RG N° 10/01208
N° Minute :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 26 JANVIER 2011
Appel d'une décision (N° RG 09/00194)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 25 février 2010
suivant déclaration d'appel du 11 Mars 2010
APPELANTE :
La S.A. VIVIER-TARVEL prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Monsieur [R] et assistée par Me Murielle VANDEVELDE (avocat au barreau de LYON) substituée par Me LECLERC (avocat au barreau de LYON)
INTIME :
Monsieur [P] [L]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Alain VERGOTE (avocat au barreau de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de Président,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,
Madame Dominique JACOB, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 05 Janvier 2011,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 26 Janvier 2011.
L'arrêt a été rendu le 26 Janvier 2011.
Notifié le :
Grosse délivrée le :
RG10 1208 DJ
EXPOSE DU LITIGE
[P] [L] a été embauché le 1er juillet 2001en qualité de directeur administratif et financier, position I, niveau D de la convention collective du personnel cadre des entreprises paysagistes, par la SA VIVIER, création et entretien d'espaces verts. (salaire moyen des 12 derniers mois : 3.692,36 euros). Il travaillait au siège social situé à [Localité 6].
Suite à l'intégration de la société au groupe TARVEL, l'employeur l'a informé, le 12 mars 2008, d'une modification de son lieu de travail ([Localité 5]) et de ses fonctions (responsable administratif).
Il a refusé ces modifications. L'employeur a initié, le 6 mai 2008, une procédure de licenciement pour motif économique et lui a proposé un poste de reclassement en qualité de responsable comptabilité position II, niveau D en contrat à durée déterminée (remplacement d'un congé maternité) au salaire de 2.750 euros, qu'il a refusé.
Le contrat a été rompu le 30 mai 2008, suite à l'acceptation par [P] [L] de la convention de reclassement personnalisé.
Le 16 janvier 2009, [P] [L] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Grenoble qui, par jugement du 25 février 2010, a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la SAS VIVIER TARVEL à payer à [P] [L] :
- 7.400 euros de solde d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois)
- 21.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
et a ordonné le remboursement par l'employeur d'un mois d'indemnités de chômage .
La SAS VIVIER TARVEL, qui n'a pas réclamé la lettre recommandée de notification, a interjeté appel le 11 mars 2010.
Elle sollicite l'infirmation du jugement. Elle demande à la cour de dire que la rupture du contrat est intervenue pour un motif économique réel et sérieux et que la procédure a été respectée, de rejeter les demandes de [P] [L] et de le condamner à lui rembourser l'indemnité compensatrice de préavis réglée dans le cadre de l'exécution provisoire.
Subsidiairement, elle fait valoir que [P] [L] n'apporte pas de justificatif de son préjudice, alors même qu'il a bénéficié durant 8 mois des mesures de la convention de reclassement personnalisé.
Elle estime que la proposition de poste faite le 12 mars 2008, bien que non adressée par lettre recommandée comme le prévoit l'article L 1222-6 du code du travail, est valable, comme ayant été remise en mains propres au salarié.
Elle souligne que tant la proposition de modification du contrat que la lettre de rupture visent la nécessité de regrouper en un lieu unique les différents intervenants et services, dans le but d'optimiser le service administratif et comptable de l'UES TARVEL, ce qui répond à l'exigence légale de motivation.
Elle soutient que l'intégration de la société VIVIER (50 salariés) au groupe TARVEL (350 salariés) impliquait pour [P] [L] un changement de fonctions dès lors que les fonctions de directeur administratif et financier étaient déjà assumées et n'avaient plus rien à voir avec celles qu'il exerçait ; qu'elle impliquait également une centralisation au nouveau siège de la société.
Elle conteste avoir voulu écarter [P] [L] dans le cadre du recrutement, un an plus tard, d'un responsable administratif et financier.
[P] [L], intimé, demande à la cour de confirmer le jugement sauf à fixer les dommages et intérêts à 40.700 euros et à condamner la SAS VIVIER TARVEL à lui payer 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il rappelle que son contrat prévoyait qu'il exerçait ses fonctions au siège social de la société et que le lieu de travail était susceptible d'être changé dans un rayon de 20 km sans qu'il puisse s'y opposer.
Il fait valoir que le changement de lieu de travail ([Localité 5]) et de fonctions (retrait de la supervision, de l'organisation et de la coordination du service financier, et déclassement) étaient des modifications telles du contrat de travail qu'elles impliquaient le respect de la procédure prévue en cas de modification pour motif économique.
Il soutient que la société ne justifie d'aucun motif économique à l'origine de la modification essentielle du contrat.
Il souligne que l'employeur s'est contenté de viser 'l'optimisation' du service administratif et comptable et 'l'efficacité' de ce service, sans établir en quoi cela impliquait une modification de la qualification et de la nature de ses fonctions, et sans démontrer que les modifications envisagées étaient indispensables à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise.
Il fait remarquer que la société ne fournit aucune indication chiffrée quant à la situation économique et financière du groupe TARVEL. Il relève que le résultat d'exploitation au 31 décembre 2007 était de 710.000 euros.
Il précise qu'au moment du licenciement il était âgé de 55 ans et comptait une ancienneté de 6 ans et 11 mois ; qu'il a retrouvé un emploi quelques mois plus tard mais a perdu divers avantages (véhicule de fonction, prévoyance complémentaire santé, régime de retraite complémentaires) et perçoit une rémunération moindre.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues oralement et sans modification à l'audience.
L'employeur qui envisage de modifier un élément essentiel du contrat de travail pour un motif économique doit respecter les formalités prévues à l'article L 1222-6 du code du travail, à savoir l'envoi au salarié d'une lettre recommandée avec avis de réception l'informant de la modification envisagée et du délai d'un mois qui lui est laissé, à compter de la réception de cette lettre, pour faire connaître son refus, étant précisé qu'à défaut de réponse dans ce délai, le salarié est réputé avoir accepté la proposition.
En l'occurrence, la proposition de modification du contrat faite par lettre du 12 mars 2008 remise en main propre, ne respecte pas les formalités imposées de sorte que l'employeur ne pouvait se prévaloir du refus de la modification du contrat par le salarié.
Le jugement doit donc être confirmé.
Au surplus, la SAS VIVIER-TARVEL ne démontre pas l'existence d'un motif économique réel et sérieux résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel de son contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à une réorganisation destinée à sauvegarder sa compétitivité de l'entreprise.
En effet les motifs visés dans la lettre de proposition de poste et repris en termes identiques dans la lettre de licenciement, sont les suivants : 'L'optimisation du service administratif et comptable de l'UES TARVEL nous impose de regrouper en un lieu unique les différents intervenants et services. En effet l'efficacité du service administratif passe notamment par un travail en équipe ainsi que le regroupement des fonctions administratives et comptable en un lieu unique'.
Or l'employeur ne démontre pas que ces 'raisons d'organisation', comme il le rappelle dans un courrier du 10 avril 2008, sont liées à une menace qui pèserait sur la compétitivité de l'entreprise. Il procède par affirmation et ne produit pas d'autres données chiffrées, en terme d'activité et de résultat, que le nombre de salariés de la société VIVIER et du groupe TARVEL.
La procédure de licenciement pour motif économique se trouve donc dépourvue, également pour ce motif, de cause réelle et sérieuse.
Au regard de l'ancienneté de [P] [L] dans l'entreprise, du montant de sa rémunération et du fait qu'il a retrouvé rapidement un nouvel emploi, il y a lieu de fixer l'indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture à la somme de 29.600 euros.
L'équité commande de lui allouer la somme de 1.800 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives au montant des dommages et intérêts,
le réformant de ce chef,
- Condamne la SA VIVIER-TARVEL à payer à [P] [L] la somme de 29.600 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
y ajoutant,
- Condamne la SA VIVIER-TARVEL à payer à [P] [L] la somme de 1.800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- Condamne la SA VIVIER-TARVEL aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
Signé par Monsieur VIGNY, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GreffierLe Président