
que sa zone géographique constituée par le périmètre [Localité 10] [Localité 9] [Localité 7] constituait en réalité les différentes implantations de la société au moment de la signature du contrat, de sorte que l'employeur a entendu se réserver la possibilité de fixer comme point de départ de ses différents trajets, l'ensemble des établissements de la société.
Il estime que si elle n'était pas considérée comme nulle par la Cour, la clause de mobilité devrait être considérée comme ayant été abandonnée par les parties en considération de l'objet même du contrat et des conditions d'exercice de ses fonctions qui dès l'origine ont dérogé à celles prévues par le contrat.
Subsidiairement, sur le caractère infondé du licenciement, il souligne que la deuxième lettre de licenciement ne pouvait se substituer à la première pour en purger les vices et que le motif contenu dans la lettre du 19 février 2009, à savoir la perte d'un marché sur la région lilloise ne peut justifier le changement de travail puisqu'il n'affecte en rien les conditions de travail du salarié.
Il conteste par ailleurs le motif contenu dans la lettre du 6 mars 2009, faisant valoir qu'au 15 avril 2009 la ligne Chronopost valence Corbas était toujours assurée.
La SARL FRANCE DISTRIBUTION EXPRESS sollicite la confirmation du jugement entrepris et le débouté de M. [I] de toutes ses demandes.
Elle expose que le salarié était affecté à la ligne VALENCE CORBAS pour un seul client de la région, la société CHRONOPOST qui n'a pas renouvelé le contrat qui la liait à FRANCE DISTRIBUTION EXPRESS ; que la ligne étant supprimée, la société a indiqué au salarié qu'elle l'affectait à [Localité 9] mais que celui-ci refusait cette mutation.
Elle souligne que le motif du licenciement contenu dans la lettre du 19 février 2009 était le refus du salarié de sa mutation et que si le courrier de licenciement mentionnait par erreur que le lieu de travail était situé à [Localité 5], une rectification était apportée par courrier du 6 mars 2009, le motif du licenciement restant inchangé.
Elle estime que la clause de mobilité est définie de façon précise puisque le périmètre est : [Localité 9]- [Localité 7]- [Localité 10] et qu'elle répond à l'intérêt légitime de l'entreprise.
Elle allègue que lorsqu'une clause de mobilité est incluse dans le contrat de travail, le changement d'affectation ne constitue pas une modification unilatérale du contrat de travail mais un simple changement dans les conditions du travail ; que le refus du salarié n'était pas justifié.
MOTIFS
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
Attendu que [V] [I] a été embauché à compter du 5 décembre 2006 comme chauffeur SPL par la société France distribution express ; que le contrat de travail prévoyait qu'il s'engageait à effectuer tout type de transport nécessaire pour les besoins du service ( transports régionaux, nationaux, internationaux avec tous les types de véhicules correspondants )
que son contrat de travail stipulait un lieu d'affectation situé à [Localité 3] mais qu'il n'est pas contesté qu'il n'a toujours effectué que la liaison VALENCE CORBAS donnée en sous traitance par chronopost à la société France distribution express ;
que le contrat de travail mentionnait : le salarié accepte par avance toute mutation géographique que les nécessités de l'entreprise justifieraient dans le périmètre suivant : [Localité 9], [Localité 7], [Localité 10] ;
Attendu que par courrier du 12 janvier 2009, l'employeur a informé [V] [I] de sa mutation sur l'agence de [Localité 9] en raison de la suppression en date du 16/01/2009 de la liaison qu'il effectuait ;
que par courrier du 02 février 2009 le salarié a refusé pour raisons personnelles d'être muté à l'agence de [Localité 9] ;
Attendu que par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 février il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement ;
Attendu qu'il a été licencié le 19 février 2009 au motif suivant :
'Votre contrat de travail prévoit en son article IV une clause de mobilité.
Par courrier en date du 12/01/2009, nous vous avons informé du changement de votre lieu de travail, actuellement situé à [Localité 5], vers [Localité 9].
Cette modification de vos conditions de travail était justifiée par le fait que nous avons perdu une grande partie de notre marché sur la région lilloise avec notre client interrompant de ce fait la ligne à laquelle vous étiez affecté.
Nos besoins en emplois sur la région de [Localité 8] étant de ce fait supprimés, nous avons dû procéder à la réorganisation de notre activité.' Or nous connaissons actuellement un fort besoin de recrutement sur l'Île-de-France. '
Attendu que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ;
Que le licenciement doit être fondé sur un motif légitime, à savoir des faits exacts précis objectifs et suffisamment sérieux qui doivent être mentionnés dans la lettre de licenciement ;
que seuls ces motifs peuvent être examinés par le juge pour apprécier la cause réelle et sérieuse du licenciement, peu important que l'employeur ait rectifié les motifs du licenciement par courrier postérieur ;
Attendu qu'il n'a pas contesté que le licenciement n'était pas fondé sur le refus du salarié de se rendre de [Localité 5] à [Localité 9] en raison de la perte d'une grande partie du marché la région lilloise mais dans son refus de se rendre de [Localité 11] à [Localité 6], en raison de la perte du marché [Localité 11] [Localité 4] ;
que les faits invoqués n'étant ni exacts ni précis, le licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse et ce, même si le salarié avait connaissance des motifs réels du licenciement ;
que le jugement entrepris sera donc infirmé, sans qu'il soit besoin d'examiner la validité de la clause de mobilité invoquée par l'employeur et la réalité de la perte de la ligne [Localité 11] [Localité 4] ;
Attendu que son licenciement au terme de trois années de travail a occasionné pour le salarié un préjudice qu'il convient d'évaluer à 14.000 € ;
Attendu qu'il convient de faire droit à la demande du salarié au titre des frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Infirme le jugement rendu le 9 septembre 2010 par le Conseil de Prud'hommes de Valence en ce qu'il a débouté [V] [I] de sa demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse
- Statuant à nouveau,
- Dit que le licenciement de [V] [I] est sans cause réelle et sérieuse
- Condamne la société France distribution express à lui payer :
- la somme de 14'000 € à titre de dommages-intérêts de ce chef
Y ajoutant,
- Condamne la société France distribution express à lui payer la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamne la société France distribution aux dépens.
Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Mademoiselle ROCHARD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRESIDENT