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06/09/2010 | FRANCE | N°09/03991

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 06 septembre 2010, 09/03991


RG N° 09/03991



N° Minute :



























































































AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU LUNDI 06 SEPTEMBRE 2010







Appel d'une d

écision (N° RG F08/0064)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de VIENNE

en date du 15 septembre 2009

suivant déclaration d'appel du 25 Septembre 2009





APPELANT :



Monsieur [E] [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par Me Jean ANTONY (avocat au barreau de LYON)





INTIMEE :



La S.A.R.L. VALLOIRE MANAGEMENT, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié...

RG N° 09/03991

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU LUNDI 06 SEPTEMBRE 2010

Appel d'une décision (N° RG F08/0064)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de VIENNE

en date du 15 septembre 2009

suivant déclaration d'appel du 25 Septembre 2009

APPELANT :

Monsieur [E] [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean ANTONY (avocat au barreau de LYON)

INTIMEE :

La S.A.R.L. VALLOIRE MANAGEMENT, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Yann BOISADAM substitué par Me BOUSQUET (avocats au barreau de LYON)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,

Madame Hélène COMBES, Conseiller,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Chantal FERBUS, Adjoint administratif.

DEBATS :

A l'audience publique du 01 Juin 2010,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 06 Septembre 2010.

L'arrêt a été rendu le 06 Septembre 2010.

Notifié le :

Grosse délivrée le :

RG 0903991 DD

M. [E] [C] a été embauché le 4 juillet 1994 par la société Cabines Sarrazin en qualité d'agent technico-commercial. Après la signature de plusieurs avenants au contrat de travail qui ont modifié son secteur d'activité, il a été nommé responsable commercial, statut cadre le 1er janvier 2003 et son dernier salaire était supérieur à 7 000 euros par mois.

Suite au rachat de la société Cabines Sarrazin et Cie le 27 mars 2008, son contrat de travail a été transféré à la société Valloire Management, le montant et les modalités de sa rémunération n'étant pas modifiés.

Le 21 octobre 2008 M. [C] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement et il a été licencié le 04 novembre 2008 pour faute grave.

Le Conseil de Prud'hommes de Vienne a été saisi le 18 novembre 2008 par M. [C] qui a demandé dans le dernier état de ses écritures et explications à la barre la condamnation de la société Valloire Management à lui payer les sommes suivantes :

- 21 624 euros à titre d'indemnité de préavis et 2 162,40 euros au titre des congés payés,

- 44 689,60 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 7 208 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure,

- 129 744 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 631 euros au titre des frais,

- 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes a rendu sa décision le 19 septembre 2009. Il a débouté M. [C] de toutes ses demandes.

La Cour est saisie par l'appel interjeté le 25/09/2009 par M. [C].

Demandes et moyens des parties

M. [C], appelant, demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de condamner la société Valloire Management à lui payer les sommes qu'il avait réclamées en première instance outre celle de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société Valloire Management aux dépens.

M. [C] expose par conclusions régulièrement communiquées, déposées et développées oralement à l'audience que :

1) alors que M. [C] bénéficiait d'une grande autonomie dans l'organisation de son travail le nouvel employeur (M. [J]) va lui imposer des conditions de travail le contraignant à remettre sous 72 heures puis de manière hebdomadaire un rapport d'activité écrit, son agenda de la semaine suivantes et le suivi et le bilan des gros dossiers en cours avec rapport écrit des relances effectuées tout en lui imposant des jours de présence obligatoire à l'entreprise, ce qu'il a respecté,

1-2) l'employeur va dénigrer son travail, l'écarter des réunions commerciales et exercer sur lui une pression morale importante avec envoi de lettre recommandée avec accusé de réception, convocation à un entretien préalable la veille de son départ en congés pour le jour de son retour avec 2 jours de mise à pied qu'il a contestés,

1-3) les envois se poursuivant il était placé en arrêt de travail du 15 au 26 septembre 2008 et constatait à son retour qu'il était écarté du service commercial et que toutes les décisions commerciales étaient prises sans le concerter,,

1-4) le 21 octobre la procédure de licenciement était lancée,

2) les griefs sont sans fondement étant rappelé qu'il prospectait sur la France entière et dans plusieurs pays européens et qu'il était le seul commercial de sorte que sa présence au siège ne pouvait être fixé de manière rigide et que lorsqu'il n'était pas en rendez-vous, il était présent dans l'entreprise, y compris après fin juillet,

2-2) les griefs sont redondants et c'est l'employeur qui a utilisé les lettres recommandées avec accusé de réception comme moyen de communication, pas lui,

3) les demandes sont à la hauteur des préjudices et de son ancienneté,

3-2) l'omission de l'une des adresses des lieux où consulter la liste des conseillers est une irrégularité de procédure,

4) s'agissant du calcul de ses commissions (elles baissent alors que le chiffre d'affaire augmente) par la société Valloire Management celle-ci refuse de lui communiquer les éléments servant à leur calcul et cette mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail fonde sa demande de dommages et intérêts de ce chef,

4-2) il justifie de ses frais et demande que le différentiel lui soit payé,

5) aucune preuve d'une déloyauté de sa part n'est apportée par l'employeur et en l'absence de clause de non concurrence aucun fait postérieur a son licenciement ne peut lui être reproché, aucun fait antérieur n'est démontré car il n'a jamais travaillé pour son propre compte pendant son contrat de travail, l'usage de son adresse personnelle (mail) alors que celle de la société ne fonctionnait pas correctement à la date du 29/09/2008 ; il n'avait aucun intérêt à tenter de débaucher M. [M] en février 2008 car il était supposé intégrer le capital de la société Valloire Management à cette époque,

5-5) si cela était vrai aucun préjudice n'est démontré et il s'agit en réalité d'une réplique à ses demandes.

La société Valloire Management, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [C], de le réformer e, ce qu'il a rejeté sa demande et de condamner M. [C] à lui payer la somme de 43 248 euros au titre de la violation de l'obligation de fidélité et celle de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

La société Valloire Management expose par conclusions régulièrement communiquées, déposées, et développées oralement à l'audience que :

1) le licenciement pour faute grave est fondé dès lors que M. [C] n'a pas respecté ses obligations contractuelles et que depuis le mois de juillet 2008 il a fait l'objet de sanctions disciplinaires,

2) il ne justifie pas du caractère professionnel des frais dont il demande le remboursement,

3) il n'a pas à demander les justificatifs de ses commissions puisqu'il avait une parfaite connaissance des règlements clients

4) il a voulu déstabiliser la société Valloire Management dès le 19 février 2008 et la société KBO a été envisagée avant son licenciement si elle a été immatriculée le 24/11/2008.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;

Sur les demandes au titre du licenciement pour faute grave :

Attendu que l'article L 1232-1 et -6 du Code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse et que l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement ; qu'en l'absence d'énonciation des motifs, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; que l'énoncé d'un motif imprécis équivaut à une absence de motif ;

Attendu que l'article L 1235-1 du Code du travail dispose qu'en cas de litige sur le licenciement, le juge, auquel il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ;

Attendu que la faute grave peut être définie comme résultant d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis  ;

Attendu que la faute grave reprochée à M. [C], aux termes de la lettre de licenciement du 4 novembre 2008, est motivée dans les termes suivants :

« Vous ne respectez pas les directives qui vous sont données :

- les rapports hebdomadaires d'activité sont incomplets ou inexistants. Vous nous en avez transmis seulement deux depuis leur mise en place le 22/07/08.

- votre agenda de rendez-vous des semaines à venir ne nous est pas fourni

- le suivi et la gestion des gros dossiers en cours ne sont pas réalisés, et aucun débriefing n'a été réalisé avec votre direction

- le suivi et les rapports de règlements des clients dont vous avez la charge ne sont pas effectués

Vous ne vous présentez plus à l'entreprise depuis fin juillet 2008, même sur demande expresse de l'employeur.

- vous n'êtes plus présent au bureau le lundi et le vendredi, comme demandé par mail le 25/08/08 et par courrier le 09/09/08. Alors que depuis ces deux dernières années, vous étiez à l'entreprise au minimum deux à trois jours par semaine.

- Vous avez été absent à des réunions importantes sans justification et pour lesquelles vous étiez convoqué. Notamment pour des réunions prototypes en date du 14/10/08, 15/10/08 et 28/10/08.

- Vous avez été absent à une réunion primordiale le 29/09/08 sur la tarification pour l'année 2009 sans aucune justification de votre part.

- De plus, le peu d'absences "justifiées" que vous avez pu avoir ces derniers mois nous ont été communiquées sans aucune information préalable et nous en avons été informé que beaucoup trop tardivement, ce qui a fortement déstabilisé l'organisation du service.

Des manquements graves ont été constatés dans la manière dont vous exécutez votre mission depuis plus de trois mois :

- vous ne traitez pas les différents courriers commerciaux reçus à l'entreprise.

- vous ne réalisez pas les offres commerciales nécessaires au fonctionnement de l'entreprise.

- vous n'effectuez plus la revue de contrat, élément capital dans l'analyse et la validation des commandes reçues avant enregistrement en GPAO. Revue de contrat que vous effectuiez régulièrement à l'entreprise avec l'assistante Ordonnancement/Lancement depuis plusieurs années.

- vous ne remontez plus aucune information commerciale à votre direction.

- vous n'effectuez pas le suivi des règlements de vos clients.

- vous avez abandonné la tutelle de la stagiaire que vous aviez sous votre responsabilité, un grand nombre de dossiers informatiques et papiers ont disparu.

Vous avez également commis divers manquements d'insubordination et de déloyauté envers l'entreprise :

- vous ne souhaitez communiquer avec votre direction que par écrit ; mais nous constatons que vous ne répondez pas à nos demandes écrites.

- nous vous avons demandé de ramener votre PC portable pour une maintenance, suite à une réclamation de votre part, mais vous avez refusé de le présenter au responsable informatique à l'entreprise.

- vous affirmez par écrit être venu à l'entreprise la semaine 40 et m'avoir remis des éléments en main propre, affirmation totalement mensongère. Par ailleurs, aucune personne du service administratif ne vous a vu dans l'entreprise depuis le début du mois de septembre.

- vous nous présentez également des notes de frais pour le mois d'octobre extravagantes.

Vous avez coupez tout dialogue avec votre direction :

- nous restons sans aucunes réponses aux différents courriers qui vous sont envoyés notamment les 09/09/08,18/09/08 et 09/10/2008.

- vous ne donner aucune suite ni réponse aux différents mails qui vous sont transmis
notamment les 25/08/08, 28/08/08, 03/09/08, 04/09/08, 15/09/08,16/09/08, 01/10/08.

Au cours de l'entretien préalable, vous n'avez apporté aucune explication ni justification sur votre comportement et sur votre situation. Par rapport à vos fonctions d'encadrement, votre niveau de responsabilité et de rémunération dans l'entreprise, ces faits sont d'une particulière gravité.

La perturbation qu'une telle situation cause à l'entreprise et le manque de professionnalisme que cette attitude révèle, ont totalement altéré la confiance que nous avions pu vous accorder. »

Attendu qu'il convient de rappeler les évènements qui ont précédé la procédure de licenciement ; qu'il doit être notamment tenu compte du fait d'une part que la société a changé de direction suite à son rachat, et d'autre part que M. [C] a participé aux pourparlers relatifs au rachat de la société mais qu'il n'a pu y donner suite, le transfert de son contrat de travail ayant alors été signé le 27 mars 2008 et la rupture des pourparlers d'association étant intervenue le 18 juillet 2008 ;

Attendu qu'aux termes du dernier avenant signé le 31 janvier 2003, M. [C] a été chargé des fonctions de responsable commercial, cadre, avec un secteur défini dans le 3ème avenant signé le 24 juillet 2001 comprenant la France métropolitaine et les clients européens en Allemagne, Italie et Belgique ; que sa rémunération est essentiellement basée sur des commissions ; que sa fiche de fonction ne lui impose aucune permanence dans l'entreprise, sa mission principale étant de faire vivre et augmenter le portefeuille clients de l'entreprise dans son secteur, France et export ;

Attendu qu'aucun élément défavorable à M. [C] concernant ses activités n'apparaît dans le cadre de son travail sous l'ancienne direction ;

Que M. [J] a fixé par un mail du 22 juillet 2008 les modalités de travail que devrait à l'avenir respecter M. [C] ;

Qu'il n'est justifié d'aucun reproche à l'encontre de M. [C] le cadre de son activité avec la nouvelle direction avant le 25 juillet date de la remise en main propre d'un courrier daté du 21 juillet :

Attendu qu'à compter du 25 juillet 2008 c'est la société Valloire Management qui va systématiquement adressé des lettre recommandée avec demande d'accusé de réception à son salariés (mention sur le courrier remis an main propre le 25/07 mais daté du 21/07, courrier du 31/07, du 5/09, du 9/09 du 18/09, du 29/09 du 9/10) de sorte qu'elle n'est pas fondée à reprocher à son salarié d'avoir systématiquement communiqué par écrit avec son employeur ; que ce grief révèle plutôt la mauvaise foi de l'employeur ;

Que le 25 juillet 2008, M. [J] a remis en main propre à M. [C] un courrier daté du 21 juillet 2008 indiquant qu'il aurait été informé que le 18 juillet, M. [C] aurait annoncé à plusieurs personnes de l'entreprise qu'un licenciement a été prononcé à son encontre ce qui avait perturbé ses collègues de travail et lui reprochant d'avoir le même jour quitté l'entreprise sans motif et sans le prévenir ; que M. [J] lui demandait de l'informer sur les raisons de ce départ anticipé et de ne plus faire courir de rumeur de ce genre ;

Que le 31 juillet 2008 M. [C] a été convoqué à un entretien préalable disciplinaire prévu le 27 août 2008 pour défaut de réponses satisfaisantes aux demandes du courrier daté du 21 juillet et pour d'autres faits survenus le même 18 juillet non justifiés ce qui conduira à une mise à pied disciplinaire de deux jours notifiée le 5 septembre 2008 ;

Attendu qu'il résulte des pièces produites que contrairement à ce que soutient l'employeur, M. [C] a bien établi dès le lendemain de la notification du 22 juillet les brefs rapports d'activité avec les informations sollicitées par l'employeur et ses agendas de la semaine suivante ; que le courrier adressé le 9 septembre 2008 à M. [C] en recommandé par l'employeur lui reprochant l'insuffisance du contenu de ses rapports est d'une parfaite mauvaise foi, au regard des rapports produits et des instructions du 22 juillet ;

Attendu que M. [C] a été absent pour congés payés du 4 au 24 août 2008 ;

Attendu qu'il n'est apporté aucune précision sur le non suivi de tâches dont la liste figure dans le courrier du 9 septembre dont le caractère général ne permet aucune vérification de la réalité des manquements invoqués ;

Attendu qu'eu égard aux fonctions et à l'autonomie nécessaire qui s'attache aux fonctions commerciales de M. [C], les directives de son employeur à compter du 22 juillet 2008 et l'exigence de sa présence deux jours au moins par semaine dans l'entreprise avaient objectivement pour effet de modifier ses fonctions et de le priver de l'autonomie qu'elles requéraient ;

Attendu que le pouvoir de direction de l'employeur ne peut avoir pour effet de modifier les fonctions d'un cadre nécessairement titulaire d'une autonomie nécessaire en supprimant de fait cette autonomie ;

Attendu qu'aucun reproche n'est adressé à M. [C] concernant le reporting de ses interventions ou de ses prospections, ce qui serait fautif, mais uniquement concernant l'insuffisance du contenu des rapports écrits ou de la transmission de son agenda étant observé que la société avait accès directement à son agenda Outlook jusqu'au 1er octobre date du dysfonctionnement ayant affecté son ordinateur ;

Attendu que M. [J] reproche à M. [C] de ne pas avoir assisté à une réunion fixée le 29 septembre 2008, jour de son retour d'arrêt de travail pour maladie, sans justifier de l'en avoir au préalable informé et alors qu'il est justifié que ce jour là M. [C] avait un rendez-vous à l'extérieur qu'il a honoré (pièce 48) ;

Attendu que M. [C] démontre d'une part que dès début octobre il est évincé par l'employeur du service commercialpar la production de la note d'information de la société Valloire Management aux clients en date du 8 octobre 2008 alors qu'il travaille normalement suite à la fin de son arrêt de travail pour maladie et n'est donc pas « temporairement absent » et d'autre part, qu'il continue à prospecter les clients de la société Valloire Management ce dont il justifie par la production de certains mails et des attestations des clients Locaconte (14/10), Hyster Distribution (15/10), [R] (28/10) ; qu'il s'agit bien d'une exécution déloyale du contrat de travail de la part de l'employeur ;

Attendu que la société Valloire Management reproche à M. [C] de ne plus avoir travaillé partir du 18 juillet 2008 ; qu'elle indique en préambule de ses explications que la cessation de travail de M. [C] correspond au jour où il a été informé, à savoir le 18 juillet 2008, qu'il ne deviendrait pas associé de la société en raison de son refus d'apporter la somme de 112 000 euros en capital ;

Que cependant, elle s'est refusée à communiquer l'intégralité des réglements et les factures correspondantes résultant de l'activivté de M. [C] pour les mois de septembre et octobre alors d'une part que M. [C] qui est payé à la commission est en droit d'en avoir communication et alors d'autre part que ces factures sont les témoins de l'activité réelle de M. [C], plus que ses heures de présence dans l'entreprise, pendant cette période  ;

Qu'il en résulte un doute sérieux quant au caractère réel des reproches qui lui est adressés à ce sujet et sur la bonne foi de l'employeur pendant cette période de travail ;

Attendu s'agissant de la disparition de données de l'ordinateur de M. [C] qu'il n'a pas été formulé de réserves lors de la restitution de son matériel le 7 novembre 2008 alors que la société Valloire Management était informée des difficultés ayant affecté cet ordinateur début octobre ; qu'aucune précision n'est fournie sur les disparitions de dossiers telle que mentionnée dans la lettre de licenciement ; qu'il n'est pas contestable qu'un problème a affecté la messagerie du poste informatique de M. [C] le 1er octobre 2008 ; que les attestations postérieures de 5 mois au licenciement ne peuvent fonder les griefs retenus au titre des dossiers disparus pour ce licenciement ; que M. [N] a remplacé le salarié et qui atteste est arrivé dans l'entreprise 3 mois après le licenciement de M. [C];

Attendu que contrairement à ce que soutient la société Valloire Management, M. [C] s'est bien occupé des rappels de règlement qui lui incombaient (mail du 8/10) de même qu'il justifie avoir répondu le 22/10 sans délai aux demandes de M. [J] sur trois dossiers ;

Attendu qu'au terme de l'examen des pièces produites, il apparaît qu'à compter du 21 juillet 2008, M. [J] a mis en place un système de management dont l'objectif était manifestement de conduire M. [C] à la faute, lui imposant notamment des modalités de travail non conformes à ses fonctions, à sa qualité de cadre et à son ancienneté ;

Que les griefs invoqués par la société Valloire Management sont invérifiables et non étayées en dehors peut-être des reproches ayant conduit à la sanction disciplinaire puisque 4 salariés dont il faut rappeler qu'ils sont sous lien de subordination et qu'ils attestent à la demande de leur nouvel employeur soutiennent qu'effectivement M. [C] a parlé de son licenciement, ce que celui-ci conteste cependant ; que par contre, aucun élément contractuel n'établit que M. [C] ait été soumis à un horaire collectif ni qu'il devait justifier de ses heures de présence dans l'entreprise ;

Que certaines affirmations de la société Valloire Management et notamment la présence de M. [C] les lundis et vendredis dans l'entreprise les années précédentes ne sont fondées sur aucune preuve ; que d'autres sont fausses, M. [C] ayant ainsi justifié de son absence à la réunion du 29/09 par sa présence prévue de longue date chez un client le même jour ;

Que le refus de M. [C] de répondre à des demandes dont le seul objet était manifestement de le conduire à la démission, ce qu'il a parfaitement analysé dans le courrier qu'il a adressé le 15 septembre doit donc s'apprécier dans ce cadre et ne peuvent, dans de telles conditions constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement ni à plus forte raison une faute grave ;

Attendu qu'il résulte de l'accumulation redondante des griefs et de la mise à l'écart de M. [C] alors qu'il était toujours en poste et exerçait ses fonctions ainsi que des changements de conditions de travail la preuve suffisante de l'intention de la société Valloire Management de mettre fin par tous les moyens à son contrat de travail ;

Attendu que la multiplication des griefs ne peut suffire à elle seule à fonder un licenciement pour faute grave s'agissant d'un salarié ayant une très grande ancienneté et ayant toujours donné satisfaction, ce dont ses promotions et son chiffre d'affaires attestent ;

Attendu qu'il y a donc lieu de réformer le jugement en toutes ses dispositions, de juger que ce licenciement est sans cause réelle et sérieuse et d'allouer à M. [C] outre les indemnités salariales liées à la rupture de son contrat de travail la somme de 98 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, somme qui inclura l'indemnisation du préjudice causé par l'exécution déloyale du contrat de travail et prend en compte le refus de la société Valloire Management de produire les éléments de calcul des commissions de M. [C] pour la période du 1er juillet au 4 novembre 2008, ce qui est fautif ;

Attendu que le solde des frais restant dus à M. [C] doit lui être versé ;

Attendu que l'irrégularité de procédure invoquée par M. [C] est certaine, l'article L 1232-4 dernier alinéa du code du travail s'agissant d'un texte d'ordre public sociale disposant que l'adresse des services dans lesquels la liste des conseillers du salarié est disponible doit être indiquée ; qu'il lui sera alloué la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Attendu sur la demande reconventionnelle de la société Valloire Management que si la société Valloire Management soutient en produisant quatre mails pièce 35 à 39 que M. [C] ne travaillait plus pour elle mais pour lui-même, aucun élément sérieux ne prouve le bien fondé de cette accusation s'agissant de dossiers en cours dans cette société et aucun élément ne démontrant un quelconque détournement de clientèle, les tarifs indiqués étant ceux de la société Valloire Management; que ces éléments antérieurs au licenciement n'ont d'ailleurs pas été invoqués à l'appui du licenciement de M. [C] ;

Attendu que dès lors que celle-ci a décidé de relever M. [C] de son obligation de non concurrence, la société Valloire Management ne peut contourner la levée de cette clause en réclamant au titre d'une obligation de fidélité une indemnisation qui relève de l'obligation de non concurrence ;

Que cette demande doit être rejetée ;

Attendu que la procédure menée par M. [C] n'a rien d'abusif ;

Attendu que le licenciement ne résultant pas d'une faute grave, il y a lieu en application de l'article R 1235-1 et -2 du Code du travail d'ordonner la transmission d'une copie certifiée conforme du présent arrêt à l'UNEDIC ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour après en avoir délibéré conformément à la loi, contradictoirement,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Valloire Management,

Et statuant à nouveau pour le surplus,

Dit que le licenciement de M. [C] est sans cause réelle et sérieuse et en conséquence condamne la société Valloire Management à lui payer les sommes suivantes

1) avec intérêts au taux légal à compter du16 décembre 2008

- 21 624 euros à titre d'indemnité de préavis et 2 162,40 euros au titre des congés payés,

- 44 689,60 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 631 euros au titre des frais,

2) avec intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt

- 98 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et exécution déloyale du contrat de travail,

Condamne la société Valloire Management à payer à M. [C] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel,

Déboute la société Valloire Management de sa demande faite en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Ordonne la transmission d'une copie certifiée conforme du présent arrêt à l'UNEDIC, [Adresse 4],

Condamne la société Valloire Management aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/03991
Date de la décision : 06/09/2010

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°09/03991 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-09-06;09.03991 ?
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