RG N° 10/03533
N° Minute :
Notifié le :
Grosse délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 29 JUIN 2011
Appel d'une décision (N° RG 08/1713)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 06 juillet 2010
suivant déclaration d'appel du 30 Juillet 2010
APPELANT :
Monsieur [G] [H]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Cédric LENUZZA substitué par Me Gauché (avocats au barreau de GRENOBLE)
INTIMEE :
SEM-VFD, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Fabienne SADION-MARTIN (avocat au barreau de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de Président,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,
Madame Dominique JACOB, Conseiller,
Assistés lors des débats de Melle Sophie ROCHARD, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 15 Juin 2011,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 29 Juin 2011.
L'arrêt a été rendu le 29 Juin 2011.
RG 10/3533HC
EXPOSE DU LITIGE
Salarié de la Sem VFD, [G] [H] a, le 20 mai 2008, avisé son employeur de sa participation à un mouvement de grève prévu pour le 22 mai 2008.
Le 21 mai 2008, la direction de la Sem VFD a fait savoir aux salariés que le préavis étant irrégulier, leur absence le 22 mai 2008, serait considérée comme injustifiée.
[G] [H] a participé au mouvement de grève du 22 mai 2008 ainsi que quatre salariés de l'entreprise, et le 21 juin 2008, la Sem VFD lui a infligé une mise à pied de 5 jours.
Le 30 décembre 2008, [G] [H] a saisi le conseil de Prud'hommes de Grenoble d'une demande d'annulation de la mise à pied et de paiement des sommes de 363,80 euros au titre de jours de la mise à pied et de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Par jugement du 6 juillet 2010, le conseil de Prud'hommes l'a débouté de sa demande.
[G] [H] qui a relevé appel le 30 juillet 2010, demande à la cour d'infirmer le jugement, de faire droit à sa demande de rappel de salaire et de condamner la Sem VFD à lui payer les sommes de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts et de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Il rappelle que le droit de grève est un droit constitutionnel et qu'aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de l'exercice du droit de grève.
Il explique que la finalité de la procédure établie par le décret du 24 janvier 2008, combiné à l'article L 2512-1 du code du travail est d'informer l'employeur suffisamment longtemps à l'avance pour qu'il puisse organiser des négociations préalables et assurer la continuité du service.
Il fait valoir qu'en l'espèce l'information de l'employeur a été normalement assurée puisque le 7 mai 2008, les organisations syndicales ont adressé à la direction de la Sem VFD un préavis de grève ;
que cette notification a été faite plus de 13 jours avant le début de la grève prévue, ce qui lui confère la double nature de notification préalable à un éventuel préavis de grève et de notification d'un préavis de grève.
Il ajoute que c'est toujours à l'initiative de l'employeur que doivent intervenir les négociations préalables et qu'en l'espèce aucune proposition n'a été faite par la Sem VFD qui a communiqué sur le seul registre de la menace et de l'intimidation.
Il conclut que dès lors que sa participation à la grève du 22 mai 2008 s'inscrivait dans le cadre d'un mouvement national, il ne pouvait être sanctionné.
La Sem VFD conclut à la confirmation du jugement et réclame 500 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle rappelle que selon la législation applicable, le dépôt d'un préavis de grève motivé ne peut intervenir qu'après une phase de négociation préalable entre l'employeur et la ou les organisations qui envisagent de déposer un préavis.
Elle fait valoir qu'en l'espèce, le syndicat CGT a le 7 mai 2008, déposé un préavis de grève pour la journée du 22 mai 2008 sans respecter la procédure légale et notamment la phase de négociation préalable. Elle précise qu'elle a pris connaissance le 13 mai 2008 du document daté du 7 mai.
Elle soutient que la formalité du préavis de grève est nécessaire en cas de grève nationale et que c'est seulement après l'échec de la tentative de négociation préalable qu'il doit être déposé.
Elle conclut que la grève suivie par quatre salariés est irrégulière dès lors qu'aucun syndicat n'a déposé d'entente préalable avant de déposer un préavis de grève.
Elle ajoute qu'elle a averti ses salariés à plusieurs reprises de l'irrégularité du mouvement, que c'est en toute connaissance de cause que [G] [H] a décidé de faire grève le 22 mai 2008 et que la sanction infligée est justifiée et proportionnée.
DISCUSSION
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
Attendu que le syndicat CGT a adressé au directeur de la Sem VFD un courrier daté du 7 mai 2008 rédigé en ces termes :
'Monsieur le directeur,
Les cinq confédérations syndicales CGT, CFDT, FO, CGC et CFTC appellent les citoyens à une journée nationale interprofessionnelle d'action et de manifestations pour la défense de la retraite solidaire.
Les organisations syndicales CGT-VFD et UGICT-CGT ont l'honneur de déposer un préavis de grève pour la journée du jeudi 22 mai 2008, conformément aux dispositions du Décret n° 2008-82 du 24 janvier 2008 relatif à l'application de la loi n° 2007-1224 du 27 août 2007.
Cette cessation de travail de 24h00 prendra effet le jeudi 22 mai 2008 dès 0 heures.
Nous attirons votre attention sur le fait que ce préavis de grève est valable sur tous les lieux de travail et concerne l'ensemble des personnels relevant de votre entreprise. (....)
Pour la CGT-VFD : [N] [L].'
Attendu qu'il résulte d'un courrier de l'inspecteur du travail en date du 23 mai 2008 que ce document lui a été transmis en copie par un courrier électronique qu'il a reçu le 7 mai 2008 à 14 heures 31, les destinataires principaux du courrier électronique étant le directeur général de la Sem VFD et la secrétaire générale ;
Attendu que la direction de la Sem VFD a donc bien été informée le 7 mai 2008 d'un mouvement national de grève pour la journée du 22 mai 2008, soit 14 jours francs avant la date prévue ;
Attendu qu'il n'est pas contestable que les organisations syndicales CGT-VFD et UGICT-CGT, n'ont pas respecté pas à la lettre la procédure en deux temps résultant de la combinaison des dispositions du décret du 24 janvier 2008 et de l'article L 2512-2 du code du travail, puisqu'elles n'ont pas notifié leur intention de déposer un préavis de grève, ni demandé l'ouverture d'une négociation ;
que cela n'empêchait pas pour autant la Sem VFD d'ouvrir des négociations, ce qu'elle avait le temps de faire mais n'a pas fait ;
Attendu qu'en toute hypothèse, [G] [H] est demeuré totalement étranger aux conditions dans lesquelles son organisation syndicale qui a respecté le délai de prévenance, a communiqué avec l'employeur ;
Attendu que l'irrégularité invoquée par la Sem VFD, n'a pas eu pour effet de rendre fautive sa participation à un mouvement national, participation dont il avait informé l'employeur ;
Attendu qu'il convient d'annuler la mise à pied de cinq jours qui lui a été infligée et de condamner la Sem VFD à lui payer la somme de 363,80 euros de ce chef, aucune demande n'étant faite au titre des congés payés afférents ;
Attendu que l'attitude de la Sem VFD a causé à [G] [H] un préjudice qui sera réparé par la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts ;
qu'il lui sera enfin alloué la somme de 1.800 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 juillet 2010 par le conseil de Prud'hommes de Grenoble.
- Statuant à nouveau, annule la mise à pied de 5 jours infligée à [G] [H] le 21 juin 2008.
- Condamne en conséquence la Sem VFD à lui payer :
la somme de 363,80 euros au titre du salaire pendant la mise à pied
la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts
la somme de 1.800 euros au titre des frais irrépétibles
- Condamne la Sem VFD aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur VIGNY, président, et par Mademoiselle ROCHARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRESIDENT