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05/10/2011 | FRANCE | N°10/03280

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 05 octobre 2011, 10/03280


RG N° 10/03280



N° Minute :



















































































































Notifié le :

Grosse délivrée le :







AU NOM DU PEUPLE F

RANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU MERCREDI 05 OCTOBRE 2011







Appel d'une décision (N° RG F09/00291)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 09 juin 2010

suivant déclaration d'appel du 09 Juillet 2010





APPELANT :



Monsieur [L] [K]

[Adresse 4]

[Localité 1]



Comparant et assisté par Me Benoit BERNARD (avocat au barreau de VALENCE)





INTIMEE :



L...

RG N° 10/03280

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MERCREDI 05 OCTOBRE 2011

Appel d'une décision (N° RG F09/00291)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 09 juin 2010

suivant déclaration d'appel du 09 Juillet 2010

APPELANT :

Monsieur [L] [K]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Comparant et assisté par Me Benoit BERNARD (avocat au barreau de VALENCE)

INTIMEE :

La S.A.S. MERIMAN INTERMARCHE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Yves SAGNARD (avocat au barreau de LYON)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Melle Sophie ROCHARD, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 05 Septembre 2011,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 05 Octobre 2011.

L'arrêt a été rendu le 05 Octobre 2011.

RG 10/3280 DJ

EXPOSE DU LITIGE

[L] [K] a été embauché le 3 octobre 2005 en qualité de Manager Département Sec, cadre, niveau 7 de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, par la SAS MERIMAN INTERMARCHE.

Il a licencié pour faute lourde le 20 novembre 2008, l'employeur lui reprochant des 'manoeuvres frauduleuses dans le but de faire bénéficier à certains de nos clients d'avantages exorbitants et ce pour votre propre intérêt'.

Le 24 avril 2009, [L] [K] a contesté son licenciement devant le Conseil de Prud'hommes de Valence qui, par jugement du 9 juin 2010, a dit qu'il était fondé sur une faute grave et non une faute lourde, a pris acte de ce que la SAS MERIMAN INTERMARCHE avait réglé les indemnités compensatrices de congés payés et un rappel de salaire de 2.516,14 euros bruts, a débouté [L] [K] de ses demandes et l'a condamné à payer à la société 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

[L] [K], à qui le jugement a été notifié le 11 juin 2010, a interjeté appel le 9 juillet 2010.

Il sollicite l'infirmation du jugement. Il demande à la cour de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de condamner la SAS MERIMAN INTERMARCHE à lui verser :

- 23.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 11.316 euros d'indemnité compensatrice de préavis (trois mois de salaire),

- 1.131 euros de congés payés afférents,

- 2.559 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,

- 256 euros de congés payés afférents,

- 2.302,80 euros d'indemnité légale de licenciement,

- 33.600 euros de rappel de salaire, selon le taux horaire contractualisé, ou subsidiairement 7.251,32 euros selon le taux conventionnel,

- 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Très subsidiairement il demande la confirmation du jugement en ce qu'il lui a octroyé 2.516, 14 euros à titre de rappel de salaire et son infirmation en ce qu'il l'a condamné à verser 300 euros au titre des frais irrépétibles exposés par la société.

Il soutient que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce qu'il a été prononcé par une personne non habilitée à le faire ; qu'en l'absence de délégation de pouvoir, seul le président de la SAS, qui était à l'époque [G] [J], pouvait procéder au licenciement.

Il conteste le motif de son licenciement et fait valoir :

- qu'en réalité, suite à la vente du magasin et au changement de directeur, intervenu le 1er novembre 2008, la société a voulu se séparer de lui ;

- que les faits qu'elle lui reproche constituent, pour la plupart, des pratiques courantes en matière commerciale et qu'il a agi avec la seule volonté de développer le chiffre d'affaires de l'entreprise ;

- qu'il n'a tiré aucun profit personnel des opérations visées ;

- que la société ne démontre pas l'intention de nuire.

En ce qui concerne sa rémunération il rappelle :

- qu'il était contractuellement soumis à un forfait annuel en heures (2171 heures) et que, compte tenu de la déduction de 5 % de temps de pause rémunérée, cela correspond à 197,15 heures par mois ;

- que cependant son salaire a été calculé sur la base d'un forfait annuel en jours jusqu'au 31 août 2006, puis sur la base de 151,67 heures par mois ;

- qu'il a droit à un rappel de salaire calculé sur le taux horaire contractuel figurant sur les bulletins de salaire, ou subsidiairement sur le minimum conventionnel.

La SAS MERIMAN INTERMARCHE, intimée, demande à la cour de confirmer les dispositions du jugement relatives au rappel de salaire et aux frais irrépétibles, de débouter [L] [K] du surplus de sa demande de rappel de salaire, d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une faute grave et de dire que la faute lourde est établie, subsidiairement de confirmer le jugement et de condamner [L] [K] à lui payer 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle relève le caractère fantaisiste de la demande de rappel de salaire. Elle explique que le taux horaire figurant sur les bulletins de salaire, et que [L] [K] a pris pour base de calcul, est erroné en raison du fait que le programme informatique de paye ne permettait pas d'entrer la durée annuelle dans le cadre du forfait dont bénéficiait le salarié ; qu'elle a refait le calcul en tenant compte des avenants de salaires de la convention collective et d'un volume horaire mensuel de 200 heures, ce qui aboutit au rappel de salaire qu'elle offre de régler et que le Conseil de Prud'hommes a retenu.

Sur le licenciement, elle fait valoir verbalement à l'audience que le signataire de la lettre de licenciement, [C] [P], était directeur du magasin, titulaire d'une délégation de pouvoir en matière sociale ; que la procédure est donc régulière.

Elle fait remarquer que [L] [K] ne conteste pas la réalité des faits reprochés et explique :

- qu'il n'a pas respecté les conditions d'utilisation des bons de réduction telles qu'elles sont visées au règlement intérieur et dans une note de service du 10 septembre 2007, que ce soit au profit des clients (bons de lessive) ou pour lui-même (45 bons Heineken de 5 euros qui ne lui étaient pas destinés ) ;

- qu'il ne pouvait ignorer l'origine du colis de saucisson ('cadeau' du fournisseur) ;

- qu'il est passé outre l'interdiction qui lui avait été signifiée par le directeur de procéder à la 'vente sauvage' à une cliente d'une palette de produits 'Nutella' et 'Carte Noire' et qu'il a, ce faisant, contourné les règles de la promotion applicable à ces articles, permettant au client de bénéficier indûment d'un avantage de 1.648,95 euros au lieu de 11,85 euros ;

- que le caractère intentionnel de ces agissements est démontré et justifie la qualification de faute lourde.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux écritures déposées et soutenues oralement et sans modification à l'audience.

Sur le rappel de salaires :

Le contrat de travail précise en préambule qu'il est conclu conformément aux dispositions étendues de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Il prévoit un forfait annuel en heures : soit une rémunération brute forfaitaire de 2.286,74 euros correspondant à l'horaire annuel maximal de travail (2171 heures incluant les temps de pause conventionnels) et intégrant le salaire minimum conventionnel, les majorations dues au titre des heures supplémentaires, au travail du dimanche, des jours fériés, de nuit. La rémunération tient également compte des temps de pause conventionnels s'ajoutant au temps de travail effectif ; que ces temps de pause, bien que rémunérés, ne constituent pas du temps de travail effectif et représentent au jour de la signature du contrat, 5 % du temps de travail.

Selon l'article L 3121-41 du code du travail, la rémunération du salarié ayant conclu une convention de forfait en heures est au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l'entreprise pour le nombre d'heures correspondant à son forfait, augmentée des majorations pour heures supplémentaires prévues à l'article L 3121-22.

La convention collective précise, à l'article 5.7.3 sur le forfait en heures sur l'année, que la rémunération forfaitaire ne peut être inférieure au salaire minimum conventionnel correspondant au niveau de classification de l'intéressé pour la durée légale du travail, majoré des heures supplémentaires.

Si les bulletins de salaire ne font pas apparaître, comme l'impose la convention collective, le nombre moyen mensuel d'heures de travail sur la base duquel le salaire forfaitaire a été retenu, il s'avère que l'employeur a repris les calculs sur l'ensemble des années travaillées, en tenant compte du nombre de jours de repos hebdomadaire par an (52), de jours de congés payés (30) et de jours fériés selon les dispositions conventionnelles (7) soit un volume horaire forfaitaire de 200 heures par mois que le salarié admet.

Comme l'a justement relevé le Conseil de Prud'hommes le salaire minimum conventionnel à prendre en considération est celui qui résulte des avenants de la convention collective applicables à la date de promulgation des arrêtés d'extension, la preuve n'étant pas rapportée que la société est adhérente à un syndicat signataire de la convention collective.

Le calcul effectué par l'employeur à partir des avenants salaires de la convention collective applicables à l'entreprise aboutit à un rappel de salaire de 2.516,14 euros bruts qu'il y a lieu de retenir.

Sur le pouvoir de licencier :

En application de l'article L.1232-6 du code du travail, pour être valable le licenciement doit procéder de la notification d'une lettre de licenciement émanant de l'employeur ou de son représentant.

Dans les sociétés par actions simplifiées, si en vertu de l'article L.227-6 du code de commerce, la société est représentée à l'égard des tiers par son président et, pour le cas où ses statuts le prévoient, par un directeur général ou un directeur général délégué dont la nomination est soumise à publicité, cette règle n'exclut pas la possibilité, pour ces représentants légaux, de déléguer le pouvoir d'effectuer des actes déterminés, tel que celui d'engager ou de licencier les salariés de l'entreprise.

Aucune disposition n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit. Elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui a conduit la procédure de licenciement. En outre dès lors que l'employeur soutient, à la suite d'une contestation opposée par le salarié licencié, que le licenciement est fondé, il ratifie nécessairement l'initiative prise par son préposé.

[L] [K] a été embauché par la SAS dont le président était, au moment du licenciement, [G] [J].

La lettre de convocation à l'entretien préalable, en date du 31 octobre 2008, et la lettre de licenciement du 20 novembre 2008, sont signées de 'La Direction M. [P] T.'

Il ressort des contrats de travail versés aux débats que [C] [P] a été recruté à compter du 3 septembre 2001 par la SA MERIMAN comme 'chef de magasin', catégorie cadre, niveau VII, et que [W] [E] a été embauché par cette même société en qualité de 'directeur de magasin', niveau VIII, statut cadre dirigeant, le 13 octobre 2008.

[C] [P] atteste avoir exercé ses fonctions jusqu'au 31 mai 2009.

Il disposait en vertu de son contrat de travail d'une délégation de pouvoir en matière d'hygiène, de sécurité et de législation économique.

La fiche de fonction annexée à son contrat de travail (manager d'une unité commerciale III - petit point de vente, secteur, rayon) précise notamment que le manager participe au recrutement de son rayon, secteur ou unité commerciale, valide la période d'essai conjointement avec la direction, propose les sanctions disciplinaires à la direction en cas de manquement constatés pour un membre de son équipe.

[L] [K] ne disposait donc pas du pouvoir de licencier. Il pouvait tout au plus proposer le licenciement à la direction. Or au moment où la décision d'engager une procédure disciplinaire a été prise, le 31 octobre 2008, le directeur du magasin, [W] [E], était en poste. [C] [P] devait en référer à celui-ci, étant observé qu'en vertu de son contrat de travail (article 4), [W] [E] disposait d'une délégation de pouvoir sur l'ensemble du personnel du point de vente pour sanctionner ou proposer le licenciement.

Ainsi, pas plus le signataire de la lettre de licenciement, chef de magasin, que [W] [E], directeur de magasin déjà en fonction au moment où les principaux faits se sont produits, n'avaient reçu du président de la société le pouvoir de procéder au licenciement d'un salarié.

Le défaut de qualité entraîne la nullité du licenciement.

Le préjudice qui en découle pour le salarié sera réparé par le versement de la somme de 18.000 euros à titre de dommages et intérêts prenant en compte son ancienneté (3 ans), sa rémunération ( 2.870,18 euros) et le fait qu'il a retrouvé un emploi en août 2010.

[L] [K] est fondé à obtenir le paiement du préavis (8.610,54 euros), du salaire de la mise à pied (1.913,45 euros) et des congés payés afférents, ainsi que de l'indemnité de licenciement (1.722,10 euros).

L'équité commande d'allouer à [L] [K] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement déféré en ce qu'il a fixé à 2.516,14 euros bruts le rappel de salaire dû à [L] [K] sur l'ensemble de la période travaillée ;

l'infirmant pour le surplus,

- Dit que le licenciement est nul pour avoir été prononcé par une personne qui n'avait pas le pouvoir de licencier,

- Condamne la SAS MERIMAN INTERMARCHE à payer à [L] [K] :

8.610,54 euros au titre du préavis outre 861,05 euros de congés payés afférents

1.913,45 euros de salaire de la mise à pied outre 191,34 euros de congés payés

1.722,10 euros d'indemnité légale de licenciement

18.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Condamne la SAS MERIMAN INTERMARCHE à payer à [L] [K] la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne la SAS MERIMAN INTERMARCHE aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Mademoiselle ROCHARD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/03280
Date de la décision : 05/10/2011

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°10/03280 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-10-05;10.03280 ?
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