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13/12/2010 | FRANCE | N°09/04966

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 13 décembre 2010, 09/04966


RG N° 09/04966



N° Minute :



























































































AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU LUNDI 13 DECEMBRE 2010







Appel d'une dÃ

©cision (N° RG F 08/A0214)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 10 novembre 2009

suivant déclaration d'appel du 01 Décembre 2009





APPELANT :



Monsieur [Y] [W]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représenté par Me Assia BOUMAZA (avocat au barreau de GRENOBLE)





INTIMEE :



La SA TRANSPORTS PORTMANN

prise en la personne de son représentant léga...

RG N° 09/04966

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU LUNDI 13 DECEMBRE 2010

Appel d'une décision (N° RG F 08/A0214)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 10 novembre 2009

suivant déclaration d'appel du 01 Décembre 2009

APPELANT :

Monsieur [Y] [W]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Assia BOUMAZA (avocat au barreau de GRENOBLE)

INTIMEE :

La SA TRANSPORTS PORTMANN

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Christian MULLER (avocat au barreau de COLMAR)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,

Madame Hélène COMBES, Conseiller,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Chantal FERBUS, Adjoint administratif.

DEBATS :

A l'audience publique du 30 Novembre 2010,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 13 Décembre 2010.

L'arrêt a été rendu le 13 Décembre 2010.

Notifié le :

Grosse délivrée le :

RG N° 09/4966 HC

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat à durée indéterminée du 18 juin 2003, [Y] [W] a été embauché en qualité de conducteur de poids-lourd grand routier par la société Portmann.

Il a présenté sa démission le 20 juin 2008, le 15 septembre 2008, il a saisi conseil de Prud'hommes Grenoble d'une demande en paiement d'heures supplémentaires et par jugement du 10 novembre 2009, le conseil l'a débouté de toutes ses demandes.

[Y] [W] qui a relevé appel le 1er décembre 2009, demande à la cour de requalifier la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de constater que la société Portmann fait preuve de résistance abusive en ne communiquant pas l'original des disques de contrôle.

Il réclame le paiement des sommes suivantes :

- 3.000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive

- 11.612 euros au titre des heures supplémentaires et 1.161,20 euros au titre des congés payés afférents

- 4.000 euros en réparation du préjudice causé par le non paiement des heures supplémentaires

- 3.000 euros au titre du préjudice causé par l'absence de repos compensateurs /récupérateurs

- 4.600 euros au titre de l'indemnité de préavis

- 1.150 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- 2.300 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier

- 13.800 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 13.800 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé

- 2.000 euros au titre des frais irrépétibles

Il expose que le contrat de travail prévoyait un horaire mensuel de 152 heures et la possibilité de faire des heures supplémentaires ;

qu'étant régulièrement en déplacement loin de son domicile, il a fait de nombreuses heures supplémentaires dont il n'a pas été payé et invoque un horaire de travail de 240 heures par mois, bien supérieur à celui qui figure sur les bulletins de salaire.

Il indique que ses multiples demandes de régularisation étant demeurées vaines, il a pris l'initiative de rompre le contrat de travail une première fois au mois de mai 2008, puis que sur promesse de régularisation de l'employeur, il a accepté de revenir sur sa démission, pour mettre finalement un terme à la relation contractuelle le 20 juin 2008.

Il soutient que le 20 juin 2008, l'employeur s'est engagé à lui payer ses heures supplémentaires et à lui remettre une copie des disques, mais qu'il a par la suite invoqué de mauvaises manipulations des disques et une mauvaise gestion de son temps de conduite.

Il relève que l'affirmation de l'employeur selon laquelle il aurait bénéficié de repos compensateurs est démentie par les bulletins de salaire qui n'en font pas apparaître.

Il précise que s'il a pu finalement obtenir la remise des fiches de synthèse, ce n'est pas le cas des disques, de sorte qu'il a eu des difficultés à établir sa demande, les fiches étant manifestement tronquées.

Il critique le jugement du conseil de Prud'hommes qui n'a fait que reprendre l'argumentation de la société Portmann et note que tous les reproches que l'employeur a pu lui faire, sont sans rapport avec la réglementation du temps de conduite.

Il ajoute que s'il avait été un aussi mauvais salarié qu'elle le prétend, la société Portmann l'aurait licencié, au lieu de lui proposer de régulariser sa situation après sa première démission.

Il établit sa demande au titre des heures supplémentaires sur la base de 240 heures par mois.

La société Portmann conclut à la confirmation du jugement, au rejet de toutes les demandes et réclame 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle réplique que [Y] [W] affirme de manière péremptoire et purement gratuite qu'il a effectué de nombreuses heures supplémentaires et que sa démission serait la conséquence des vaines relances qu'il aurait adressées à l'employeur.

Elle réplique qu'avant de rompre le contrat de travail, il n'a jamais réclamé le paiement d'heures supplémentaires et relève l'absence de scrupules dont il fait preuve.

Elle indique que le conseil de Prud'hommes n'a pas été dupe de cette manoeuvre et soutient qu'elle aurait été en situation de licencier [Y] [W].

Elle conteste les insinuations de fraude et réplique que 'la rancoeur fait dire tout en n'importe quoi à [Y] [W]'.

Elle soutient que le décompte qu'il produit est erroné et a été établi pour les besoins de la cause, alors qu'il a commis un nombre incroyable d'infractions aux temps de conduite.

Elle fait valoir que son toupet est proportionnel au nombre d'infractions commise et souligne que c'est à bon droit que le conseil a rappelé que nul ne peut invoquer sa propre turpitude.

Elle conteste la réalisation d'heures supplémentaires non rémunérées, de surcroît au delà du contingent.

DISCUSSION

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience;

1 - Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Attendu que [Y] [W] fait valoir qu'il effectuait chaque mois un nombre d'heures de travail supérieur à celui qui figure sur ses bulletins de salaire ;

qu'il invoque un horaire moyen de 240 heures par mois et souligne les difficultés qu'il a rencontrées à se faire remettre les fiches de synthèse qui doivent être annexées aux bulletins de salaire, ainsi que le manque de fiabilité de celles-ci en l'absence de communication des disques de contrôle ;

Attendu que le décret du 26 janvier 1983 impose plusieurs obligations à l'employeur en matière de décompte du temps de service, parmi lesquelles une récapitulation mensuelle des heures de travail, ainsi que l'annexion au bulletin de salaire d'un document mensuel précisant le total cumulé des heures supplémentaires effectuées et des repos compensateurs acquis ;

Attendu que selon ce même décret, le conducteur a le droit d'obtenir la communication, sans frais et en bon ordre d'une copie des feuilles d'enregistrement de l'appareil de contrôle ;

Attendu que depuis le début de la relation contractuelle, la société Portmann manque à ses obligations puisque les fiches de synthèse qui doivent être annexées aux bulletins de salaire n'ont été communiquées qu'après l'introduction de la présente instance ;

Attendu que la société Portmann s'abstient toujours de produire les disques de contrôle, seules pièces qui permettraient de vérifier avec exactitude la réalité du temps de travail du salarié ;

que la production en photocopie de cinq disques sur toute la durée de la relation contractuelle, est bien insuffisante pour retenir comme la société Portmann l'affirme, que [Y] [W] a été rémunéré de toutes les heures supplémentaires effectuées ;

Attendu que du fait de son refus fautif de produire les éléments qu'elle est la seule à détenir, la société Portmann ne met pas la cour en mesure de vérifier que c'est de façon purement péremptoire et gratuite que [Y] [W] réclame le paiement d'heures supplémentaires.

Attendu que ses propres pièces corroborent d'ailleurs l'affirmation de [Y] [W], auquel il a été demandé au mois de janvier 2005 de ne pas travailler plus de 218 heures dans le mois ;

que de nombreuses fiches de synthèse mentionnent d'ailleurs des durées supérieures à 218 heures : 230 heures au mois de mars 2004, 222 heures au mois de juin 2004, 226 heures au mois de novembre 2004, 234 heures au mois de janvier 2005, 232 heures au mois de mars 2005, 221 heures au mois de septembre 2005, 233 heures au mois d'octobre 2005, 241 heures au mois de mars 2006, 220 heures au mois de juin 2006, 230 heures au mois de novembre 2006, 229 heures au mois de mars 2007, 223 heures au mois de juin 2007, 235 heures au mois d'octobre 2007, 224 heures au mois de février 2008 ;

Attendu que pour autant, les bulletins de salaire de ces mois ne sont pas établis sur ces bases;

qu'ainsi, si l'on suit les explications de l'employeur sur la régularisation le mois suivant des heures effectuées le mois précédent, il apparaît, sans que cette énumération soit exhaustive de nombreux décalages :

- sur la fiche de synthèse : 230 heures au mois de mars 2004 et 218 (M-1) sur le bulletin de salaire du mois d'avril 2004,

- 222 heures au mois de juin 2004 et 218 (M-1) sur le bulletin de salaire du mois de juillet 2004

- 234 heures au mois de janvier 2005 et 218 (M-1) sur le bulletin de salaire du mois de février 2005

- 232 heures au mois de mars 2005 et 218 (M-1) sur le bulletin de salaire du mois d'avril 2005

- 233 heures au mois d'octobre 2005 et 218 (M-1) sur le bulletin de salaire du mois de novembre 2005

- 241 heures au mois de mars 2006 et 218 (M-1) sur le bulletin de salaire du mois d'avril 2006

- 229 heures au mois de mars 2007 et 214 (M-1) sur le bulletin de salaire du mois d'avril 2007

Attendu qu'au vu de ces pièces, [Y] [W] étaye son argumentation, la société Portmann s'abstenant pour sa part de produire les seuls éléments lui permettant de discuter les prétentions du salarié ;

Attendu qu'il sera fait droit à la demande de [Y] [W] au titre des heures supplémentaires à hauteur de 11.612 euros outre 1.161,20 euros au titre des congés payés afférents ;

qu'il lui sera alloué la somme de 1.500 euros en réparation du préjudice causé par l'absence de repos compensateurs ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes de dommages-intérêts de [Y] [W] pour non communication des disques de contrôle et non paiement des heures supplémentaires, ces préjudices étant réparés par la décision de la cour ;

Attendu qu'en n'annexant pas les fiches de synthèse aux bulletins de salaire, en mentionnant sur les bulletins de salaire un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli et en refusant de communiquer les disques de contrôle, la société Portmann agit intentionnellement ;

qu'il convient de la condamner au paiement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 8223-1 du code du travail à hauteur de la somme de 13.800 euros réclamée par [Y] [W] ;

2 - Sur la rupture du contrat de travail

Attendu qu'en l'état des manquements de la société Portmann sur toute la durée de la relation contractuelle, le courrier du 20 juin 2008 par lequel [Y] [W] a notifié sa démission, s'analyse en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que sur la base de sa rémunération, il sera alloué à [Y] [W] la somme de 4.600 euros au titre de l'indemnité de préavis et celle de 1.150 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

Attendu que le préjudice résultant de la perte de son emploi sera réparé sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail par la somme de 13.800 euros à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que le salarié ayant pris l'initiative de la rupture du contrat de travail, il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier ;

Attendu qu'il sera alloué à [Y] [W] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 novembre 2009 par le conseil de Prud'hommes de Grenoble.

- Statuant à nouveau, condamne la société Portmann à payer à [Y] [W] la somme de 11.612 euros au titre des heures supplémentaires outre 1.161,20 euros au titre des congés payés afférents.

- Y ajoutant, dit que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne la société Portmann à payer à [Y] [W] :

la somme de 4.600 euros au titre de l'indemnité de préavis

la somme de 1.150 euros au titre de l'indemnité de licenciement

la somme de 13.800 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

la somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de repos compensateurs

la somme de 13.800 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 8223-1 du code du travail

- Déboute [Y] [W] de ses autres demandes de dommages-intérêts.

- Ordonne en application de l'article L 1235-4 du code du travail le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par [Y] [W] dans la limite de quatre mois.

- Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée a l'UNEDIC, [Adresse 5].

- Condamne la société Portmann à payer à [Y] [W] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

- La condamne aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur DELPEUCH, président, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/04966
Date de la décision : 13/12/2010

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°09/04966 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-12-13;09.04966 ?
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