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15/12/2010 | FRANCE | N°10/00977

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 15 décembre 2010, 10/00977


RG N° 10/00977



N° Minute :























































































































Notifié le :



Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE F

RANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU MERCREDI 15 DECEMBRE 2010







Appel d'une décision (N° RG F08/00129)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN-JALLIEU

en date du 19 janvier 2010

suivant déclaration d'appel du 23 Février 2010



APPELANT :



Monsieur [X] [B]

[Adresse 8]

[Localité 5]



Comparant et assisté par Me Laurent SAUTEREL (avocat au barreau de LYON)





INTIM...

RG N° 10/00977

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MERCREDI 15 DECEMBRE 2010

Appel d'une décision (N° RG F08/00129)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN-JALLIEU

en date du 19 janvier 2010

suivant déclaration d'appel du 23 Février 2010

APPELANT :

Monsieur [X] [B]

[Adresse 8]

[Localité 5]

Comparant et assisté par Me Laurent SAUTEREL (avocat au barreau de LYON)

INTIMES :

Maître [L] [S], mandataire judiciaire de la SA [B]

[Adresse 1]

[Localité 2]

La S.A. [B], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Tous les deux représentés par Me Laurent BANBANASTE (avocat au barreau de LYON)

L'AGS- CGEA D'ANNECY, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée par Me Marianne TOURRETTE (avocat au barreau de GRENOBLE)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Madame Hélène COMBES, Conseiller, faisant fonction de Président,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

DEBATS :

A l'audience publique du 24 Novembre 2010,

Madame Hélène COMBES, Conseiller, chargée du rapport, en présence de Madame Dominique JACOB, Conseiller, assistées de Madame Simone VERDAN, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 15 Décembre 2010, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 15 Décembre 2010.

RG N° 10/977 HC

EXPOSE DU LITIGE

La société [B] est une société familiale créée en 1960 par [M] [B] , dont l'activité est la fabrication d'articles textiles (dentelle).

Elle a été dirigée par [G] [B] jusqu'au 31 décembre 2007, date à laquelle il a pris sa retraite, son frère [I] [B], anciennement directeur général devenant PDG.

Fils de [G] [B], [X] [B] a été embauché le 2 mai 1994 en qualité de 'aide montage, maillons, entretien etc...' et au dernier état des relations contractuelles, il occupait un poste de dessinateur monteur assimilé cadre.

Le 27 octobre 2008, il a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement et licencié pour faute grave le 10 novembre 2008.

Il a contesté son licenciement devant le conseil de Prud'hommes de Bourgoin-Jallieu, qui par jugement du 19 janvier 2010, a jugé le licenciement fondé sur une faute grave et l'a débouté de toutes ses demandes.

Le 28 avril 2009, une procédure de redressement judiciaire de la société [B] a été ouverte, un plan de redressement étant adopté en cours de procédure.

[X] [B] qui a relevé appel le 25 février 2010, conclut à l'infirmation du jugement et sollicite le paiement par la société [B] des sommes suivantes :

- 12.501,92 euros au titre de l'indemnité de préavis outre les congés payés afférents

- 973,10 euros à titre de rappel de salaire

- 24.067,72 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- 81.863 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2.500 euros au titre des frais irrépétibles

Il expose qu'à compter du changement de direction, il a été victime d'une véritable stratégie de mise à l'écart et que les relations n'ont cessé de se dégrader jusqu'à son licenciement ;

que la société a fait obstacle à tout contact de sa part avec les clients qu'il n'a plus visités, ainsi qu'il résulte des attestations qu'il produit ;

qu'il a également constaté un amenuisement des outils de travail mis à sa disposition (carte de crédit, abonnement aux journaux professionnels, suppression des cahiers de tendances et du trousseau de clefs) et s'est trouvé dans l'impossibilité de se rendre aux salons..

Il invoque le retentissement de cette situation sur son état de santé.

Il soutient que le licenciement dont il a fait l'objet est abusif et précise que dans le cadre de la restructuration, 25 licenciements économiques ont été prononcés, qu'il est le seul à avoir été licencié pour faute grave, mais qu'il n'a toutefois jamais été remplacé.

Il rappelle qu'il incombe à l'employeur de démontrer la réalité de la faute grave et conteste les griefs qui lui sont faits.

Il invoque successivement la sanction préalable de certains faits, la prescription, l'autorisation qui lui a été donnée d'utiliser un véhicule de l'entreprise sans fixation d'une date de restitution et sa volonté d'acquitter le montant des contraventions.

Il observe que la retenue sur son salaire de leur montant, est une sanction pécuniaire prohibée.

Il soutient encore qu'il n'a jamais refusé d'exécuter une tâche mais qu'aucun planning de travaux ne lui a été donné pour 2008.

Sur les absences, il relève la prescription de plusieurs faits et explique qu'il n'était pas soumis à l'horaire collectif.

Il conteste tout abus dans l'utilisation du matériel informatique et souligne que l'employeur ne pouvait ouvrir dans son ordinateur, les fichiers relevant de sa vie privée.

Il conclut que la société [B] a cherché des prétextes pour se débarrasser de lui

La société [B] et Maître [S] mandataire judiciaire concluent à la confirmation du jugement et réclament reconventionnellement 93,55 euros au titre des frais d'autoroute et d'essence postérieurs au 12 novembre 2008 et 2.500 euros au titre des frais irrépétibles.

Ils répliquent que le licenciement de [X] [B] ne doit pas être rattaché à un contexte de mésentente familiale, mais s'explique uniquement par la désinvolture et le manque d'intérêt pour son travail dont [X] [B] a fait preuve à de nombreuses reprises et sur différents points.

Sur les griefs énoncés dans la lettre de licenciement ils exposent qu'après que [X] [B] ait vendu son véhicule et dans l'attente de l'achat d'un autre véhicule, la société lui a prêté à titre exceptionnel un véhicule Renault pour trois semaines jusqu'au 23 juin 2008 ;

que ce délai a été prolongé jusqu'au 25 juillet 2008, date à laquelle il a refusé de le restituer, ce qui n'a été fait que le 26 août 2008.

Ils ajoutent que pendant la période d'utilisation du véhicule par [X] [B], la société a reçu 4 avis de contraventions pour stationnement irrégulier, qu'il a refusé de payer de sorte que des majorations ont été appliquées.

S'agissant du refus du salarié d'exécuter ses tâches habituelles, ils expliquent que contrairement à ce qu'il prétend, [X] [B] n'était pas un créateur styliste mais un technicien chargé de préparer les dessins pour la mise en carte et la programmation de la machine à tisser.

Ils font valoir qu'il avait reçu pour instruction d'établir le 18 septembre 2008 un dessin [T] (référence 19056) pour la nouvelle collection, et qu'il a refusé de le faire, renouvelant son insubordination le 6 octobre 2008 date à laquelle il a refusé de préparer le dessin [P] (référence 18482).

Ils invoquent la gravité de ces actes d'insubordination caractérisée.

Ils contestent que [X] [B] ait été sollicité pour d'autres tâches l'empêchant d'exécuter son travail et contestent toute mesure vexatoire ou mise à l'écart.

Ils soutiennent que les absences injustifiées sont établies, de même que l'utilisation du temps et du matériel de l'entreprise à des activités autres que le travail.

L'AGS s'associe à l'argumentation de la société [B] et du mandataire judiciaire et rappelle les conditions et limites de sa garantie.

DISCUSSION

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;

Attendu que bien qu'aucun avenant ne soit produit aux débats, il n'est pas contesté que [X] [B] exerçait les fonctions de dessinateur monteur, mentionnées sur les bulletins de salaire ;

Attendu que [X] [B] a été licencié pour faute grave par courrier du 10 novembre 2008 ;

que selon la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, quatre griefs qu'il conviendra d'examiner lui sont faits : refus de restituer un véhicule de société, refus d'exécuter les tâches habituelles, absences injustifiées, abus de l'utilisation du temps et du matériel de l'entreprise, étant rappelé que la preuve de la faute grave incombe à l'employeur ;

- Sur le refus de restituer un véhicule de société

Attendu que la société [B] écrit dans la lettre de licenciement, qu'à titre exceptionnel, elle a prêté un véhicule à [X] [B] et qu'à l'issue de la période convenue, il a opposé un refus catégorique de le restituer ;

que les deux parties ont indiqué lors de l'audience que le véhicule avait été restitué le 26 août 2008 ;

Attendu que si la réalité du prêt d'un véhicule Renault Espace n'est pas contestée, il ne résulte d'aucune pièce qu'au moment où ce prêt a été consenti, une date de restitution a été prévue entre les parties et que [X] [B] a sciemment outrepassé cette date ;

Attendu que le courrier de la société [B] en date du 25 juillet 2008 n'est pas de nature à établir la réalité de la faute, alors d'une part qu'aucun document autre que ce courrier de l'employeur n'atteste de la date du 25 juillet comme date de restitution convenue, et alors d'autre part que ce courrier n'ayant pas été remis à son destinataire, [X] [B] n'a pu y apporter de réponse ;

Attendu qu'en toute hypothèse, il s'est écoulé plus de deux mois entre le 26 août 2008, date de la restitution du véhicule et le 27 octobre 2008, date de l'engagement de la procédure de licenciement par la convocation à l'entretien préalable, de sorte que même si le caractère fautif des faits était établi, la prescription de l'article L 1332-4 du code du travail serait acquise ;

Attendu que le fait que la société [B] ait acquitté le paiement de quatre amendes pour stationnement gênant peut d'autant moins fonder le licenciement, que la somme de 216 euros correspondant à leur montant majoré, a été déduite du salaire du mois d'octobre 2008 ;

que le premier grief sera écarté ;

- Sur le refus d'exécuter les tâches habituelles

Attendu que la société [B] reproche à [X] [B] d'avoir les 18 septembre et 6 octobre 2008, refusé d'effectuer les travaux qui lui étaient demandés : un dessin [T] et un dessin [P] ;

Mais attendu que la société [B] ne produit aucune pièce établissant que ces travaux lui ont été demandés, [X] [B] soulignant dans ses conclusions qu'aucun planning de travaux, ni aucun ordre de la direction n'est produit ;

Attendu qu'une attestation de [E] [K], responsable d'atelier établie le 28 octobre 2009, soit une année après le licenciement, est totalement insuffisante à établir ce que la société [B] qualifie d'actes caractérisés d'insubordination, alors qu'au moment de leur prétendue commission, elle n'a formulé aucun reproche à [X] [B];

Attendu que le deuxième grief sera écarté ;

- Sur les absences injustifiées

Attendu que la société [B] reproche à [X] [B] des absences aux dates suivantes : 15, 16 mai, 27 juin, 18 juillet, 5, 26 septembre et 3 octobre ;

que la prescription est acquise pour les absences des 15, 16 mai, 27 juin et 18 juillet 2008;

Attendu surtout, que dans un courrier recommandé du 8 octobre 2008, la société [B] a déjà sanctionné les absences constatées entre le 15 mai et le 3 octobre 2008, en expliquant qu'elles désorganisent le service et qu'à défaut pour le salarié d'éviter qu'elles se reproduisent, elle sera contrainte de prendre des décisions ;

Attendu que bien que le terme d'avertissement ne soit pas mentionné, ce courrier constitue bien une sanction au sens de l'article L 1331-1 du code du travail ;

Attendu qu'il est de jurisprudence constante qu'un même fait fautif ne peut justifier deux sanctions disciplinaires, de sorte que les absences injustifiées, déjà sanctionnées ne peuvent être invoquées au soutien de la décision de licenciement ;

que le troisième grief sera écarté ;

- Sur l'utilisation du temps et du matériel de l'entreprise

Attendu qu'à travers ce grief, la société [B] reproche à [X] [B] d'avoir utilisé le matériel de l'entreprise pour des activités personnelles à but lucratif et donne pour seul exemple de 'ce comportement inadmissible', la mise en ligne le 3 octobre 2008 à 10 heures 29 de la vente d'objets lui appartenant ;

Attendu que la société [B] ne justifie pas que ses salariés avaient l'interdiction formelle d'utiliser l'outil Internet à des fins personnelles, fut-ce pendant des durées très limitées ;

Attendu que la faute d'un salarié sur ce point, ne pourrait résulter que d'une utilisation abusive, c'est à dire une utilisation contraire aux intérêts de l'entreprise ;

Attendu qu'il ne peut être admis qu'une seule connexion le 3 octobre 2008 constitue un manquement justifiant la rupture du contrat de travail ;

que le dernier grief n'est pas plus établi que les précédents, la société [B] ne pouvant étayer son argumentation en invoquant pour lui donner du poids, des faits non mentionnés dans la lettre de licenciement qu'elle prétend avoir fait constater par huissier ;

Attendu qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que le licenciement de [X] [B] n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Attendu que sur la base de la rémunération brute de [X] [B] telle qu'elle figure sur le seul bulletin de salaire qu'il verse aux débats (octobre 2008), il sera fait droit à ses demandes aux titres de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement, dont le montant n'est d'ailleurs pas contesté par l'employeur ;

Attendu que le licenciement ayant été prononcé le 10 novembre 2008 et [X] [B] étant indemnisé du préavis de 3 mois non effectué, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande au titre du salaire du 10 au 30 novembre 2008 ;

Attendu que [X] [B] avait une ancienneté de 14 ans au sein de l'entreprise ;

que le préjudice résultant de la perte de son emploi lui a causé un préjudice qui sera réparé par la somme de 32.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

qu'il lui sera alloué la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Attendu qu'en l'absence de documents nominatifs, les pièces produites aux débats ne permettent pas d'attribuer à [X] [B] les dépenses d'essence et de péage dont la société [B] demande le remboursement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 19 janvier 2010 par le conseil de Prud'hommes de Bourgoin-Jallieu.

- Statuant à nouveau, dit que le licenciement de [X] [B] est sans cause réelle et sérieuse et fixe sa créance à l'encontre de la société [B] aux sommes suivantes :

12.501,92 euros indemnité de préavis outre 1.250 euros au titre des congés payés afférents

24.067,72 euros au titre de l'indemnité de licenciement

32.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Déboute [X] [B] de ses autres demandes.

- Dit que le présent arrêt est opposable à l'AGS représentée par le CGEA d'Annecy et qu'elle doit sa garantie dans les conditions définies par L 3253-8 du code du travail dans la limite des plafonds légaux.

- Dit que son obligation de faire l'avance des sommes allouées à [X] [B] ne pourra s'exécuter que sur justification par le mandataire judiciaire de l'absence de fonds disponibles pour procéder à leur paiement.

- Déboute la société [B] de sa demande reconventionnelle.

- Condamne la société [B] à payer à la société [B] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

- La condamne aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame COMBES, président, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/00977
Date de la décision : 15/12/2010

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°10/00977 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-12-15;10.00977 ?
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