La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2010 | FRANCE | N°09/03352

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 20 octobre 2010, 09/03352


RG N° 09/03352



N° Minute :





















































































AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU MERCREDI 20 OCTOBRE 2010







Appel d'une décision (N° RG 08/A01

35)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de BOURGOIN-JALLIEU

en date du 16 juin 2009

suivant déclaration d'appel du 10 Juillet 2009



APPELANTE :



La FONDATION [5] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Monsieur [Y] (D.R.H.) et assistée par Me Christian BROCHARD (avocat...

RG N° 09/03352

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MERCREDI 20 OCTOBRE 2010

Appel d'une décision (N° RG 08/A0135)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de BOURGOIN-JALLIEU

en date du 16 juin 2009

suivant déclaration d'appel du 10 Juillet 2009

APPELANTE :

La FONDATION [5] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Monsieur [Y] (D.R.H.) et assistée par Me Christian BROCHARD (avocat au barreau de LYON) substitué par Me SEROR (avocat au barreau de LYON)

INTIME :

Monsieur [W] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Estelle MARTINET (avocat au barreau de LYON)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de Président,

Madame Hélène COMBES, Conseiller,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

DEBATS :

A l'audience publique du 22 Septembre 2010,

Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, en présence de Madame Hélène COMBES, Conseiller, assistés de Simone VERDAN, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoirie(s), conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 20 Octobre 2010, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 20 Octobre 2010.

Notifié le :

Grosse délivrée le :

RG 09 3352 DJ

EXPOSE DU LITIGE

[W] [O] a été embauché à compter du 24 novembre 2000 en qualité de médecin généraliste par la Fondation [5] à [Localité 7], établissement de santé privé qui participe au service public hospitalier et gère huit centres de consultation dans le Nord-Isère.

En dernier lieu, il intervenait en qualité de médecin assistant au Centre Médico Psychologique Consultation Adulte (CMPA) de [Localité 6].

Le 16 juin 2008 il a été convoqué à un entretien préalable pour le 24 juin 2008, mis à pied à titre conservatoire puis licencié pour faute grave par lettre du 27 juin 2008.

Le 29 octobre 2008, [W] [O] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bourgoin-Jallieu qui, par jugement du 16 juin 2009, a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la Fondation [5] à lui payer :

- 26.334,18 euros d'indemnité de préavis,

- 2.633,41 euros de congés payés afférents,

- 1.463,01 euros de rappel de salaire de la mise à pied,

- 146,30 euros de congés payés afférents,

- 32.851,60 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 26.334,18 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Fondation [5], à qui le jugement a été notifié le 29 juin 2009, a interjeté appel le 10 juillet 2009.

Elle sollicite l'infirmation du jugement. Elle demande à la cour de dire la procédure de licenciement régulière et le licenciement fondé sur une faute grave, de débouter [W] [O] de ses demandes et de le condamner à lui verser 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient, en ce qui concerne la procédure, qu'elle n'avait pas à recueillir l'avis de la Commission Médicale de l'Établissement, le statut de Praticiens Adjoints Contractuels ne s'appliquant qu'aux médecins recrutés par les établissements publics de soins.

Sur les faits, après avoir rappelé qu'au CMPA dans lequel intervenait [W] [O], le travail s'effectuait en équipe pluridisciplinaire et, pour l'essentiel, en binôme 'médecin-infirmier', sous la responsabilité fonctionnelle du docteur [H], chef de service, et qu'en sa qualité de médecin assistant, [W] [O] ne disposait d'aucune responsabilité hiérarchique à l'égard des autres professionnels de santé, elle expose que :

- le 12 juin 2008, au cours de l'entretien avec un patient, [W] [O] n'a pas fait preuve du tact et de la mesure que lui impose sa profession,

- il a pris la décision de mettre fin à la prise en charge au sein du CMPA sans avoir consulté préalablement l'infirmière et l'assistante sociale,

- il a poursuivi l'infirmière en l'agressant verbalement et a fait preuve d'une violence incontrôlable,

- ces incidents sont décrits par l'infirmière, l'assistante sociale, la cadre de santé et le docteur [H], dans différents comptes-rendus et attestations précises et circonstanciées.

Elle fait remarquer que [W] [O] n'apporte pas d'éléments probants contraires ; que s'il pouvait refuser ses soins pour des raisons professionnelles en invoquant la clause de conscience, il ne lui appartenait pas de mettre arbitrairement un terme à la prise en charge du patient au sein du CMPA de [Localité 6] ; que cette décision impliquait une concertation préalable avec l'équipe et plus particulièrement avec l'infirmière, ce qui n'a pas été le cas.

[W] [O], intimé, demande à la cour de confirmer le jugement, sauf à fixer le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 79.002,54 euros et de condamner la Fondation [5] à lui verser 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soulève l'irrégularité de la procédure de licenciement pour absence de consultation préalable de la Commission Médicale d'Établissement. Il fait valoir que cette irrégularité le privant d'une garantie de fond, rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le fond, il conteste les griefs qui lui sont faits et expose que :

- il suivait ce patient (schizophrène) depuis 2003 et connaissait bien le contexte familial,

- le suivi médical nécessitait une présence active de sa mère,

- or, lors de la consultation du 12 juin 2008, celle-ci a adopté un comportement très agressif à son égard, rendant tout suivi psychologique impossible, ce qu'il a indiqué à l'intéressé.

Il précise que la décision pour un médecin de continuer ou non de suivre un patient relève de son seul libre arbitre, qu'il n'avait à recueillir l'autorisation de quiconque et devait, sans délai, porter sa décision à la connaissance du patient.

Il estime que c'est l'intervention inconvenante de l'infirmière présente lors de la consultation qui a créé une situation de doute et d'incompréhension pour le patient alors même qu'il a pris le soin de lui donner un nouveau rendez-vous.

Il ajoute qu'il n'a jamais fait l'objet de reproches en 8 ans de pratique professionnelle. Il produit des attestations de confrères et collègues ainsi qu'une pétition des équipes soignantes du 1er juillet 2008.

Il fait valoir les circonstances particulièrement vexatoires de son licenciement : il a dû quitter son poste de travail dans l'urgence sans pouvoir donner d'explications ni transmettre les dossiers ; il n'a plus été en mesure de poursuivre sa formation en vue de l'obtention de la spécialisation en psychiatrie.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues oralement et sans modification à l'audience.

Le décret n° 95-569 du 6 mai 1995 relatif aux médecins, aux pharmaciens et aux chirurgiens-dentistes recrutés par les établissements publics de santé, les établissements de santé privés participant au service public hospitalier et l'Établissement français du sang, modifié par décret du 6 décembre 2002, s'applique non seulement aux médecins recrutés par les établissements publics de santé en application des articles 60 et 61 de la loi du 27 juillet 1999 sur la couverture maladie universelle (article 1er ), mais également aux médecins recrutés par les établissements de santé privés participant au service public hospitalier (article 3), ce qui est le cas en l'espèce.

Les articles 43, 44 et 45 de ce décret, relatifs à la discipline, prévoient que :

- le directeur d'établissement qui envisage une procédure disciplinaire doit convoquer l'intéressé,

- la commission médicale d'établissement et le médecin inspecteur régional sont immédiatement informés de la procédure,

- le licenciement est prononcé par le directeur après avis de la commission médicale d'établissement et du médecin inspecteur régional,

- en cas d'urgence ou si l'intérêt du service l'exige le directeur de l'établissement peut, jusqu'à l'intervention des avis ci-dessus prévus, suspendre le praticien de ses fonctions, après avis du président de la commission médicale d'établissement pour une durée qui ne peut excéder un mois.

[W] [O] a été convoqué à un entretien préalable par lettre du 16 juin 2008 remise en mains propres le jour même.

La présidente de la commission médicale d'établissement (CME), le docteur [S], a été informée, non de l'engagement d'une procédure disciplinaire, mais de l'incident du 12 juin et des difficultés rencontrées avec [W] [O], par une copie de la lettre du médecin-chef, le docteur [H], à Madame [Z], directrice de l'établissement, en date du 17 juin 2008.

Le 21 juillet 2008, elle a écrit à Madame [Z] pour s'étonner de ne pas avoir reçu d'information, en sa qualité de présidente de la CME, sur les suites données au courrier du docteur [H].

La Fondation [5], qui ne s'explique pas sur ce point, ne justifie pas avoir requis l'avis de la commission médicale d'établissement, ni du médecin inspecteur régional préalablement à la décision de licencier [W] [O], alors même que son attention avait été attirée dès le 18 juin 2008 par un courrier du docteur [L], en tant que représentant des médecins assistants auprès de la CME, sollicité par le docteur [O].

Celui-ci verse également aux débats une lettre du docteur [L] qui atteste que la commission n'a pas été officiellement saisie préalablement au licenciement et n'en a été informée que lors d'une commission ultérieure.

L'irrespect de cette formalité constitue une violation d'une règle de fond, dans la mesure où le salarié n'a pu assurer utilement sa défense devant l'organisme consultatif, et prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Le jugement doit donc être confirmé tant en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse que sur le montant des sommes allouées, les premiers juges ayant exactement évalué le préjudice subi par [W] [O] en fixant les dommages et intérêts à l'équivalent de six mois de salaire.

L'équité commande d'allouer à [W] [O] une somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- Condamne la Fondation [5] à payer à [W] [O] la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne la Fondation [5] aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur VIGNY, président, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/03352
Date de la décision : 20/10/2010

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°09/03352 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-10-20;09.03352 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award