RG N° 09/01432
N° Minute :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 10 FEVRIER 2010
Appel d'une décision (N° RG F08/00569)
rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE
en date du 13 mars 2009
suivant déclaration d'appel du 30 Mars 2009
APPELANT :
Monsieur [R] [O]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Comparant et assisté par Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE (avocat au barreau de GRENOBLE)
INTIMEE :
La S.A.S. EI MONTAGNE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
HC Services
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Sylvain JACQUES (avocat au barreau de GRASSE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de Président,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,
Madame Dominique JACOB, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 20 Janvier 2010,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 10 Février 2010.
L'arrêt a été rendu le 10 Février 2010.
Notifié le :
Grosse délivrée le :
RG N° 09/1432 HC
EXPOSE DU LITIGE
Le 15 juillet 1974, [R] [O] a été embauché par la société EI Montagne en qualité de technicien sur cordes. Il a été victime d'un accident du travail le 3 avril 2003 et déclaré consolidé le 1er mars 2007.
Dans deux avis des 1er et 15 mars 2006 le médecin du travail l'a déclaré : 'Inapte au poste de travail. Apte à un poste adapté n'utilisant pas le membre supérieur droit.'
Il a été licencié pour inaptitude le 11 août 2006.
Il a contesté son licenciement devant le conseil de Prud'hommes de Grenoble qui jugement du 13 mars 2009 a dit le licenciement abusif et condamné la société EI Montagne à lui payer la somme de 23.000 euros à titre de dommages-intérêts et 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
[R] [O] a relevé appel le 30 mars 2009, son appel étant limité au montant des dommages-intérêts au titre desquels il réclame 50.000 euros outre 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
Oralement le jour de l'audience, il a demandé à la Cour de condamner au paiement de ces sommes, la société EI Montagne qui était son employeur au moment du licenciement, ainsi que la société HC Provence Vallée du Rhône et la société HC Systec, qu'il a mises en cause par acte du 6 janvier 2010.
Il expose que ces deux sociétés viennent toutes deux aux droits de la société EI Montagne du fait de la fusion absorption intervenue le 4 mai 2006.
Pour caractériser l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, il fait successivement valoir que l'employeur ne lui a pas fait connaître par écrit les motifs s'opposant à son reclassement et qu'il n'a envisagé aucune solution de reclassement par mutation ou transformation de poste ou aménagement du temps de travail, sur la base des avis du médecin du travail.
Il invoque également l'absence de consultation des délégués du personnel, formalité substantielle et rappelle qu'il avait une ancienneté de 32 ans au moment de son licenciement.
La société EI Montagne conclut au rejet de toutes les demandes et réclame 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle réplique qu'elle n'a pas manqué à son obligation de reclassement mais que celui-ci était impossible dès lors que les postes dans le BTP s'accommodent mal d'une interdiction d'utiliser un membre.
Elle soutient qu'il n'y avait pas de poste administratif compatible avec la qualification du salarié et relève le caractère excessif de la demande.
Elle ajoute qu'il n'y avait pas de délégués du personnel au sein de l'entreprise mais que la société ne disposait pas du procès-verbal de carence qu'elle n'a pu obtenir auprès de l'inspection du travail.
La société HC Provence Vallée du Rhône et la société HC Systec concluent à l'irrecevabilité de l'intervention forcée en l'absence d'évolution du litige.
Elles sollicitent subsidiairement leur mise hors de cause au motif qu'elles n'ont jamais été l'employeur de [R] [O] et qu'elles sont étrangères au litige et réclament 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elles font valoir sur ce point que la vente du fonds de commerce n'emporte pas transmission universelle du patrimoine et soutiennent qu'elles n'ont pas repris les éventuels litiges ayant pu naître du temps de l'exploitation de la société EI Montagne.
Elles soutiennent enfin qu'aucune fusion absorption n'est jamais intervenue, seule opération de nature à entraîner la transmission universelle du patrimoine et relèvent qu'aucune pièce ne formalise la disparition de la société EI Montagne.
DISCUSSION
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
Attendu que l'inaptitude de [R] [O] étant la conséquence d'un accident du travail, les obligations de l'employeur à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail, sont définies par les articles L 1226-10 et suivants du code du travail ;
Attendu que l'article L 1226-10 du code du travail impose à l'employeur de recueillir l'avis des délégués du personnel avant d'engager la procédure de licenciement du salarié déclaré inapte ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que la société EI Montagne qui employait une centaine de salariés au moment du licenciement de [R] [O], n'a pas consulté les délégués du personnel ;
Attendu qu'il est de jurisprudence constante qu'il s'agit pourtant d'une formalité substantielle à laquelle l'employeur ne peut se soustraire au motif de l'absence de délégués du personnel, alors que leur mise en place est obligatoire et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi, ce qui est le cas en l'espèce ;
Attendu que l'inobservation de cette obligation est sanctionnée par l'indemnité prévue par l'article L 1226-15 du code du travail ;
Attendu que surabondamment, la société EI Montagne n'apporte aucun élément concret et vérifiable à l'appui de ses allégations, permettant d'établir qu'il lui était impossible de procéder au reclassement du salarié ;
Attendu que [R] [O] qui avait une ancienneté de 32 ans dans l'entreprise dont il doit être tenu compte dans l'évaluation de son préjudice, n'a pas retrouvé d'emploi ;
que le montant de l'indemnité sera porté à la somme de 35.000 euros ;
Attendu qu'il lui sera alloué la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
Attendu qu'en cause d'appel, [R] [O] a mis en cause la société HC Provence Vallée du Rhône et la société HC Systec au motif qu'elles viennent aux droits de la société EI Montagne à la suite d'une fusion absorption ;
Attendu que les actes sur lesquels il fonde sa demande sont des actes de cession complète et autonome d'activité datés du 6 avril 2007 et donc antérieurs à la saisine du conseil de Prud'hommes et à la clôture des débats ;
Attendu qu'aucune évolution du litige ne justifie la mise en cause devant la Cour de la société HC Provence Vallée du Rhône et de la société HC Systec en l'absence de révélation d'une circonstance de fait ou de droit postérieure au jugement ;
que l'appel de ces deux sociétés devant la Cour est irrecevable ;
Attendu qu'en toute hypothèse, contrairement à ce que soutient [R] [O], aucun acte de fusion absorption de la société EI Montagne par la société HC Provence Vallée du Rhône et la société HC Systec n'est versé aux débats ;
Attendu qu'aucune des pièces produites ne formalise la disparition de la société EI Montagne, qui si elle a cédé le 6 avril 2007 des branches autonomes et complètes d'activité à la société HC Rhône-Alpes (BTP) et la société HC Systec (fabrication et négoce de filets), ne leur a pas transmis l'universalité de son patrimoine.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme le jugement rendu le 13 mars 2009 par le conseil de Prud'hommes de Grenoble, sauf en ses dispositions relatives au montant des dommages-intérêts pour licenciement abusif.
- Le réformant de ce seul chef, condamne la société EI Montagne à payer à [R] [O] la somme de 35.000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
- Y ajoutant, déclare irrecevable l'appel en cause devant la Cour de la société HC Provence Vallée du Rhône et de la société HC Systec.
- Les déboute de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.
- Condamne la société EI Montagne aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur VIGNY, président, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.