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13/10/2010 | FRANCE | N°10/01216

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 13 octobre 2010, 10/01216


RG N° 10/01216



N° Minute :





















































































AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU MERCREDI 13 OCTOBRE 2010







Appel d'une décision (N° RG 09/007

61)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE

en date du 23 février 2010

suivant déclaration d'appel du 11 Mars 2010



APPELANTE :



La S.A. DEPOT SERVICE CARRELAGES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Madame [G] [W] (R.R.H.) et assistée par Me Pierre-Luc NISOL...

RG N° 10/01216

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MERCREDI 13 OCTOBRE 2010

Appel d'une décision (N° RG 09/00761)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE

en date du 23 février 2010

suivant déclaration d'appel du 11 Mars 2010

APPELANTE :

La S.A. DEPOT SERVICE CARRELAGES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Madame [G] [W] (R.R.H.) et assistée par Me Pierre-Luc NISOL (avocat au barreau de LYON)

INTIME :

Monsieur [T] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Comparant et assisté par Me Hubert DURAND (avocat au barreau de GRENOBLE)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de Président,

Madame Hélène COMBES, Conseiller,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

DEBATS :

A l'audience publique du 22 Septembre 2010,

Madame Hélène COMBES, Conseiller, chargée du rapport, en présence de Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, assistés de Simone VERDAN, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoirie(s), conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 13 Octobre 2010, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 13 Octobre 2010.

Notifié le :

Grosse délivrée le :

RG N° 10/1216 HC

EXPOSE DU LITIGE

Au mois d'octobre 2002, [T] [F] a été embauché par la société Carreaux des Alpes en qualité de cariste magasinier à l'agence de [Localité 6] et le 1er juin 2008, le contrat de travail a été transféré à la société Dépôt Service Carrelages .

Le 18 mars 2009, il a été licencié pour faute grave, la société Dépôt Service Carrelage lui reprochant de graves manquement aux règles de sécurité en vigueur dans l'entreprise.

Il a contesté son licenciement devant le conseil de Prud'hommes de Grenoble qui par jugement du 23 février 2010 a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société Dépôt Service Carrelages à lui payer :

- 3.115,88 euros au titre de l'indemnité de préavis et 311,58 euros au titre des congés payés afférents

- 811,59 euros au titre de la prime de vacances du mois de juin 2009

- 2.025,32 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- 490,83 euros au titre des heures supplémentaires et 49,08 euros au titre des congés payés afférents

- 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif

- 800 euros au titre des frais irrépétibles

Le conseil a ordonné le remboursement des indemnités de chômage dans la limite de 3 mois.

La société Dépôt Service Carrelages a relevé appel le 11 mars 2010.

Par conclusions adressées à la cour cinq jours avant l'audience, elle sollicite le rejet de toutes les demandes d'[T] [F].

Elle expose que dans le courant de l'année 2009, le comportement du salarié s'est dégradé, celui-ci refusant notamment d'appliquer les consignes de sécurité, alors qu'elle a mis en place de nombreuses procédures afin de limiter les risques d'accident.

Elle fait valoir qu'au cours d'une visite de sécurité le 25 février 2009, il a été constaté qu'[T] [F] ne portait ni les gants, ni le gilet fluo, ni les chaussures de sécurité et qu'il a déclaré à son supérieur qu'il ne portait pas la ceinture lors de la conduite du chariot.

Elle conteste l'argumentation développée par le salarié dont les gants et le gilet se trouvaient en réalité dans son véhicule et les chaussures de sécurité à son domicile.

Elle ajoute qu'il n'avait signalé aucun mauvais fonctionnement de la ceinture du chariot élévateur et que le jour de la visite, aucune restriction n'avait été communiquée à l'employeur sur le port des chaussures de sécurité.

Elle conteste avoir cherché à le déstabiliser et soutient qu'il n'a jamais admis les nouvelles méthodes de travail.

Elle s'oppose au paiement des heures supplémentaires qui ont été soit récupérées, soit payées dans le solde de tout compte.

Formant appel incident, [T] [F] demande à la cour de porter les dommages-intérêts à 60.000 euros, la prime de vacances à 1.168,47 euros et réclame 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Il précise qu'au mois de juin 2010, la société Dépôt Service Carrelages n'avait toujours pas exécuté les condamnations assorties de l'exécution provisoire.

Il fait valoir que la société Dépôt Service Carrelages qui avait pris le fonds de commerce en location gérance cherchait à se séparer de lui, alors même que son départ à la retraite était prévu pour le 1er mai 2010 et a tenté de le déstabiliser de différentes façons :

- au mois de juin 2008, en changeant son jour de repos, ses horaires et son temps de travail,

- au mois d'août 2008 en lui supprimant le bureau et le vestiaire qu'il avait dans l'entrepôt,

- au mois d'octobre 2008, en le convoquant à un entretien préalable en vue d'un licenciement amiable qu'il a refusé

- en le faisant travailler 4 semaines d'affilée au début de l'année sans repos quotidien.

Il indique que la pression que lui a fait subir l'employeur l'a contraint à cesser son travail du 13 au 21 février 2008.

Après avoir rappelé qu'aucun avertissement ne lui a jamais été infligé avant la lettre de licenciement, il réplique sur les griefs qui lui sont faits :

- que se rendant aux toilettes, il venait de poser ses gants et son gilet fluo

- que la ceinture du chariot élévateur ne fonctionnait pas et qu'il n'avait aucune raison d'en être muni puisqu'il n'y avait aucun client à servir,

- qu'il souffrait d'une affection constatée par un podologue l'empêchant d'utiliser les chaussures de sécurité .

Sur les heures supplémentaires, il sollicite la confirmation du jugement et invoque le remplacement du chef de service et de la secrétaire vendeuse pendant leurs congés, de sorte qu'il ne bénéficiait pas de deux jours consécutifs de repos et que pour seule compensation, la société Dépôt Service Carrelages lui a accordé deux jours de congé supplémentaires.

DISCUSSION

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;

1 - Sur le licenciement

Attendu que la lettre de licenciement du 18 mars 2009 est ainsi rédigée :

'Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif de faute grave.

Le 25 février 2009, votre chef de site, Monsieur [Y] [J], constatait de graves manquements aux règles de sécurité dans la société. En l'espèce, alors même que vous étiez prévenu qu'il devait venir prochainement dans votre agence pour effectuer une visite Sécurité, vous ne portiez aucun des Equipements Individuels de Protection, liés à votre fonction de Cariste-Magasinier : pas de gant, pas de gilet fluo et pas de chaussures de sécurité. De plus, lorsqu'il vous a interrogé sur le port de la ceinture lors de la conduite de votre chariot, vous avez déclaré ne pas l'accrocher dans votre quotidien. (....) Une telle attitude est inacceptable (...)' ;

Attendu que selon une jurisprudence constante, la faute grave, privative des indemnités de préavis et de licenciement, est celle qui revêt une gravité telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;

Attendu qu'il sera observé à titre liminaire que la société Dépôt Service Carrelage, qui insiste sur l'importance qu'elle accorde à juste titre à la sécurité de ses salariés, ne justifie pas des instructions précises qu'elle leur a données depuis qu'elle dirige l'entreprise, la production aux débats de la photocopie d'un livret d'accueil à la sécurité, n'étant pas de nature à établir la réalité des actions menées ;

Attendu que la pièce 12 qu'elle produit pour justifier de ses actions de sensibilisation auprès de ses salariés, est la fiche de visite de sécurité établie le 25 février 2009, soit le jour où elle dit avoir constaté les fautes évoquées dans la lettre de licenciement ;

Attendu que la société Dépôt Service Carrelage ne produit aucune pièce établissant qu'elle avait, ne serait-ce qu'une seule fois, signalé le non respect par [T] [F] des consignes de sécurité et attiré son attention sur leur importance ;

Attendu qu'à supposer les manquements invoqués établis, ce qui reste à vérifier, ils n'auraient pu à eux seuls justifier le licenciement immédiat d'un salarié n'ayant jamais fait l'objet de la moindre sanction ou remarque ;

Attendu qu'en ce qui concerne le non port des gants de sécurité et du gilet fluorescent, [T] [F] a expliqué dans un courrier du 2 avril 2009, qu'il venait de les poser pour se rendre aux toilettes ;

Attendu que la société Dépôt Service Carrelage réplique sans en rapporter la moindre preuve que les gants et le gilet se trouvaient dans le véhicule du salarié, ce qu'elle n'a pas précisé dans la lettre de licenciement ;

Attendu que le doute profitant au salarié ainsi qu'il résulte de l'article L 1333-1 du code du travail, ce manquement n'est pas établi ;

Attendu que le grief tenant au non port des chaussures de sécurité doit être écarté, [T] [F] justifiant par le certificat d'un podologue en date du 2 mars 2009 que le port de cet équipement lui était déconseillé ;

Attendu que le médecin du travail qui l'avait vu avant la rupture du contrat de travail avait d'ailleurs limité le port de telles chaussures aux situations à risque ;

Attendu que la société Dépôt Service Carrelage ne peut sans mauvaise foi soutenir qu'elle n'était pas informée de cette situation, alors que l'avis du médecin du travail a été établi sur une liasse auto-copiante dont un exemplaire lui a été adressé en même temps qu'un exemplaire était remis au salarié ;

Attendu que le grief tenant à la ceinture du chariot, révèle s'il en était besoin les véritables intentions de l'employeur ;

Attendu qu'interrogée lors de l'audience, la représentante de la société Dépôt Service Carrelage a en effet expliqué que les chariots élévateurs sont équipés d'une ceinture de sécurité fixée au chariot que le cariste doit boucler lorsqu'il se trouve sur le chariot ;

Attendu qu'en l'espèce aucun manquement d'[T] [F] n'a été constaté puisqu'il ne se trouvait pas sur le chariot élévateur lors de la visite de sécurité du chef de site ;

Attendu qu'à supposer qu'[T] [F] ait déclaré au chef de site qu'il n'attachait pas systématiquement cette ceinture, un employeur normalement avisé aurait cherché à connaître les raisons de cette attitude (mauvais fonctionnement du matériel, négligence du salarié) et aurait pris les mesures adaptées (réparation, rappel des consignes), mais n'aurait pas sanctionné par un licenciement immédiat, un manquement que nul n'avait encore constaté;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Dépôt Service Carrelage a uniquement cherché un prétexte pour se séparer d'[T] [F], étant observé que dans ses écritures, elle ne conteste pas lui avoir proposé un départ à l'amiable au mois d'octobre 2008 et lui avoir d'autorité supprimé son bureau et son vestiaire au mois d'août 2008, ce qui peut être analysé comme une brimade ;

que c'est à bon droit que le conseil de Prud'hommes a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

que le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l'indemnité de préavis et à l'indemnité de licenciement ;

Attendu que la perte de son emploi dans les circonstances ci-dessus rappelées et alors qu'il se trouvait à 14 mois de son départ à la retraite, a causé à [T] [F] un préjudice qui sera réparé par la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que le conseil de Prud'hommes a exactement fait application de l'article L 1235-4 du code du travail en ordonnant d'office le remboursement par l'employeur aux organismes concernés, des indemnités de chômage perçues par [T] [F] ;

qu'au vu des circonstances de la cause, le remboursement sera porté à 6 mois ;

2 - Sur les autres demandes

Attendu que le contrat de travail d'[T] [F] prévoit le versement au mois de juin d'une prime de vacances selon les modalités de la convention collective ;

Attendu que la société Dépôt Service Carrelage ne conteste pas le calcul au prorata qu'[T] [F] fait de la prime de vacances dans le dispositif de ses conclusions ;

qu'il sera fait droit à sa demande à hauteur de 1.168,47 euros ;

Attendu que c'est à bon droit que le conseil de Prud'hommes a retenu au vu des tableaux produits, qu'[T] [F] a accompli 39,50 heures supplémentaires, dont l'employeur ne conteste pas le principe et qui ne lui ont pas été payées ;

Attendu que la société Dépôt Service Carrelage n'établit par aucune pièce que le paiement de ces heures a été remplacé par des repos compensateurs à des dates fixées d'un commun accord avec le salarié ;

que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Attendu qu'il sera alloué à [T] [F] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement rendu le 23 février 2010 par le conseil de Prud'hommes de Grenoble, sauf en ses dispositions relatives à la prime de vacances et au quantum des dommages-intérêts.

- L'infirmant de ces seuls chefs et statuant à nouveau, condamne la société Dépôt Service Carrelage à payer à [T] [F] :

la somme de 1.168,47 euros au titre de la prime de vacances

la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Ordonne en application de l'article L 1235-4 du code du travail le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par [T] [F] dans la limite de six mois.

- Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée a l'UNEDIC, [Adresse 5].

- Y ajoutant, condamne la société Dépôt Service Carrelage à payer à [T] [F] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

- La condamne aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur VIGNY, président, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01216
Date de la décision : 13/10/2010

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°10/01216 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-10-13;10.01216 ?
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