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27/06/2011 | FRANCE | N°09/04800

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 27 juin 2011, 09/04800


RG N° 09/04800



N° Minute :



























































































AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU LUNDI 27 JUIN 2011







Appel d'une décis

ion (N° RG F07/00353)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 04 novembre 2009

suivant déclaration d'appel du 19 Novembre 2009





APPELANT :



Monsieur [K] [M]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 1]



Représentée par Me Géraldine NOVE-JOSSERAND (avocat au barreau de LYON) substituée par Me MAYOL-GRUTTER (avocat au barreau de LYON)



INTIMEE :


...

RG N° 09/04800

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU LUNDI 27 JUIN 2011

Appel d'une décision (N° RG F07/00353)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 04 novembre 2009

suivant déclaration d'appel du 19 Novembre 2009

APPELANT :

Monsieur [K] [M]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me Géraldine NOVE-JOSSERAND (avocat au barreau de LYON) substituée par Me MAYOL-GRUTTER (avocat au barreau de LYON)

INTIMEE :

La S.A. AIR FRANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Baudouin DE MOUCHERON (avocat au barreau de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,

Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 11 Avril 2011,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 23 Mai 2011, délibéré prorogé au 27 juin 2011 ;

L'arrêt a été rendu le 27 Juin 2011.

Notifié le :

Grosse délivrée le :

RG 0904800 DD

M. [K] [M] a été embauché par la société Air France le 3 mai 1999 en qualité d'attaché de direction marketing et développement, statut cadre.

Le 25 juillet 2006, il a été nommé directeur commercial de la direction régionale d'Afrique Centrale, exerçant ses fonctions à Libreville au Gabon.

Suite à une plainte déposée par M. [Y] [V], volontaire international en entreprise, qui s'est plaint de son comportement, M. [M] a été convoqué à Roissy par sa hiérarchie.

D'abord entendu de manière informelle, M. [M] a été convoqué par lettre remise en main propre le 14 février 2007 à un entretien préalable en vue d'un licenciement prévu le 26 février 2007 avec mise à pied conservatoire avec maintien du salaire.

Après une tentative de suicide à Libreville dans la nuit du 22 au 23février 2007, M. [M] a été rapatrié en France et hospitalisé puis placé en arrêt de travail jusqu'au 8 avril 2007, l'entretien préalable en vue d'un licenciement ayant été reporté une dernière fois au 13 avril 2007. M. [M] ne s'est pas rendu à l'entretien préalable.

La société Air France a affecté M. [M] à un nouveau poste à Roissy le 12 avril 2007.

Par courrier du 16 avril 2007, la société Air France a informé M. [M] qu'elle poursuivait la procédure et qu'un conseil de discipline se réunirait, sauf refus de sa part.

Le conseil de discipline s'est prononcé le 21 mai 2007 en faveur d'un licenciement pour faute grave et le 30 mai 2007, M. [M] a été licencié pour faute grave.

Un recours gracieux formé le 1er juin 2007 contre le licenciement a été rejeté le 8 juin suivant.

Le Conseil de Prud'hommes de Valence a été saisi le 16 juillet 2007 par M. [M] qui a demandé la condamnation de la société Air France à lui payer les sommes suivantes :

- 188 424 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 282 636 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de droit et procédés vexatoires,

- 10 614,81 euros à titre de rappel de salaire net de février à avril 2007,

- 3 315 euros sur la part gabonaise de son salaire,

- 2 453 euros net (ou brut ') sur la part française du salaire du préavis '

- 20 860,51 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 12 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- 10 000 euros pour cession de ses meubles,

- 6 680 euros pour destruction de ses effets personnels, le tout avec exécution provisoire.

La société Air France ayant soulevé l'incompétence territoriale du conseil de prud'hommes de Valence, le conseil de prud'hommes a retenu sa compétence, décision confirmée par arrêt de cette cour en date du 9 février 2009.

Le conseil de prud'hommes a rendu sa décision le 4 novembre 2009. Il a dit que le licenciement de M. [M] repose sur une faute grave et condamné la société Air France à payer à M. [M] la somme de 10 614,81 euros à titre de rappel de salaires pour les mois de février à avril 2007, débouté M. [M] de ses autres demandes et la société Air France de ses demandes reconventionnelles et mis les dépens à la charge de M. [M].

La Cour est saisie par l'appel interjeté le 19/11/2009 par M. [M], le jugement lui ayant été notifié le 06/11/2009.

Demandes et moyens des parties

M. [M], appelant, demande à la cour de réformer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a fait droit à sa demande de rappel de salaires, de constater que

- convoqué le 14 février 2007, il n'a pas sollicité de report de cet entretien préalable en vue d'un licenciement ce qui n'a pas empêché l'employeur, sans motif, de reporter cet entretien à trois reprises de sorte que le délai de l'article L 1332-2 du Code du travail n'a pas été respecté, - préalablement à la notification du licenciement il s'est vu notifier un changement d'affectation avec retrait de son logement de fonction et diminution de son salaire, ce qui constitue une sanction au sens du Code du travail,

- les griefs invoqués dans la lettre de licenciement ne constitue ni une faute grave ni une cause réelle et sérieuse de licenciement et leur preuve n'est pas rapportée,

- l'employeur n'a pas respecté le règlement intérieur en ne transmettant pas au salarié son dossier disciplinaire dès qu'il en a fait la demande,

Dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et en conséquence de condamner la société Air France à lui payer :

- 188 424 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 533 euros bruts sur la part française du salaire du préavis,

- 3 315,48 euros nets sur la part gabonaise de son salaire,

- 20 860,51 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 282 636 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de droit et procédés vexatoires,

- 10 614,81 euros à titre de rappel de salaire net de février à avril 2007,

- 10 000 euros pour cession de ses meubles,

- 2 680 euros pour destruction de ses effets personnels,

- 12 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

D'ordonner sous astreinte la remise des bulletins de paie des mois de juillet 2006 à avril 2007 et d'une attestation Pôle emploi rectifiée, de fixer le départ des intérêts au taux légal au jour de la convocation devant le bureau de conciliation et de condamner la société Air France aux dépens.

M. [M] expose par conclusions régulièrement communiquées, déposées et développées oralement à l'audience que :

1) suite aux accusations portées contre lui le 14 février 2007 et à la demande de sa démission, il a demandé à consulter son dossier disciplinaire ce qui lui a été refusé,

1-2) de retour à Libreville il constate qu'il a été interdit à ses collègues de lui parler et son employeur n'avertira même pas sa s'ur qui travaille pour Air France de sa tentative de suicide (trois jours de coma) ; il a été rapatrié en France et hospitalisé,

1-3) pendant 5 mois il a fait l'objet de pressions multiples :

3 convocations à un entretien préalable en vue d'un licenciement,

Mutation disciplinaire avec effet rétroactif notifiée en cours de procédure,

Remise de son dossier disciplinaire le matin de la réunion du conseil de discipline,

1-4) après 4 mois de procédure, licenciement pour faute grave :

2) s'il s'est vu remettre en main propre la convocation à un entretien préalable en vue d'un licenciement fixé au 26 février 2007 auquel il ne s'est pas rendu, il n'en a pas demandé le report, pas plus qu'il ne l'a demandé pour les autres convocations,

2-2) les pièces du dossier démontrent que ces reports n'ont pas été justifiés par le souci qu'avait l'employeur de sa santé,

2-3) la convocation adressée le 5 avril fait suite à son courrier du 2 avril dans lequel il fait élection de domicile chez son avocat pour éviter les pressions de l'employeur et dans laquelle il indique que le délai pour prononcer une sanction est dépassé,

2-4) dans tous les cas il ne s'agit pas de report mais de nouvelles convocations puisque les convocations sont adressées après la date fixée,

3) il a fait l'objet de deux sanctions successives,

4) les griefs sont infondés étant rappelé qu'il est au départ accusé de harcèlement sexuel et moral par M. [V] et l'employeur a décidé de le licencier au vu du seul mail en date du 9 février 2007 dès le mois de février, sans même l'avoir entendu, (voir le dossier disciplinaire)

4-2) l'employeur s'est rendu coupable d'un abus de droit et de procédés vexatoires :

5) il n'a pas perçu la part gabonaise de son salaire de février à avril sans explication, ce versement a repris en mai,

5-2) depuis son expatriation il n'a reçu aucun bulletin de paie pour la part française de son salaire, puis n'a plus reçu les fiches de paie gabonaises,

5-3) ses effets personnels ont été rapatriés par Air France sans la moindre précaution et la contrepartie de ses meubles conservés par l'employeur ne lui a jamais été versée, (inventaire effectué).

La société Air France, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a alloué à M. [M] le rappel de salaires, de débouter M. [M] de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner aux dépens.

La société Air France expose par conclusions régulièrement communiquées, déposées, et développées oralement à l'audience que :

1) le délai de l'article L 1332-2 du Code du travail a été respecté,

2) il n'y a pas eu de double sanction mais la volonté de protéger la santé physique et mentale du salarié,

3) la faute grave retenue est réelle et sérieuse,

3-2) il n'y a eu d'abus de droit ni de procédé vexatoire,

4) la part locale du salaire a été payée,

4-2) les 10 000 euros de meubles sont reconnus mais leur paiement reste subordonné à la restitution de l'ordinateur portable détenu par le salarié (quelle valeur '),

4-3), le problème des effets personnels ne relève pas du contrat de travail mais du transporteur et aucun justificatif des pertes n'est produit,

4-4) les bulletins de paie avaient été remis et en tout état de cause, un double est remis devant la cour,

4-5) quelles erreurs devraient être rectifiées sur le bulletin de paie.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;

Sur la régularité de la procédure de licenciement :

Attendu que suite à la dénonciation de son comportement par M. [Y] [V], M. [M] a été convoqué à l'issue d'une rencontre organisée par l'employeur le 14 février 2007, par courrier remis en main propre à un entretien préalable en vue d'un licenciement prévu le 26 février 2007 avec mise à pied conservatoire ;

Que de retour à son lieu de travail, M. [M] a fait, le soir du 22 février 2007 une tentative de suicide ; qu'après quelques jours dans un hôpital de [Localité 5], il a été rapatrié sanitaire à la demande du médecin chef ;

Qu'en raison de son hospitalisation le 26 février 2007à l'hôpital [7] après son rapatriement en France, l'employeur a décidé de reporter l'entretien préalable ;

Qu'un tel report a pour conséquence d'interrompre le délai d'un mois dans lequel doit intervenir la sanction ; que le délai repart alors de la nouvelle date d'entretien préalable ;

Attendu que M. [M] soutient que n'ayant pas répondu à la convocation, il appartenait à l'employeur de mettre en 'uvre la suite de la procédure de licenciement de sorte qu'en ne le faisant pas, Air France n'a pas pris de décision dans le délai de l'article L 1332-2 du Code du travail et qu'aucune sanction n'ayant été prise dans ce délai à son encontre, l'employeur est forclos ; qu'il a écrit le 2 avril 2007 pour avertir son employeur qu'aucune sanction n'ayant été prononcée au 26 mars, 2007, il reprendrait son poste à l'issue de son arrêt de travail ;

Que M. [M] a été convoqué à un second entretien préalable en vue d'un licenciement prévu le 21 mars ; que la s'ur de M. [M] qui était à ce moment destinataire de la convocation a informé l'employeur par mail le 19 mars 2007 que M. [M] ne résidait pas chez elle et qu'il était à nouveau hospitalisé depuis une semaine ; qu'un fax a été envoyé à M. [M] dont il n'est pas établi qu'il l'ait reçu ; qu'un mail lui a été envoyé le 20 mars en réponse à celui que M. [M] avait envoyé le 19 mars pour prévenir de sa nouvelle hospitalisations et d'un arrêt de travail jusqu'au 8 avril 2007 ; que M. [D] insistait pour qu'il se rende à la convocation du 21 mars ; que la preuve que M. [M] ait effectivement reçu la convocation, ce que Air France ne soutient pas, n'est pas rapportée ;

Que M. [M] a enfin été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 avril 2007 à l'adresse du cabinet d'avocat auprès duquel il avait alors élu domicile pour le 13 avril pour une 3ème tentative d'entretien préalable en vue d'un licenciement ;

Attendu qu'il n'est pas contestable que la société Air France était informée de l'impossibilité dans laquelle se trouvait M. [M] de se présenter à l'entretien préalable lors des rendez-vous fixés les 26 février et 21 mars 2007 ; que l'indisponibilité du salariée, dès lors qu'elle est connue de l'employeur, permet à celui-ci, même si ce n'est pas pour lui une obligation, de reporter l'entretien préalable ;

Que c'est donc par des motifs pertinents que les premiers juges ont admis que la procédure était régulière, le délai d'un mois ayant chaque fois été respecté entre la date de l'entretien reporté et la nouvelle date de convocation ;

Attendu que la procédure disciplinaire propre à Air France dont M. [M] avait été informé le 16 avril 2007 a également été mise en 'uvre, en l'absence de contre-ordre de sa part dans le respect des règles conventionnelles ; que le conseil de discipline, dont la tenue interrompt le délai d'un mois, s'est tenu le 21 mai 2007 ; que le licenciement pour faute grave a été notifié à M. [M] le 30 mai 2007 sous réserve d'un éventuel recours hiérarchique ; que ce recours a été rejeté le 8 juin 2007, la licenciement pour faute grave de M. [M] lui étant confirmé ;

Que la procédure a été régulière, le jugement devant être confirmé sur ce point ;

Sur les demandes au titre du licenciement pour faute grave :

Attendu que les articles L 1232-1 et -6 du Code du travail disposent que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse et que l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement ; qu'en l'absence d'énonciation des motifs, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; que l'énoncé d'un motif imprécis équivaut à une absence de motif ;

Attendu que l'article L 1235-1 du Code du travail dispose qu'en cas de litige sur le licenciement, le juge, auquel il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ;

Attendu que la faute grave peut être définie comme résultant d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis  ;

Attendu que la faute grave reprochée à M. [M], aux termes de la lettre de licenciement du 30 mai 2007, est motivée dans les termes suivants :

- de graves fautes d'encadrement à l'égard d'un collaborateur V.I.E., Monsieur [V] : en usant de menaces inapproprié (notamment d'interrompre sa mission), en lui imposant des horaires de travail anormaux (tard le soit, le week-end), en lui imposant de partager votre chambre lors de missions professionnelles (contrairement aux usages et règles en vigueur), contribuant ainsi à la placer dans une situation de pression permanente.

- un comportement inadapté en dehors des heures de travail en harcelant téléphoniquement Monsieur [V] (11 appels et 53 SMS entre 22 heures et 6 heures pour la période de novembre 2006 au 5 février 2007) au moyen du téléphone fourni par l'entreprise.

Ce comportement inadapté a contribué de façon déterminante au départ précipité de Monsieur [V] de son poste, puis d'Air France, créant un trouble caractérisé dans l'entreprise » ;

Attendu que le 27 mars 2007, M. [M] a fait remettre par huissier à M. [G], directeur général Afrique Moyen-Orient, un courrier de son avocat rappelant les circonstances dans lesquelles il a été violemment pris à parti par Messieurs [D] et [N], accusé au cours d'un entretien qui a duré 4 heures de harcèlement moral et sexuel sur un homme salarié de l'entreprise, sommé de reconnaître les faits ou de donner sa démission et devant son refus convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement prévu 12 jours après avec mise à pied conservatoire ; qu'il indiquait que ce comportement l'a conduit à une tentative de suicide le 22 février 2007 ; que sa famille n'a pas été prévenue de ce fait alors que sa s'ur travaille pour le même employeur ; qu'il demandait la communication des éléments justifiant la procédure disciplinaire ;

Attendu que M. [M] a été informé le 12 avril 2007, avant même l'entretien préalable en vue d'un licenciement de son affectation au siège d'Air France à Roissy ; qu'il lui a été rappelé qu'il restait en mise à pied conservatoire ; qu'il a été informé que le logement mis à sa disposition par Air France serait remis à disposition du propriétaire le 29 avril 2007 ;

Attendu que M. [M] soutient, ce que conteste l'employeur qu'il s'agit d'une première sanction ;

Que le conseil de M. [M] a écrit à Air France par courrier du 13 avril 2007, indiquant que « une telle modification des conditions de travail s'inscrit de toute évidence dans les pressions dont il fait l'objet de la part d'Air France depuis le début du mois de février 2007 » ; qu'il demandait également un descriptif du poste ;

Attendu en effet que si M. [M] fait à cette date l'objet d'une procédure disciplinaire et est mis à pied, aucune décision n'a été prise sur le fond de la procédure ;

Attendu que s'il eût été possible, pour M. [M], de demander que son emploi soit « rapatrié », il est établi qu'à la date du 2, puis du 10 avril 2007, il a demandé à reprendre son poste ;

Attendu que le contrat de travail de M. [M] ne prote pas mention qu'il puisse faire l'objet d'une mutation d'office ;

Attendu qu'en décidant unilatéralement de changer l'affectation de M. [M] dans des conditions qui constituent une régression importante par rapport à son emploi précédent, Air France lui a infligé une première sanction, cette mutation revêtant tous les caractères d'une sanction dès lors qu'elle a eu pour conséquence le non paiement de la part gabonaise du salaire et le retrait du logement de fonction ;

Attendu que la cour n'a pas retrouvé la clause du contrat de travail invoquée par le conseil de prud'hommes permettant une mutation d'office (pièce 1 de M. [M]) ;

Attendu que la prétention de la société Air France à « prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » ne pouvait l'autoriser à rétrograder un salarié à l'encontre duquel aucune sanction n'avait encore été prononcée ; qu'il lui appartenait à la fois de protéger le salarié mais aussi de respecter ses droits les plus élémentaires, une « mutation d'office » ne signifiant pas rétrogradation ni perte de salaire hors du cadre disciplinaire ;

Attendu qu'il apparaît donc que préalablement à la décision de licenciement, Air France a rétrogradé M. [M], ce qui en soi constitue une sanction disciplinaire ;

Que de ce fait, une seconde sanction ne pouvait valablement être infligée pour les mêmes faits, aucun autre motif ne pouvant expliquer le caractère disciplinaire de la mutation d'office du salarié ;

Attendu par ailleurs qu'il apparaît que dans le cadre de la réunion du conseil de discipline, Air France a violé tant les droits de M. [M] au respect du principe du contradictoire que les règles conventionnelles qui pourtant ont été rappelées par la président du conseil de discipline dans un courrier du 2 mai 2007 et confirmées par le directeur juridique dans un courrier en date du 10 mai 2007 puisque les éléments du dossier lui faisant grief ne lui ont été adressés que le 16 mai 2007 et non le 11 mai comme indiqué sur la lettre de transmission, ce qui ne lui a pas permis de les recevoir avant le jour même de la convocation devant le conseil de discipline et l'a empêché d'organiser normalement sa défense ; que ce refus de l'employeur de communiquer ce pièces existe de fait depuis l'origine puisque malgré plusieurs demandes, M. [M] ne recevra pas ces informations capitales pour lui avant qu'il ne soit plus en mesure de les utiliser pour sa défense ; que ce refus de communiquer des informations essentielles pour le salarié est de nature à vicier la procédure disciplinaire ;

Attendu qu'il est certain que M. [M] n'a pas été mis en mesure de se défendre utilement du fait de la mauvaise volonté de l'employeur ;

attendu qu'il y a en conséquence lieu de réformer le jugement et de retenir que M. [M] ayant déjà été sanctionné pour les faits qui ont motivé son licenciement pour faute grave, une seconde sanction ne pouvait lui être infligée ;

Attendu que le licenciement pour faute grave est en conséquence sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que les demandes indemnitaires de M. [M] sont fondées en leur principe ; qu'elles doivent être appréciées en tenant compte des circonstances qui ont justifié qu'il soit sanctionné

attendu qu'il y a lieu d'ordonner le paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement, la somme de 2 553 euros brut à titre de rappel d'indemnité de préavis sur la part française du salaire et 3 315,48 euros nets sur la part gabonaise de son salaire, le rappel des salaires pendant la période de mise à pied, 78 510 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que le comportement de l'employeur a été abusif et vexatoire notamment en ce qu'il a agit sans le moindre respect des droits de son salarié et ne l'a pas mis en mesure de présenter dignement sa défense et encore moins de l'organiser ; que la somme de 47 106 euros à titre de dommages et intérêts doit être allouée de ce chef ;

attendu qu'il appartenait à l'employeur de veiller au rapatriement dans des conditions acceptables des affaires de son salarié qu'elle a pris en charge en décidant de restituer sans son accord le logement mis à sa disposition, ce qui relève bien des conséquences de la rupture du contrat de travail ; que tel n'a manifestement pas été le cas ; qu'il résulte des éléments produits que le préjudice subi par M. [M] sera réparé par l'allocation de la somme de 3 500 euros ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que 10 000 euros sont dus à M. [M] au titre de la cession des meubles ; qu'il appartenait à l'employeur de chiffrer son préjudice relatif à la non restitution de l'ordinateur et des badges non restitués ;

Attendu qu'il devra être remis à M. [M] une feuille de paie correspondant aux indemnités qui lui ont été allouées ; que les bulletins de paie pour la période d'expatriation lui ayant été remis dans le cadre de l'appel, cette demande est désormais sans objet ;

Attendu que le licenciement ne résultant pas d'une faute grave, il y a lieu en application de l'article L 122-14-4 deuxième alinéa in fine du Code du travail d'ordonner la transmission d'une copie certifiée conforme du présent arrêt à l'UNEDIC ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour après en avoir délibéré conformément à la loi, contradictoirement,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de salaires de M. [M] (10 614,81 euros) ;

Et statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. [M] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

Condamne en conséquence la société Air France à payer à M. [K] [M] les sommes suivantes :

- 2 553 euros brut à titre de rappel d'indemnité de préavis sur la part française du salaire et 3 315,48 euros nets sur la part gabonaise de son salaire à titre d'indemnité de préavis ;

- 20 860,51 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 78 510 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 47 106 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct liés aux conditions du licenciement,

- 3 500 euros au titre de la destruction de ses effets personnels,

- 10 000 euros au titre de la cession des meubles,

Ordonne à la société Air France de remettre à M. [M] une feuille de paie conforme aux sommes qui lui ont été allouées par le présent arrêt et à défaut de remise dans le mois de la notification du présent arrêt condamne la société Air France au paiement d'une astreinte de 50 euros par jour de retard pendant deux mois astreinte dont la cour se réserve la liquidation éventuelle ;

Rejette les autres demandes de M. [M] ;

Condamne la société Air France à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel,

Déboute la société Air France de sa demande faite en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Ordonne en application de l'article L 122-14-4 deuxième alinéa in fine du Code du travail la transmission d'une copie certifiée conforme du présent arrêt à POLE EMPLOI RHONE ALPES, Service Contentieux, [Adresse 3] ;

Condamne la société Air France aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Sophie ROCHARD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/04800
Date de la décision : 27/06/2011

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°09/04800 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-27;09.04800 ?
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