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14/09/2011 | FRANCE | N°10/02491

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 14 septembre 2011, 10/02491


RG N° 10/02491



N° Minute :



























































































AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU MERCREDI 14 SEPTEMBRE 2011







Appel d'un

e décision (N° RG F09/00478)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 04 mai 2010

suivant déclaration d'appel du 01 Juin 2010





APPELANTE :



La S.A.R.L. R 18, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Boutique KHOL

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Monsieur [W] (Gérant) et assis...

RG N° 10/02491

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MERCREDI 14 SEPTEMBRE 2011

Appel d'une décision (N° RG F09/00478)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 04 mai 2010

suivant déclaration d'appel du 01 Juin 2010

APPELANTE :

La S.A.R.L. R 18, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Boutique KHOL

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Monsieur [W] (Gérant) et assistée par Me Alain VERGOTE (avocat au barreau de GRENOBLE) substitué par Me POUJAUD (avocat au barreau de GRENOBLE)

INTIMEE :

Madame [P] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Comparante et assistée par Me Delphine BRESSY-RANSCH (avocat au barreau de GRENOBLE)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de Président,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 16 Juin 2011,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 14 Septembre 2011.

L'arrêt a été rendu le 14 Septembre 2011.

Notifié le :

Grosse délivrée le :

RG 10/2491 ES

[P] [K], née en 1987, étudiante en BTS de management commercial, a été engagée dans le cadre d'un contrat de professionnalisation de dix-huit mois pour la période du 1er décembre 2008 au 30 juin 2010, en qualité de vendeuse dans la boutique de prêt à porter féminin exploitée à [Localité 3] par la SARL R18.

Elle a été mise à pied à titre conservatoire le 28 janvier 2009 et a été licenciée pour faute grave le 7 février 2009 en raison de propos agressifs, violents, insultants et vulgaires qu'elle aurait tenu le 26 janvier 2009 à l'encontre d'une autre salariée, [A] [B].

[P] [K] a contesté cette mesure devant le conseil de prud'hommes de Grenoble, qu'elle a saisi le 6 mars 2009.

La formation prud'homale a procédé à une enquête le 5 mars 2010 et entendu divers témoins.

Puis par jugement du 4 mai 2010, elle a estimé que les faits n'étaient pas constitutifs d'une cause réelle et sérieuse, a condamné l'employeur au paiement des salaires jusqu'au terme du contrat (14.795,84 €) à titre d'indemnité pour rupture du contrat de professionnalisation en dehors des cas prévus aux articles L.1243-4 et L.6325-5 du code du travail l'a condamné au paiement d'une somme de 900 € à titre de prime de fin de contrat.

La société R18 a relevé appel le 1er juin 2010.

Elle demande à la cour d'infirmer la décision, de débouter la salariée de toutes ses demandes et de la condamner au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles.

Elle reproche aux premiers juges d'avoir dénaturé les faits, qui constituaient bel et bien, selon elle, une agression verbale. Elle estime qu'ils avaient bien un lien avec le travail, même si les propos avaient été tenus au cours d'une réunion dans la rue juste après la fermeture du magasin, dès lors qu'il s'agissait d'une conversation professionnelle entre cinq salariées.

Elle reproche à [P] [K] d'avoir été à l'origine d'un mauvais climat social en raison de son comportement.

Elle conteste que la décision ait été prise avant la notification et considère comme une simple information sur l'éventualité d'une rupture les conversations téléphoniques du 28 janvier entre le gérant et [N] [V], qui avait recommandé l'embauche de [P] [K] et entre ce gérant et Mme [H], responsable de l'organisme privé d'enseignement dans lequel était inscrite [P] [K].

[P] [K] demande à la cour de confirmer le jugement.

Elle soutient que la décision de la licencier avait été prise avant dès avant l'entretien préalable.

Elle reconnaît la matérialité des propos mais les qualifie de 'vocabulaire imagé, contemporain, sans connotation sexuelle' signifiant seulement 'léchage de botte'.

Elle explique que les autres salariées reprochaient à [A] [B] d'être hypocrite dans ses relations avec sa hiérarchie. Elle prétend que [A] [B] n'avait pas été choquée par ces propos dont elle soutient aussi qu'ils avaient été tenus en dehors du temps et du lieu de travail et qu'ils étaient strictement d'ordre privé.

Elle invoque subsidiairement le caractère disproportionné et expéditif de la sanction ainsi que la légèreté de l'employeur et son exécution déloyale du contrat de travail.

Sur quoi :

Attendu que la vendeuse [A] [B] a attesté le 30 janvier 2009 que [P] [K] lui avait dit à haute voix, devant ses collègues et devant la porte d'entrée du magasin: 'tu es une suceuse devant ta responsable' et qu'elle devait 'fermer sa gueule si elle lui demande quoi que ce soit';

Qu'elle a précisé dans ce témoignage que 'face à autant d'agressivité et d'injures il lui était devenu impossible de travailler dans ces conditions' et qu'elle avait proposé sa démission ;

Qu'elle a confirmé cette version lors de sa déposition pendant l'enquête des conseillers prud'hommes le 5 mars 2010 ;

Attendu que les vendeuses [U] [X], [L] [D], [J] [S], [G] [Z] ont attesté que [P] [K] avait bien employé le mot 'sucer' en s'adressant à [A] [B] ;

Que [L] [D] a précisé dans son attestation du 25 mars 2009 que les mots 'suceuse', 'ferme ta gueule' avaient été 'violents et dit à une personne telle que [A] très timide, réservée, douce' et que cela l'avait elle-même d'autant plus choquée que [A] [B] était partie afin que la situation 'ne s'envenime pas' ;

Attendu qu'au cours de l'enquête, [G] [Z] a déclaré avoir rédigé une première attestation qui avait été déchirée (sans préciser par qui), en avoir fait une seconde dans laquelle elle 'disait la vérité' et qu'elle avait quitté son emploi 'compte tenu de la pression';

Que [P] [K] se prévaut d'une attestation signée le 13 février 2009 par [G] [Z] et l'employeur d'une autre attestation du même témoin en date du 30 janvier 2009 ;

Que toutefois, lors de cette enquête, [G] [Z] avait confirmé sous serment que [P] [K] avait bien dit à [A] [B] 'tu suces' lors de cette discussion entre collègues à l'extérieur de la boutique ;

Que le fait que, toujours selon [G] [Z], [A] [B] avait répondu qu'elle ne suçait pas et quelle avait 'très bien compris ce que ([P] [K]) voulait dire et cela n'avait aucune connotation sexuelle' n'enlève rien à la matérialité de l'incident ;

Attendu que même si cet incident a eu lieu après la fermeture de la boutique et dans la rue, il revêt un caractère professionnel dès lors qu'il s'est produit au cours d'une conversation d'une durée comprise entre dix minutes et un quart d'heure concernant exclusivement leur travail, tenue entre cinq salariées du même magasin et qu'il s'est produit à quelques mètres de la boutique selon une précision apportée lors de l'enquête par [G] [Z] ;

Attendu que l'audition sous prestation de serment du 5 mars 2010 de [R] [H], conseillère en formation chargée du suivi scolaire de [P] [K], est imprécise sur la date d'une conversation téléphonique entre elle et le gérant du magasin et ne permet pas de considérer que la décision de rupture avait été prise avant le 28 janvier 2009 ;

Que l'attestation du 13 février 2009 de la même [R] [H] évoque seulement une mise à pied suivie d'une convocation à un entretien préalable ;

Que [M] [E], dont le témoignage est également invoqué par la salariée, n'a pas été personnellement et directement témoin de quoi que ce soit en rapport avec le litige ;

Qu'[G] [Z] ayant remis des attestations à l'employeur et au salarié dans des termes différents, seul le témoignage donné lors de l'enquête est fiable ; qu'elle n'y a pas fait état de décision de licencier prise dès le 28 janvier 2009 ;

Attendu qu'il résulte des éléments régulièrement produits aux débats que [P] [K] avait bien reproché verbalement à [A] [B] d'être 'la suceuse de la responsable' en présence d'autres collègues et d'une voix suffisamment forte pour être entendue par des passants qui s'étaient alors retournés selon [J] [S] et [L] [D];

Que même en admettant, comme l'a expliqué [P] [K] à l'audience et comme l'a expliqué aussi la vendeuse [U] [X] lors de l'enquête, que cette expression soit dépourvue de connotation sexuelle mais synonyme de 'lèche botte de la responsable', il n'en demeure pas moins qu'il s'agissait d'un reproche exprimé publiquement dans des termes crus et violents ;

Attendu que cet l'épisode avait été caractérisé par l'emploi par [P] [K] d'une agressivité verbale totalement déplacée à l'encontre d'une autre salariée, prise à parti et insultée en présence de trois collègues de travail et de passants ;

Que cet incident avait choqué certaines des salariées qui y avaient assisté, avait suffisamment impressionné [A] [B], salariée du magasin depuis un an, décrite comme de caractère timide et réservé, pour qu'elle ait pris peur comme elle l'a indiqué lors de l'enquête, pour qu'elle ait pris la décision de quitter les lieux suivie en cela par ses collègues, pour qu'elle envisage de démissionner et pour qu'elle remette à M. [Y], gérant du magasin, une lettre pour lui notifier qu'elle ne pouvait rester dans l'entreprise dans ces conditions ;

Que dans une attestation complémentaire en date du 21 février 2011, [A] [B], d'origine rwandaise, explique avoir quitté son pays à cause d'une guerre ethnique pour trouver la paix en France et non pour 'vivre une violence verbale gratuite au travail' ;

Attendu que, contrairement à ce qu'a jugé le conseil de prud'hommes, la sanction n'était pas disproportionnée, l'employeur, avisé de ces faits par la victime, ne pouvant prendre le risque d'une confrontation dans la boutique de ces deux salariées après une telle scène dans laquelle [P] [K] est clairement identifiée comme l'agresseur et [A] [B] l'agressée ;

Que la sanction n'était donc pas abusive et que ces faits constituaient bien une faute grave justifiant la rupture anticipée du contrat de professionnalisation et ne permettant pas le maintien de la salariée dans le magasin ;

Attendu que l'intimée ne démontre pas en quoi son employeur aurait été déloyal dans l'exécution du contrat de travail ;

Attendu que le jugement sera donc infirmé et [P] [K] déboutée de toutes ses demandes ;

Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société SARL R 18 ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Déboute [P] [K] de toutes ses demandes ;

Rejette la demande formée par la société 18 SARL sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne [P] [K] aux dépens d'instance et d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur VIGNY, Président, et par Mademoiselle ROCHARD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02491
Date de la décision : 14/09/2011

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°10/02491 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-14;10.02491 ?
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