RG N° 09/05120
N° Minute :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 13 OCTOBRE 2010
Appel d'une décision (N° RG F08/01217)
rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE
en date du 12 novembre 2009
suivant déclaration d'appel du 09 Décembre 2009
APPELANTE :
Le COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE, pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Joëlle MEAR (avocat au barreau de PARIS) substitué par me DREYFUS (avocat au barreau de PARIS)
INTIME :
Monsieur [Z] [X]
[Adresse 2]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Comparant et assisté par Me Pierre JANOT (avocat au barreau de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur [Z] VIGNY, Conseiller, faisant fonction de Président,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,
Madame Dominique JACOB, Conseiller,
Assistés lors des débats de Simone VERDAN, Greffier ;
DEBATS :
A l'audience publique du 29 Septembre 2010,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 13 Octobre 2010.
L'arrêt a été rendu le 13 Octobre 2010.
Notifié le :
Grosse délivrée le :
RG N° 09/5120 HC
EXPOSE DU LITIGE
Le 8 septembre 1998, [Z] [X] a été victime d'un accident de trajet alors qu'il se rendait à bicyclette de son domicile à son lieu de travail au CEA.
Le 25 janvier 2007, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Lyon a fixé son taux d'incapacité permanente à 67 % à compter du 3 septembre 2002.
Le 15 mars 2005, [Z] [X] avait demandé au CEA de lui faire application de l'article 132 de la convention de travail et devant son refus réitéré, il a saisi le conseil de Prud'hommes de Grenoble le 19 août 2008.
Par jugement du 12 novembre 2009, le conseil de Prud'hommes a condamné le CEA à faire application de l'article 132 de la convention de travail et l'a condamné au paiement de la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
Le CEA qui a relevé appel le 9 décembre 2009, demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions.
Après avoir rappelé la chronologie de l'accident, il expose que [Z] [X] perçoit actuellement une rente de la sécurité sociale, la rémunération de son travail à mi-temps et un complément versé par l'Apri au titre de la garantie d'invalidité en cas de perte de salaire, l'ensemble de ces sommes correspondant au salaire qu'il aurait perçu s'il avait continué de travailler à temps plein.
Il fait valoir que [Z] [X] ne peut revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article 132 de la convention de travail qui précise que l'accident de trajet n'y ouvre droit que s'il est assimilé à l'accident du travail par la sécurité sociale, ce qui n'est en l'espèce pas le cas.
Il soutient sur ce point que l'accident de trajet demeure une catégorie particulière d'accident qui ne se réalise pas sous la subordination de l'employeur ;
qu'il ne peut être assimilé à un accident du travail que s'il survient alors que le salarié est placé sous l'autorité de l'employeur, comme par exemple à l'occasion d'un déplacement professionnel.
Il ajoute que si la sécurité sociale considère l'accident de trajet comme un accident du travail en ce qui concerne l'indemnisation de la victime qui bénéficie de prestations identiques, elle opère en revanche la distinction dans ses rapports avec l'employeur puisque la couverture du risque est assurée par une cotisation forfaitaire sur la base d'un taux unique et national.
Il fait valoir que la sécurité sociale n'a pas assimilé l'accident de [Z] [X] à un accident du travail, ainsi que le révèlent les comptes 'employeur' qui ne font pas apparaître son nom.
Il relève que l'alinéa 5 de l'article 132 de la convention de travail fait précisément référence à la différence existant entre l'accident de trajet proprement dit et l'accident de trajet survenu au cours d'un déplacement professionnel, seul réellement assimilé à un accident du travail par la sécurité sociale.
Pour le cas où il serait fait droit à la demande de [Z] [X], il demande à la cour d'exclure l'application de l'alinéa 3 de l'article 132 de la convention de travail qui ne concerne que les accidents spécifiques à son activité.
[Z] [X] demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner sous astreinte le CEA à lui appliquer les dispositions de l'article 132 de la convention de travail.
Il réclame également 5.000 euros à titre de dommages-intérêts et 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
Il expose que pendant 3 ans il a bénéficié des dispositions de l'article 132 alinéa 1er de la convention de travail, le CEA lui maintenant son plein traitement malgré son mi-temps, mais qu'il s'est abstenu de le faire bénéficier des autres avantages prévus par cet article.
Il soutient qu'il remplit pourtant les conditions pour réclamer le bénéfice de l'article 132 alinéa 5 dès lors :
- que la sécurité sociale a pris l'accident en charge au titre de la législation sur les accidents du travail,
- que l'accident dont il a été victime est un accident du travail au regard des dispositions du code de la sécurité sociale.
Il fait valoir sur ce point que le CEA détourne le sens des dispositions des articles L 411-1 et 2 du code de la sécurité sociale selon lesquelles l'accident de trajet est considéré comme un accident du travail.
Il soutient que le CEA fait une interprétation des textes auxquels il ajoute des conditions en tentant de faire la distinction entre l'accident de trajet proprement dit et l'accident de trajet survenu au cours d'un déplacement professionnel ;
que la seule distinction qui existe se situe entre l'accident du travail proprement dit et l'accident de trajet, lequel est toujours assimilé à un accident du travail sans en être un à proprement parler.
Il précise que l'hypothèse visée par la convention de travail, selon laquelle l'accident de trajet n'est pas assimilé à un accident du travail, est celle dans laquelle le salarié aurait déclaré un accident de trajet qui ne serait finalement pas pris en charge.
DISCUSSION
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience;
Attendu que l'article L 411-2 du code de la sécurité sociale qui assimile l'accident de trajet à un accident du travail, définit l'accident de trajet comme celui qui survient au cours du trajet normal que le salarié accomplit habituellement pour se rendre de son domicile (résidence principale ou secondaire) à son lieu de travail et pour en revenir (1°) ou pour se rendre de son lieu de travail au restaurant, ou à la cantine, ou dans le lieu où il prend habituellement ses repas et pour en revenir (2°) ;
Attendu que la différence essentielle entre l'accident de trajet et l'accident du travail tient à ce que l'accident de trajet survient à un moment où le salarié n'est pas encore - ou plus - sous l'autorité de l'employeur ;
Attendu qu'il en résulte que la distinction que fait le CEA entre accident de trajet proprement dit et accident de trajet survenu au cours d'un déplacement professionnel est erronée, l'accident survenu au cours d'un déplacement professionnel exécuté sur ordre de l'employeur et dans l'intérêt de l'entreprise étant un accident du travail au sens de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale et non par assimilation de l'article L 411-2 ;
Attendu que le 8 septembre 1998, [Z] [X] a été victime d'un accident de trajet reconnu comme tel par la sécurité sociale ce qui signifie qu'il remplissait toutes les conditions posées par l'article L 411-2 : pas d'interruption ou de détournement du parcours pour un motif dicté par l'intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de l'emploi ;
Attendu qu'en l'état de la réunion de ces conditions, l'accident de trajet dont [Z] [X] a été victime a été assimilé par la sécurité sociale à un accident du travail, ce qui lui permet d'invoquer le bénéfice des dispositions de l'article 132 de la convention de travail ainsi qu'il résulte de la formulation claire de l'alinéa 5 de cet article ;
Attendu que la référence que fait le CEA à son compte employeur n'est pas pertinente, dès lors que les accidents de trajet font l'objet d'une cotisation forfaitaire spécifique et que seuls les accidents du travail et les maladies professionnelles impactent le compte employeur ;
que le traitement différent de ces accidents en terme de cotisations est sans incidence sur l'assimilation faite par la loi et par la convention de travail du CEA ;
Attendu que le jugement du conseil de Prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a condamné le CEA à appliquer à [Z] [X] les dispositions de l'article 132 de la convention de travail ;
Attendu que le CEA observe à juste titre que [Z] [X] ne peut réclamer l'application des dispositions du troisième alinéa de l'article 132, dès lors que le préjudice qu'il subit n'a pas été causé par un accident, un incident ou des travaux spécifiques au CEA ;
Attendu que les éléments fournis par les parties, ne permettent pas à la cour d'apprécier les conséquences financières de l'application de l'article 132 alinéas 1 et 2 ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu dans ces conditions à fixation d'une astreinte ;
Attendu que la résistance du CEA à accueillir la légitime demande de [Z] [X], lui cause un préjudice qui sera réparé par la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Attendu qu'il sera alloué à [Z] [X] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme le jugement rendu le 12 novembre 2009 par le conseil de Prud'hommes de Grenoble en ce qu'il a condamné le CEA à appliquer à [Z] [X] les dispositions de l'article 132 de la convention de travail.
- Y ajoutant, dit que [Z] [X] ne peut bénéficier des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 132 de la convention de travail qui assure la réparation des préjudices causés par les accidents, incidents et travaux spécifiques au CEA.
- Déboute [Z] [X] de sa demande de fixation d'une astreinte.
- Condamne le CEA à payer à [Z] [X] la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur VIGNY, président, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.