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15/11/2010 | FRANCE | N°09/05271

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 15 novembre 2010, 09/05271


RG N° 09/05271



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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU LUNDI 15 NOVEMBRE 2010







Appel d'une décision (N° RG 07/00535)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de VALENCE

en date du 03 décembre 2009

suivant déclaration d'appel du 18 Décembre 2009





APPELANTS :



Monsieur [B] [D]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Comparant et assisté par M. [K] [H] (Délégué syndical ouvrier)





INTIMEE :



La S.A AUTOROUTES DU SU...

RG N° 09/05271

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU LUNDI 15 NOVEMBRE 2010

Appel d'une décision (N° RG 07/00535)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de VALENCE

en date du 03 décembre 2009

suivant déclaration d'appel du 18 Décembre 2009

APPELANTS :

Monsieur [B] [D]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Comparant et assisté par M. [K] [H] (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEE :

La S.A AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Echangeur de [Localité 8]-Nord

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Mme [U] [G] (gestionnaire spécialisée) et assistée par Me Aymé FAISAN (avocat au barreau de LILLE)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,

Madame Hélène COMBES, Conseiller,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Chantal FERBUS, Adjoint administratif.

DEBATS :

A l'audience publique du 05 Octobre 2010,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 15 Novembre 2010.

L'arrêt a été rendu le 15 Novembre 2010.

RG N° 09/5271 HC

EXPOSE DU LITIGE

Employé par la société A.S.F comme ouvrier d'entretien, [B] [D] a le 28 août 2007, saisi le conseil de Prud'hommes de Valence de plusieurs demandes de rappels de salaires (salaire conventionnel, heures supplémentaires, inégalité de traitement) et indemnités (indemnités kilométriques, dommages-intérêts).

Par jugement du 3 décembre 2009, le conseil de Prud'hommes a condamné la société A.S.F à lui payer la somme de 8.828 euros à titre d'indemnité kilométrique et l'a débouté de toutes ses autres demandes.

[B] [D] qui a relevé appel le 18 décembre 2009, demande la condamnation de la société ASF à lui payer les sommes suivantes :

- 17.446,06 euros à titre d'indemnité pour frais kilométriques

- 10.000 euros en réparation de son préjudice moral

- 2.088,72 euros au titre de 28 heures supplémentaires par an de 2004 à 2009

- 2.088,72 euros au titre de l'incidence de ces heures supplémentaires sur le 13ème mois

- 435,12 euros au titre des congés payés afférents à ces deux sommes

- 4.500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et travail dissimulé

- 26.533,01 euros à titre de rappel de salaire en application du principe 'A travail égal, salaire égal' outre les congés payés afférents

- 21.299,04 euros à titre de dommages-intérêts pour exclusion de l'astreinte hivernale

- 10.401,51 euros au titre des heures supplémentaires de septembre 2002 à avril 2008 (liées à la suppression du véhicule de service)

- 700 euros au titre des frais irrépétibles

Il réclame la remise sous astreinte d'un document récapitulatif et de bulletins de salaire rectifiés.

Sur les indemnités kilométriques, il expose que pendant 14 ans, il a pris son travail à [Localité 6] et bénéficiait d'un véhicule de service basé à [Localité 6] pour se rendre à [Localité 7] sud ;

qu'en 2000, la société ASF a unilatéralement déplacé son lieu de prise de fonction de [Localité 6] à [Localité 7] sud, ce qui l'a contraint à effectuer le trajet de [Localité 6] à [Localité 7] Sud à ses frais ;

que par un arrêt du 25 novembre 2005 qui a l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel a condamné la société ASF à réparer le préjudice résultant de la suppression du véhicule de service, mais qu'il est resté dans la même situation jusqu'au mois de mai 2008 lorsque la société ASF a de nouveau fixé la prise et fin de poste à la gare de péage de [Localité 6].

Il invoque le préjudice que lui a causé cette suppression arbitraire et intentionnelle, alors qu'il se trouvait dans une situation familiale et économique difficile, que la société ASF connaissait bien.

Il dénonce l'attitude de l'employeur, qui même après l'arrêt de la cour d'appel a continué d'ignorer sa situation, le contraignant à de nouveau saisir la justice.

Sur la demande de rappel de salaire sur la base de 28 heures supplémentaires par an

Il rappelle que la mise en place des 35 heures au sein d'ASF s'est effectuée par la signature d'un accord cadre pour toutes les sociétés d'autoroute, le 24 juin 1999 (accord SEMCA) et par une convention d'entreprise ASF n° 51.

Il expose que les 1596 heures de travail effectif annuel définies par l'article 2 de l'accord du 24 juin 1999, tiennent compte de 7 jours fériés, alors que la convention d'entreprise n° 51 prévoit en son article 2 que 'les 25 jours ouvrés annuels de congés payés ainsi que les 11 jours fériés ne sont pas inclus dans le cacul de temps de travail effectif.'

Il en conclut que le respect des 1596 heures de travail effectif ne permet pas le respect du décompte de 11 jours fériés du temps de travail effectif brut.

Il soutient qu'en application du principe selon lequel en cas de conflit de normes, la situation des salariés doit être régie par la norme la plus favorable, le décompte doit être ainsi fait pour les salariés postés comme pour les salariés non postés :

(35 heures x 52 semaines) 1820 heures moins (25 jours de congés payés et 11 jours fériés: 36 jours x 7 ) = 252 heures : soit un plafond de 1.568 heures par an.

Il en conclut qu'en vertu de l'obligation conventionnelle d'effectuer 1.596 heures de travail effectif, il peut réclamer le paiement de 28 heures supplémentaires par an.

Il soutient que les accords ASF sont conformes aux dispositions légales, tant au regard des lois Aubry I et II qu'au regard de la loi Fillon qui a fixé un plafond annuel de 1.600 heures.

Il ajoute que l'employeur ne conteste pas que le temps de travail effectif réellement effectué par les salariés est de 1596 heures et note que les bulletins de salaire à temps plein ne payent que 1.568 heures.

Il fait valoir encore que ces 28 heures supplémentaires doivent être ajoutées au salaire de base du mois de décembre, soit un rappel de 2.088 euros au titre du 13ème mois.

Sur l'application du principe 'A travail égal, salaire égal', il fait valoir qu'en tant qu'ancien délégué syndical, il est victime d'une discrimination.

Il expose qu'il est ouvrier d'entretien de 2ème catégorie et qu'il est classé Echelle 6 alors que titulaire d'un CAP de peintures industrielles et de 3 unités de valeur du brevet de maîtrise, il a une qualification supérieure et devrait être classé Echelle 7

Il rappelle que lorsque des salariés occupant le même emploi sont classés à des échelles différentes, il appartient aux juges de rechercher si la disparité de situation est justifiée par des critères objectifs étrangers à toute discrimination.

Il invoque l'absence de méthodes et techniques d'évaluation professionnelle pertinentes au sens de l'article L 1222-3 du code du travail.

Sur les augmentations individuelles de salaire, il expose que pour l'année 2008, son augmentation a été de 0,7 % alors qu'elle a été en moyenne de 1,54 % pour les autres salariés ;

qu'en 2009, en plus de mesures de rétorsion (ramassage de papiers gras), l'augmentation collective de 3 % qui lui a été appliquée a laissé un écart de 2,0073 euros avec le taux horaire dont il aurait dû bénéficier.

Sur l'exclusion de l'astreinte hivernale et de l'astreinte généralisée, il indique que les salariés de la filière viabilité sont soumis à un tour d'astreintes hivernales de 6 semaines par an ;

qu'en cas de conditions météorologiques défavorables, les salariés sont en outre placés en astreinte généralisée, la convention d'entreprise prévoyant que cette astreinte nécessite l'implication de tous sur le terrain.

Il fait valoir qu'il a été totalement exclu du bénéfice de ces astreintes, à l'exception du mois de janvier 2006 au cours duquel l'entreprise a eu impérativement besoin de ses services.

Il formule sa demande sur la base de 104 heures à 18 % et de 24 heures à 25 %.

Il précise que c'est en 2006 qu'il a compris qu'il pouvait bénéficier de l'astreinte généralisée et en 2009 qu'il a eu la preuve qu'un ouvrier d'entretien comme lui, bénéficiait de l'astreinte hivernale, de sorte que la société ASF ne peut utilement lui opposer le principe de l'unicité de l'instance.

Sur les heures supplémentaires liées à la suppression du véhicule de service, il soutient que pour prendre son service à 8 heures du matin à [Localité 7] sud, il devait quitter [Localité 6] à 7 heures 30 pour y revenir à 17 heures 30 soit une heure par jour de travail supplémentaire.

La société ASF conclut à l'infirmation du jugement sur les indemnités kilométriques, à sa confirmation pour le surplus et au rejet de toutes les demandes de [B] [D]. Elle réclame 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle rappelle que depuis plusieurs années, [B] [D] a initié différentes procédures pour obtenir sa condamnation sur des questions dont certaines sont encore aujourd'hui réitérées devant la cour.

Sur les indemnités kilométriques

Elle soutient que la mise à disposition d'un véhicule de service en gare de [Localité 6] constituait une simple facilité accordée à [B] [D] mais ne pouvait être considérée comme incorporée au contrat de travail.

Elle indique que lorsque l'entreprise s'est réorganisée de sorte que le véhicule de service stationne en gare de [Localité 7] sud, rien ne l'obligeait à prendre en charge le trajet domicile travail et retour de [B] [D].

Elle ajoute qu'elle verse au salarié une indemnité d'éloignement en zone 5 pour chaque journée de travail et que pour l'aider à faire face à ses difficultés financières, elle lui a accordé des compensations (primes exceptionnelles, revente à bas prix d'un véhicule de société).

Elle invoque enfin le manque de précision dans le chiffrage de la demande.

Elle conteste avoir fait preuve de résistance abusive au regard des décisions de la cour d'appel de Grenoble.

Sur la demande de rappel de salaire sur la base de 28 heures supplémentaires par an

Elle relève que [B] [D] expose un mode de calcul théorique du temps de travail des salariés non postés, sans tenir compte des accords internes d'une part et de l'évolution des dispositions législatives d'autre part.

Elle indique que la loi Fillon du 17 janvier 2003 a supprimé la référence à une moyenne hebdomadaire de 35 heures pour ne retenir qu'un plafond annuel de 1.600 heures, porté à 1.607 heures en 2004 ;

qu'ainsi, seules constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au delà de 1.600 heures (1.607 heures avec la journée de solidarité), ladite loi ayant sécurisé les accords conclus sous l'empire des lois antérieures.

Elle ajoute que le temps de travail se mesure en temps réellement travaillé pour le salarié et non en temps de travail hypothétique.

Elle explique que l'accord Intersemca a prévu un temps de travail effectif de 1.596 heures pour favoriser l'emploi, que cet accord, de même que la convention d'entreprise ont été confortés par l'article 16 de la loi Fillon.

Elle soutient qu'il appartient à la cour de rechercher si [B] [D] a effectivement pris tous ses jours de congés ou de RTT et s'il a bénéficié d'un repos effectif pour chacun des 11 jours fériés, ce qu'il ne démontre pas.

Elle conteste la référence qu'il fait aux arrêts des 19 septembre et 28 novembre 2005, rendus par la cour d'appel de Grenoble sous l'empire des dispositions antérieures à la loi Fillon.

Elle s'oppose à la demande de rappel au titre du 13ème mois en vertu du principe de l'unicité de l'instance, puisque la demande de [B] [D] portait sur une période qui avait commencé à courir bien avant la saisine du conseil de Prud'hommes c'est à dire de 2002 jusqu'au mois d'octobre 2005, date de l'audience devant la cour.

Elle invoque subsidiairement l'absence de décompte précis et conteste la demande faite au titre des congés payés sur ce 13ème mois.

Sur la demande de rappel de salaire en application du principe 'A travail égal, salaire égal'

Elle invoque également le principe de l'unicité de l'instance pour la période comprise entre l'année 2002 et le mois d'octobre 2005, au cours de laquelle le fondement de cette demande était né et révélé.

Elle réplique sur le fond que l'évolution de carrière de [B] [D] est conforme à celle des autres salariés placés dans les mêmes conditions de travail que lui, lui même reconnaissant que 32 salariés sont à l'échelle 6 et un seul dont il ne donne pas le nom, à l'échelle 7.

Elle souligne qu'il ne démontre pas en quoi la détention d'un CAP implique un passage à l'échelle 7.

Elle conteste également l'allégation de [B] [D] d'une augmentation moyenne de 1,54 % en 2008, alors que l'enveloppe globale pour les augmentations individuelles était de 0,7 %.

Elle précise que la non augmentation individuelle pour l'année 2009 s'explique par les deux remarques dont il a fait l'objet en 2008.

Sur la demande au titre de l'exclusion de l'astreinte hivernale et de l'astreinte généralisée

Elle invoque successivement le principe de l'unicité de l'instance et les dispositions relatives à la prescription des salaires.

Elle relève que sous couvert de dommages-intérêts, [B] [D] tend à obtenir le paiement de salaires prescrits.

Sur les heures supplémentaires de 2002 à 2008 (10.401,51 euros) liées à la suppression du véhicule de service

Elle soutient qu'à travers cette demande, [B] [D] réclame le paiement en temps de travail effectif du temps de trajet domicile travail et retour, ce qui n'est prévu par aucune disposition contractuelle, conventionnelle ou légale.

Elle ajoute que cette demande se heurte au principe de l'unicité de l'instance puisque son fondement était né et révélé avant la saisine de la cour de Grenoble.

DISCUSSION

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience;

Attendu que [B] [D] a déjà été en litige avec la société A.S.F, dans le cadre d'une action introduite devant le conseil de Prud'hommes de Montélimar au mois de décembre 2001 ;

que sur appel du jugement rendu par le conseil de Prud'hommes, la cour d'appel de Grenoble a évoqué le litige à l'audience du 24 octobre 2005 et rendu son arrêt le 28 novembre 2005 ;

qu'en application de l'article R 1452-6 du code du travail, toutes les demandes de [B] [D] portant sur la période antérieure au 24 octobre 2005 (ou au 28 novembre 2005 selon les dispositions de l'arrêt) sont irrecevables, sauf à démontrer que leur fondement est né ou révélé postérieurement à cette date ;

1 a - Sur la demande au titre des indemnités kilométriques

Attendu qu'en qualité d'ouvrier d'entretien, [B] [D] est affecté au nettoyage des gares autoroutières de [Localité 6] (la plus septentrionale), [Localité 7] nord et [Localité 7] sud ;

Attendu qu'il habite [Localité 5], village situé à quelques kilomètres de la gare de péage de [Localité 6];

Attendu que pendant de nombreuses années, sa prise de service était fixée à la gare de péage de [Localité 6], qu'il rejoignait avec son véhicule personnel et sur laquelle était stationné le véhicule de service qui lui servait à rejoindre les gares de [Localité 7] nord et sud ;

Attendu qu'à compter du 1er janvier 2000, la société A.S.F a décidé que sa prise de service se ferait désormais à la gare de [Localité 7] sud, ce qui l'obligeait à faire avec son véhicule personnel la trentaine de kilomètres séparant [Localité 5] de la gare de [Localité 7] sud, à l'aller et au retour ;

Attendu que dans son arrêt du 28 novembre 2005, qui est passé en force de chose jugée, la cour d'appel de Grenoble a considéré que la mise à disposition de [B] [D] d'un véhicule de service à la gare de [Localité 6] était contractualisée et que la perte de cet avantage avait entraîné une perte financière qu'elle a condamné l'employeur à indemniser ;

Attendu que la société A.S.F qui n'avait pas justifié dans le cadre de la précédente instance, des raisons pour lesquelles elle avait modifié le lieu de prise de fonction de [B] [D], a par courrier du 28 avril 2008, informé le salarié qu'à compter du 29 avril 2008, il prendrait de nouveau son poste à [Localité 6] ;

Attendu que du mois de décembre 2005 au mois d'avril 2008, [B] [D] a supporté des frais de transport non pris en compte par l'arrêt du 28 novembre 2005 et dont il est bien fondé à solliciter le remboursement ;

Attendu que la société A.S.F qui reprend sa précédente argumentation sur la prime d'éloignement, omet de préciser que le montant de cette prime est de 32 euros par mois et que son objet n'est pas d'indemniser les frais kilométriques qu'elle fait supporter à ses salariés ;

Attendu que dans son arrêt du 28 novembre 2005, la cour a fait un calcul des indemnités kilométriques par référence au barème fiscal et aux kilomètres parcourus pendant la période janvier 2000/ novembre 2005, soit 5 ans et 11 mois ;

Attendu que pendant la période allant du mois de décembre 2005 au mois d'avril 2008 soit 2 ans et 5 mois, [B] [D] ne soutient pas qu'il a parcouru chaque mois plus de kilomètres que précédemment ;

Attendu que la somme de 8.828 euros que lui a alloué le conseil de Prud'hommes est en adéquation avec les dispositions de l'arrêt du 28 novembre 2005, le conseil de Prud'hommes ayant légitimement tenu compte de l'augmentation de la valeur du kilomètre ;

que le jugement sera confirmé sur ce point ;

1 - b - Sur les dommages-intérêts pour résistance abusive

Attendu qu'en attendant 2,5 ans avant de tirer les conséquences de l'arrêt du 28 novembre 2005 contre lequel elle avait formé un pourvoi dont elle s'est désistée, la société A.S.F a par pure mauvaise foi imposé à [B] [D] une charge qu'elle savait illégitime ;

que pas plus que dans la précédente instance, elle ne justifie des raisons objectives pour lesquelles elle a à deux reprises modifié le lieu de prise de poste de [B] [D], le pouvoir de direction et d'organisation de l'employeur qui n'est pas une fin en soi, pouvant dégénérer en abus s'il n'est pas exercé dans le seul intérêt de l'entreprise ;

Attendu que l'attitude de la société A.S.F a causé à [B] [D] un préjudice qui sera réparé par la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

1-c : sur la demande au titre des heures supplémentaires sur temps de trajet [Localité 6] [Localité 7]

Attendu que le temps que met un salarié à rejoindre son lieu de travail n'étant pas du temps de travail, [B] [D] sera débouté de sa demande de ce chef ;

2 - a - Sur la demande au titre de 28 heures supplémentaires par an et de leur incidence sur le 13ème mois

Attendu que sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, il convient de rappeler qu'il a été jugé à plusieurs reprises par la cour, que les salariés bénéficiant de 11 jours fériés en vertu de la convention d'entreprise n° 51 et la durée annuelle du travail étant fixée à 1596 heures, la durée hebdomadaire de travail est de fait de 35, 625 heures alors qu'ils sont rémunérés pour 35 heures par semaine ;

Attendu qu'ils effectuent en conséquence 28 heures excédentaires par an, heures qu'il convient de rémunérer, mais non comme des heures supplémentaires en l'absence de dépassement du plafond annuel ;

Attendu que l'employeur qui doit remettre chaque année au salarié le décompte des heures effectuées et qui n'a pas satisfait à cette obligation, ne peut, sans inverser la charge de la preuve, reprocher à [B] [D] de ne pas justifier du nombre d'heures de travail réellement accomplies ;

Attendu qu'en l'état de ces éléments et pour tenir compte de l'arrêt du 28 novembre 2005, il sera alloué à [B] [D] la somme de 1.190,20 euros de ce chef, celle de 119,20 euros au titre des congés payés ainsi que celle de 99,18 euros au titre de l'incidence sur le 13ème mois outre 9,91 euros au titre de congés payés afférents ;

2 -b Sur les dommages-intérêts pour résistance abusive

Attendu qu'en dépit de plusieurs condamnations depuis 2005, la société A.S.F persiste à ne pas rémunérer ces heures excédentaires ;

qu'elle cause ce faisant à [B] [D] un préjudice qui sera réparé par la somme de 1.300 euros à titre de dommages-intérêts ;

3 - Sur la demande faite en application du principe 'A travail égal, salaire égal'

Attendu que [B] [D] conteste d'une part l'attribution par l'employeur des augmentations individuelles de salaire et soutient d'autre part qu'il devrait être classé à l'échelle 7 ;

Attendu qu'il résulte des pièces produites de part et d'autre qu'en plus de l'augmentation générale des salaires, l'employeur décide d'augmentations individuelles ;

Attendu que pour l'année 2008, [B] [D] a eu une augmentation de 0.7 % de son salaire;

Attendu que la cour manque d'éléments pour retenir que [B] [D] a subi une discrimination dans l'attribution de cette augmentation, alors qu'il résulte d'un document récapitulatif que dans la catégorie des ouvriers, plus de 38 % d'entre eux n'ont eu aucune augmentation individuelle en 2008, 30 % une augmentation de 0.7 %, 10 % une augmentation de 1 à 1,5 % et 6 % une augmentation de plus de 3 % ;

Attendu que pour l'année 2009, [B] [D] n'a eu aucune augmentation, l'employeur indiquant 'un état d'esprit en régression - doit respecter les consignes' ;

Attendu que la cour manque tout autant d'élément pour considérer que cette décision s'explique par un traitement discriminatoire, alors qu'il apparaît que dans la catégorie des ouvriers, 49 % d'entre eux n'ont eu aucune augmentation individuelle ;

Attendu que [B] [D] verse aux débats (pièce 6) un document établi par l'employeur intitulé 'cartographie non cadre ;

qu'il ressort à l'examen de ce document, que dans la catégorie ouvrier d'entretien 2ème catégorie à laquelle appartient [B] [D], 31 ouvriers sont à l'échelle 6 et un seul à l'échelle 7 ;

Attendu que selon le tableau des définitions et des classements d'emplois dans l'échelle des salaires (annexe 1 de la convention collective), un ouvrier d'entretien est classé soit à l'échelle 5 soit à l'échelle 6 s'il est qualifié, mais jamais à l'échelle 7 ;

Attendu que [B] [D] ne peut donc prétendre accéder à l'échelle 7 ;

Attendu que pour autant, le fait qu'un ouvrier d'entretien soit classé à l'échelle 7 sans que l'employeur qui ne donne pas son nom, justifie qu'il peut y prétendre, créée une inégalité à l'origine d'un préjudice qui sera réparé par la somme de 3.000 euros ;

4 - Sur la demande de dommages-intérêts pour exclusion de l'astreinte hivernale

Attendu qu'il n'est pas contesté que pendant la période hivernale, les salariés de la société A.S.F effectuent des astreintes ;

Attendu que [B] [D] justifie par le bulletin de salaire d'un collègue, que les ouvriers d'entretien ne sont pas exclus des astreintes ;

qu'il produit également les plannings des années 2007, 2009 et 2010 selon lesquels il n'a effectué aucune astreinte hivernale ;

que selon ses bulletins de salaire, il a effectué des astreintes hivernales à une seule occasion au mois de janvier 2006 ;

Attendu que la société A.S.F n'explique par aucune raison objective l'exclusion de [B] [D] du tour des astreintes hivernales, exclusion qui lui a causé un préjudice dont il demande à juste titre la réparation ;

que sur la base d'une astreinte hivernale chaque mois pendant 3 mois, astreinte rémunérée 220 euros au vu des bulletins de salaire, le préjudice de [B] [D] du mois de décembre 2005 au mois de mars 2010 sera réparé par la somme de 3.080 euros ;

°°°

Attendu que la société A.S.F devra remettre à [B] [D] des bulletins de salaire rectifiés ainsi que le document récapitulatif visé à l'article D 3171-13 du code du travail ;

qu'il sera alloué à [B] [D] la somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement rendu le 3 décembre 2009 par le conseil de Prud'hommes de Valence en ce qu'il a condamné la société A.S.F à payer à [B] [D] la somme de 8.828 euros à titre d'indemnité kilométrique.

- L'infirmant pour le surplus, condamne la société A.S.F à payer à [B] [D] :

la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive dans la fixation du lieu de prise de poste

1.119,20 euros au titre des heures excédentaires du mois de décembre 2005 au mois de décembre 2009 et 119,02 euros au titre de congés payés afférents

99,18 euros au titre de l'incidence des heures excédentaires sur le 13ème mois et 9,91 euros au titre des congés payés afférents

1.300 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive dans la prise en compte des heures exédentaires

3.000 euros à titre de dommages-intérêts en violation du principe 'A travail égal, salaire égal'

3.080 euros à titre de dommages-intérêts pour exclusion des astreintes hivernales du mois de décembre 2005 au mois de mars 2010

- Condamne la société A.S.F à remettre à [B] [D] dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt et passé ce délai sous astreinte de 30 euros par jour que la cour se réserve le pouvoir de liquider, des bulletins de salaire rectifiés ainsi que le document récapitulatif visé à l'article D 3171-13 du code du travail.

- Condamne la société A.S.F à payer à [B] [D] la somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles.

- Déboute [B] [D] de ses autres demandes.

- Condamne la société A.S.F aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur DELPEUCH, président, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/05271
Date de la décision : 15/11/2010

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°09/05271 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-15;09.05271 ?
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