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13/12/2010 | FRANCE | N°09/01068

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 13 décembre 2010, 09/01068


RG N° 09/01068

RG N° 09/01102

RG N° 09/01184



N° Minute :





















































































































Notifié le :

Grosse délivrée

le







AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU LUNDI 13 DECEMBRE 2010



Appel d'une décision (N° RG 07/00482)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de VALENCE

en date du 05 février 2009

suivant déclaration d'appel du 27 Février 2009



APPELANTS :



Monsieur [LU] [ND]

[Adresse 38]

[Localité 47]



Comparant et assisté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)



Monsieur [...

RG N° 09/01068

RG N° 09/01102

RG N° 09/01184

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU LUNDI 13 DECEMBRE 2010

Appel d'une décision (N° RG 07/00482)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de VALENCE

en date du 05 février 2009

suivant déclaration d'appel du 27 Février 2009

APPELANTS :

Monsieur [LU] [ND]

[Adresse 38]

[Localité 47]

Comparant et assisté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [L] [Y]

[Adresse 39]

[Localité 37]

Comparant et assisté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [ZR] [XX]

[Adresse 28]

[Localité 48]

Représenté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [CD] [BU]

[Adresse 68]

[Localité 6]

Comparant et assisté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [A] [B]

[Adresse 11]

[Localité 32]

Comparant et assisté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [R] [LC] [T]

[Adresse 56]

[Localité 1]

Comparant et assisté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [CX] [CR]

Les Menhirs

[Adresse 41]

[Localité 5]

Représenté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

1

Monsieur [GF] [VL]

[Adresse 15]

[Localité 53]

Représenté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [WN] [RR] [C]

[Adresse 59]

[Adresse 67]

[Localité 29]

Représenté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [F] [UC]

[Adresse 51]

[Localité 45]

Comparant et assisté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [A] [K]

[Adresse 63]

[Localité 25]

Comparant et assisté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [DU] [U]

[Adresse 16]

[Adresse 65]

[Localité 4]

Représenté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier) et par Me MEYER (avocat au barreau de LYON)

Monsieur [CU] [Z]

[Adresse 61]'

[Localité 27]

Comparant et assisté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [X] [O]

[Adresse 7]

[Adresse 57]

[Localité 20]

Comparant et assisté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [A] [OX]

[Adresse 62]

[Localité 19]

Comparant et assisté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier))

Monsieur [H] [G]

[Adresse 30]

[Adresse 71]

[Localité 35]

Représenté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

2

Monsieur [JI] [KF]

[Adresse 46]

[Localité 23]

Comparant et assisté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [M] [TA]

[Adresse 9]

[Localité 33]

Représenté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [H] [PO]

[Adresse 31]

[Localité 49]

Représenté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [SI] [V]

[Adresse 8]

[Localité 34]

Représenté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [IL] [GS]

[Adresse 36]

[Adresse 66]

[Localité 50]

Comparant et assisté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [EA] [UU]

[Adresse 43]

[Adresse 58]

[Localité 22]

Comparant et assisté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [GX] [DD]

[Adresse 55]

[Localité 26]

Comparant et assisté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [LU] [D]

[Adresse 13]

[Localité 44]

Représenté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [I] [HO]

[Adresse 12]

[Localité 10]

Comparant et assisté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier) et par Me MEYER (avocat au barreau de LYON)

Monsieur [N] [KA]

[Adresse 17]

[Localité 42]

Comparant et assisté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [DA] [XF]

[Adresse 18]

[Localité 2]

Comparant et assisté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [OF] [ML]

Chez Mme [W]

[Adresse 14]

[Localité 52]

Représenté par M. Cyrille JULLIEN (Délégué syndical ouvrier)

Monsieur [P] [J]

[Adresse 70]

[Localité 3]

Comparant et assisté par M Cyrille JULLIEN (Délégué Syndical ouvrier)

Monsieur [S] [CG]

[Adresse 69]

[Localité 40])

Représenté par M Cyrille JULLIEN (Délégué Syndical ouvrier)

INTIMES :

La S.A.S. NORBERT DENTRESSANGLE BENNE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 64]

B.P. 77

[Localité 21]

Représentée par Me AGUERA (avocat au barreau de LYON substitué par Me TRAN-MINH (avocat au barreau de LYON)

La S.N.C. NORBERT DENTRESSANGLE SILO prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 60]

[Adresse 54]

[Localité 24]

La S.A. GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 60]

[Adresse 54]

[Localité 24]

Toutes les deux représentées par Me Alain GUERIN (avocat au barreau de BORDEAUX) substitué par Me DELAS (avocat au barreau de BORDEAUX)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,

Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Assistés lors des débats de Simone VERDAN, Greffier ;

DEBATS :

A l'audience publique du 11 Octobre 2010,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 13 Décembre 2010.

L'arrêt a été rendu le 13 Décembre 2010.

RG 09 1068 ES

Trente et un chauffeurs 'grands routiers' rémunérés en fonction du coefficient 150 M groupe 7 de la convention collective nationale des entreprises de transport routier de marchandises, engagés entre 1983 pour le plus ancien ([GX] [DD]) et mai 2004 pour le plus récent ([DU] [U]), soit par la société NORBERT DENTRESSANGLE BENNES (société ND BENNES) pour vingt d'entre eux, soit par la société NORBERT DENTRESSANGLE SILO (société ND SILO) pour onze d'entre eux, ont saisi le conseil de prud'hommes de Valence entre le 13 août 2007 et le 5 septembre 2007 de demandes, portant sur les années 2002 à 2007 non couvertes par la prescription, de rappels de salaires au titre de la réduction du temps de travail hebdomadaire à 35 heures, de rappels de salaires d'heures supplémentaires et de repos compensateurs restés selon eux non rémunérés ou non attribués.

A l'occasion de la procédure d'instance, les employeurs ont communiqué les bulletins de salaire et les relevés scanners mensuels pour la période en litige.

Par jugement du 5 février 2009, la formation prud'homale a débouté les salariés de toutes leurs demandes et les a condamnés aux dépens.

Trente salariés ont formé appel le 13 mars 2009, le jugement leur ayant été notifié les 16 et 18 février 2009.

Ils demandent à la cour :

- de juger que la SA GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE est leur co-employeur et réitèrent les demandes qu'ils avaient formées sur ce point en première instance,

- de juger que les sociétés ND BENNE et ND SILO avaient modifié sans leur accord leur contrat de travail et notamment leur rémunération de base pour 169 h lors de la mise en oeuvre de la réduction de la durée légale du travail au 1er février 2000 et qu'à cette occasion elles les avaient discriminés par rapport aux autres catégories de salariés de l'entreprise,

- de juger que leurs employeurs avaient fait une mauvaise application des dispositions relatives aux périodes d'équivalence et aux temps d'inaction,

- de condamner ces sociétés considérées par les appelants comme co-employeurs à rectifier leurs bulletins de salaire et à payer, à chaque salarié, outre intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes :

' des rappels d'heures d'équivalence,

' de rappels salariaux égaux au 'forfait' de 35 h par mois d'heures d'équivalence (8 h X 52 semaines /12 mois = 34,67 h) en plus du paiement du temps de travail effectif depuis le passage aux 35 h, dans les limites de la prescription,

' des rappels d'heures supplémentaires et de repos compensateurs au titre du calcul hebdomadaire,

ces sommes étant détaillées et chiffrées dans des conclusions individuelles elles-mêmes fondées sur des tableaux de calculs pour chaque salarié, conclusions déposées et soutenues à l'audience outre les conclusions communes, la Cour se référant à cet ensemble de conclusions,

' 10.000 euros de dommages et intérêts à chaque salarié pour modification de son contrat de travail, pour défaut d'information sur ses droits au paiement des heures supplémentaires et pour absence d'attribution du repos compensateur,

' 500 euros d'indemnité pour frais irrépétibles.

Ils estiment que le régime français des heures d'équivalence n'est pas conforme à la directive 93/104 du Conseil du 23 novembre 1993 interprétée par la jurisprudence de la CJCE, notamment en ce qu'il consistait à rémunérer sous forme d'heures d'équivalence les temps d'inaction non enregistrés sur les disques chronotachygraphes ou sur les relevés scanners, alors que ces temps constituaient pourtant selon eux un temps de travail effectif et en ce que la directive ne prévoyait pas de catégorie intermédiaire entre les périodes de travail et de repos et ne prévoyait pas de notion d'intensité de travail ou de rendement du salarié.

Ils demandent subsidiairement à la cour d'appel de poser à la Cour de Justice de l'Union une question préjudicielle.

Ils reprochent aux intimés d'avoir fait une mauvaise application du système des heures d'équivalence et d'avoir omis de leur rémunérer 35 heures d'équivalences mensuelles.

Ils invoquent les arrêts de la chambre sociale de la Cour de Cassation du 13 février 2007 concernant la société TND SUD OUEST.

Ils basent leurs calculs sur des comptes rendus hebdomadaires de ND en faisant valoir qu'ils n'avaient pas donné lieu à contestation.

Ils dénoncent, en l'absence de convention de forfait, l'absence d'accord des représentants du personnel et l'absence de dérogation de l'inspection du travail des transports pour décompter mensuellement le temps de travail.

Dix d'entre eux sont titulaires de mandats de représentation. Ils reprochent aux employeurs de n'avoir pas comptabilisé leurs heures de délégation dans le temps de travail effectif et rappellent que les heures supplémentaires accomplies à ce titre ouvrent aussi droit à repos compensateur.

Les sociétés SA GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE, SA NORBERT DENTRESSANGLE BENNES, SNC NORBERT DENTRESSANGLE SILO, intimées, demandent à la cour de confirmer le jugement, de débouter les salariés de leurs demandes et de les condamner solidairement au paiement d'une indemnité de 4.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La société GROUPE ND réclame la condamnation solidaire des appelants au paiement d'une indemnité de 4.500 euros sur le fondement combiné des articles 1382 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, pour procédure abusive.

Elles estiment que cette action qu'elles qualifient de collective avait, en réalité, d'autres desseins que la protection des intérêts particuliers des salariés.

Elles estiment que ces derniers ne démontraient pas avoir subi une quelconque perte de salaire à l'occasion du passage aux 35 heures, relèvent qu'ils ne fournissaient aucun élément de comparaison antérieur au 1er janvier 2000 et en déduit qu'ils ne démontraient pas une modification de leur contrat de travail.

Elles font observer que le taux horaire de rémunération était demeuré le même pour 152 h comme pour 169 h (45,73 F) et que les décrets Gayssot n'avaient fait que bonifier les heures de travail d'équivalence et préciser la rémunération des heures supplémentaires.

Elles relatent la succession des dispositions légales et réglementaires depuis le décret Fiterman et après les lois Aubry et font valoir que ces modifications s'étaient appliquées aux contrats en cours et à plus forte raison aux nouveaux embauchés.

Elles exposent que les dispositions sur la majoration de 10% la première année d'application du système des heures d'équivalence entre 36 et 39h (l'an 2000), avaient été neutralisées ensuite de l'annulation du premier décret Gayssot et qu'à partir du 1er février 2000, seules les heures au delà de la 39ème heure avaient donné lieu à majoration (25 puis 50%).

Elles expliquent que la notion d'équivalence conduisait à neutraliser les effets des temps de service constatés au delà de 35 h à concurrence de durées d'équivalences, fixées par décrets.

Elles contestent qu'il y ait lieu de poser une question préjudicielle, contestent l'interprétation donnée par les salariés aux décisions de la CJCE et de la Cour de Cassation, considèrent que ces décisions ne remettaient pas en cause le régime d'équivalence mais :

- précisaient que les heures d'équivalence devaient être comptabilisées intégralement lorsqu'il s'agissait de vérifier le respect des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires en soulignant que cette question ne fait pas litige au cas présent,

- incitent les juridictions du fond à vérifier le décompte de l'ensemble des temps de service (temps de travail effectif) et l'application correcte de ce régime.

Elles estiment que les demandes aboutiraient, s'il y était fait droit, à un cumul de rémunération (temps d'équivalence + temps de service).

Elles soutiennent avoir respecté le décret Fiterman modifié par le 2ème décret Gayssot, que les temps de mise à disposition ou d'attente étaient bien entrés dans leurs calculs du temps de travail effectif comme les autres temps et avaient été rémunérés.

Elles soutiennent aussi avoir payé des heures supplémentaires au delà de 186 h et avoir fait application du salaire minimum professionnel garanti pour un équivalent 200 h.

Elles dénoncent le caractère abstrait et péremptoire des calculs des appelants revenant à demander systématiquement 34 h d'équivalence y compris pour les périodes de congés payés.

Elles contestent n'avoir pas rémunéré comme temps de travail effectif les heures de délégation.

Elles contestent également le principe des réclamations formées au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs dès lors que ces demandes découlaient d'une contestation, elle-même infondée, du régime même des heures d'équivalence ; elles estiment avoir correctement fixé le seuil de déclenchement des heures supplémentaires à 187 h.

Elles expliquent que les rémunérations avaient été négociées et discutées en prenant en considération le mois de travail lors de l'établissement des protocoles d'accord sur la rémunération et soulignent que les bulletins de salaire contenaient un compteur et un calendrier des repos compensateurs acquis et pris.

Elles contestent toute discrimination au sens de l'article L.1134-1 du code du travail et toute différence de traitement illicite et soulignent que si des régimes différents avaient été introduits dès 1983, c'était pour tenir compte des particularités de ces salariés non sédentaires et des particularités des grands routiers.

[DU] [U] et [I] [HO], embauchés respectivement le 17 mai 2004 et le 7 septembre 1998, ont été licenciés dans le cadre de deux vagues de licenciement pour motif économique, par lettres du 10 février 2009 et du 2 septembre 2009.

En application du principe de l'unicité de l'instance, ils présentent devant la cour des demandes afférentes à leur licenciement.

[DU] [U] invoque la nullité de son licenciement et sollicite la condamnation de la société Norbert Dentressangle Bennes à lui payer 43.495 euros (18 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts. Il réclame subsidiairement la même somme pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en tout état de cause, celle de 1.600 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la nullité du licenciement, il soutient que :

- l'article L.227-6 du code de commerce définit strictement les organes habilités à représenter la société par actions simplifiée à l'égard des tiers, auxquels il y a lieu de l'assimiler,

- qu'en l'espèce, les statuts de la société n'évoquent aucune délégation du président de la SAS à des directeurs généraux,

- que la société ne justifie d'aucune délégation de pouvoirs consentie au directeur d'agence, [P] [YO], qui de surcroît a signé 'pour ordre'.

Il demande à la cour, quand bien même elle prononcerait la nullité du licenciement, de statuer également sur la question du motif économique.

Il considère que le licenciement dont il a fait l'objet est dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce que :

- les difficultés alléguées par l'employeur concernent, selon la lettre de licenciement, 'l'unique activité 'Bennes' du Groupe', que rien ne permet d'identifier comme un secteur d'activité autonome,

- tous les documents économiques, financiers et de communication font état de deux seuls secteurs d'activité, appelés aussi 'divisions', que sont le transport (56 %) et la logistique (44 %),

- l'activité de transport est répartie en trois marchés selon la nature des produits (conditionnés, en vrac ou sous température dirigée),

- l'activité 'bennes' appartient au marché du transport en vrac et ne peut être considérée comme un secteur d'activité au sein duquel doit être appréciée la pertinence du motif économique de licenciement.

Il ajoute que la société NDB n'est qu'une société opérationnelle de transport qui dépend pour de très nombreuses fonctions support de sociétés dites de services du Groupe (location de véhicules, immobilier...), mais qu'aucun élément chiffré n'est produit concernant le groupe, alors même qu'au début de l'année 2009, au moment de son licenciement et au plus fort de la crise économique, le président du directoire vantait les bons résultats du groupe, faisant état d'un 'ralentissement' de la croissance, et que si le chiffre d'affaires était en baisse (-12,5 %) le résultat opérationnel attendu était de l'ordre de 80 millions d'euros.

Il fait valoir qu'au moment du licenciement il comptait 5 ans d'ancienneté et percevait une rémunération moyenne de 2.416,37 euros ; qu'en février 2010 il était toujours sans emploi.

[I] [HO] invoque la nullité de son licenciement et sollicite la condamnation de la société NDB à lui verser 35.630 euros (15 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts et 1.600 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il indique que, par arrêt du 23 novembre 2009, la cour a dit que le PSE était nul et de nul effet, en raison de l'insuffisance des mesures qu'il prévoyait au regard des moyens dont disposaient le Groupe et l'UES Vrac, et a constaté que, par voie de conséquence, la procédure ayant conduit à son élaboration était nulle.

Il précise que cet arrêt a fait l'objet d'un pourvoi et que l'instance est pendante devant la cour de cassation.

Il fait valoir qu'au moment du licenciement il était âgé de 51 ans, avait une ancienneté de 11 ans et percevait une rémunération moyenne de 2.375,33 euros ; que son préjudice est double en ce qu'il n'a pas pu bénéficier des mesures d'un PSE et qu'il n'a pu retrouver qu'un emploi moins bien rémunéré, d'abord en intérim à compter de novembre 2009, puis en contrat à durée indéterminée depuis février 2010.

Le syndicat CFTC du Groupe ND intervient volontairement à l'instance aux côtés de [I] [HO] et sollicite le versement de la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte par la socéité NDB aux intérêts de la profession qu'il représente, la violation des dispositions d'ordre public relatives aux licenciements pour motif économique et au PSE ayant causé un préjudice à l'ensemble des salariés du Groupe. Il réclame 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA NORBERT DENTRESSANGLE BENNES (NDB) demande à la cour de rejeter les demandes nouvelles de [DU] [U], de déclarer irrecevables les demandes de [I] [HO], de débouter le syndicat de ses demandes et de condamner chacun des salariés à lui payer 1.600 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle indique que [DU] [U] n'a jamais contesté la délégation de pouvoirs conférée à Monsieur [YO] en sa qualité de Directeur d'Agence ND BENNES, lequel a présidé les réunions du Comité d'Etablissement ND BENNES et ND SILO de [Localité 21], lors de la consultation des 16 et 22 décembre 2008 et a conduit la procédure de licenciement pour motif économique de M. [U].

Sur le périmètre d'appréciation des difficultés économiques, la société ND BENNES indique être l'unique filiale du groupe NORBERT DENTRESSANGLE spécialisé dans l'activité « bennes » et que l'effectivité du secteur d'activité « bennes » au sein du groupe est attestée par le procès-verbal de la réunion extraordinaire du CE du 22 décembre 2008 consacré à la restructuration, par les différentes réunions de CCE (10 décembre 2008, 13 janvier 2009, 19 mai 2009), par le rapport de l'expert comptable du CCE de l'UES.

Subsidiairement elle fait valoir le caractère excessif de la demande de dommages et intérêts.

En ce qui concerne [I] [HO], la société NDB rappelle que, par courrier du 24 août 2009, il a opté pour un départ volontaire dans le cadre du PSE, qu'il a souhaité cesser toute activité pour la société à compter du 31 août 2009 et qu'il a été intégralement désintéressé de ses droits au titre du départ volontaire (3 000 euros).

Elle soulève l'irrecevabilité de la demande, faisant valoir que le fait que le salarié et l'employeur aient convenu d'une rupture amiable lorsque l'entreprise est en difficultés n'entraîne pas les effets d'un licenciement et que sauf à invoquer un vice du consentement, le salarié ne peut, ensuite, remettre en cause la validité du motif économique qui a entraîné son départ.

À titre subsidiaire elle demande que soit ordonnée la compensation de la somme de 3 000 euros allouée à Monsieur [HO] au titre de son départ volontaire avec les dommages et intérêts qui lui seraient, le cas échéant, alloués à ce titre.

Sur quoi :

Sur la procédure :

Attendu que l'appel formé le 10 mars 2009 par [S] [CG] contre le jugement du 5 février 2009 a été enregistré au greffe sous un numéro distinct du dossier collectif de même que l'appel interjeté par [P] [J] ; qu'en raison de la connexité de leurs demandes, il y a lieu d'ordonner la jonction de ces deux dossiers avec l'affaire principale;

Sur la question des co-employeurs :

Attendu que pour soutenir que les trois entités avaient la qualité de co-employeur, les salariés invoquent les moyens suivants :

- la mention du groupe NORBERT-DENTRESSANGLE sur leurs contrats de travail et leurs bulletins de salaire,

- l'absence d'autonomie de gestion économique et sociale des filiales,

- l'immixtion du DRH du pôle transport du groupe dans les filiales,

- la négociation de contrats de prévoyance par le groupe,

- la comptabilisation des engagements sociaux au niveau du groupe ;

Attendu que les intimées reprochent aux salariés de confondre les notions d'unité économique et sociale, de groupe d'entreprise et d'employeur ou de co-employeurs et de se tromper de procédure en cherchant à faire reconnaître l'existence d'une UES ce qui relève de la compétence du tribunal d'instance et répondent que la société GROUPE ND ne constitue qu'une holding financière dite 'consolidante' qui gère et contrôle les filiales ayant des intérêts communs mais avec laquelle les chauffeurs routiers n'avaient aucun lien de subordination ;

Attendu que les appelants ne produisent aucun élément de nature à administrer la preuve de l'existence d'un lien de subordination entre les salariés de ND BENNE et les sociétés GROUPE ND ou ND SILO ni entre les salariés de ND SILO et les sociétés GROUPE ND ou ND BENNE ;

Sur la question de la modification unilatérale du contrat de travail en février 2000 :

Attendu que cette question ne saurait concerner les chauffeurs [ND], [XX], [BU], [CR], [U], [PO], [GS] et [CG], tous engagés postérieurement à février 2000 ;

Attendu que la modification du mode de rémunération opérée par les employeurs respectifs en février ou mars 2000, à savoir, selon les propres indications des salariés, distinguer sur les bulletins de salaire le salaire de base et les heures supplémentaires, résulte seulement de l'application de plein droit aux contrats de travail en cours des lois du 13 juin 1998 et 19 janvier 2000 sur le temps de travail, du décret n°2000-69 du 27 janvier 2000 applicable au 1er février 2000 puis de l'accord professionnel du 23 avril 2002 étendu, venus modifier le dispositif résultant de l'article L.212-4 code du travail et du décret n°1983-40 du 26 janvier 1983 relatif aux modalités d'application des dispositions du code du travail concernant la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises ;

Attendu que les salariés n'apportent aucun élément de comparaison, ni aucun élément de fait pour étayer leur allégation ou pour laisser supposer une perte concrète de salaire à temps de travail égal, après le 1er février 2000 ;

Qu'ils se bornent à effectuer un calcul purement théorique pour soutenir que le passage de 169 h à 152 h a entraîné une perte de (169 X 45,73 F = 7.728,37 F) - (152 X45,73F = 6.950,96 F) = 777,41 F (ou 728,41 F dans les conclusions communes des salariés) ;

Qu'en particulier, aucun des bulletins de salaire antérieurs et postérieurs à la date litigieuse n'est produit à l'appui ;

Qu'ils ne tiennent pas compte dans leur raisonnement abstrait de la majoration, dans le nouveau système, de 25% des heures effectuées au delà de 152 h ;

Qu'ils ne produisent aucun élément matériel de nature à étayer une éventuelle discrimination par rapport aux autres catégories de personnels présents dans l'entreprise ;

Sur la question des heures d'équivalence :

Attendu qu'il est constant qu'aucune convention individuelle de forfait sur le temps de travail n'a été conclue avec aucun des salariés présents à la cause ;

Attendu qu'en application de l'article L.212-4 alinéa 5 devenu l'article L.3121-9 du code du travail, 'Une durée du travail équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction soit par décret, pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret en Conseil d'Etat. Ces périodes sont rémunérées conformément aux usages ou aux conventions ou accords collectifs de travail ' ;

Attendu que le décret n°83-40 du 26 janvier 1983 relatif aux modalités d'application des dispositions du code du travail concernant la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises instaurait déjà un régime d'équivalence ;

Attendu que ce décret a été modifié par le décret n°2000-69 du 27 janvier 2000 lui-même annulé partiellement (§ 4° à 6° et § 7° en partie) par arrêt du Conseil d'Etat du 30 novembre 2001 sur la question de la rémunération ;

Que ce premier décret Gayssot a été validé sur le principe d'une durée équivalente à la durée légale du travail mais plus élevée que celle-ci, pour tenir compte de périodes autres que du temps de conduite ou assimilé et a été validé sur la possibilité de calculer la durée du travail au mois si un accord collectif est recueilli ou, en l'absence d'accord collectif, lorsqu'une dérogation administrative est accordée ;

Attendu qu'un accord professionnel est intervenu le 23 avril 2002, étendu le 21 octobre 2002, pour pallier l'annulation partielle du décret Gayssot, cet accord prévoyant un système d'heures d'équivalence payées avec une majoration de 25% ;

Attendu qu'un deuxième décret Gayssot n°2002- 622 du 25 avril 2002 applicable au 30 avril 2002 a été pris et concerne d'ailleurs directement la période en litige dès lors que, par l'effet de la prescription, les demandes présentées le 13 août 2007 par les salariés ayant la plus grande ancienneté, portent sur une période ayant débuté le 13 août 2002 ;

Que ce décret du 25 avril 2002 a doublé les heures d'équivalence en ce sens que pour les chauffeurs zone longue, elles sont passées de 4 à 8 h par semaine et a aligné le repos compensateur avec celui du droit commun ;

Que pour les chauffeurs zone longue dits 'grands routiers', le dispositif a été le suivant:

heures d'équivalence : (majorées à 25%) 8h par semaine de la 36ème h à la 43ème h

soit sur le mois de la 152èmeh à la 186èmeh

temps de service hebdomadaire :43 h (35 +8)

temps de service mensuel :186 h

heures supplémentaires (majorées à 50%) : à partir de la 44ème h

ou par mois à partir de la 187ème h

durée maximale de service, heures d'équivalence comprises : 220 h par mois ;

Attendu qu'au cas présent, pendant toute la période en litige, l'employeur démontre au moyen des bulletins de paye et des relevés scanner ou 'discan' avoir intégré dans le calcul du temps de travail effectif de chaque salarié des temps de mise à disposition ;

Attendu que ces temps de mise à disposition correspondent à ceux symbolisés par le pictogramme du carré barré sur le sélecteur de temps et sur les feuilles d'enregistrement de l'appareil de contrôle numérique ou par disques prévu par le règlement CCE n°3821/85 du 20 décembre 1985 ;

Que ces temps de mise à disposition correspondent aux périodes durant lesquelles le chauffeur n'est pas tenu de rester à son poste de travail mais doit demeurer en attente pour répondre à des appels éventuels de l'employeur afin de reprendre la conduite ou entreprendre d'autres travaux, pendant lequel il attend lors des formalités aux frontières ;

Qu'ils se distinguent, à l'intérieur de l'amplitude journalière (elle-même comprise entre le moment où le chrono tachygraphe est mis en marche et celui où il est arrêté), des temps de repos symbolisés sur les relevés par le pictogramme représentant un lit, durant lesquels le conducteur n'est pas à la disposition de l'employeur et peut vaquer librement à ses occupations personnelles et qu'ils se distinguent d'autre part des temps de conduite et des autres temps de travail (ces derniers comprenant la prise en charge du véhicule, la tenue du document et la préparation du voyage, le lavage et l'entretien du véhicule, la prise de carburant, le chargement ou le déchargement) ;

Qu'en l'espèce, ces temps où le salarié reste à disposition de l'employeur ont été pris en compte par les sociétés ND SILO ou BENNE sous le libellé 'dispo' sur les relevés scanner mensuels individuels pour chaque chauffeur intitulés 'relevés calendaires discan', régulièrement versés aux débats et établis à partir des enregistrements de l'appareil de contrôle embarqué ;

Que c'est à tort que les salariés prétendent que les lectures discan ne comportent aucun temps d'inaction, les temps décomptés sous la rubrique 'dispo' correspondant précisément à ces temps d'inaction au sens de l'article L.212-4 du code du travail ;

Attendu que les heures de travail issues de la lecture discale, à savoir les temps de conduite, les temps de travaux autres et les temps de mise à disposition ont été pris en compte par l'employeur pour comptabiliser le temps de travail effectif conformément au système légal, réglementaire et conventionnel en vigueur prévoyant des heures d'équivalence et pour les rémunérer sur les bulletins de salaire ;

Que lorsque le temps de service relevé sur les disques a été inférieur à 152 h mensuelles, l'employeur a versé le salaire de base pour 152 h ; que lorsque ce temps a été supérieur, l'employeur a appliqué le dispositif légal, réglementaire et conventionnel ;

Qu'en effet, les bulletins de salaire distinguent en ce cas le salaire de base pour 152 h mensuelles, les heures intitulées sur les bulletins 'heures bonifiées' au taux de majoration de 25% correspondant aux heures d'équivalence ; que les bulletins indiquent les volumes et rémunérations des heures supplémentaires le cas échéant, les cumuls d'heures de repos compensateur ('RC') ;

Que ces heures d'équivalence ont été aussi prises en compte par l'employeur pour déterminer les seuils de déclenchement d'heures supplémentaires et de repos compensateurs dans la limite de la durée maximale des temps de service en l'espèce 220 h par mois ;

Attendu que les salariés ne démontrent pas au moyen d'éléments de preuve objectifs que leur employeur aurait occulté des temps de travail effectifs ou aurait occulté des temps autres que les temps de conduite et de travail assimilé, les temps d'attente ou de mise à disposition et qu'il existerait, en plus des temps de service rémunérés dans les conditions ci-avant, d'autres temps remplissant les critères du temps de travail effectif, c'est à dire la mise à la disposition de l'employeur, l'obligation pour le chauffeur de se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ;

Qu'ils ne démontrent pas que des temps de coupure ou de restauration réunissant ces critères n'ont pas été intégrés par l'employeur dans ses calculs du temps de travail effectif rémunéré ;

Que contrairement à ce que les salariés prétendent, leurs employeurs respectifs n'ont pas contrevenu au régime des heures d'équivalence ;

Attendu que ce système d'équivalence n'est pas contraire aux prescriptions minimales destinées à améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs consacrées par la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs du 9 décembre 1989 et par la directive 93/104 CE du Conseil du 23 novembre 1993 telle qu'interprétée par la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes ;

Qu'il doit seulement ne pas être tenu compte de ce système d'équivalence pour vérifier, en matière de temps de travail effectif, le respect des seuils et plafonds communautaires fixés par cette directive, notamment le seuil de la durée hebdomadaire maximale de 48 heures ;

Qu'en l'espèce, les salariés ne dénoncent aucun dépassement de ces seuils et plafonds ;

Qu'il n'y a pas lieu à de soumettre à la Cour de Justice de l'Union européenne la question préjudicielle évoquée par les salariés à l'audience ;

Attendu qu'en dehors de leur contestation du système des heures d'équivalence, les appelants ne mettent en évidence aucune éventuelle discordance entre d'une part les indications des temps figurant sur les relevés scanner et d'autre part la reprise de ces indications figurant sur leurs fiches de paye et ayant déterminé leur rémunération pendant la période en litige ;

Que les salariés fondent leurs demandes sur des calculs purement théoriques en ajoutant indistinctement 35 heures mensuelles au temps de travail effectif, y compris pendant des périodes de congés payés ;

Attendu qu'il résulte des indications recueillies à l'audience que MM [J], [ND], [XX], [BU], [B], [VL], [OX], [GS], [KA] et [XF] sont investis ou ont été investis pendant la période considérée de mandats de représentation du personnel ;

Qu'ils ne produisent toutefois aucun élément pour étayer concrètement leur affirmation selon laquelle leurs heures de délégation n'auraient pas été intégrées dans le temps de travail effectif rémunéré ni pour démontrer que ces heures de délégation ou de réunion pour les institutions représentatives du personnel, ajoutées aux temps de conduite, de 'dispo' et autres temps de travail figurant sur les relevés discan aboutissaient à un temps de travail supérieur à celui rémunéré pendant tout ou partie de la période en litige ;

Sur la question des heures supplémentaires et des repos compensateurs :

Attendu que les heures d'équivalence ne génèrent pas de repos compensateur ; que le seuil de déclenchement des repos compensateurs est situé à la 52ème heure pour les chauffeurs zone longue, en deçà du contingent à 50% et à la 44ème heure au delà contingent à 100% ;

Qu'en application du décret 2000-69 du 27 janvier 2000 les heures supplémentaires ouvraient droit à un repos compensateur obligatoire calculé au trimestre dans la limite d'un contingent annuel de 195 heures ;

Que le décret n°625 du 25 avril 2002 sur le contingent d'heures supplémentaires a été abrogé par un décret du 31 mars 2005 lui-même partiellement annulé par un arrêt du 18 octobre 2006 du Conseil d'Etat ;

Qu'en application du droit commun le contingent est de 130 heures porté à 180 heures par décret du 15 octobre 2002 ;

Qu'en application d'un décret du 4 janvier 2007 applicable au 6 janvier 2007, le principe reste un calcul à la semaine mais en l'absence d'accord d'entreprise, le calcul peut être fait au mois ou au trimestre après avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel ;

Attendu que la contestation litigieuse est liée à la précédente puisque les salariés reprochent à l'employeur d'avoir minoré leurs droits au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs en s'étant abstenu d'ajouter 35 heures d'équivalence mensuelles à leur temps de travail effectif ; que dès lors que la première demande est rejetée, la seconde est également sans fondement ;

Attendu que les salariés développent également une contestation sur le mode de calcul mensuel ; que les sociétés ND BENNE et SILO reconnaissent avoir effectué des décomptes au mois ;

Attendu que la société ND SILO (12 salariés concernés) justifie des accords d'entreprise suivants :

- avenant n°3 au protocole d'accord sur la rémunération des conducteurs du 1er septembre 1998 signé le 2 mai 2002 entre l'employeur et l'organisation syndicale CFDT, prévoyant que les temps de service resteront décomptés au mois, l'avenant précédent n°2 du 3 avril 2001 ayant déjà prévu que le décompte au mois des temps de services restait en vigueur,

- avenant n°4 du 18 avril 2004 complété le 18 juin 2004 portant maintien du décompte au mois des temps de service, visant une autorisation de l'inspection du travail délivrée en 2002,

Que la société ND SILO dispose effectivement d'une autorisation de déroger au calcul de la durée du travail à la semaine pour la calculer sur une période d'un mois, accordée le 4 décembre 2002 par le directeur adjoint du travail transports territorialement compétent, sous le visa des articles L.611-4 du code du travail, 4§3 du décret du 26 janvier 1982 modifié et d'un avis favorable du comité d'entreprise du 15 juillet 2002 ;

Attendu qu'en revanche, la société ND BENNE (18 salariés concernés) ne justifie pas de l'existence d'un accord collectif ni d'une dérogation :

- le protocole d'accord du 28 septembre 1998 prévoyant que les conducteurs qui effectueront plus de 200 heures bénéficieront du paiement d'heures supplémentaires jusqu'à 215 heures, les heures effectuées au dela donnant lieu à récupération, ne pouvant en effet être considéré comme demeuré en vigueur pendant la période en litige, le cadre législatif ayant changé entre temps,

- les protocoles d'accord sur la rémunération signés entre la société et l'organisation syndicale CFTC les 9 février 2000, 26 mars 2001, 11 juillet 2002, 11 juin 2004 ne comprenant aucune disposition sur cette question ;

Que toutefois les salariés concernés n'ont effectué aucun calcul subsidiaire et ne démontrent pas que le mode de calcul appliqué par l'employeur a abouti à une minoration de leurs droits ou a eu pour eux une quelconque incidence concrète négative;

Attendu qu'enfin, les salariés ne démontrent pas non plus en quoi leurs employeurs respectifs leur ont attribué des jours de repos récupérateurs selon des modalités moins favorables que les dispositions réglementaires sur les repos compensateurs qu'ils invoquent; qu'ils ne justifient pas, à partir de l'analyse des relevés scanners et des compteurs des repos récupérateurs acquis et pris figurant sur leurs bulletins de salaire, de l'existence d'un solde de repos compensateurs ou récupérateurs qui n'aurait pas donné lieu à prise effective de jours de repos ou à rémunération ;

Qu'en conséquence, le jugement sera confirmé et les appelants déboutés de l'ensemble de leurs prétentions ;

Attendu que la société GROUPE ND ne démontre pas que les appelants l'ont attrait la cause abusivement et/ ou ont formé contre elle des demandes abusives ;

Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des intimés leurs frais irrépétibles ;

Sur la nullité du licenciement invoquée par [DU] [U] :

Attendu qu'en application de l'article L.1232-6 du code du travail, pour être valable le licenciement doit procéder de la notification d'une lettre de licenciement émanant de l'employeur ou de son représentant ;

Attendu qu'en vertu de l'article L.227-6 du code de commerce, si la société par actions simplifiée est représentée à l'égard des tiers par son président et, pour le cas où ses statuts le prévoient, par un directeur général ou un directeur général délégué dont la nomination est soumise à publicité, cette règle n'exclut pas la possibilité, pour ces représentants légaux, de déléguer le pouvoir d'effectuer des actes déterminés tel que celui d'engager ou de licencier les salariés de l'entreprise ;

Attendu qu'aucune disposition n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit ; qu'elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement ;

Attendu qu'en l'occurrence la société a été transformée en SAS le 27 décembre 2007 et que ses statuts disposent notamment qu'elle est représentée, gérée et administrée par un président investi de tous les pouvoirs nécessaires pour la représenter et la diriger ; que ce président peut donner toutes délégations de pouvoir à toutes personnes physiques ou morales de son choix, associés ou non de la société, pour un ou plusieurs objets déterminés;

que la lettre de licenciement a été signée par [P] [YO], directeur d'agence, titulaire d'une délégation de pouvoir consentie le 1er octobre 2003 à [P] [YO] par [E] [ER], alors gérant de la SNC, et actuel président de la SAS ;

qu'il avait donc juridiquement le pouvoir de procéder aux licenciements litigieux et que le moyen de nullité n'est pas fondé ;

Sur la contestation du motif économique :

Attendu qu'il résulte de l'article L 1233-3 du Code du travail que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;

Attendu que par courrier en date du 10 février 2009, la Sté NDB a notifié à [DU] [U] son licenciement pour le motif économique suivant :

'Pour rappel, la société ND Bennes représente l'unique activité bennes du Groupe Norbert Dentressangle.

Depuis plusieurs mois, ND Bennes accumule des résultats déficitaires essentiellement dus à l'absence de rentabilité des activités de transport en parc propre sur la zone longue national-international.

Ainsi, au 30/11/08, les résultats global agence à fin novembre 2008 sont : - 722 K€ (pour un budget à - 136 K€ et un cumul à fin novembre 2007 à - 67 K€). Les pertes de l'activité zone longue représentent : - 310 K€ (pour un budget à + 130 K€ et un cumul à fin novembre 2007 à + 12 K€).

Nous avons constaté par ailleurs :

- une baisse significative des volumes sur l'Italie depuis début d'année 2008, et de manière générale depuis août.

- une modification de nos schémas transport (substitution des flux sur l'Italie par des flux sur l'Espagne et le Benelux).

- un déséquilibre de nos contre flux qui engendre :

'$gt; une augmentation du taux de vide

'$gt; une diminution du prix de vente.

Pour assurer la survie de l'entreprise, la Direction a depuis plusieurs mois mis en place différents plans d'action :

- la diversification du fonds de commerce et de matériel : mise en place de bennes à fond mouvant sur le marché des déchets (ex : Serdex, Alliapur), et mise en place de transports en bennes soumis à l'ADR (ex : Séché Environnement, Eramet).

- le maintien et le renforcement de l'activité tractionnaires, seule activité permettant aujourd'hui à l'entreprise de dégager des marges significatives que la zone longue.

- la revalorisation des tarifs de nos prestations : des tarifs ont été augmentés (ex : Derichebourg, GDE), et des négociations sont encore actuellement en cours avec certains autres clients, mais s'effectuent dans un contexte de très forte tension liée à la concurrence et au manque d'activité. La concurrence des autres transporteurs en bennes est forte, et les clients vont aujourd'hui vers le transporteur le moins cher.

- Nous avons arrêté l'activité avec certains clients du fait de l'absence de rentabilité de certaines opérations transport confiées (ex: Raynal et Roquelaure, Aluminio Catalan), ce qui a eu pour conséquence l'arrêt de véhicules en parc propre.

L'ensemble des compteurs de repos des conducteurs étant quasiment épuisés, le service exploitation est contraint depuis quelques mois de laisser au domicile 9 conducteurs chaque semaine, en maintien de salaire, ce qui n'est pas économiquement viable.

Malgré les différents plans d'action mis en place, les difficultés économiques persistantes nous ont donc conduit à supprimer 9 postes de conducteur routier.'

Attendu que la Sté NDB invoque des difficultés économiques au niveau de l'activité 'bennes', et plus précisément du 'transport en parc propre sur la zone longue national-international';

Attendu que selon le document d'information relatif au projet de plan de réorganisation des activités de la Sté NDB, avec compression d'effectif, soumis à l'examen du Comité d'Établissement le 16 décembre 2008, 'la Sté NDB est une société filiale du groupe ND, constituée en UES depuis septembre 2005, qui effectuent les activités de transports nationaux et internationaux de produits vrac en bennes et containers, et de commission de transport en bennes' ; que les effectifs de la Sté NDB au 30 novembre 2008 sont de 51 salariés dont 43 conducteurs ;

Attendu que, s'agissant d'une société qui appartient à un groupe, la réalité des difficultés économiques doit s'apprécier au niveau du secteur d'activité de ce groupe ;

Qu'il appartient à l'employeur de fournir les éléments permettant de connaître l'organisation du groupe et de ses secteurs d'activité ;

Attendu que le groupe se présente, selon une note du 2 février 2009 produite par l'appelant, comme 'un acteur majeur du transport et de la logistique en Europe', implanté dans 14 pays avec près de 30.000 salariés répartis sur 370 sites ;

Que le rapport annuel 2008, également produit par le salarié, fait état des deux métiers du Groupe, pour lesquels il présente une information sectorielle détaillée :

- les activités de transport qui regroupent l'organisation du transport (gestion de la totalité des flux transport d'un client), le groupage international, la distribution nationale, la reprise de parcs clients, la location avec conducteurs et la logistique sur site clients,

- les activités de la division logistique qui sont la gestion des stocks, les contrôles qualité, la préparation des commandes notamment et précise que ces deux activités présentent des marchés différents ainsi qu'une intensité capitalistique qui leur est propre ;

Que, toujours selon ce rapport, cette répartition se retrouve sur le plan de l'organisation interne du groupe, qui comprend des sociétés opérationnelles logistiques qui fournissent des prestations d'entreposage, des sociétés opérationnelles de transport qui exploitent une flotte de véhicules et de conducteurs, et des sociétés dites de service dont la holding et les holdings pays;

Attendu que, selon le rapport de l'expert comptable mandaté par le comité Central d'Entreprise dans le cadre de l'examen des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi de l'UES ND Vrac, dont fait partie la Sté NDB, celle-ci intervient dans le transport spécialisé de marchandises et la location de véhicules pour compte d'autrui ;

Que l'expert relève que 'les entreprises de l'UES font appel de manière significative aux moyens extérieurs pour l'exécution de certains trafics (zone longue notamment), les principaux fournisseurs étant ND POLSKA, ND Portugal et depuis peu, TRANCONDOR (Roumanie), les entreprises de l'UES dégageant une petite marge sur ces prestations' ;

Qu'il note que 'la sous-traitance au sein de la Sté NDB représente environ 30 % du chiffre d'affaires Transport, ratio qui a doublé de 2006 à 2008" ;

Qu'il indique n'avoir pas pu 'déterminer sur quelles bases s'opérait le 'partage de marge' entre les entreprises de l'UES et ces sous-traitants, ni dans quelle mesure ces derniers pouvaient être sollicités pour parvenir aux objectifs de réduction des coûts' ;

Attendu que l'expert a analysé les données financières de la 'Business Unit Vrac pulvérulent' à laquelle appartient la Sté NDB, telles qu'elles ressortent des comptes d'exploitation des sociétés en France ;

Qu'il apparaît que, sur un chiffre d'affaires global de l'ordre de 32.000 K€, celui de la Sté NDB est de 2.307 K€ ; que si cette société est celle qui dégage la marge nette la plus faible (-16,5 %), les sociétés basées en Espagne, en Allemagne et en Grande Bretagne dégagent, quant à elles, des marges nettes positives respectivement de 4,9 %, 16,8 % et 21,6% ;

Attendu que la spécialisation d'une entreprise dans le groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un même secteur d'activité, au sein duquel doivent être appréciées les difficultés économiques ;

Attendu qu'il ressort des éléments susvisés que l'activité 'bennes' se trouve incluse dans l'activité 'transport' laquelle s'avère être le niveau pertinent d'appréciation des difficultés alléguées, et qu'à défaut de fournir à la cour les éléments nécessaires pour vérifier l'existence, à ce niveau, de la cause économique invoquée, et en vertu de la règle selon laquelle le doute profite au salarié, il convient de décider que le licenciement de [DU] [U] est dénué de cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu'au regard de son ancienneté (5 ans), du montant de sa rémunération (2.416,37 euros), de son âge au moment du licenciement (40 ans) et du fait qu'en février 2010 il était toujours sans emploi, il sera alloué à [DU] [U] 24.163 euros à titre de dommages et intérêts, outre 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la nullité du licenciement invoquée par [I] [HO] :

Attendu que [I] [HO] a été licencié pour motif économique dans le cadre du PSE qui a été annulé par arrêt de cette cour en date du 23 novembre 2009 et qui a fait l'objet d'un pourvoi en cassation sur lequel il n'a pas encore été statué ;

Attendu qu'il apparaît nécessaire, pour une bonne administration de la justice, de surseoir à statuer sur la contestation soulevée par l'appelant et sur la demande du syndicat jusqu'à l'arrêt de la cour de cassation ; que l'instance sera disjointe ;

PAR CES MOTIFS

la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Ordonne la jonction des procédures enregistrées au répertoire général de la cour sous les numéros 09/1102 et 09/1184 avec l'affaire principale enregistrée sous le numéro 09/1068;

Confirme le jugement du Conseil de Prud'hommes de Valence du 5 février 2009 ;

Déboute les salariés de toutes leurs demandes concernant les temps de travail et les rappels à caractère salarial ;

Rejette les demandes formées par les intimées sur le fondement des articles 1382 du code civil, 32-1 et 700 du code de procédure civile ;

y ajoutant,

Rejette la demande de nullité du licenciement de [DU] [U],

Dit le licenciement de [DU] [U] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la Sté NDB à payer à [DU] [U] la somme de 24.163 euros à titre de dommages et intérêts, outre 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Sursoit à statuer sur la demande de [I] [HO] et sur la demande du syndicat CFTC du Groupe ND jusqu'au prononcé de l'arrêt de la cour de cassation sur le pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt de cette cour en date du 23 novembre 2009,

Ordonne la disjonction de l'instance introduite par [I] [HO] au titre de son licenciement et dit que l'instance sera poursuivie à l'initiative de la partie la plus diligente,

Condamne les appelants aux dépens de la procédure d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/01068
Date de la décision : 13/12/2010

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°09/01068 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-12-13;09.01068 ?
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