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28/09/2011 | FRANCE | N°10/04301

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 28 septembre 2011, 10/04301


RG N° 10/04301



N° Minute :



















































































































Notifié le :

Grosse délivrée le :







AU NOM DU PEUPLE F

RANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU MERCREDI 28 SEPTEMBRE 2011







Appel d'une décision (N° RG 05/00206)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

en date du 10 septembre 2007

suivant déclaration d'appel du 19 Octobre 2010





APPELANTE :



Madame [D] [F] épouse [L]

[Adresse 5]

[Localité 2]



Représentée par Me DUVILLARD (avocat au barreau de BOURG EN BRESSE)





INTIMEE...

RG N° 10/04301

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU MERCREDI 28 SEPTEMBRE 2011

Appel d'une décision (N° RG 05/00206)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

en date du 10 septembre 2007

suivant déclaration d'appel du 19 Octobre 2010

APPELANTE :

Madame [D] [F] épouse [L]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me DUVILLARD (avocat au barreau de BOURG EN BRESSE)

INTIMEE :

La S.A.R.L. AGENCE SIMON, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par M. [K], gérant assisté par Me Olivier BARRAUT (avocat au barreau de LYON)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,

Madame Hélène COMBES, Conseiller,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Melle Sophie ROCHARD, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 07 Septembre 2011,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 28 septembre 2011.

L'arrêt a été rendu le 28 septembre 2011.

RG 10/4301HC

EXPOSE DU LITIGE

Le 14 janvier 1991, [D] [L] a conclu un contrat d'agent commercial avec la société Agence [K].

Le 27 mars 1996, elle a 'démissionné' et à l'issue du préavis, a continué à travailler pour le compte de la société Agence [K].

Le 15 février 2002, elle a pris acte de la rupture.

Courant 2002, la société Agence [K] a saisi le tribunal de grande instance de Bourg-en Bresse pour obtenir le paiement d'une indemnité de préavis et la cessation de l'activité de [D] [L] pour le compte d'une société concurrente.

Le 1er juillet 2005, [D] [L] a saisi le conseil de Prud'hommes de Bourg-en Bresse d'une demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail et de requalification de la rupture en licenciement abusif.

Par jugement du 20 avril 2006, le tribunal de grande instance de Bourg-en Bresse s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de la société Agence [K] en l'état d'un contrat de travail.

Par jugement du 10 septembre 2007, le conseil de Prud'hommes de Bourg-en Bresse a 'pris acte du jugement reconnaissant la qualité de salarié', appliqué la prescription quinquennale, dit que [D] [L] a démissionné le 15 février 2002, donné acte à la société Agence [K] de son accord pour lui payer la somme de 1.327,14 euros à titre de commissions et condamné [D] [L] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre du préavis.

Sur appel de [D] [L], la cour d'appel de Lyon a par arrêt du 24 septembre 2008, débouté [D] [L] de sa demande d'attribution du statut de VRP et condamné la société Agence [K] à lui payer :

- 1.887 euros à titre de rappel de commissions

- 58.003 euros à titre de dommages-intérêts pour non déclaration aux organismes de retraite

- 45.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 18.564 euros au titre de l'indemnité de préavis

- 15.545,75 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- 1.500 euros au titre des frais irrépétibles

Par arrêt du 6 octobre 2010, la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 24 septembre, seulement en ce qu'il a rejeté la demande au titre de l'application du statut de VRP et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble.

[D] [L] qui a saisi la cour de renvoi le 18 janvier 2011, lui demande d'infirmer le jugement du conseil de Prud'hommes dans les limites de la cassation et de condamner la société Agence [K] à lui payer :

- 53.979 euros au titre des congés payés

- 249.399 euros au titre des frais assumés par elle

- 126.513 euros à titre d'indemnité de clientèle

- 5.000 euros au titre des frais irrépétibles

Après avoir rappelé qu'elle a initialement signé un contrat d'agent commercial, elle expose que dans les faits, les conditions d'exercice de son travail n'étaient en rien conformes à ce qui était mentionné dans le contrat et soutient qu'un secteur géographique lui avait été attribué sur 9 communes qu'elle énumère.

Elle précise qu'elle devait se présenter à l'agence à 9 heures le matin pour faire en groupe de la prospection par mailing, que l'après-midi, elle faisait des visites et repassait à l'agence pour faire le point, entrer les nouveaux clients.

Elle invoque un rythme de travail difficile à soutenir, des relations pénibles avec le gérant qui la dénigrait, une minoration de 6 points par l'employeur du taux de commissions, une démission par lassitude le 27 mars 1996, un chantage pendant le préavis, de sorte qu'à la fin du préavis, elle a continué de travailler dans l'agence, dans des conditions tout aussi difficiles, ce qui l'a conduite à prendre acte de la rupture du contrat de travail le 15 février 2002.

Elle fait valoir que le contrat d'agent commercial a été invalidé par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse et demande à la cour de requalifier le contrat de travail en contrat de VRP immobilier statutaire.

Elle soutient sur ce point qu'elle a exercé de façon exclusive et constante la représentation de la société Agence [K] et qu'elle a bénéficié et développé un secteur géographique pour la vente immobilière et d'un secteur catégoriel pour les fonds de commerce.

Pour caractériser le secteur géographique, elle expose que dès qu'un bien immobilier entrait à l'agence sur l'une des 9 communes qui lui étaient attribuées, il lui était affecté, ce système d'affectation ayant été mis en place par le gérant lui-même ;

que les biens 'hors secteur' étaient affectés au commercial de permanence et que le montant des commissions variait lorsque des biens étaient vendus hors secteur.

Elle précise que les différents secteurs seraient aisément vérifiables si l'employeur communiquait les facturations des commerciaux et tous les documents qu'elle réclame depuis 2003.

Elle ajoute qu'elle n'a jamais fait aucune opération commerciale pour son compte personnel mais travaillait pour la société de marchand de biens du gérant ainsi que pour les sociétés partenaires avec lesquelles il entretenait des relations d'affaires.

Elle indique que les congés payés qu'elle réclame viennent en sus du taux de commissions et rappelle que les frais ne peuvent être imputés sur la rémunération du VRP, sauf accord.

La société Agence [K] conclut au rejet des demandes et réclame 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle réplique que le statut de VRP est expressément écarté pour l'activité immobilière ainsi qu'il résulte de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975.

Elle rappelle que le contrat d'agent commercial prévoyait expressément l'absence de secteur géographique particulier et exclusif, et observe qu'en dépit de la requalification, cette clause n'est pas nulle pour autant.

Elle ajoute qu'elle avait fait la démonstration par ses propres pièces qu'il n'existait pas de secteur géographique défini, ce qui résultait des factures établies par l'intéressée elle-même.

Elle observe que le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse avait rejeté la demande de communication de pièces.

Elle soutient que [D] [L] communique elle-même des pièces qui attestent qu'elle prospectait sur des communes qui ne figurent pas dans la liste qu'elle a établie.

Elle fait valoir que chaque agent s'était entendu pour délimiter son propre secteur d'intervention, de manière à se répartir équitablement les affaires, mais conteste que le dirigeant ait pu imposer un secteur fixe.

Sur les congés payés, elle invoque la prescription quinquennale, de sorte que [D] [L] ne pourrait réclamer de rappels que sur la période comprise entre le 1er juillet 2000 et le 15 février 2002, alors que ses calculs remontent à 1991.

Elle ajoute qu'au surplus, les contrats de travail régularisés au sein de la société prévoient l'intégration des congés payés et des frais professionnels dans le taux de commission et soutient que [D] [L] n'aurait pas échappé à cette disposition, si elle avait été salariée.

Elle observe qu'elle a d'ailleurs déduit ses frais et charges de sa déclaration de revenus, ce qui lui a permis de diminuer son imposition.

Sur l'indemnité de clientèle, elle fait valoir que [D] [L] ne démontre pas qu'elle avait une clientèle stable et fidélisée, la vente de prestations immobilières n'étant pas considérée comme renouvelable.

Elle conteste toute activité de l'appelante en matière de vente de fonds de commerce.

Elle soutient encore qu'elle ne peut sérieusement soutenir qu'elle a perdu sa clientèle en allant travailler chez un concurrent, alors qu'elle a été embauchée comme négociateur immobilier VRP exclusif.

Elle rappelle que l'indemnité de clientèle ne peut se cumuler avec l'indemnité de licenciement allouée par la cour d'appel de Lyon.

DISCUSSION

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;

Attendu qu'à ce stade de la procédure, la question de la requalification du contrat d'agent commercial en contrat de travail est tranchée et toutes les sommes auxquelles la société Agence [K] a été condamnée par la cour d'appel de Lyon ont été payées ;

que seules restent en litige les demandes que forme [D] [L] en application du statut de VRP, de sorte que les nombreuses pièces qu'elle produit pour établir la réalité du lien de subordination ne sont d'aucune utilité ;

Attendu que pour invoquer le bénéfice de ce statut, [D] [L] soutient qu'elle a exercé de façon exclusive et constante la représentation de la société Agence [K] et qu'elle a bénéficié et développé un secteur géographique pour la vente immobilière et un secteur catégoriel pour la vente des fonds de commerce ;

Attendu que l'application du statut de VRP est subordonnée à l'existence d'un secteur fixe de prospection précisément défini, qui peut être géographique et /ou limité à certaines catégories de clients ou branches d'activité ;

Attendu qu'il est constant que selon l'article 3 du contrat d'agent commercial signé entre les parties le 14 janvier 1991, et ultérieurement requalifié en contrat de travail, [D] [L] n'avait ni secteur d'activité, ni catégorie de clientèle particulière et pouvait prospecter auprès de toute personne et sur tout le territoire national ;

que cette clause incompatible avec le statut de VRP ne peut cependant faire obstacle à la reconnaissance du statut, s'il est établi que dans les faits [D] [L] prospectait sur un secteur précisément défini par son employeur ;

Attendu que l'appelante fait valoir que le secteur qui lui avait été attribué comprenait 9 communes de l'Ain qu'elle énumère en page 4 de ses conclusions et se réfère pour étayer ce point à ses pièces 60, 67, 68, 69, 78, 82, 85 et 110 ;

Attendu que la pièce n° 67 sur laquelle son conseil a particulièrement insisté lors de l'audience, est une photocopie du département de l'Ain, matérialisant les différentes communes, sur lequel [D] [L] a signalé par une croix de couleur jaune les neuf communes relevant de son secteur ;

que figure en marge du document le nom de quatre négociateurs, sans que rien ne permette toutefois de les affecter sur un quelconque secteur ;

Attendu que ce document qui ne comporte ni date, ni en-tête, ni cachet et dont on ignore la provenance, est bien insuffisant pour étayer les affirmations de [D] [L] ;

Attendu que parmi ses autres pièces [D] [L] produit des photocopies difficilement exploitables dont la provenance n'est pas précisée et qui n'ont donc aucune valeur probante, qu'il s'agisse :

- de la pièce 60 : liste des noms des rues de la commune de [Localité 4] avec ce qui semble être une répartition entre '[I]' et '[D]' dont les prénoms sont écrits à la main ;

- de la pièce 69 qui est un commentaire écrit de la main de [D] [L] sur les couleurs attribuées à différents secteurs ;

- de la pièce 78 qui est un document intitulé 'fiche secteur' permettant de localiser un bien (commune, population, distance de [Localité 6], gare la plus proche...) mais pas d'identifier le négociateur ;

- de la pièce 82 qui est exactement la même que la pièce 85 et qui mentionne quatre prénoms (dont celui de [D] [L]) suivis de listes de communes ;

que ce document dont on ne sait qui l'a établi, ne comporte ni date, ni signature, ni cachet ;

Attendu que la pièce 110 est une attestation de l'appelante qui explique que 'Monsieur [K] m'a attribué un secteur de plusieurs communes, chaque commercial avait son propre secteur', mais qui n'est corroborée par aucun document émanant du dirigeant de l'agence sur la fixation de secteurs par l'employeur ;

Attendu que la pièce 68 est la photocopie d'un cahier à spirale sur lequel sont reportés les biens entrants avec les mentions 'secteur Dubois' ou 'secteur [D]', ou 'secteur Flourez', ou 'secteur libre' ;

Attendu si ce document permet d'envisager que les différents négociateurs de l'agence se sont, pour des raisons de commodité, réparti le travail sur les communes du département de l'Ain, il n'établit en rien que l'employeur a été à l'origine de la création de secteurs particuliers confiés à chacun de ses agents ;

Attendu qu'il a d'ailleurs été expliqué lors de l'audience que [D] [L] pouvait parfaitement réaliser des ventes hors des 9 communes qu'elle énumère (Loyes et Villieu par exemple) ou y rentrer des mandats (pièce intimée n° 13) et que les autres négociateurs pouvaient faire de même sur ces 9 communes ;

que ce point est confirmé par 12 factures produites par la société Agence [K] qui ont toutes été établies par [D] [L] et concernent des biens situés hors des 9 communes qu'elle définit comme son secteur ;

Attendu qu'en l'état de ces éléments, [D] [L] n'établit pas qu'un secteur fixe de prospection lui avait été assigné par son employeur et sollicite donc à tort l'application du statut de VRP ;

que le jugement rendu le 10 septembre 2007 par le conseil de Prud'hommes de Bourg-en-Bresse sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes en paiement des sommes de 53.979 euros au titre des congés payés, 249.399 euros au titre des frais assumés par elle et 126.513 euros à titre d'indemnité de clientèle ;

Attendu qu'il sera alloué à la société Agence [K] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Déboute [D] [L] de sa demande de reconnaissance du statut de VRP.

- Confirme le jugement rendu le 10 septembre 2007 par le conseil de Prud'hommes de Bourg-en-Bresse en ce qu'il l'a débouté [D] [L] de ses demandes en paiement des sommes de 53.979 euros, 249.399 euros et 126.513 euros.

- Y ajoutant, condamne [D] [L] à payer à la société Agence [K] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.

- La condamne aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur DELPEUCH, président, et par Madame ROCHARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/04301
Date de la décision : 28/09/2011

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°10/04301 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-28;10.04301 ?
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