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15/12/2010 | FRANCE | N°10/00979

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 15 décembre 2010, 10/00979


RG N° 10/00979



N° Minute :





















































































AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU MERCREDI 15 DECEMBRE 2010







Appel d'une décision (N° RG 09/00

598)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 01 février 2010

suivant déclaration d'appel du 25 Février 2010



APPELANTE :



Madame [J] [M]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Comparante et assistée par la SCP GIROUD - STAUFFERT GIROUD (avocats au barreau de GRENOBLE) substituée par Me RETHORE (avocat au barreau de GRENOBLE)



INTIMEE ET ...

RG N° 10/00979

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MERCREDI 15 DECEMBRE 2010

Appel d'une décision (N° RG 09/00598)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 01 février 2010

suivant déclaration d'appel du 25 Février 2010

APPELANTE :

Madame [J] [M]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparante et assistée par la SCP GIROUD - STAUFFERT GIROUD (avocats au barreau de GRENOBLE) substituée par Me RETHORE (avocat au barreau de GRENOBLE)

INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE :

Madame [C] [P]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par sa belle-soeur Madame [P] et assistée par Me Pierre BENDJOUYA (avocat au barreau de GRENOBLE)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Madame Hélène COMBES, Conseiller, faisant fonction de Président,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

DEBATS :

A l'audience publique du 24 Novembre 2010,

Madame Hélène COMBES, Conseiller, chargée du rapport, en présence de Madame Dominique JACOB, Conseiller, assistée de Madame Simone VERDAN, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 15 Décembre 2010, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 15 Décembre 2011.

Notifié le :

Grosse délivrée le :

RG N° 10/979 HC

EXPOSE DU LITIGE

Le 3 juillet 2008, [J] [M] et [Z] [L] agissant pour le compte de sa belle soeur [C] [P], personne âgée de 90 ans, ont signé une convention intitulée 'convention d'hébergement' dont le terme était fixé au 30 septembre 2008, en vertu de laquelle, moyennant la mise à disposition d'une chambre meublée dans l'appartement de [C] [P], [J] [M] s'engageait à être à son service tous les soirs de 19 heures à 20 heures 30, à être disponible les dimanches et jours fériés de 11 heures 30 à 13 heures 30 et à intervenir en cas de besoin la nuit.

Par avenant du 29 septembre 2008, établi par les mêmes signataires, la convention a été reconduite pour une durée indéterminée.

Par courrier recommandé du 23 février 2009, [Z] [L] agissant pour le compte de [C] [P] y a mis un terme à compter du 30 avril 2009.

Le 30 mars 2009, [J] [M] a saisi le conseil de Prud'hommes de Grenoble d'une demande en paiement de salaires (8.604 euros ), indemnités de rupture et dommages-intérêts.

Par jugement du 1er février 2010, le conseil de Prud'hommes a condamné [C] [P] à payer à [J] [M] :

- 3.259,35 euros au titre des salaires du 3 juillet 2008 au 28 février 2009 et 325,94 euros au titre des congés payés afférents

- 814,84 euros au titre de l'indemnité de préavis et 81,48 euros au titre des congés payés afférents

- 900 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif

[J] [M] qui a relevé appel le 3 mars 2010, demande à la cour de confirmer le jugement sur la requalification du contrat en contrat de travail, sur le caractère abusif de la rupture et réclame le paiement des sommes suivantes :

- 8.604 euros à titre de rappel de salaire et 860,40 euros au titre des congés payés afférents

- 2.151 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif

- 1.075 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier

- 2.151 euros au titre de l'indemnité de préavis et 215,10 euros au titre des congés payés afférents

- 1.075,50 euros au titre de l'indemnité de requalification

- 6.453 euros pour travail dissimulé

Elle précise tout d'abord qu'en contradiction avec les termes du contrat, elle n'avait pas accès à la salle de bains le matin et à la cuisine à l'heure du déjeuner, qu'elle était totalement accaparée par [C] [P], de sorte qu'il lui était impossible de rester dans l'appartement en dehors de ses heures de travail et que les ingrédients ne lui étaient pas fournis pour une 'cuisine de tradition' le dimanche midi.

Elle soutient que c'est lorsqu'elle s'est renseignée sur la régularité de la convention qu'elle a été renvoyée et évoque les faits qui se sont déroulés le 27 février 2009 lorsqu'au cours d'une discussion avec le frère de [C] [P] (âgé de 83 ans), elle a reçu deux coups de poing au visage.

Elle observe que [C] [P] et [Z] [L] ont voulu employer une personne sous couvert d'une convention d'hébergement, afin d'éviter de la rémunérer.

Elle fait valoir au soutien de ses prétentions :

- que la convention d'hébergement est en réalité un contrat de travail puisqu'elle se trouvait en lien de subordination tant vis à vis de [C] [P] que de sa belle-soeur, qui lui donnait des instructions,

- que son travail s'apparentait à celui d'un auxiliaire de vie et qu'elle effectuait de véritables astreintes la nuit,

- qu'elle bénéficiait d'avantages en nature soit en l'espèce un logement et un repas par semaine.

Elle réclame une rémunération comme assistante de vie 2 niveau III au taux horaire de 8,90 euros pour les heures de journée et une rémunération de17,80 euros pour chaque nuit.

Elle soutient encore qu'aucun motif réel et sérieux ne justifie son licenciement.

[C] [P] conclut à l'infirmation du jugement, au rejet de toutes les demandes et réclame 1.500 euros au titre des frais irrépétibles. Elle sollicite subsidiairement la limitation des demandes.

Elle explique qu'elle est une personne âgée très dépendante, malvoyante et malentendante, qui a besoin d'une assistance quotidienne assurée par plusieurs personnes, soit par l'intermédiaire d'une association, soit par une embauche directe.

Elle fait valoir que la convention d'hébergement s'est normalement déroulée jusqu'au début du mois de janvier 2009, au cours duquel le comportement de [J] [M] a changé ;

que le 27 février 2009, son frère qu'elle avait appelé au secours, paniquée par l'attitude de [J] [M], a été bousculé par elle.

Elle conteste toute relation de travail, tout lien de subordination et réplique que si [J] [M] lui rendait de menus services en contrepartie de l'hébergement offert, le caractère très limité de ces services, ne permettait ni de lui verser une rémunération, ni de caractériser l'existence d'un contrat de travail

Elle rappelle que ses obligations se limitaient à réchauffer le repas du soir, fermer les volets et ouvrir le lit, assurer une présence passive la nuit et réchauffer et prendre en sa compagnie le repas des dimanches et des jours fériés.

Elle indique n'avoir exercé aucun contrôle sur les activités de [J] [M] et ne lui avoir fait aucun reproche.

Elle observe que [J] [M] qui fait une présentation fallacieuse de ses tâches, exagère leur importance et rajoute même des prestations, alors qu'elle n'était nullement une assistante de vie, sa présence ayant pour seul but de rompre l'isolement.

Elle relève que [J] [M] qui n'a jamais demandé à être rémunérée, ne donne aucun élément sur sa situation professionnelle et ajoute que la rupture de la convention s'explique uniquement par la volonté de [J] [M] de ne plus être présente aux déjeuners du dimanche.

Pour le cas où l'existence d'un contrat de travail serait retenue, elle conteste la réclamation faite au titre des heures d'astreinte de même que la notion d'avantage.

Elle ajoute que contrairement à ce qu'elle prétend, [J] [M] disposait en permanence de la possibilité d'utiliser la cuisine et la salle de bains, qu'elle pouvait recevoir des visiteurs et que la chambre était son lieu de vie, celle-ci ne disposant pas d'un autre logement.

Elle conteste enfin le décompte produit, en propose un autre et précise qu'elle a payé à [J] [M] la somme de 3.666 euros en vertu de l'exécution provisoire, somme dont elle demande le remboursement en cas d'infirmation du jugement.

DISCUSSION

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience;

Attendu qu'il ressort des explications fournies par les parties lors de l'audience, qu'[Z] [L] qui s'occupe des intérêts de sa belle-soeur [C] [P], a fait paraître une annonce ainsi libellée :

'Chambre meublée gratuite pour femme/etud. Chez Dame âgée contre services.'

Attendu qu'en répondant à cette annonce, [J] [M] qui indique disposer d'un bagage d'enseignante, savait qu'elle ne répondait pas à une offre d'emploi, puisqu'il n'y était mentionné ni rémunération, ni travail ;

Attendu que dès l'origine, la commune intention des parties était bien de procurer à [J] [M] un logement gratuit en échange de quelques services et non un travail rémunéré avec avantage en nature ;

que [J] [M] ne s'y est pas trompée, qui pendant les 8 mois qu'a duré la relation contractuelle, n'a jamais réclamé le moindre salaire ;

Attendu qu'interrogée lors de l'audience, elle a précisé qu'elle avait quitté son précédent logement pour s'installer chez [C] [P], dans l'habitation de laquelle elle avait apporté ses affaires personnelles ;

qu'elle a également indiqué avoir comme source de revenus un travail d'enseignante en soutien scolaire ;

Attendu que l'importance que [J] [M] attribuait à la fourniture du logement est corroborée par le courrier du 10 février 2009, dans lequel [Z] [L], envisageant la rupture de la convention, lui précise faisant suite à sa demande qu'il est impossible à [C] [P] locataire d'un organisme d'habitat social, de lui sous-louer une chambre ;

Attendu que [J] [M] qui revendique l'existence d'un contrat de travail, n'établit par aucune pièce que les services qu'elle a rendus à [C] [P], sont en réalité allés bien au delà de ce qui était convenu dans la convention du 3 juillet 2008 et qu'elle les a rendus dans le cadre d'un lien de subordination ;

Attendu que ses affirmations selon lesquelles elle était totalement accaparée par [C] [P] et n'avait accès ni à la cuisine, ni à la salle de bains, ne sont étayées par aucune pièce et ne peuvent donc être retenues au soutien de son argumentation d'une évolution de la relation contractuelle vers un contrat de travail ;

Attendu que les pièces qu'elle verse aux débats ne révèlent nullement qu'elle recevait des directives de la part de [C] [P] ou d'[Z] [L] et que l'une ou l'autre de ces deux personnes en contrôlait l'exécution ;

Attendu qu'il ressort en réalité des courriers échangés, que c'est lorsque [J] [M] a refusé d'être présente pour le repas du dimanche, obligation mentionnée dans la convention, que celle-ci a été rompue ;

Attendu qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à tort que le conseil de Prud'hommes, inversant la charge de la preuve, a requalifié la convention du 3 juillet 2008 en contrat de travail, et partiellement fait droit aux demandes de [J] [M] ;

que le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et [J] [M] déboutée de toutes ses demandes ;

Attendu que [C] [P] demande la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire ;

Mais attendu que le présent arrêt, infirmatif, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées ;

qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande de [C] [P], les sommes devant être restituées portant intérêt au taux légal à compter de la notification valant mise en demeure de l'arrêt ;

Attendu qu'il sera alloué à [C] [P] la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er février 2010 par le conseil de Prud'hommes de Grenoble.

- Statuant à nouveau, déboute [J] [M] de toutes ses demandes.

- Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré.

- Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la notification du présent arrêt.

- Condamne [J] [M] à payer à [C] [P] la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.

- La condamne aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame COMBES, président, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/00979
Date de la décision : 15/12/2010

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°10/00979 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-12-15;10.00979 ?
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