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01/12/2010 | FRANCE | N°10/00610

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 01 décembre 2010, 10/00610


RG N° 10/00610



N° Minute :



























































































AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU MERCREDI 01 DECEMBRE 2010







Appel d'une

décision (N° RG F08/00860)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE

en date du 28 janvier 2010

suivant déclaration d'appel du 17 Février 2010





APPELANTE :



Le CREDIT AGRICOLE SUD RHONE ALPES, pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 6]



Représentant : Me Philippe GAUTIER (avocat au b...

RG N° 10/00610

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MERCREDI 01 DECEMBRE 2010

Appel d'une décision (N° RG F08/00860)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE

en date du 28 janvier 2010

suivant déclaration d'appel du 17 Février 2010

APPELANTE :

Le CREDIT AGRICOLE SUD RHONE ALPES, pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Philippe GAUTIER (avocat au barreau de LYON) substitué par Me MICHEL (avocat au barreau de GRENOBLE)

INTIME :

Monsieur [M] [V]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Comparant et assisté par Me Houria BOUSEKSOU (avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de Président,

Madame Hélène COMBES, Conseiller,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 03 Novembre 2010,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 01 Décembre 2010.

L'arrêt a été rendu le 01 Décembre 2010.

Notifié le :

Grosse délivrée le :

RG N° 10/610 BV

Monsieur [V] a été embauché par le Crédit Agricole le 1er octobre 1973. Il a exercé diverses fonctions : guichetier, démarcheur, directeur-adjoint d'agence, directeur d'agence. En dernier lieu, en 2000, il a été nommé responsable de la réorganisation du réseau mutualiste.

A partir de juillet 2007, Monsieur [V] a été rattaché au Secrétariat Général de la Caisse Régionale Sud Rhône Alpes.

Le service de Monsieur [V] a été supprimé en octobre 2007.

Monsieur [V] a été placé en arrêt-maladie le 18 janvier 2008.

Monsieur [V] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Grenoble pour obtenir la résiliation de son contrat de travail et l'octroi de diverses sommes.

Le 27 février 2009, Monsieur [V] a été licencié pour inaptitude.

Le 28 janvier 2010, cette Juridiction a :

- prononcé la résiliation du contrat de travail de Monsieur [V]

- condamné la Caisse Régionale du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes à payer à Monsieur [V] :

- 130.457,04 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 16.307,13 € à titre de préavis outre les congés payés afférents

- 32.614,26 € à titre de dommages-intérêts pour rupture

- 1.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Caisse Régionale du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes a relevé appel, sollicite le rejet de toutes les demandes de Monsieur [V] et 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. Subsidiairement elle sollicite la déduction de la somme de 55.974,83 € versée au titre de l'indemnité de licenciement, d'une éventuelle condamnation.

Elle fait valoir que :

- les postes proposés à Monsieur [V] ne comportaient pas une réduction importante de ses attributions et ne constituaient pas une rétrogradation. Ainsi :

' les fonctions de directeur de secteur ont évolué depuis 2008, date à laquelle Monsieur [V] exerçait ces fonctions : un directeur de secteur était aussi directeur d'agence

' Monsieur [V] avait accepté le poste de directeur d'agence

' un poste de manager de projet lui a été proposé, ce poste correspond à un poste de chef de service

' la mission refusée par Monsieur [V] a été acceptée par Madame [S] qui a, par la suite, retrouvé un poste de chef de service

- une simple proposition ne peut justifier une rupture, rien n'a été imposé à Monsieur [V].

En l'espèce, il ne s'agissait que d'une modification des conditions de travail de Monsieur [V]

- il n'y a pas eu exécution déloyale du contrat de travail : une simple modification d'organigramme ne peut caractériser un déclassement (en l'espèce ajout d'un échelon hiérarchique intermédiaire entre le salarié et l'employeur).

Les courriers produits par Monsieur [V] ne prouvent rien.

- Monsieur [V] n'apporte pas d'éléments établissant des faits de harcèlement moral

- le licenciement est fondé. Monsieur [V] n'a pas fait de demande de reconnaissance de maladie professionnelle.

Les recherches de reclassement ont été vaines

- l'indemnité de licenciement doit être calculée en application de l'article 23 de la convention Collective (maladie).

Monsieur [V] sollicite la confirmation du jugement, sauf à entendre l'appelante condamnée à lui payer :

- 120.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour rupture

- 20.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral résultant du harcèlement

Subsidiairement, il demande les sommes mentionnées, au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il sollicite 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose que :

- sur la résiliation : alors qu'il exerçait d'importantes responsabilités (directeur de secteur de [Localité 4], 9 agences et 78 salariés), il a été détaché au projet mutualiste en septembre 2000 (moins de responsabilité mais le mutualisme représente 78 caisses locales et 1013 administrateurs...) puis il s'est vu proposer de devenir directeur d'agence : [Localité 7] ou [Localité 5] (9 et 7 agents). Ses responsabilités étaient nettement moins importantes, même si sa rémunération restait la même.

Lorsque le service mutualiste a té supprimé, son employeur aurait dû le réaffecter à son ancienne fonction de directeur de secteur.

Il a subi une modification de son contrat de travail.

Il a été évincé des réunions de direction.

- sur le licenciement pour inaptitude : celle-ci est due aux agissements de l'employeur. Sa dépression est due au stress professionnel (cf. certificat Dr [D])

Le médecin du travail l'a déclaré inapte à tout poste au sein du Crédit Agricole

- le Crédit Agricole a violé son obligation de reclassement. Le Crédit Agricole aurait dû rechercher un reclassement hors le Crédit Agricole Rhône-Alpes : autres Sociétés du groupe : Square Habitat, Sofinco, Crédit Lyonnais...

****

MOTIFS DE L'ARRET :

Par lettre du 9 août 1995, Monsieur [V] a été 'confirmé', à compter du 1er juillet 1995 dans l'emploi de directeur de secteur.

A cette époque, le directeur de secteur était également directeur d'agence, ainsi que l'établissent d'une part un courrier de l'employeur de Monsieur [V] en date du 28 août 1998 qui lui indique que, nommé directeur de secteur de [Localité 4], il aura la responsabilité de l'agence de cette localité et, d'autre part, le document intitulé 'projet Cap performance distribution' présenté au Comité d'Entreprise le 26 mai 2005 qui précise que 'pour permettre aux directeurs de secteur d'agences d'exercer pleinement leur rôle, ils n'auront plus d'agence à encadrer et seront dédiés à l'animation du marché et à la coordination des responsables d'agences'.

Lors de sa nomination, le 30 août 2000, en qualité de chargé de 'mission spécifique consacrée au développement de Mutualisme' au sein de la Caisse Régionale, ni l'intitulé de fonction ni la rémunération de Monsieur [V] n'ont été modifiés. Il a été placé sous la responsabilité directe de Monsieur [P], directeur général adjoint du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes.

Le 1er décembre 2004, Monsieur [V] a été confirmé dans ses fonctions intitulées dans le courrier adressé à cette date de 'chef du service DEM/MUT'

Lors de la suppression en octobre 2007 du service dont Monsieur [V] avait la charge, son employeur lui a proposé un poste de 'manager de projet' relative à la mise en place des 'points passerelle' puis après son refus de cet emploi des postes de directeur d'agence ([Localité 7] 9 salariés et [Localité 5] 7 salariés), postes que Monsieur [V] avait occupés lorsqu'il dirigeait le secteur de [Localité 4].

Monsieur [V] a décliné la proposition de 'manager de projet' par courriel du 20 janvier 2008.

Les propositions de l'employeur de Monsieur [V] ne revêtent pas un caractère loyal.

En effet, ces postes, même s'ils n'entraînaient pas pour Monsieur [V] de diminution de rémunération, conduisaient à une réduction notable de ses attributions et de ses responsabilités. Ces propositions entraînaient une modification du contrat de travail de Monsieur [V].

Ainsi, alors que par le passé -avant la réforme 'Projet Cap Performance distribution' de l'année 2005 - certains directeurs d'agence exerçaient la responsabilité de directeur de secteur, ce qui dut le cas de Monsieur [V], la situation est différente depuis 2005 - Ceci signifie que, nommé directeur d'agence, en 2008, Monsieur [V] ne serait plus directeur de secteur et verrait le champ de ses responsabilités considérablement réduit.

Le poste de 'manager de projet' était nettement en dessous de la qualification de Monsieur [V].

En tant que directeur d'agence, il se trouverait sous la subordination d'un directeur de secteur, qui pourrait être, le cas échéant un ses anciens subordonnés.

Ainsi, lorsque Monsieur [V] était chef du service mutualiste, il gérait un service de façon autonome et ne rendait compte qu'au directeur général adjoint. En tant que directeur d'agence, il se trouverait en fonction de dépendance hiérarchique.

Les propositions adressées à Monsieur [V] sont le prolongement de la situation qui lui a été faite à la mi-2007, époque où il a commencé à être mise à l'écart. Ainsi, en juin 2007, le séminaire d'administrateurs destiné à concevoir un nouveau projet mutualiste n'a pas fait appel à Monsieur [V] ni aux agents de son ancien service. A partir de novembre 2007, les courriels produits par Monsieur [V] font apparaître qu'il n'était plus destinataire des informations qu'il recevait précédemment en qualité de chef de service. Après le regroupement des services communication externe et interne et mutualisme, Monsieur [V] ne s'est pas vu confier la responsabilité de ce nouveau service. Monsieur [V] n'a plus participé à aucune réunion, alors même qu'il avait des informations qui pouvaient être nécessaire à ses collègues.

Spécialement, il n'a pas été convié à une réunion de la Chambre de Commerce et de l'Industrie de [Localité 6], le 8 janvier 2008 alors même qu'il faisait partie des cadres principaux de l'entreprise.

Monsieur [V] produit un organigramme du Secrétariat Général de la Société appelante, en septembre 2007, document non contesté par celle-ci, et qui fait apparaître que Monsieur [V], directement rattaché au secrétaire général, Monsieur [B], se trouve placé au même rang de responsabilité que les chefs des services communication interne et externe, réclamations clients, contrôles permanents des risques et réglementation statutaire et filiales.

Sur l'organigramme en vigueur au 14 avril 2008, Monsieur [V] n'apparaît nulle part.

L'employeur de Monsieur [V], en ne lui proposant pas un poste d'une catégorie identique, en ce qui concerne ses attributions et ses responsabilités n'a pas exécuté le contrat de travail de Monsieur [V] de façon loyale et a en conséquence manqué à ses obligations.

La rupture du contrat de travail sera prononcée aux torts de Monsieur [V], à la date du 27 février 2009 date du licenciement.

2°) Sur le harcèlement moral :

Il appartient au salarié qui invoque des agissements de harcèlement moral d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs à tout harcèlement.

Monsieur [V] invoque la rétrogradation qui lui a été proposée. Ce fait est établi ainsi que cela a été examiné plus haut.

Il invoque la circonstance qu'il a été 'désavoué'. Aucun élément n'établit ce fait.

Il invoque la circonstance qu'il s'est vu reprocher une sous-activité. Aucun élément n'établit ce fait.

Il invoque son exclusion d'un séminaire consacré au nouveau projet mutualiste. Ce fait est établi ainsi que cela a été examiné plus haut.

Il invoque la suppression de son service. Si cette suppression a effectivement eu lieu, elle ne peut être considérée comme fautive dès lors qu'elle s'inscrivait dans le cadre de la réorganisation des services que l'employeur a effectuée.

Il invoque son éviction des réunions et informations importantes. Ce fait est établi, comme cela a été examiné plus haut.

La partie appelante ne propose pas d'explications sur les faits établis par Monsieur [V].

Monsieur [V] a été en arrêt de travail à compter du 21 janvier 2008 et a présenté, depuis novembre 2007, ainsi que le relève de Docteur [D], son médecin traitant, un état de santé secondaire à un stress professionnel, avec anxiété réactionnelle sévère puis syndrome dépressif réactionnel.

La date de novembre 2007 mentionnée par le certificat médical suit de très près l'époque où le service dont Monsieur [V] avait la responsabilité a été supprimé.

L'ensemble de ces éléments établissent que Monsieur [V] a été victime de faits de harcèlement moral qui ont entraîné une dégradation de ses conditions de travail, ont porté atteinte à ses droits et à sa dignité et altéré sa santé physique et mentale.

3°) Sur l'indemnisation de Monsieur [V] :

L'indemnité compensatrice de préavis exactement déterminée par le Premier Juge sera confirmée, de même que les congés payés afférents.

L'indemnité de licenciement doit être calculée en application de l'article 14 de la Convention Collective.

Cette indemnité a été exactement calculée par le Premier Juge, elle doit être confirmée.

La Caisse Régionale du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes ne justifie pas du versement à Monsieur [V] de la somme de 55.974,83 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

La rupture du contrat de travail de Monsieur [V] lui a causé, eu égard à son ancienneté -plus de 35 ans- eu égard à l'âge qu'il avait au moment de la rupture -56 ans- et eu égard aux difficultés de retrouver un emploi dans ce contexte, un important préjudice qui sera réparé par l'octroi de la somme de 95.000 € à titre de dommages-intérêts.

Au titre du préjudice résultant des agissements de harcèlement moral, il sera alloué à Monsieur [V], la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts.

En application de l'article L 1235-4 du code du travail, la Caisse Régionale du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes, sera tenue de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Monsieur [V] dans la limite de 6 mois.

****

L'équité commande la condamnation de la partie appelante à payer à Monsieur [V] 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

****

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de travail de Monsieur [V], dit que cette rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ses dispositions relatives à l'indemnité conventionnelle de licenciement, à l'indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés afférents, aux frais irrépétibles et aux dépens.

Ajoute au jugement

Dit que la rupture du contrat de travail a pris effet au 27 février 2009.

L'infirme pour le surplus.

Condamne la Caisse Régionale du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes à payer à Monsieur [V] :

- 95.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice résultant de la rutpure du contrat de travail

- 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice résultant du harcèlement moral.

Condamne la Caisse Régionale du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes à payer à Monsieur [V] 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonne à la Caisse Régionale du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Monsieur [V] dans la limite de 6 mois.

Condamne la Caisse Régionale du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur VIGNY, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/00610
Date de la décision : 01/12/2010

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°10/00610 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-12-01;10.00610 ?
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