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22/03/2010 | FRANCE | N°09/00895

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 22 mars 2010, 09/00895


RG N° 09/00895



N° Minute :















































































































Notifié le :



Grosse délivrée le













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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU LUNDI 22 MARS 2010







Appel d'une décision (N° RG 08/00234)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de VIENNE

en date du 12 janvier 2009

suivant déclaration d'appel du 23 Février 2009



APPELANT :



Monsieur [G] [K]

[Adresse 6]

[Localité 2]



Comparant et assisté par Me Léon PAILLARET (avocat au barreau de VIENNE) substitué par Me MOLE-RINGRESSI (avocat au ba...

RG N° 09/00895

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU LUNDI 22 MARS 2010

Appel d'une décision (N° RG 08/00234)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de VIENNE

en date du 12 janvier 2009

suivant déclaration d'appel du 23 Février 2009

APPELANT :

Monsieur [G] [K]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Comparant et assisté par Me Léon PAILLARET (avocat au barreau de VIENNE) substitué par Me MOLE-RINGRESSI (avocat au barreau de VIENNE)

INTIMEES :

Madame [I] [M]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Comparante et assistée par Me Cécile RITOUET (avocat au barreau de LYON) substituée par Me BOTTIN (avocat au barreau de LYON)

Le SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSIONS DE L'ARCHITECTURE ET DE L'URBANISME CFDT (SYNATPAU) prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Cécile RITOUET (avocat au barreau de LYON) substituée par Me BOTTIN (avocat au barreau de LYON)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

DEBATS :

A l'audience publique du 01 Février 2010,

Madame Dominique JACOB, Conseiller, chargée du rapport, en présence de Monsieur Eric SEGUY, Conseiller, assistés de Madame Simone VERDAN, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 22 Mars 2010, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 22 Mars 2010.

RG 09 895 DJ

EXPOSE DU LITIGE

[I] [M] a été embauchée le 12 janvier 1987 au sein du cabinet d'architecture de [G] [K]. En dernier lieu elle occupait un poste de dessinateur-projeteur-compositeur, niveau III, position 2, coefficient 420 de la convention collective des entreprises d'architecture.

Elle travaillait à temps partiel (28,72 heures par semaine) et percevait une rémunération mensuelle moyenne de 2.512,62 euros.

Par ailleurs elle était membre de la Commission Paritaire Régionale Rhône-Alpes, instituée par la convention collective nationale de la profession, dont elle a assuré la présidence à compter de 2007.

Le 20 novembre 2007, elle a été mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable pour le 29 novembre, puis licenciée pour faute grave par lettre du 13 décembre 2007, l'Inspecteur du Travail ayant confirmé à l'employeur que la salariée ne pouvait pas bénéficier des mesures de protection dévolues aux représentants d'organisations syndicales.

L'employeur a reproché à [I] [M] d'avoir travaillé, en association avec un collègue, à titre personnel, sur des projets pour des maîtres d'ouvrage inconnus du cabinet, pendant ses horaires de travail et avec du matériel du cabinet.

Le 28 avril 2008, [I] [M] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Vienne qui, par jugement du 12 janvier 2009, a dit que le statut protecteur des représentants du personnel ne lui était pas applicable, que le licenciement était dénué de toute cause réelle et sérieuse, et a condamné [G] [K] à verser à [I] [M] :

- 1.955,81 euros de rappel de salaire pendant la mise à pied,

- 195,58 euros de congés payés afférents,

- 7.537,86 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

- 753,79 euros de congés payés afférents,

- 10.576,07 euros d'indemnité de licenciement,

- 10.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil a ordonné la remise à [I] [M], sous astreinte, dont il s'est réservé la liquidation, des bulletins de salaire, certificat de travail et attestation Assedic rectifiés.

Il a débouté [I] [M] du surplus de ses demandes ainsi que le Syndicat National des Professions de l'Architecture et de l'Urbanisme CFDT (SYNATPAU), et a rejeté la demande reconventionnelle de [G] [K] au titre des frais irrépétibles.

[G] [K], à qui le jugement a été notifié le 28 janvier 2009, a interjeté appel le 23 février 2009.

Il sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que [I] [M] n'était pas une salariée protégée, et son infirmation pour le surplus. Il demande à la cour de dire que le licenciement repose bien sur une faute grave, de débouter [I] [M] et le syndicat SYNATPAU de leurs demandes et de condamner ceux-ci à lui payer 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il rappelle que le mandat que détenait [I] [M] était de nature conventionnelle et non légale, et ne lui ouvrait donc pas droit à la protection prévue par les articles L 2411-1 et 2 du code du travail.

Il précise que l'autre salarié impliqué dans les faits litigieux a également fait l'objet d'un licenciement pour faute grave et d'un contentieux prud'homal pendant devant la cour d'appel.

[G] [K] soutient qu'au vu du procès-verbal de constat dressé le 20 novembre 2007, le licenciement pour faute grave est parfaitement fondé en ce que :

- la preuve est rapportée que [I] [M] utilisait du matériel du cabinet, pendant ses heures de travail, à des fins personnelles alors qu'elle n'y avait pas été autorisée,

- il a été décompté deux projets représentant 4,57 MO, soit une centaine d'heures de travail (dossiers '[P]' et '[X]' de demande de permis de construire respectivement pour les époux [P] [U] et [X] [U]) outre les dossiers personnels représentant 12,7 Mo soit au moins 300 heures de travail,

- le préjudice subi est indéniable, tant en terme financier de manque à gagner que du fait de la concurrence déloyale ([I] [M] a en outre reconnu avoir orienté des clients potentiels vers d'autres confrères) et de la violation des règles du droit de la construction (elle a eu l'audace de 'trafiquer' des projets pour ramener leur surface en-deçà de 170 m² alors même qu'en sa position de cadre l'employeur elle avait toute sa confiance ).

[I] [M], intimée, demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'elle ne bénéficiait pas du statut de salariée protégée et a rejeté la demande de nullité du licenciement, de prononcer la nullité du licenciement et de condamner [G] [K] à lui payer, outre les indemnités de rupture alloués par le Conseil de Prud'hommes :

- 30.151,68 euros à titre d'indemnité pour méconnaissance du statut protecteur,

- 60.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement elle demande la confirmation du jugement sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'elle entend voir porter à 60.500 euros.

Elle expose que :

- elle était investie par la CFDT d'un mandat syndical de représentation pour siéger à la Commission Paritaire Régionale,

- elle était en outre investie par la Commission d'un mandat électif de deux ans lui confiant la présidence de la commission,

- que, du fait de ces mandats, elle bénéficiait de la protection prévue par l'article L 132-30 (devenu L 2234-3) du code du travail et par l'article II-8 alinéa 2 de la convention collective, nonobstant la décision contraire de l'Inspecteur du Travail qui ne s'impose pas au juge judiciaire,

- le licenciement prononcé en méconnaissance du statut protecteur prévu à l'article L 412-18 (devenu L 2411-3) du code du travail est entaché de nullité.

Subsidiairement, elle soutient que :

- le délai prévu par la convention collective de dix jours maximum entre l'entretien préalable et la notification du licenciement n'a pas été respecté (14 jours se sont écoulés),

- les griefs visés dans la lettre de licenciement ne sont pas fondés :

les travaux que l'employeur lui reproche d'avoir effectué étaient autorisés dans l'entreprise, dans la mesure où il s'agissait de projets personnels ou non lucratifs, ce qui est le cas,

il n'est pas démontré qu'ils ont été réalisés pendant le temps de travail et leur volume est surévalué,

ils n'ont jamais nui au cabinet,

il n'y a pas eu de détournement de clientèle (le projet en cause dans les deux dossiers n'imposait pas le recours à un architecte - les destinataires n'étaient pas clients du cabinet - sa prestation a été accomplie à titre amical et gracieux),

il n'est pas établi qu'elle ait détourné les règles du droit de la construction, les époux [U] étant libres de décider la taille de leur construction.

Elle fait valoir l'importance du préjudice subi du fait tant de la mise en cause de sa probité que de la perte de son emploi à l'âge de 54 ans, après 20 ans d'ancienneté. Elle précise qu'après une période de chômage, elle a retrouvé d'abord un emploi précaire de 5 mois, puis un emploi à temps partiel moins bien rémunéré, en Haute Savoie, [G] [K] ayant mis en cause ses qualités professionnelles auprès d'autres architectes.

Le Syndicat National des Professions de l'Architecture et de l'Urbanisme (SYNATPAU) sollicite également l'infirmation du jugement et la condamnation de [G] [K] à lui verser 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, outre 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues oralement et sans modification à l'audience.

Sur le statut de salarié protégé :

Les représentants du personnel bénéficient d'une protection de leur emploi qui impose à l'employeur, notamment, de respecter une procédure spéciale pour rompre le contrat de travail.

L'article L 2411-1 du code du travail énumère les différents mandats ouvrant droit à cette protection, et l'article L 2411- 2 prévoit qu'en bénéficient également le délégué syndical, le délégué du personnel, le membre du comité d'entreprise, le représentant du personnel au CHSCT, institués par convention ou accord collectif de travail.

Par ailleurs, l'article L 2234-3 du code du travail prévoit que les accords qui instituent des commissions paritaires professionnelles déterminent les modalités de protection contre le licenciement des salariés membres de ces commissions et les conditions dans lesquelles ils bénéficient de la protection prévue pour les salariés protégés.

La convention collective des entreprises d'architecture (article XV -3) a institué des Commissions Paritaires Régionales dont les missions sont les suivantes :

suivi de l'application de convention collective nationale

analyse de l'emploi et de la formation

négociation de la valeur du point

conciliation de différends

avis sur le licenciement de salarié protégé.

Ces Commissions sont composées de membres mandatés par les organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives au plan national. Chaque représentant employeur ou salarié doit pouvoir justifier de la validité de son mandat lors des réunions. La Commission élit en son sein une Présidence, composée d'un Président et d'un Vice-Président dont la durée du mandat est fixée à deux ans (article XV-3-2).

L'article II-8 de la convention collective, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : 'Les délégués syndicaux et représentants du personnel bénéficient de la protection accordée par les dispositions du code du travail. Le licenciement d'un salarié, investi de mandats syndicaux ou électifs, est soumis à l'autorisation de l'inspection du travail et après avis de la commission paritaire régionale'.

En l'occurrence il n'est pas contesté que [I] [M] a été investie par le syndicat CFDT, à compter du 16 janvier 2004, puis régulièrement au cours des années suivantes, d'un mandat pour siéger aux réunions de la Commission Paritaire Régionale Rhône-Alpes.

Les pièces versées aux débats montrent qu'elle a ainsi été mandatée pour siéger aux réunions de la Commission qui se sont tenues les 20 janvier 2004, 9 mars 2004, 29 novembre 2005, 24 octobre 2006 et 8 novembre 2007, et que lors de cette dernière réunion elle assurait la présidence de la Commission.

Il ressort des fonctions exercées par [I] [M], tant en sa qualité de membre que de présidente de la Commission, qu'elle bénéficiait du statut protecteur prévu par le code du travail et ne pouvait être licenciée qu'avec l'autorisation de l'Inspecteur du Travail, après avis de la Commission Paritaire Régionale.

L'employeur justifie avoir consulté l'Inspection du Travail le 28 novembre 2007 et avoir reçu une réponse du contrôleur du travail le 6 décembre 2007 en ces termes : 'il ne semble pas que la salariée (...) puisse bénéficier de la protection prévue par la loi (...) sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux'.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 6 décembre 2007, [G] [K] a néanmoins sollicité de l'Inspecteur du Travail l'autorisation de licencier [I] [M].

Par courrier du 10 décembre 2007, l'Inspecteur du Travail a accusé réception de la demande et a indiqué : 'Je vous confirme notre correspondance du 6 décembre 2007 vous précisant que la décision d'autoriser le licenciement de [I] [M] ne relevait pas de notre compétence'.

Force est de constater que cette réponse, qui n'a pas donné lieu à notification aux parties ouvrant droit à un éventuel recours, ne peut être considérée comme une décision valant autorisation de licencier.

Le licenciement prononcé au vu de ce simple avis est donc irrégulier.

Les sommes allouées par le Conseil de Prud'hommes au titre du rappel de salaire pendant la mise à pied, du préavis et de l'indemnité de licenciement doivent être confirmées.

Les dommages et intérêts pour licenciement irrégulier seront fixés, au regard du montant de la rémunération de [I] [M], de son ancienneté de 20 années et des difficultés rencontrées pour retrouver un travail, à la somme de 37.000 euros.

Dès lors que la salariée ne demande pas sa réintégration, elle a droit, au titre de la méconnaissance par l'employeur du statut protecteur, au paiement de ses salaires jusqu'à la fin de la période de protection, soit conformément à sa demande une indemnité de douze mois de salaire (30.151,68 euros).

Sur les frais de défense :

L'équité commande d'allouer à [I] [M] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la demande du syndicat :

Le Syndicat National des Professions de l'Architecture et de l'Urbanisme est fondé à obtenir réparation du préjudice subi par la profession du fait de la méconnaissance du statut protecteur dont bénéficiait la salariée. Il lui sera alloué la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts outre 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit le statut protecteur des représentants du personnel inapplicable,

et statuant à nouveau,

- Dit que [I] [M] bénéficiait du statut protecteur des représentants du personnel,

- Dit que son licenciement intervenu sans autorisation de l'Inspecteur du Travail est irrégulier,

- Confirme les sommes allouées à [I] [M] au titre du rappel de salaire pendant la mise à pied, du préavis et de l'indemnité de licenciement,

y ajoutant,

- Condamne [G] [K] à payer à [I] [M] les sommes de :

37.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

30.151,68 euros au titre de la méconnaissance du statut protecteur,

- Condamne [G] [K] à payer à [I] [M] la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne [G] [K] à payer au Syndicat National des Professions de l'Architecture et de l'Urbanisme les sommes de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts et 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne [G] [K] aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur SEGUY, conseiller, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/00895
Date de la décision : 22/03/2010

Références :

Cour d'appel de Grenoble, arrêt n°09/00895


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-22;09.00895 ?
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