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21/09/2011 | FRANCE | N°09/04164

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 21 septembre 2011, 09/04164


RG N° 09/04164



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Notifié le :

Grosse délivrée le :







AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU MERCREDI 21 SEPTEMBRE 2011







Appel d'une décision (N° RG F08/01086)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 14 septembre 2009

suivant déclaration d'appel du 09 Octobre 2009





APPELANTE :



Le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE, pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

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RG N° 09/04164

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MERCREDI 21 SEPTEMBRE 2011

Appel d'une décision (N° RG F08/01086)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 14 septembre 2009

suivant déclaration d'appel du 09 Octobre 2009

APPELANTE :

Le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE, pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Jean NERET (avocat au barreau de PARIS) substitué par Me ANGOTTI (avocat au barreau de PARIS)

INTIME :

Monsieur [G] [Y] [C]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Comparant et assisté par Me Pierre JANOT (avocat au barreau de GRENOBLE)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de Président,

Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 10 Mars 2011,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 1 juin 2011 prorogé au 21 Septembre 2011 date à laquelle l'arrêt a été rendu.

BV

M.[C] a été embauché par le Commissariat à l'énergie atomique, CEA, en qualité d'agent de sécurité et a été affecté au service Formation Locale de Sécurité, FLS. Il effectue, sur quatre semaines, 24 heures 30, et bénéficie de 4 heures 30 de pause. Chaque période de travail est suivie de 48 heures de repos.

Il a saisi le conseil des prud'hommes de Grenoble afin d'obtenir l'indemnisation à titre de temps de travail effectif, du temps de pause.

Par jugement en date du 14 septembre 2009, le conseil des prud'hommes de Grenoble a :

- dit que les 4 heures 30 devaient être considérés comme du temps de travail effectif,

- condamné le CEA à payer à M. [C] la somme de 37'171,52 €, congés payés afférents inclus, à titre de rappel de salaire, à charge pour le CEA de déduire de cette somme le forfait repos,

- alloué à M.[C] la somme de 100 €sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le CEA qui a relevé appel conclut au débouté de l'ensemble des demandes de M. [C].

Il expose que :

1 En ce qui concerne les 4 heures 30 litigieuses :

- il s'agit d'un temps de sommeil

- la définition du temps de travail effectif est donnée par l'article L. 3121.1 du code du travail: être à la disposition de l'employeur, se conformer à ses directives et ne pas pouvoir vaquer à des occupations.

- la jurisprudence précise :*le salarié qui est tenu de rester à son domicile ou dans un logement de fonction, effectue une astreinte

*si le salarié est tenu de demeurer sur son lieu de travail est s'il lui est impossible de vaquer à ses occupations personnelles, il s'agit de temps de travail effectif,

- en l'espèce, les salariés sont libres de se livrer à des occupations personnelles, sans rendre compte à leur employeur, peu importe qu'ils ne puissent quitter l'entreprise,

- l'article L. 3121.2 du code du travail disposent que le temps consacré aux pauses dans l'entreprise n'est considéré comme le temps de travail effectif que si les critères de l'article L.3121.1 du code du travail sont réunis,

- les directives 93. 104 et 03. 88 du 4 novembre 2003 (celle-ci ayant remplacé celle- là) prévoient des dérogations pour les activités de garde, de surveillance ou de permanence,

- les 4 heures 30 sont soumises à un régime conventionnel spécifique : accord du 10 novembre 1999 relatif aux formations locales de sécurité signée par toutes les organisations syndicales. Cet accord prévoit le paiement d'heures d'équivalence.

2. En ce qui concerne l'accord du 25 mars 2002 relatif au travail pénible :

Le premier juge a dit que le service 24x 48 s'apparentait aux services définis dans l'accord, ce qui est erroné.

3. Sur la prise en compte de l'ancienneté au sein de la Cogema :

Il n'y a jamais eu de transfert du contrat de travail de la Cogema au CEA, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, et en toute hypothèse, le CEA a repris l'ancienneté du salarié au niveau du groupe, pour le calcul de ses droits.

X

M. [C] demande la condamnation du CEA à lui payer la somme de 88'253,14 € y compris les congés payés afférents, à titre de rappel de salaire.

Il demande d'ordonner au CEA de reconnaître le caractère pénible du service 24x 48 et d'appliquer l'accord d'entreprise du 25 mars 2002.

Il demande d'ordonner au CEA de prendre en compte, au titre de l'ancienneté, pour le calcul de la cessation anticipée d'activité, la période pendant laquelle il a travaillé pour la Cogema (21 juin 1976 au 30 juin 1991).

Il sollicite 2000 € au titre de l'articles 700 du code de procédure civile.

Il expose que :

1. Sur le temps de pause :

- la directive européenne 93. 104 et plus larges que l'article L.3121.1 du code du travail. Pour qu'il y ait travail effectif, il faut que le salarié soit à la disposition de l'employeur, qu'il se conforme à ses directives et ne puisse vaquer librement à ses occupations personnelles.

- en application de l'article L3121. 2 du code du travail, le temps de restauration et de pause constitue du travail effectif si les conditions de l'article précédent sont réunies.

- sur le dispositif conventionnel : les 4 heures 30 de pause sont payées forfaitairement sans cumul avec le paiement des heures occupées à des interventions. Les salariés sont à la disposition de l'employeur et ne peuvent vaquer à leurs occupations ce que consacre l'article V de l'accord du 29 février 2000 sur le temps de travail.

- l'activité exercée est spécifique : surveillance d'installations nucléaires nécessitant des interventions immédiates. Le rapprochement peut être fait avec l'activité des éducateurs ou des salariés de l'aéroport de [Localité 6].

- les salariés sont tenus de demeurer dans des locaux spécialement aménagés, ils sont soumis aux pouvoirs disciplinaires de leur employeur, ils établissent fréquemment des rapports d'intervention.

- le système d'équivalence n'est pas applicable ; il est en tout cas illégal. Ce régime nécessite le décret. Il est incompatible avec le droit européen (CJCE 1er décembre 2005).

2. Sur la pénibilité du travail en 24x 48 et l'applicabilité de l'accord du 25 mars 2002 :

Les conditions prévues à l'accord du 25 mars 2002 sont remplies : service continu et service contraignant.

3. sur la prise en compte de l'ancienneté au sein de la Cogema :

Son contrat de travail a été transféré de la Cogema au CEA en application de l'article L1224-1 du code du travail, de sorte que son ancienneté doit être prise en compte. Le CEA n'a repris que partiellement ses droits en compte.

MOTIFS DE L'ARRET

1- Sur le temps de pause.

L'article L 3121.1 du code du travail dispose : « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ».

L'article L 3121.2 du même code précise : « le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l'article L 3121.1 sont réunis. Même s'ils ne sont pas reconnus comme du temps de travail effectif, ces temps peuvent faire l'objet d'une rémunération prévue par une convention ou un accord collectif de travail ou par le contrat de travail ».

Les parties s'accordent sur la nature des missions exercées par les salariés affectés aux FLS. Les fonctions exercées par les intimés obéissent à des exigences particulières, et répondent à des contraintes tant législatives que réglementaires imposées au CEA, en raison de la nature des activités de celui-ci et des risques, notamment nucléaires, liés à ces activités. Les missions des formations locales de sécurité ont été définies par une note de la direction centrale de la sécurité du CEA en date du 1er juin 1994. Les missions exercées par les salariés affectés aux formations locales de sécurité imposent la présence de ceux-ci sur le site afin de leur permettre une intervention immédiate et efficace. Les salariés concernés reçoivent une formation hautement spécialisée, notamment en matière de risques nucléaires que seul le CEA est en mesure de leur donner. Ils doivent maîtriser les techniques permettant l' extinction des incendies dans les installations nucléaires de toute nature (installations de base, installation de bases secrètes et installations classées pour la protection de l'environnement à caractère radioactif). Ils sont formés à la protection et au contrôle des matières nucléaires de même qu'à la protection des installations en contenant. Ils doivent pouvoir faire face à des situations de tentative de vol ou d'intrusion sur le site, et pour ce motif, ils sont armés. Ils sont formés également à la prévention des risques particuliers liés à l'exploitation de salles blanches pour des activités de haute technologie et à l'utilisation de produits dangereux. La nature des missions exercées exige des salariés une polyvalence réelle.

Pendant leur temps de pause, les salariés intimés sont tenus de demeurer dans les locaux du CEA. Ils peuvent, en effet, être appelés à tout moment pour effectuer une intervention. Ils doivent ainsi se conformer aux directives de leur employeur et rester à sa disposition, de sorte qu' ils ne peuvent vaquer librement à des occupations personnelles.

L'organisation du travail des salariés intimés montre que tout est mis en oeuvre pour qu'ils demeurent sur place : ils disposent d'une cuisine et de dortoirs. Les locaux dans lesquels sont situées ces installations sont dénommés « base- vie » ; ils sont équipés de haut-parleurs qui diffusent les appels d'intervention. Pendant les temps de pause où les salariés doivent rester dans les locaux à la disposition de leur employeur, ils sont soumis au pouvoir disciplinaire de ce dernier.

Les rapports d'intervention que doivent établir les salariés affectés aux FLS, font apparaître que les interventions sont fréquentes dans pendant les repas que pendant leur sommeil.

La circonstance que l'accord d'entreprise du 10 novembre 1999 « relatif au régime de travail des salariés affectés dans les formations locales de sécurité » prévoie que les temps de repos et de pause n'entrent pas dans le décompte de la durée du travail effectif est sans incidence, eu égard à la nature des contraintes imposées aux salariés faisant partie desdites formations locales de sécurité. Contrairement à ce que soutient la partie appelante, l'accord en question ne fait nullement référence au régime dit d'équivalence. L'article 2 dudit accord dispose : « la rémunération du temps de présence au titre des 4 heures 30 de pause et de repos est portée forfaitairement à 65 points, sans que cela se cumule avec le paiement d'heures supplémentaires du fait d'une intervention éventuelle ». Si les salariés affectés aux formations locales de sécurité sont appelés à intervenir pendant leur temps de pause, l'intervention est rémunérée comme du temps de travail effectif.

Si les directives 93. 104 et 03. 88 permettent des dérogations dans la détermination des temps de pause, elles n'autorisent pas de dérogation en ce qui concerne leur rémunération.

La demande de M. [C] est fondée. Il peut prétendre à un rappel de salaire dans la limite des cinq années précédant l'enregistrement de sa demande devant le conseil des prud'hommes. Le rappel de salaire inclura la période écoulée depuis la saisine du premier juge, dans la limite des justificatifs produits.

La demande de M. [C] n'est justifiée que pour la période de juin 2003 à mai 2009. Il lui est dû, ainsi que l'a retenu le premier juge, la somme de 37'171,52 euros, congés payés afférents inclus, à titre de rappel de salaire. Le jugement sera confirmé à cet égard.

2. Sur la pénibilité du travail en 24x 48 et l'applicabilité de l'accord du 25 mars 2002.

L'accord du 25 mars 2002 dispose : « le CEA a mis en place depuis 1973 un dispositif spécifique de cessation anticipée d'activité pour les salariés travaillant dans le cadre de certains services continus plus particulièrement contraignants ou effectuant des travaux dont le caractère pénible tient aux conditions particulières imposées par la radioprotection ».

Ces dispositions ne visent pas les missions exercées dans les formations locales de sécurité. Celles-ci ne constituent pas des services continus, et ne consistent pas en des travaux dont le caractère pénible tient aux conditions particulières imposées par la radioprotection. La pénibilité des travaux vise les situations où le salarié revêt certaine tenues (tenue non ventilée entièrement étanche, tenue ventilée),ou revêt une protection respiratoire, ou utilise une boîte à gants, une boîte à pinces, un télémanipulateur, ou, encore, est conduit à travailler à une température élevée.

Le fait que les services 3 x 8 et 2 x 12 aient été considérés comme contraignants par le CEA n'implique pas que le service 24 x 48 le soit également. Si l'accord collectif du 10 novembre 2000 prévoit que les périodes antérieurement passées par les salariés dans des formations locales de sécurité à certains postes en service continu ou un caractère pénible sont prises en compte pour le calcul de leurs droits à cessation anticipée d'activité, cela ne peut entraîner pour les salariés concernés l'application de l'accord du 25 mars 2002. Si certains salariés des formations locales de sécurité ont bénéficié du régime d'ancienneté réduite instauré par le décret du 17 octobre 2000 pour l'octroi de la médaille d'honneur du travail, la pénibilité évoquée par ce décret n'est pas de la nature de celle mentionnée à l'accord du 25 mars 2002 qui vise la pénibilité liée aux conditions particulières imposées par la radioprotection.

Les demandes du salarié tendant à la reconnaissance du caractère pénible du service 24 x 48 et à l'application de l'accord d'entreprise du 25 mars 2002 ne peuvent qu'être rejetées.

3. Sur la prise en compte de l'ancienneté au sein de la COGEMA.

M. [C] ne produit au soutien de sa demande aucun élément, de sorte qu'il ne peut qu'en être débouté.

Sur les frais irrépétibles.

L'équité commande la condamnation du CEA à payer à l'intimé la somme de 1000 € en application de l'articles 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS.

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi.

Confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Condamne le CEA à payer à M. [C] la somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en cause d'appel

.

Ajoute au jugement.

Déboute M. [C] de toutes ses autres demandes.

Condamne le CEA aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M.VIGNY, président, et par Mme ROCHARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE PRÉSIDENT LE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/04164
Date de la décision : 21/09/2011

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°09/04164 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-21;09.04164 ?
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