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14/02/2011 | FRANCE | N°10/01124

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 14 février 2011, 10/01124


RG N° 10/01124



N° Minute :



























































































AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU LUNDI 14 FEVRIER 2011







Appel d'une dé

cision (N° RG 10/00029)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 11 février 2010

suivant déclaration d'appel du 04 Mars 2010





APPELANT :



Monsieur [D] [W]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Comparant et assisté par M. Jacques CHOUVY (Délégué syndical ouvrier)



INTIMEE :



La SARL [M] & FILS prise en la personne de son représentant légal en exerc...

RG N° 10/01124

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU LUNDI 14 FEVRIER 2011

Appel d'une décision (N° RG 10/00029)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 11 février 2010

suivant déclaration d'appel du 04 Mars 2010

APPELANT :

Monsieur [D] [W]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Comparant et assisté par M. Jacques CHOUVY (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEE :

La SARL [M] & FILS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Bruno LUCE (avocat au barreau de VALENCE)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,

Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 10 Janvier 2011,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 14 Février 2011.

L'arrêt a été rendu le 14 Février 2011.

Notifié le :

Grosse délivrée le :

RG 10 1124 ES

[D] [W] a été engagé sans contrat de travail écrit à compter du 16 septembre 2004 en qualité de serveur par la SARL [M] & FILS, qui exploite la brasserie à l'enseigne 'La Belle Epoque' à [Localité 4].

Il a saisi le conseil de prud'hommes de Montélimar le 1er avril 2009 d'une demande en paiement du salaire d'heures supplémentaires, du salaire de certains jours fériés non accordés.

Par lettre du 27 mai 2009, il a remis sa démission à effet au 30 juin 2009. Il a été dispensé le 3 juin 2009 de l'exécution de son préavis.

Il a étendu son action à une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.

Par jugement du 11 février 2010, la formation prud'homale a condamné la société [M] & FILS à lui payer 330,90 euros de rappel d'heures supplémentaires du 1er novembre 2008 au 10 janvier 2009 plus les congés payés afférents, 64,93 euros au titre d'une journée fériée manquante en 2008 et 200 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de repos hebdomadaire en 2007/2008, plus une indemnité pour frais irrépétibles mais a débouté [D] [W] du surplus de ses prétentions.

[D] [W] a relevé appel le 4 mars 2010.

Il demande à la cour d'infirmer les dispositions du jugement qui lui sont défavorables, de condamner son ancien employeur à lui verser les sommes de :

- 3.262,40 euros, plus les congés payés afférents, au titre du salaire d'heures supplémentaires restées non rémunérées à concurrence de 3 h par semaine depuis janvier 2007,

- 10.846 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 600 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Il reproche à son employeur de n'avoir jamais tenu les documents récapitulatifs imposés par l'article 8 de l'avenant du 5 février 2007 de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants ; il se prévaut de ses propres décomptes ainsi que d'une attestation de la serveuse et de la copie d'un planning horaire affiché dans l'établissement pour novembre 2008 à juin 2009, imposant un horaire hebdomadaire de 42 heures alors qu'il était payé pour 39 heures, affichage dont il soutient qu'il n'avait fait qu'officialiser la pratique antérieure.

Il prétend qu'à partir du mois d'avril 2009 et de ses démarches auprès du conseil de prud'hommes, par représailles, son employeur l'avait réduit au service boissons dit 'service limonade' puis lui avait interdit tout service, lui avait imposé l'exécution de tâches subalternes (nettoyage, plonge) l'avait humilié et lui avait imposé une coupure de 2 h dans l'après midi, dans le seul de lui rendre la vie plus difficile, d'où ses problèmes de santé et sa démission.

La société [M] et FILS demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter [D] [W] de toutes ses demandes, de le condamner au paiement d'une indemnité de 1.500 euros pour appel abusif et d'une somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle estime que [D] [W] avait été rempli de ses droits en matière de salaire et de jours fériés. Elle conteste la valeur de l'attestation de la serveuse qui n'avait pas les mêmes horaires que lui. Elle fait valoir que le salarié ne s'était jamais plaint.

Elle conteste tout harcèlement, invoque l'absence de toute donnée objective en lien avec le certificat médical produit, fait observer que la lettre de démission n'était pas motivée, que l'ensemble du personnel effectuait des tâches d'entretien, que [D] [W] n'avait pas cessé de servir la clientèle, que son affectation au 'service limonade' était compatible avec son contrat de travail et qu'en réalité [D] [W] avait démissionné parce qu'il avait trouvé un autre travail au Luxembourg. Elle dénonce le comportement cauteleux de son adversaire.

Sur quoi :

1) sur les heures supplémentaires :

Attendu qu'en vertu de l'article 5 de l'avenant du 5 février 2007 sur l'aménagement du temps de travail des salariés des entreprises relevant de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants :

' est considérée comme heure supplémentaire toute heure de travail effectif accomplie à la demande de l'employeur ou avec son accord, au-delà de la durée hebdomadaire légale de travail, soit 35 heures, sous réserve de l'application des dispositifs spécifiques relatifs à l'aménagement du temps de travail tels que prévus à l'article 10 du présent avenant (modulation, cycle, etc.).

Le paiement des heures supplémentaires ainsi que leurs majorations définies ci-dessus peut être remplacé en tout ou partie par un repos compensateur de remplacement de 110 % pour les 4 premières heures, de 120 % pour les quatre suivantes et de 150 % pour les autres.

Dans le respect de l'article L. 212-5-1 du code du travail, les règles d'attribution de ce repos, notamment sa date, sa périodicité et sa forme, sont définies au niveau de chaque entreprise par l'employeur, après concertation du ou des salariés concernés, en fonction des nécessités du service et des besoins de la clientèle.

Lorsque les heures supplémentaires sont payées sous forme de repos compensateur, celui-ci doit être pris à l'intérieur d'une période de 12 mois consécutifs ou de 52 semaines.

Le chef d'entreprise enregistre obligatoirement sur un registre ou tout autre document l'horaire nominatif et individuel de chaque salarié ainsi que les périodes de travail qu'il a réellement effectuées pour chacun des jours où il n'est pas fait une stricte application de celui-ci.

Ce document est émargé par le salarié au moins 1 fois par semaine et tenu à la disposition de l'inspecteur du travail.

Le salarié est tenu régulièrement informé de ses droits acquis en matière de repos compensateur sur son bulletin de paie ou sur une fiche annexée qui indique pour le mois considéré :

- le nombre d'heures supplémentaires effectuées ;

- le nombre d'heures de repos compensateur auxquelles elles ouvrent droit en application de l'article L. 212-5 du code du travail ;

- le nombre d'heures de repos attribuées dans le cadre de ce dispositif' ;

Attendu qu'en vertu de l'article 8 du même avenant :

'L'article 6 de la convention collective nationale du 30 avril 1997 relatif à l'affichage et au contrôle de la durée du travail est complété comme suit :

Il est rappelé les règles relatives à l'affichage des horaires et au contrôle de la durée du travail applicables au personnel salarié, à l'exclusion des cadres dirigeants et sous réserve des dispositions spécifiques prévues pour les cadres autonomes prévues à l'article 13-2 du titre IV de l'avenant n° 1 du 13 juillet 2004 à la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants :

- en cas d'horaires collectifs, l'affichage des horaires s'effectue conformément aux dispositions des articles D. 212-17 et suivants du code du travail ;

- en cas d'horaires non collectifs, les dispositions de l'article D. 212-21 et D. 212-22 du code du travail s'appliquent comme suit :

Lorsque les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe au sens de l'article D. 212-20 du code du travail ne sont pas occupés selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné doit être décomptée selon les modalités suivantes :

- quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail effectuées ;

- chaque semaine, par récapitulation, selon tous moyens, du nombre d'heures de travail effectuées par chaque salarié. Ce document, à défaut de tout autre document déjà existant dans l'entreprise, émargé par le salarié et par l'employeur, est tenu à la disposition de l'inspection du travail. L'annexe III du présent avenant est prévue à cet effet;

- un document mensuel, dont le double est annexé au bulletin de paie, sera établi pour chaque salarié. Ce document comportera les mentions suivantes :

- le cumul des heures supplémentaires effectuées depuis le début de l'année ;

- le nombre d'heures de repos compensateur acquises au cours du mois en distinguant, le cas échéant, le repos compensateur légal et le repos compensateur de remplacement ;

- le nombre d'heures de repos compensateur effectivement prises au cours du mois.

Lorsque le repos n'est pas donné collectivement à tout le personnel, les modalités de contrôle s'effectuent conformément aux articles R. 221-10 et suivants du code du travail.

En cas de report des jours de repos en application du 3 de l'article 21 du titre VI de la convention collective nationale du 30 avril 1997, un registre ou tout autre document doit comporter les mentions suivantes :

- le nombre des demi-journées ou journées reportées pour le mois considéré ;

- le nombre des demi-journées ou journées compensées pour le mois considéré ;

- les délais maximaux de report pour les demi-journées ou journées' ;

Attendu que les bulletins de paye remis à [D] [W] pendant la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2009 mentionnent un salaire versé sur la base d'un horaire de travail mensuel de 169 heures en janvier 2007 puis de 151,67 heures au taux normal plus 17,33 heures au taux majoré de 10% à partir de février 2007 ;

Attendu que par lettre recommandée du 8 janvier 2009, que l'employeur ne conteste pas avoir reçue et qui y a d'ailleurs répondu le 22 février 2009, [D] [W] avait réclamé un rappel de salaire de 144,69 euros mensuel en faisant notamment valoir qu'il effectuait 182 heures de travail mensuelles payées 169 heures et que son temps de travail hebdomadaire était de 42 heures alors que seulement 39 heures lui étaient payées ;

Que le salarié faisait observer dans cette lettre que, depuis janvier 2007, son horaire de travail était le jeudi de 9h00 à 16h30 et les autres jours de la semaine du lundi au samedi de 9h30 à 17 h soit 42 heures par semaine (après déduction d'une demi-heure de pause journalière) ;

Attendu que les pièces régulièrement produites par l'employeur font également apparaître que la société [M] ET FILS avait été rendue destinataire d'une lettre datée du 18 février 2009 de [G] [T], secrétaire de l'union locale du syndicat CFDT de [Localité 4], mettant en exergue l'exécution par le serveur de trois heures supplémentaires par semaines depuis janvier 2007 jusqu'à janvier 2009 et chiffrant en conséquence une créance de 3.411,35 euros à ce titre;

Que ces réclamations sont antérieures à la démission et même à la saisine du conseil de prud'hommes ; que dans ces conditions, il ne saurait être sérieusement soutenu que le salarié s'était abstenu de toute protestation et démarches auprès de son employeur avant de saisir la justice ;

Attendu que les indications de [D] [W] sur l'horaire de travail en vigueur dans l'entreprise au moins jusqu'à sa réclamation de janvier 2009 sont corroborées par la photographie d'un document intitulé 'horaires de travail du 1/11/08 au 31/6/09', dont il n'est pas contesté qu'il a bien été affiché dans les locaux de l'entreprise, ce qu'a déjà relevé le conseil de prud'hommes sans en tirer toutes les conséquences, cette affiche indiquant que pour [D] [W] le service salle s'effectuait de 9h30 à 17h et le jeudi de 9h à 16h30 ;

Attendu que dans une réponse du 22 février 2009, l'employeur s'était borné à répliquer que depuis février 2007 tout le personnel travaillait 39 heures par semaines soit 151h57 mais n'avait développé aucune contestation sur les horaires précisés par le serveur dans sa lettre de réclamation du 8 janvier 2009 pourtant circonstanciée et précisés dans le calcul du syndicat ;

Attendu que [D] [W] produit par ailleurs des relevés hebdomadaires couvrant la période du 1er janvier 2007 au 1er mars 2009 mentionnant, pour chaque jour travaillé, les heures de prise de fonction, de pause, de départ du travail ; que ces relevés tiennent bien compte des périodes de congés payés et des périodes d'arrêt maladie mentionnés sur les bulletins de salaire ;

Attendu que par l'ensemble de ses éléments, [D] [W] étaye suffisamment sa demande en paiement d'un rappel de 3.262,40 euros pour les heures supplémentaires effectuées au delà de 39 heures par semaine, durant la période du 1er janvier 2007 au 31 octobre 2008, telles que détaillées sur ses décomptes hebdomadaires et telles que chiffrées dans ses écritures reprises oralement à l'audience ;

Attendu qu'il appartient dès lors à l'employeur de rapporter aussi la preuve des horaires de travail effectués par son salarié ;

Attendu que la photographie des horaires de travail du 1/11/08 au 31/6/09', déjà citée, fait également apparaître que les horaires des autres salariés, à savoir deux personnels en cuisine et une serveuse [K] [E], étaient différents de celui de [D] [W] ;

Qu'en conséquence, puisque ce dernier n'était pas occupé selon un même horaire collectif de travail affiché, la durée de son travail devait être décomptée selon les modalités indiquées à l'article 8 des dispositions conventionnelles citées en exergue ;

Que cependant l'employeur ne produit des récapitulatifs hebdomadaires émargés par le salarié que pour la période comprise entre le 27 avril 2009 et le 7 juin 2009 ; qu'il n'a donc pas respecté les obligations mises à sa charge par les dispositions conventionnelles pendant la période en litige ;

Que ce document photographique est également de nature à contredire d'une part le contenu de l'attestation du cuisinier [B] [O], selon lequel depuis 2007 [D] [W] prenait à 9h30 et terminait à 16h30 avec une demi-heure de pause repas de 11h à 11h30, d'autre part le contenu de l'attestation d'un commerçant voisin qui indique que l'intéressé arrivait au travail à 9h30 et partait à 16h30 en hiver et prenait à 11 h en été et enfin le contenu de l'attestation d'un autre voisin qui indique que l'intéressé quittait à 16h30 hors saison estivale;

Que [K] [E], serveuse dans l'établissement depuis mai 2007 a attesté le 10 octobre 2008 que son collègue travaillait bien sept heures par jours pendant six jours ce qui contredit également ces témoignages produits par l'employeur ;

Que le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté une partie des demandes formées par [D] [W] au titre de ce chef de prétention ; qu'il y sera entièrement fait droit ;

Attendu qu'en revanche, l'appelant ne rapporte pas la preuve de l'intention de son employeur de lui faire effectuer un travail dissimulé ;

2) sur le harcèlement moral :

Attendu que [D] [W] justifie, au moyen d'un autre document dont il n'est pas contesté qu'il émane de l'employeur, qu'à partir du 20 janvier 2009, donc postérieurement à sa réclamation, il lui a été notifié un nouvel horaire de 11h à 18 h les lundis, mardi, mercredi et vendredi, de 8h à 15 et de 17h à 19 le jeudi, et de 12h à 17 h le samedi soit, après déduction de la pause repas de 14.30 à 15h, soit une durée de travail hebdomadaire de 39 heures ;

Qu'il produit la photographie d'un troisième horaire nominatif le concernant, portant le cachet de la société, indiquant qu'à compter du 4 mai jusqu'au 30 juin 2009, ses horaires seraient les lundi, mardi, mercredi et vendredi de 11h à 14h30 puis de 17 h à 20, le jeudi de 8h à 14h30 et de 17h à 20, le dimanche de 10 h à 13h30, le samedi devenant jour de repos;

Que l'examen des récapitulatifs hebdomadaires produits par l'employeur confirme le fractionnement de la journée de travail à partir du mois de mai 2009 ;

Que le 7 avril 2009, le salarié s'était plaint par écrit que son emploi avait été modifié le 2 avril 2009 'dans le but évident de le pénaliser' et avait annoncé qu'en conséquence il ne rattraperait pas les deux heures litigieuses ;

Que par lettre datée du 28 avril 2009, dont l'employeur produit l'original ce qui démontre qu'il l'avait bien reçue, [D] [W] s'était plaint de subir un harcèlement qui s'était manifesté non seulement par le fractionnement de son temps de travail mais aussi par l'interdiction de porter la tenue de serveur, par la privation du service de la brasserie puis ensuite par le retrait du service des boisons, par l'assignation à des taches consistant seulement à la plonge, au ménage, au lavage des vitres et finalement par son confinement en cuisine ;

Attendu que [D] [W] produit des attestations :

- de la serveuse [R] [H] et des clients [N] [Y] et [U] [J], dont il ressort qu'à partir de fin janvier ou de mi-février 2009, [D] [W] n'avait plus la tenue vestimentaire (chemise blanche, pantalon noir) qu'il portait auparavant comme le personnel de service,

- du même [N] [X], selon lequel l'intéressé n'effectuait plus le service brasserie mais seulement le service limonade en terrasse depuis cette même époque,

- des clients [L], [P], [A] et [J], dont il ressort que depuis janvier 2009 en tout cas quelques temps il était mis à l'écart, faisait des taches de rangement, la vaisselle derrière le comptoir, du nettoyage mais pas son service de garçon de café comme avant ;

Attendu que le même client [Z] [L] témoigne le 24 mai 2009 que le 29 avril 2009 Madame [M] avait poussé sans ménagement le salarié dans la cuisine ; que le même jour, le salarié avait signalé à la brigade de gendarmerie de [Localité 4] que son employeur l'avait poussé violemment alors qu'il se trouvait derrière le comptoir ;

Attendu qu'à la même époque, [D] [W] avait consulté un médecin qui indique avoir constaté à l'examen le 22 mai 2009 une aggravation de l'état de santé de son patient 'qui pourrait avoir un rapport avec un stress qu'il me déclare avoir subi à cette époque';

Attendu que ces éléments réunis laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral ayant débuté au moment où le salarié avait réclamé, avec raison mais vainement, le paiement d'heures supplémentaires ;

Attendu que l'employeur ne produit aucun élément de preuve de nature à démontrer que le fractionnement de l'horaire, qui coupait la journée de travail de [D] [W] pendant deux heures alors qu'il n'habitait pas à [Localité 4] mais à 4 km, avait été appliqué à l'ensemble du personnel et était justifié par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral ;

Que certes la serveuse [K] [E] indique que tous les employés effectuaient l'entretien des locaux ; que néanmoins dans les dernières semaines ayant précédé sa démission, [D] [W] n'était plus cantonné progressivement qu'à ces tâches et ne pouvait plus porter la tenue vestimentaire de garçon de café, ce qui s'analyse en une rétrogradation ou pour le moins en une dégradation importante de ses conditions de travail; que l'employeur ne justifie sur ce point d'aucune raison objective d'avoir retiré à [D] [W] le 'service brasserie' puis le 'service limonade', lui avait interdit le port de sa tenue et l'avoir consigné à des taches de nettoyage ;

Que la situation de harcèlement moral apparaît suffisamment caractérisée ; que le jugement sera infirmé sur ce chef de prétention ; qu'en réparation du préjudice subi par [D] [W], son ancien employeur lui versera une indemnité de 6.000 euros ;

Attendu qu'il résulte d'une attestation de [B] [O] et de [I] [V] que le personnel avait travaillé les 1er et 8 mai 2008 compensés les 31 mai et 1er juin 2008 ce qui est confirmé sur les relevés hebdomadaires tenus par le salarié ; mais que les premiers juges ont rappelé à bon droit que [D] [W] aurait dû bénéficier en 2008 de jours fériés en plus du premier mai alors qu'en pratique le 1er mai n'avait pas été compté en plus pour le calcul des jours de congé en dépit des dispositions conventionnelles de sorte qu'une journée était manquante ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de [D] [W] ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a limité à 330,90 euros, plus les congés payés afférents, la somme mise à la charge de la société [M] ET FILS au titre des heures supplémentaires et en ce qu'il a débouté [D] [W] de sa demande formée au titre d'un harcèlement moral ;

Statuant à nouveau :

Juge que la SARL [M] ET FILS s'est livrée envers [D] [W] à des agissements répétés de harcèlement moral ;

Condamne la SARL [M] ET FILS à verser à [D] [W] les sommes de :

- 3.262,40 euros au titre de la rémunération d'heures supplémentaires effectuées entre le 1er janvier 2007 et le 31 octobre 2008,

- 326,24 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents,

ces deux sommes portant intérêts légaux à compter de la convocation du 10 avril 2009,

- 6.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au harcèlement moral ;

Confirme les autres dispositions déférées du jugement ;

Rejette la demande de [D] [W] de paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ;

Déboute la société [M] ET FILS de ses demandes ;

La condamne aux dépens de l'appel et au paiement à [D] [W] d'une indemnité de 600 euros par application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01124
Date de la décision : 14/02/2011

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°10/01124 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-14;10.01124 ?
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