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09/03/2010 | FRANCE | N°09/03378

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 09 mars 2010, 09/03378


RG N° 09/03378



N° Minute :















































































































Notifié le :



Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'AP

PEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU MARDI 09 MARS 2010





Appel d'une décision (N° RG 20080851)

rendue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de GRENOBLE

en date du 16 juin 2009

suivant déclaration d'appel du 16 Juillet 2009



APPELANTE :



LA S.A.S. BECTON DICKINSON FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]


...

RG N° 09/03378

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MARDI 09 MARS 2010

Appel d'une décision (N° RG 20080851)

rendue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de GRENOBLE

en date du 16 juin 2009

suivant déclaration d'appel du 16 Juillet 2009

APPELANTE :

LA S.A.S. BECTON DICKINSON FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par la SCP FROMONT, BRIENS & ASSOCIES substituée par Me CHAVRIER (avocats au barreau de LYON)

INTIMES :

Monsieur [Y] [D]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Comparant en personne, assisté de Me Carole TONEGUZZI (avocat au barreau de GRENOBLE)

LA CPAM DE L'ISERE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Mme [U], munie d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Madame Hélène COMBES, faisant fonction de Président,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,

DEBATS :

A l'audience publique du 09 Février 2010, Mme COMBES, chargé(e) du rapport, en présence de Mme JACOB, assisté(e) de Mme Corinne FANTIN, Adjoint faisant fonction de Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoirie(s), conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 09 Mars 2010, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 09 Mars 2010.

EXPOSE DU LITIGE

[Y] [D] a été salarié de la société Becton Dickinson de 1965 au 1er octobre 2007, date à laquelle il a pris sa retraite.

Il travaillait sur le site de [Localité 6] qui abrite une unité de production de seringues en verre pré-remplissables.

Au cours de sa carrière, il a occupé des fonctions d'apprenti ajusteur, de mécanicien, agent professionnel de maintenance puis technicien de maintenance, fonctions qui l'ont conduit à participer à l'entretien des fours de l'étirage (étirage du fil d'inox) et de l'atelier de formage (transformation du verre).

Le 10 novembre 2007, il a fait une déclaration de maladie professionnelle pour des plaques pleurales (tableau 30), affection prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] au titre de la législation professionnelle au mois d'avril 2008.

Le 27 mai 2007, il a reçu notification d'une IPP de 5 % avec versement d'un capital de 1.776,69 euros.

[Y] [D] a sollicité la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et après établissement d'un procès-verbal de carence, il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble le 31 octobre 2008.

Par jugement du 16 juin 2009, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble a dit que la maladie professionnelle de [Y] [D] est due à la faute inexcusable de son employeur, a fixé à son maximum la majoration du capital et a ordonné une expertise médicale.

La société Becton Dickinson qui a relevé appel le 16 juillet 2009, demande à la Cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Elle précise à titre liminaire, qu'elle n'a jamais eu comme activité la fabrication de produits à base d'amiante.

Elle fait valoir que [Y] [D] est défaillant dans l'administration de la preuve des éléments constitutifs de la faute inexcusable.

Sur l'exposition au risque, elle soutient que les attestations qu'il produit sont insuffisantes à établir une exposition habituelle et exclusive à l'amiante.

Sur la conscience du danger, elle observe qu'en matière d'amiante, celle-ci ne s'entend pas d'une conscience du caractère dangereux de l'amiante en général mais de la conscience par l'entreprise au moment de l'exposition considérée, que cette exposition peut conduire le salarié à contracter une maladie professionnelle.

Elle relève que les rapports scientifiques établis au début du siècle ne peuvent fonder une présomption de connaissance des risques.

Elle souligne l'évolution très progressive de la réglementation, ce qui a conduit la Cour de cassation à considérer que certains employeurs avaient pu ne pas avoir conscience du danger, notamment ceux qui n'utilisaient pas l'amiante comme matière première.

Sur la prétendue absence de mesures de protection, elle précise que les seuls éléments susceptibles de contenir de l'amiante étaient les inserts, les pare-chaleur, les joints d'étanchéité et avant 1981 dans le dôme d'un four de l'atelier étirage mais qu'il n'y avait aucune manipulation directe de l'amiante ; qu'avant 1988, ces matériaux ont été remplacés.

Elle fait valoir que la maintenance des fours était assurée une fois par an et que seul un four sur trois comportait des éléments susceptibles de contenir de l'amiante ;

que lors du remplacement des inserts, un simple limage ou meulage pouvait s'avérer nécessaire avec une meule ayant son propre système d'aspiration ;

que pour l'entretien des pare-chaleur, [Y] [D] ne faisait que percer des trous de 6 mm de diamètre.

Elle conteste toute exposition quotidienne et / ou continue et invoque les mesures atmosphériques faites au sein de l'entreprise qui ont mis en évidence le respect des normes réglementaires.

[Y] [D] conclut à la confirmation du jugement et sollicite une provision de 3.000 euros ainsi que 1.980 euros au titre des frais irrépétibles.

Après avoir rappelé son cursus au sein de la société, il réplique que tous les postes qu'il a occupés l'ont mis en contact de façon habituelle avec des produits à base d'amiante : fours réfractaires et lignes de formage.

Il indique qu'il utilisait de façon régulière pour son travail une lime, de la toile abrasive, une meule et que le nettoyage s'effectuait à la soufflette.

Il soutient que la société Becton Dickinson ne pouvait ignorer ni son exposition à l'amiante, ni le risque d'exposition dans les inserts jusqu'en mai 1996.

Il fait valoir que ce problème a été maintes fois évoqué mais que la société Becton Dickinson n'a pas pris de réelles mesures de protection avant 1995.

Il précise que quatre de ses collègues de travail sont atteints de maladies professionnelles dues à l'amiante.

Il soutient que la preuve de la conscience du danger par la société Becton Dickinson est rapportée et précise que la question de l'amiante se pose sur le site de [Localité 6] depuis les années 1980.

Sur l'absence des mesures de protection, il expose que les premières mesures n'ont été effectives qu'à compter de 1995.

Il indique qu'il avait pour seule protection des blouses, des gants et des lunettes, qu'aucune formation spécifique ne lui a été donnée et que le remplacement du matériel s'est fait très tardivement et plus lentement que prévu à l'origine soit jusqu'en 1996.

Il fait valoir que le processus de remplacement lui-même témoigne de la conscience du danger.

Il ajoute que le procédé de ventilation favorisait les envolées de poussières et que les analyses faites par la société Becton Dickinson datent de 1982 alors qu'il travaille depuis 1965.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère s'en rapporte sur la faute inexcusable.

DISCUSSION

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;

Attendu que le jugement décrit très précisément les conditions de travail de [Y] [D] tout au long des 42 années qu'il a passées au sein de la société Becton Dickinson, qui n'apporte aucun élément concret contredisant ses constatations ;

Attendu qu'il n'a jamais été soutenu que la société Becton Dickinson qui fabrique des seringues en verre, participe au processus de fabrication ou de transformation de l'amiante ;

Attendu que pour autant, elle reconnaît que son salarié [Y] [D], était dans le cadre de son travail de maintenance, en contact avec de l'amiante :

- lors des opérations d'entretien des fours

- lors du remplacement des inserts, petites pièces qu'il devait limer, meuler afin de les ajuster

- lors de l'entretien des pare-chaleur qui supposait le perçage de trous dans le matériau ;

que la société Becton Dickinson qui conteste une exposition régulière du salarié, n'apporte aucun élément contredisant le fait que [Y] [D] usinait des pièces en amiante, ainsi qu'il résulte des attestations qu'il produit et remplaçait les inserts plusieurs fois par mois ;

que lors de ces opérations (perçage de l'écran d'amiante ou limage des inserts) des poussières d'amiante s'échappaient ;

Attendu que c'est à bon droit que les premiers juges ont reconnu que [Y] [D] a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante dans l'exercice de son activité professionnelle ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que le nettoyage du poste de travail et de la zone dédiée à l'entretien se faisait à la soufflette et que le salarié n'a jamais été équipé d'un masque ;

Attendu que le risque lié à l'amiante et à l'inhalation des poussières était connu bien avant 1977, ce risque ayant été mis en évidence par de nombreuses études menées entre 1935 et 1960 ;

que le décret du 17 août 1977 décrit les mesures à observer ou à mettre en oeuvre par les établissements dont le personnel est exposé à l'inhalation de poussières d'amiante à l'état libre dans l'atmosphère ;

Attendu que les premiers juges ont exactement retenu qu'en tant qu'industriel, la société Becton Dickinson connaissait les risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante et devait informer ses salariés des risques encourus et des précautions à prendre ;

Attendu qu'il résulte des pièces produites que la société Becton Dickinson qui a attendu 1995 pour prendre de réelles mesures de protection a manifestement sous évalué le risque inhérent à l'inhalation de poussières d'amiante ;

Attendu que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que l'employeur qui aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié, a méconnu son obligation de sécurité de résultat et a ce faisant commis une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale ;

que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la maladie dont est affecté [Y] [D] est due à la faute inexcusable de la société Becton Dickinson ;

Attendu qu'il convient d'allouer à [Y] [D] une provision de 3.000 euros à valoir sur son préjudice ainsi que 1.800 euros au titre des frais irrépétibles.

Attendu que la société Becton Dickinson qui succombe en son appel, sera condamnée au paiement du droit prévu à l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, dans la limite du dixième du montant mensuel du plafond prévu à l'article L 241-3.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 juin 2009 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble.

- Y ajoutant, dit que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère devra verser à [Y] [D] la somme de 3.000 euros à valoir sur son préjudice et condamne la société Becton Dickinson à remboursement cette somme à la caisse.

- Condamne la société Becton Dickinson à payer à [Y] [D] la somme de 1.800 euros au titre des frais irrépétibles.

- Condamne la société Becton Dickinson au paiement du droit prévu à l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, à hauteur de 277 euros soit dans la limite du dixième du montant mensuel du plafond prévu à l'article L 241-3.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

Signé par Madame COMBES, président, et par Madame FANTIN, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/03378
Date de la décision : 09/03/2010

Références :

Cour d'appel de Grenoble, arrêt n°09/03378


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-09;09.03378 ?
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