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12/01/2011 | FRANCE | N°10/00704

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 12 janvier 2011, 10/00704


RG N° 10/00704



N° Minute :



























































































AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU MERCREDI 12 JANVIER 2011





Appel d'une décisio

n (N° RG F08/A0091)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 02 février 2010

suivant déclaration d'appel du 16 Février 2010



APPELANT :



Monsieur [N] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par la SCP SAUL-GUIBERT PRANDINI GABRIELE LENUZZA (avocats au barreau de GRENOBLE) substitué par ME Olivia GAST (avocat au barreau de GRENOBLE)



I...

RG N° 10/00704

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MERCREDI 12 JANVIER 2011

Appel d'une décision (N° RG F08/A0091)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 02 février 2010

suivant déclaration d'appel du 16 Février 2010

APPELANT :

Monsieur [N] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par la SCP SAUL-GUIBERT PRANDINI GABRIELE LENUZZA (avocats au barreau de GRENOBLE) substitué par ME Olivia GAST (avocat au barreau de GRENOBLE)

INTIMEE :

La SEM VOIES FERREES DU DAUPHINE (VFD), prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Fabienne SADION-MARTIN (avocat au barreau de GRENOBLE) substituée par Me MAURICI (avocat au barreau de GRENOBLE)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de Président,

Madame Hélène COMBES, Conseiller,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 01 Décembre 2010,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 12 Janvier 2011.

L'arrêt a été rendu le 12 Janvier 2011.

Notifié le :

Grosse délivrée le :

RG 10 704 DJ

EXPOSE DU LITIGE

[N] [R] a été embauché par la Régie Départementale des Transports des Ardennes, le 19 septembre 1983, en qualité de conducteur-receveur. Il a démissionné de cet emploi le 28 juin 2001 et a ensuite occupé des postes de chauffeur auprès de différentes entreprises.

Il a été engagé le 15 mars 2004 par la Régie Départementale des Voies Ferrées du Dauphiné (VFD) devenue, le 1er juillet 2006, la SEM-VFD.

Le 26 juillet 2006, [N] [R] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Grenoble d'une demande formée à l'encontre de la SEM VFD afin d'obtenir la reprise de l'ancienneté qu'il avait acquise auprès de la Régie des Transports des Ardennes.

Par jugement rendu en départage le 25 juin 2007, le conseil l'a débouté de sa demande.

[N] [R] a relevé appel. Les débats devant la cour ont été clôturés le 5 juin 2008 et l'arrêt rendu le 2 juillet 2008.

La cour a infirmé le jugement et dit que [N] [R] était bien fondé à bénéficier, au sein de la SEM VFD, de l'ancienneté acquise auprès de la Régie Départementale des Transports des Ardennes, du 19 septembre 1983 jusqu'au 28 juin 2001.

Le 1er avril 2008 [N] [R] a été licencié pour faute grave.

Le 18 avril 2008, il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Grenoble de diverses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, auxquelles il a ajouté, par conclusions du 30 juin 2009, une demande de rappel de salaires au titre de sa reprise d'ancienneté.

Par jugement du 2 février 2010, le conseil a déclaré les demandes irrecevables en vertu du principe de l'unicité de l'instance, en constatant qu'au jour de sa saisine, l'instance relative au contrat de travail de [N] [R] était toujours pendante devant la cour d'appel.

[N] [R], à qui le jugement a été notifié le 12 février 2010, a interjeté appel le 16 février 2010. Il sollicite l'infirmation du jugement et demande à la cour de condamner la SEM VFD à lui payer :

- 47.535,62 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.107,77 euros d'indemnité de licenciement,

- 1.697,71 euros d'indemnité pour procédure irrégulière,

- 2.769,43 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

- 354,78 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 30.029,52 euros au titre de sa reprise d'ancienneté,

- 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que son action est recevable ; que le principe de l'unicité de l'instance ne s'applique pas en l'état de contrats de travail conclus entre des parties différentes (la Régie Départementale des Transports Ardennais, les VFD puis la SEM VFD) et de demandes dont le fondement est né après la saisine du Conseil de Prud'hommes.

Il soutient que dès lors qu'il a été licencié (le 1er avril 2008) postérieurement à la saisine primitive du Conseil de Prud'hommes (le 26 juillet 2006), il n'était pas tenu de présenter ses demandes devant la cour d'appel, sauf à se priver du double degré de juridiction, ce qui est contraire à l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme, à l'article 6 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et à l'article 4 du code civil.

Il fait valoir que la procédure de licenciement n'a pas été respectée en ce qu'il a été convoqué à un entretien préalable dont la date était passée et qui a été reporté à une date ne respectant pas le délai de 5 jours ouvrables entre la convocation et l'entretien préalable.

Il conteste les griefs qui lui sont faits.

Il explique les circonstances dans lesquelles, ayant appris le 3 mars 2008, jour de sa reprise de travail, qu'il était convoqué à la visite médicale de reprise le 10 mars 2008, il a pris contact avec la secrétaire de la médecine du travail qui l'a convoqué le jour même à 16 h 30, suite à un désistement ; qu'il en a avisé l'employeur et que cet état de fait ne peut donc lui être reproché.

En ce qui concerne le 10 mars 2008, il expose qu'il s'est vu proposer un changement de service pour le lendemain, 11 mars, et que c'est en raison de l'insistance de la direction pour maintenir ce changement de service, et alors que l'employeur savait qu'il avait été arrêté pour une pathologie réactionnelle à sa situation professionnelle, qu'il s'est senti provoqué et s'est emporté à l'égard de Mme [U], chef de centre.

Il estime que cela ne peut cependant être retenu contre lui, compte tenu des circonstances et du fait que l'employeur n'a respecté aucun délai de prévenance.

Il affirme avoir été malmené par sa direction qui a tenté de lui imposer irrégulièrement des directives ne tenant pas compte de sa fragilité et ne lui a pas laissé le temps ni l'occasion de s'expliquer dans le cadre d'un entretien préalable dont elle lui a refusé le bénéfice.

Il fait valoir, sur son préjudice, qu'il est âgé de 48 ans et a des difficultés à retrouver un emploi.

La SEM VFD, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner [N] [R] à lui payer 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, sur le fond, elle conclut à l'existence d'une faute grave, au rejet de l'ensemble des demandes, à l'irrecevabilité de la demande de rappel de salaires correspondant à la reprise d'ancienneté.

La SEM VFD indique que [N] [R] aurait dû présenter ses demandes qui dérivent du même contrat de travail que celui pour lequel il avait déjà saisi le Conseil de Prud'hommes, à la cour d'appel puisqu'au jour de la seconde saisine de la juridiction prud'homale, les débats devant la cour n'étaient pas clos et que le principe de l'unicité de l'instance prévaut sur celui du double degré de juridiction.

Subsidiairement sur le fond, elle soutient que la procédure de licenciement est régulière et que [N] [R] a commis une faute grave, en ce qu'il n'a pas assuré son service le 3 mars après-midi, il s'est absenté irrégulièrement le 10 mars après-midi et a tenu des propos irrespectueux et grossiers et eu une attitude menaçante vis-à-vis de sa hiérarchie, [I] [U], en présence de témoins.

Elle soulève l'irrecevabilité de la demande de rappel de salaire au regard du principe de l'unicité de l'instance. Subsidiairement elle conteste devoir le montant réclamé et fait remarquer que [N] [R] produit un tableau récapitulatif sans présenter de manière claire son calcul et sans apporter de justificatifs.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues oralement et sans modification à l'audience.

Sur la recevabilité des demandes :

Le principe posé par l'article R 1452-6 du code du travail est que toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties doivent faire l'objet d'une seule instance.

Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou s'est révélé postérieurement à la saisine du Conseil de Prud'hommes.

La règle de l'unicité de l'instance n'a pas pour effet d'empêcher la concomitance d'actions devant la juridiction prud'homale, de sorte qu'une seconde action peut toujours être introduite à la condition que le juge prud'homal ne soit pas dessaisi de la première instance ayant pour fondement le même contrat de travail.

En cas de prétentions nouvelles, il appartient au juge du fond d'apprécier si leur fondement est apparu ou non postérieurement à la 'saisine' du Conseil de Prud'hommes.

Contrairement à ce que soutient [N] [R], le terme de saisine d'une juridiction ne doit pas être confondu avec celui d'introduction de l'instance. En effet la juridiction est saisie à une date déterminée et le demeure jusqu'à son dessaisissement, lequel peut résulter du jugement définitif sur le fond, d'un procès-verbal de conciliation totale ou d'un désistement.

En cas d'appel, l'instance se poursuit. Devant la cour, du fait de l'application combinée de l'article R 1452-7 du même code, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables. En vertu du principe de l'oralité des débats, elles peuvent être présentées jusqu'à la clôture de ceux-ci.

Toutefois les parties ne sont pas tenues de procéder par voie de demande additionnelle et peuvent introduire une nouvelle instance devant la juridiction prud'homale tant que cette dernière demeure saisie du premier litige.

En d'autres termes, les parties peuvent faire valoir leurs demandes nouvelles soit devant la cour d'appel avant la clôture des débats soit devant le Conseil de Prud'hommes, sans enfreindre la règle de l'unicité de l'instance.

En l'occurrence [N] [R] a saisi le Conseil de Prud'hommes d'une demande de reprise d'ancienneté formée à l'encontre de la SEM VFD, sur laquelle il a été statué le 25 juin 2007. Le jugement ayant été frappé d'appel, l'instance s'est poursuivie jusqu'au prononcé de l'arrêt le 2 juillet 2008, les débats ayant été clôturés le 5 juin 2008.

Le 1er avril 2008, soit en cours de procédure d'appel, [N] [R] a fait l'objet d'une mesure de licenciement.

Lorsqu'il a saisi le Conseil de Prud'hommes d'une contestation du licenciement, le 18 avril 2008, l'instance initiale était toujours en cours de sorte que c'est à tort que le Conseil de Prud'hommes l'a déclarée irrecevable. Le jugement doit donc être infirmé.

Sur le fond :

En application de l'article 568 du code de procédure civile, la cour d'appel a la faculté d'évoquer, lorsque les premiers juges ont déclaré l'action irrecevable sans se prononcer sur le fond, si elle estime d'une bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive.

Compte tenu du délai qui s'est écoulé depuis le licenciement, et dès lors que le salarié le sollicite, il y a lieu de statuer sur les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail.

Sur la procédure de licenciement :

L'employeur qui envisage de licencier un salarié doit le convoquer à un entretien préalable. La lettre de convocation doit préciser, notamment, l'objet de la convocation. L'entretien ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée, afin de permettre au salarié de préparer sa défense.

Le point de départ de ce délai se situe le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée et se décompte en jours ouvrables.

La SEM VFD a convoqué [N] [R], par lettre du 12 mars 2008 présentée le 14 mars 2008, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 21 février 2008.

[N] [R] ayant signalé par courrier du 17 mars 2008 qu'il ne pourrait pas s'y rendre, la date visée dans la convocation étant déjà passée, l'employeur a, par lettre recommandée du 19 mars présentée le 21 mars 2008, reporté l'entretien préalable au 25 mars 2008.

Dès lors que la seconde lettre avait pour seul objet de reporter la date de l'entretien préalable, le point de départ du délai susvisé est le lendemain de la présentation de la lettre initiale de convocation, c'est-à-dire le 14 mars 2008. Il s'est écoulé plus de 5 jours ouvrables avant la date de l'entretien préalable, de sorte que la procédure est régulière.

Sur le licenciement :

[N] [R] ayant été licencié pour faute grave, c'est à l'employeur de rapporter la preuve des fautes qu'il lui impute.

Au terme de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, l'employeur reproche à [N] [R] :

- de ne pas avoir assuré son service le 3 mars 2008 après-midi,

- de s'être absenté irrégulièrement le 10 mars à 15 h 55 et de ne pas avoir pris son service prévu de 16 à 19 heures,

- d'avoir, le même jour, tenu des propos irrespectueux et grossiers et eu une attitude menaçante vis-à-vis du chef de centre, [I] [U], en présence de témoins.

Il convient de rechercher si les pièces produites par l'employeur établissent les faits reprochés.

En ce qui concerne les faits du 3 mars 2008, il s'avère que [N] [R] reprenait, ce jour-là, son travail après un arrêt maladie de six mois.

Dans un courrier électronique transmis le 12 mars 2008 à [I] [U], chef de centre, [Y] [Z] explique avoir contacté, le matin même, la médecine du travail et obtenu un rendez-vous, fixé au 10 mars 2008. Il indique en avoir avisé [N] [R] qui lui a répondu que la date ne lui convenait pas et qui a obtenu, suite à un désistement, un rendez-vous pour le jour même à 16 h30.

Il ne peut être sérieusement reproché au salarié, qui reprenait son travail après un long arrêt, d'avoir obtenu un rendez-vous avec le médecin du travail pour la visite de reprise et, de ce fait, de ne pas avoir assuré son service de l'après-midi. Ce grief n'est donc pas fondé.

La seconde série de griefs concerne la journée du 10 mars 2008.

L'employeur justifie, par une attestation de la responsable recrutement de ADECCO, avoir été avisé le 10 mars 2008 en fin de matinée, par [E] [K], salarié intérimaire délégué au sein de l'entreprise, de l'empêchement de celui-ci à poursuivre son service en raison d'une hospitalisation dont il est justifié du 10 au 12 mars 2008.

Il verse aux débats les feuilles de service pour les lignes 1418 et 1474 valables pour la période du 4 septembre 2007 au 23 avril 2008 en indiquant qu'elles correspondent au service initial de [N] [R] et à celui qu'il lui était demandé d'assurer en échange.

Or ces feuilles de service ne sont pas nominatives et mentionnent seulement les heures de prise de vacation et de fin de service.

En outre l'employeur affirme, dans la lettre de licenciement, avoir été contraint de modifier les services de plusieurs conducteurs mais ne produit aucun planning des conducteurs susceptibles d'intervenir et ne justifie donc pas qu'il n'avait pas d'autre possibilité de permutation.

Alors même que [N] [R] avait exprimé téléphoniquement son opposition au changement de service, cette décision lui a été imposée.

[J] [M], responsable d'exploitation, atteste que lorsque [N] [R] est venu le 10 mars dans son bureau et qu'elle lui a confirmé son changement de service pour le lendemain, il est allé dans le bureau de Mme [U] en hurlant. Elle précise avoir entendu les propos suivants : 'que l'on pouvait se garder notre planning, que ça ne servait à rien de lui téléphoner pour lui demander un changement, il a son planning et ne rien ne change, qu'on le faisait chier avec notre planning, qu'on avait qu'à le lourder, qu'il allait retourner le bureau de Mme [U]'. Elle ajoute : 'j'avais l'impression qu'il était dans un état de démence et qu'il était dans un monologue'.

L'employeur, qui invoque la présence de témoins, ne produit toutefois pas d'autre témoignage que celui de la responsable d'exploitation, alors même que celle-ci indique qu'un conducteur, [L] [G], était à ce moment-là dans son bureau.

Dans son courrier du 9 avril 2008, [N] [R] conteste la version des faits. Il reconnaît avoir reçu un message téléphonique de Mlle [M] qui lui proposait de changer de service pour le lendemain. Il indique l'avoir appelée pour lui dire qu'il 'n'était pas question qu'(il) change encore une fois et qu'à l'avenir il fallait laisser (son) planning tel qu'il était'.

Il admet avoir ensuite été contacté téléphoniquement par Mme [U], puis être venu dans le bureau de celle-ci, l'après-midi. Il indique : 'son regard et son sourire provocateurs ont agi sur moi et c'est à ce moment-là que mes paroles ont dépassé ma pensée'.

Sommé de quitter le bureau, il indique avoir dit à Mme [U] qu'il allait à la médecine du travail. En l'absence du médecin, il a consulté son médecin traitant qui lui a prescrit un arrêt de travail du 11 mars au 25 mars 2008 qu'il a immédiatement adressé à l'employeur.

Il ne conteste pas ne pas avoir assuré son service de 16 à 19 heures. Cependant il ressort de ce qui précède qu'il se trouvait dans un état d'énervement tel qu'il ne pouvait raisonnablement pas envisager de prendre le volant.

Dès lors que, comme cela a été relevé ci-dessus, l'employeur ne démontre pas avoir été dans l'obligation d'imposer un changement de service à [N] [R], dont il ne pouvait ignorer la fragilité psychologique après un long arrêt de travail pour syndrome dépressif, l'emportement de celui-ci à l'égard de sa supérieure hiérarchique constitue certes une marque d'impolitesse mais n'apparaît pas suffisamment sérieux pour entraîner la rupture du contrat de travail, de sorte que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

[N] [R] est fondé à obtenir l'indemnité compensatrice de préavis (2.769,43 euros) outre les congés payés afférents (276,94 euros), l'indemnité de licenciement (1.107,77 euros) et, au regard de son ancienneté (21 ans), de sa rémunération et du fait qu'il n'a retrouvé un travail qu'en janvier 2010, la somme de 30.550 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande de rappel de salaire :

Par voie de conclusions additionnelles présentées le 30 juin 2009 au Conseil de Prud'hommes, [N] [R] a sollicité un rappel de salaire à hauteur de 30.029,52 euros.

Cette prétention dérive du même contrat de travail et a été formée en cours d'instance. Elle est donc recevable.

Devant la cour [N] [R] reprend cette demande dans le dispositif de ses conclusions, sans apporter aucune explication sur son calcul.

Il produit un document de 64 pages établi le 26 octobre 2008 par la CGT-VFD, dont la lettre d'accompagnement destinée à son conseil précise qu'il s'agit du 'rappel du maintien de ses salaires nets en activité du 15 mars 2004 au 3 avril 2008 en respectant les durées contractuelles de ses contrats de travail, le cahier des primes et son ancienneté acquise dans la régie des Ardennes (...) et le maintien de ses salaires nets pour ses différentes interruptions pour maladie'.

La première partie de ce document explicite les différentes 'demandes de l'agent', à savoir : la prise en compte de son ancienneté VFIL (15.601,25 euros brut), ses primes de précarité du 15 mars 2004 au 30 avril 2005, ses indemnités de congés payés, les indemnités de jours fériés, le calcul du salaire indiciaire à temps partiel, la PNA, la prime d'assiduité, la prime de vacances, le forfait mensuel, les heures supplémentaires, les R.T.T., les heures complémentaires, la prime de recette, le 13ème mois, le maintien du salaire net en maladie et la médaille d'Argent des Chemins de Fer Français.

Y sont joints un tableau récapitulatif des demandes pour les mois de mars 2004 à juin 2008 (page 37) et 27 tableaux intitulés 'demande détaillée par bulletin de salaire' pour la même période.

Force est de constater qu'en dehors des grilles de salaire, des extraits du cahier des primes et de l'accord du 29 septembre 2004 sur le maintien de salaire, aucun document justificatif n'est produit à l'appui des demandes, notamment aucun bulletin de salaire en dehors de ceux de janvier à mars 2008, de sorte que la cour n'est pas en mesure de vérifier le bien fondé des sommes réclamées, ni même les calculs effectués.

La demande sera donc rejetée.

Sur les frais de défense :

L'équité commande d'allouer à [N] [R] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infirme le jugement déféré,

- Déclare les demandes relatives au licenciement et au rappel de salaire recevables,

- Dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Condamne la SEM VFD à verser à [N] [R] :

- 2.769,43 euros d'indemnité compensatrice de préavis

- 276,94 euros de congés payés afférents

- 1.107,77 euros d'indemnité de licenciement

- 30.550 euros à titre de dommages et intérêts

- Déboute [N] [R] de sa demande de rappel de salaires,

- Condamne la SEM VFD à verser à [N] [R] 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne la SEM VFD aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur VIGNY, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/00704
Date de la décision : 12/01/2011

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°10/00704 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-12;10.00704 ?
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