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20/01/2010 | FRANCE | N°09/00565

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 20 janvier 2010, 09/00565


RG N° 09/00565



N° Minute :





















































































AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU MERCREDI 20 JANVIER 2010





Appel d'une décision (N° RG 07/01356)


rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE

en date du 15 janvier 2009

suivant déclaration d'appel du 21 Janvier 2009



APPELANT :



Monsieur [X] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me Jean IGLESIS (avocat au barreau de TOULOUSE) substitué par Me CLERC (avocat au barreau de TOULOUSE)



INTIMÉE :



La S.N.C. HIPPOPOTAMUS HIPPO GESTION prise en la person...

RG N° 09/00565

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU MERCREDI 20 JANVIER 2010

Appel d'une décision (N° RG 07/01356)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE

en date du 15 janvier 2009

suivant déclaration d'appel du 21 Janvier 2009

APPELANT :

Monsieur [X] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean IGLESIS (avocat au barreau de TOULOUSE) substitué par Me CLERC (avocat au barreau de TOULOUSE)

INTIMÉE :

La S.N.C. HIPPOPOTAMUS HIPPO GESTION prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 4]

Représentée par Monsieur [D] [J] (R.R.H.) et assisté par Me André JOULIN (avocat au barreau de PARIS) substitué par Me BOUNOUARA (avocat au barreau de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de Président,

Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,

Madame Astric RAULY, Conseiller,

DEBATS :

A l'audience publique du 03 Décembre 2009,

Monsieur Eric SEGUY, Conseiller, chargé du rapport, en présence de Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, assistés de Madame Simone VERDAN, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 20 Janvier 2010, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 20 Janvier 2010.

Notifié le :

Grosse délivrée le :

RG 09 565 ES

[X] [C] a été engagé à compter du 7 janvier 2003 en qualité de directeur d'établissement, statut cadre, niveau V échelon 3 de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants, par la société LE MAQUIS qui exploitait un établissement à [Localité 6] (Isère) à l'enseigne 'grill le Bodegon colonial '. Un logement de fonction était mis à sa disposition par cet employeur.

Son épouse [E] [C] a été engagée le 2 mars 2004 par le même employeur en qualité d'assistante commerciale.

Le 31 octobre 2007, ce fonds de commerce a été vendu à la SNC HIPPO GESTION (enseigne HIPPOPOTAMUS du groupe FLO) à laquelle les contrats de travail des époux [C] ont été transférés.

Suivant transaction signée entre la société HIPPO GESTION et [X] [C] le 31 octobre 2007, l'avantage logement a été retiré contre le versement d'une somme de 30.000 euros moyennant renonciation au préavis de 3 mois et départ immédiat de l'occupant. Les salariés ont quitté les lieux le 3 novembre 2007.

Le 31 octobre 2007, le restaurant de [Localité 6] a été fermé pour travaux. De nouveaux contrats de travail ainsi que des conventions de détachement auraient été proposées aux époux [C] dans des conditions qui font litige.

Les époux [C] ont saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble le 14 décembre 2007 de demandes de résiliation judiciaire de leurs contrats de travail en invoquant le non-paiement de leurs salaires du mois de novembre 2007.

Une procédure de licenciement a été engagée à leur encontre le 4 janvier 2008 et les époux [C] ont été licenciés les 6 et 7 février 2008 pour faute grave au motif de leur absence injustifiée depuis le 13 décembre 2007.

Par jugement du 15 janvier 2009, la formation prud'homale a débouté [X] [C] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de ses autres prétentions, a dit que son licenciement était fondé sur une faute grave et l'a condamné aux dépens.

[X] [C] a relevé appel le 21 janvier 2009.

Il demande à la cour, à titre principal, de prononcer la résiliation de son contrat de travail au 7 février 2008, à titre subsidiaire, de juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en tout état de cause, de condamner son ancien employeur au paiement des sommes de :

- indemnité conventionnelle de préavis de 3 mois : 10.846,53 € plus les congés payés afférents,

- salaire du 13 décembre 2007 au 7 février 2008 : 4.570,51 € plus les congés payés afférents,

- indemnité conventionnelle de licenciement : 1.807,75 €,

- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 86.772,24 € (soit 24 mois de salaires),

- indemnité pour frais irrépétibles : 3.000 €.

Il sollicite également la remise sous astreinte des documents de rupture rectifiés.

Il reproche à son employeur :

- un retard dans le paiement du salaire de novembre 2007 et de décembre 2007,

- une modification unilatérale de son contrat dans la mesure où la société HIPPOPOTAMUS aurait considéré comme acquise sa mutation imposée aux Pennes-Mirabeau et l'avait sanctionné pour ne s'y être pas présenté,

- une exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur en ce que [X] [C] avait reçu le 31 octobre 2007 ou le 2 novembre 2007 une proposition de contrat selon lui inacceptable dans la mesure où :

' elle équivalait à une rétrogradation puisque, dans la société LE MAQUIS, il était classé directeur niveau 5 avec des avantages en nature sous forme de repas et logement soit une rémunération mensuelle globale de 3.615€ alors que dans la société HIPPOPOTAMUS il devenait 'directeur maître d'hôtel' ce qui correspondait au statut d'agent de maîtrise niveau 4 échelon 1 et alors que son salaire de base réduit était complété par un pourcentage sur le chiffre d'affaires dans des proportions ignorées,

' son ancienneté n'était pas reprise,

' une clause de mutabilité était insérée alors que son ancien contrat n'en comportait pas,

' sa durée de travail était modifiée.

Il conteste que l'employeur lui ait présenté le 3 décembre 2007 un autre projet de contrat de travail prévoyant son détachement à compter du 11 décembre 2007 à l'HIPPOPOTAMUS de [Localité 9], document qui n'aurait été produit pour la première fois qu'en juillet 2008 et il conteste avoir été informé des conditions dans lesquelles il aurait dû suivre une formation.

Il conteste subsidiairement le caractère injustifié de son absence dès lors qu'il n'avait jamais reçu d'ordre de mission ou de convention de détachement, qu'il avait ignoré les conditions de la formation, proposée elle-même dans des circonstances qui ne respectaient pas son contrat de travail, qu'il avait ignoré pour quelle durée il était muté dans les Bouches du Rhône et qu'aucun préavis ne lui avait été accordé.

Il estime qu'en réalité l'employeur avait orchestré son licenciement et celui de son épouse en l'affectant à plusieurs centaines de kilomètres de celle-ci alors que l'entreprise aurait pu l'affecter dans des établissements plus proches.

La société HIPPO GESTION, intimée, demande la confirmation du jugement, s'oppose aux demandes de [X] [C] et sollicite sa condamnation au paiement d'une somme de 2.000 € pour ses frais irrépétibles.

Elle invoque un usage dans l'entreprise de payer les salaires entre le 7 du mois (pour les virements) et le 10 du mois (pour les paiements par chèque), usage qu'elle avait respecté au cas présent à quelques jours près dans le contexte de la reprise du contrat, dans la mesure où elle ne disposait pas encore du relevé d'identité bancaire de son salarié et où celui-ci avait tardé à retirer la lettre contenant le chèque. Elle fait observer que la situation avait été régularisée avant la saisine du conseil de prud'hommes. Elle en déduit que ce fait ne constituait pas un manquement grave.

Elle estime qu'aucune conséquence ne pouvait être tirée des propositions de contrats puisqu'elles étaient restées en pratique sans effet, qu'inscrire une clause de mutabilité ne constituait pas une modification du contrat de travail et que, dans la mesure où l'intéressé avait refusé de signer son contrat, la clause ne lui avait pas été imposée.

Elle prétend avoir proposé à [X] [C] un projet de contrat de travail de 'directeur maître d'hôtel' statut cadre, sans changements de coefficient, ni de fonctions, ni de responsabilités mais avec reprise de son ancienneté et maintien de la partie fixe de sa rémunération à son niveau antérieur de 3.047€, plus un intéressement sur le chiffre d'affaires.

Elle soutient que la qualité de maître d'hôtel était avantageuse pour le salarrié en ce qu'elle lui permettait de recevoir les pourboires, qu'elle n'avait pas à tenir compte de l'avantage logement qui avait été précédemment résilié d'un commun accord, ni d'un avantage repas puisque [X] [C] n'était pas physiquement présent durant les heures de repas.

Elle ajoute que les heures supplémentaires n'avaient pas été contractualisées et qu'elle était en droit de prévoir une durée mensuelle de travail de 169 h., ne voulant pas 'poursuivre une pratique illégale' du précédent employeur mais voulant au contraire la corriger, ce qui ne constituait pas un manquement grave.

La société HIPPO GESTION prétend que [X] [C] devait recevoir à l'établissement 'HIPPOPOTAMUS' de [Localité 9] une formation de directeur puis avait été attendu au restaurant d'[Localité 5] dont l'ouverture était prévue fin janvier ou début février 2008, avant la réouverture de l'établissement de [Localité 6] sous l'enseigne 'HIPPOPOTAMUS [Localité 6]' que son épouse [E] [C] était attendue au restaurant 'BISTRO ROMAIN' à [Localité 7] pour recevoir une formation pendant les travaux du restaurant 'TABLEAPIZZA' à [Localité 5] où elle aurait été affectée.

La société intimée fait valoir qu'elle avait proposé à [X] [C] le 3 décembre 2007 un autre projet de contrat ainsi qu'une convention détachement à compter du 11 décembre 2007 dans cet établissement situé aux [Localité 8] dans les Bouches du Rhône, pour qu'il suive une formation pendant les travaux du restaurant de [Localité 6].

Elle explique que les époux [C] avaient refusé de signer les conventions de détachement au sein du groupe qui leur avaient été présentées, lesquelles ne constituaient pas une mutation ni une modification de leurs contrats de travail, qu'elle avait clairement demandé à [X] [C] le 7 décembre 2007 de suivre une formation à l'établissement de [Localité 9] où il ne s'était pas présenté malgré mise en demeure alors que le fait de dispenser une formation ne constituait pas non plus une modification du contrat de travail, l'employeur étant libre du choix du lieu de cet enseignement.

Elle fait observer que [X] [C] aurait dû de toute façon se présenter sur le site de [Localité 6] qui avait ouvert le 23 janvier 2008.

Elle en déduit que son attitude s'analysait en un refus d'un ordre de mission et constituait une faute grave.

Subsidiairement, la société HIPPOPOTAMUS conteste qu'il y ait lieu d'intégrer l'avantage logement dans le salaire servant au calcul des indemnités de rupture.

Sur quoi :

Attendu que le salaire de [X] [C] pour le mois de novembre 2007, d'un montant net de 2.295,98 euros, lui a été payé par la société HIPPO GESTION au moyen d'un chèque bancaire tiré le 5 décembre 2007, adressé au salarié par pli recommandé expédié seulement le 13 décembre 2007, présenté le 17 décembre 2007 au destinataire qui a encaissé ce chèque le 3 janvier 2008 ;

Attendu que l'article L. 3242-1 du code du travail prévoit que le paiement de la rémunération est effectué une fois par mois ; qu'en l'espèce, dès lors que la cession du fonds de commerce était intervenue le 31 octobre 2007 et que le salaire de novembre était le premier qui avait été versé par le repreneur, tout démontre que le salaire du mois d'octobre 2007 avait été versé par l'ancien employeur au plus tard le 31 octobre 2007 ;

Qu'en pratique, [X] [C] est donc resté ensuite sans salaire pendant un mois et demi ;

Que l'encaissement de l'indemnité transactionnelle de 30.000 euros ne saurait se confondre avec le paiement d'un salaire puisque ce versement avait une toute autre cause, à savoir la contrepartie de la renonciation à un avantage logement qui plus est dans un délai de 3 jours au lieu du préavis de 3 mois ; que de plus cette somme n'a été réglée que le 17 novembre 2007 alors qu'il n'est pas contesté que l'occupant avait quitté les lieux à la date convenue du 3 novembre 2007 ;

Attendu que le salarié indique que la fraction du salaire du 1er au 13 décembre 2007 a été payé seulement par virement bancaire du 21 février 2008 ; que l'employeur ne produit aucun élément comptable de nature à contredire ce moyen et de nature à démontrer que ce salaire partiel avait été payé à une date antérieure ;

Attendu que la transaction intervenue le 31 octobre 2007 entre les parties indique que [X] [C] s'engageait à déménager au plus tard le 3 novembre 2007 des locaux mis à sa disposition par son ancien employeur et à signer 'dans les prochains' jours avec la société HIPPO GESTION un nouveau contrat de travail conformément à l'article L.122-12 du code du travail, au terme duquel il ne bénéficierait plus de ce logement de fonction, mais avec reprise de l'ancienneté acquise avec la société LE MAQUIS ;

Attendu que la société HIPPO GESTION indique que deux projets de contrats de travail, datés des 31 octobre 2007 et 1er décembre 2007, non revêtus de la signature du salarié, ont été présentés à celui-ci respectivement les 2 novembre 2007 et 3 décembre 2007, cette dernière date correspondant à une rencontre entre les époux [C] et deux représentants du service des ressources humaines, [D] [J] et [N] [A];

Que par attestation du 1er juillet 2008, dont la valeur n'est pas remise en cause par l'appelant bien que cette attestation manuscrite ne soit pas signée, [N] [A] épouse [Z] indique avoir rencontré les époux [C] en présence de M. [J] le 3 décembre '2008" (sic en fait 2007), avoir remis à M. [C] un contrat de travail en double exemplaire, une convention de détachement en trois exemplaires prévoyant sa formation sur le site de [Localité 9] ainsi qu'une fiche de poste pour la fonction de directeur d'exploitation ; qu'elle ajoute que [X] [C] avait refusé de signer ces documents au motif qu'il devait prendre conseil auprès de son avocat ;

Attendu qu'à la lecture des lettres adressées les 16 novembre 2007 et 6 décembre 2007 par son avocat à la SNC HIPPO GESTION, [X] [C] reconnaissait être en possession d'un projet de contrat de travail remis par son nouvel employeur et avait refusé de le signer en invoquant, d'une part, un changement de sa dénomination ou de sa qualification contractuelle à savoir celle de 'directeur-maître d'hôtel' au lieu de celle de directeur d'établissement, d'autre part, l'introduction d'une clause de mobilité et avait invoqué enfin une absence de garantie d'un salaire minimal de 3.047 euros ;

Que dans ses conclusions écrites déposées au soutien de ses observations orales, [X] [C] reconnaît qu'un contrat de travail de 'directeur - maître d'hôtel' lui avait été proposé le 31 octobre 2007 ; que la lettre de licenciement fait état de la remise à l'intéressé le 2 novembre 2007 par un directeur du groupe FLO d'un avenant pour une fonction de directeur-maître d'hôtel ;

Qu'il est donc établi que le nouvel employeur lui avait effectivement remis le premier projet dont la société HIPPO GESTION fait état, à savoir celui daté du 31 octobre 2007, le seul que [X] [C] reconnaît expressément avoir reçu avant son licenciement ;

Qu'au demeurant, en admettant, au moyen de l'attestation d'[N] [A]- [Z], que le second projet lui avait été effectivement présenté le 3 décembre 2007, cette circonstance ne change pas les termes du litige dès lors que le second projet est identique au premier, la seule différence entre les deux résidant dans l'emploi de la qualification'directeur d'exploitation - maître d'hôtel' dans le projet daté de décembre 2007 au lieu de celle de 'directeur - maître d'hôtel' ;

Attendu que le projet de contrat daté du 31 octobre 2007 prévoyait :

- que 'le collaborateur, dont l'ancienneté est reprise au titre de son activité au sein (du) Bodegon Colonial de [Localité 6], exercera sa fonction dans les conditions suivantes :

' qualification : directeur - maître d'hôtel

' statut : cadre dirigeant

' niveau : V

' échelon : 3

' lieu de travail : HIPPOPOTAMUS à [Localité 6]

' date d'effet : 31 octobre 2007 ',

- qu'une qualité de 'cadre dirigeant' était reconnue au collaborateur et qu'il était exclu de la réglementation concernant la durée du travail,

- que 'le collaborateur est rémunéré au service conformément au mode de répartition en vigueur dans l'entreprise, plus avantages nourriture et selon le nombre de points attachés à sa fonction.

Le calcul de la rémunération brute, versée sur douze mois, est effectué sur la base de 16% du chiffre d'affaires HT. Néanmoins, le collaborateur bénéficiera d'une rémunération garantie de 3.047,01 euros de base brut ',

et que ce projet contenait deux clauses de mobilité et de mutation libellées dans ces termes : 'afin d'assurer la bonne marche de l'entreprise, le collaborateur pourra être amené à exercer son emploi pour une durée déterminée au sein des établissements exploités à ce jour et/ou susceptibles d'être exploités dans l'avenir, conformément au pouvoir de direction de l'employeur...' '... pourra être muté au sein des établissements exploités à ce jour et/ou susceptibles d'être exploités dans l'avenir, conformément au pouvoir de direction de l'employeur' ;

Attendu que la classification de directeur ou de directeur d'exploitation ainsi que la référence au statut de cadre dirigeant et au niveau V échelon 3 étant expressément indiquées dans ces projets, toute équivoque sur une prétendue rétrogradation au statut d'agent de maîtrise était exclue ;

Attendu que la rémunération mensuelle perçue par [X] [C] dans le dernier état de ses relations avec la société LE MAQUIS était de 3.047,01 euros pour le salaire de base pour un horaire mensuel de 186,33 h, mais était complétée par un avantage en nature sous forme de repas, avantage évalué en pratique à 139,48 euros ;

Que pour l'appréciation du manquement imputé à l'employeur, il n'y a pas lieu de prendre en compte la valorisation de l'avantage en nature logement, à savoir 340 euros dans le dernier état des relations contractuelles, le salarié ayant renoncé à cet avantage par l'accord transactionnel dont la validité n'est pas remise en cause ;

Attendu que le contrat de travail du 6 janvier 2003 prévoyait que la rémunération contractuelle correspondait à un 'horaire prévisionnel moyen de travail effectif de 43 h par semaine' ;

Que [X] [C] produit seulement ses bulletins de salaires de décembre 2006 à mai 2007 ; que seuls ceux de mars, d'avril et de mai 2007 mentionnent des majorations pour heures supplémentaires, en plus du salaire de base, ce qui est insuffisant pour caractériser un avantage individuel acquis sous forme d'une prétendue majoration systématique du salaire de base, en plus des 3.047,01 euros ;

Qu'en revanche, son contrat de travail du 6 janvier 2003 prévoyait que [X] [C] devait être présent à chaque service et qu'un avantage en nature lié aux repas, à raison de deux repas par jour, était versé ; que ses bulletins de salaire produits confirment l'effectivité du versement de cet avantage en nature de 139,48 euros ;

Que cet avantage n'a pas été repris dans les dispositions du projet de contrat litigieux qui fait référence à un avantage nourriture non valorisé et à une garantie de rémunération globale de 3.047,01 euros ;

Attendu qu'en outre, le contrat de travail du 6 janvier 2003 ne contenait aucune clause de mobilité ou de mutation ; que dans la lettre du 26 novembre 2007, l'employeur avait laissé entendre que la clause relative à la mutation n'apparaîtrait pas dans les contrats des époux mais que cette clause figurait encore dans la version du 1er décembre 2007 du contrat de travail, ce qui contredit l'effectivité de cette annonce ;

Attendu que la proposition de contrat de travail soumise à [X] [C] s'analyse bien en une modification de son contrat de travail ;

Que [X] [C] était libre de la refuser, ce qu'il avait clairement notifié à son employeur dès le 16 novembre 2007 ;

Attendu qu'en admettant, toujours au vu de l'attestation d'[N] [A]-[Z], qu'une convention de détachement avait été proposée le 3 décembre 2007 à [X] [C] dans les termes du document daté du 1er décembre 2007, non signé par le salarié, produit aux débats par l'employeur, cette circonstance ne change pas non plus les termes du litige dès lors que cette convention est ambiguë ;

Qu'en effet, d'une part, elle ne précise pas si elle était subordonnée à la signature de l'avenant au contrat de travail du 1er décembre 2007 ou si elle en était indépendante et conservait sa valeur en l'absence de signature d'un nouveau contrat de travail ;

Qu'en suivant l'argumentation développée devant la cour par l'employeur, si celui-ci avait voulu simplement imposer à son salarié un détachement dans un autre établissement en raison de la fermeture temporaire de l'établissement d'affectation et de la nécessité de lui dispenser une formation du fait du changement de l'enseigne, il n'était pas nécessaire qu'il lui propose de signer une convention ce qui lui ouvrait alors à l'intéressé la faculté de la refuser ;

Que d'autre part, cette convention ne contient aucune précision sur le montant de la rémunération ; que sur ce point, l'attestation de Mme [Z] n'est pas éclairante puisqu'elle se contente d'affirmer que les frais afférents au détachement engagés par le salarié, sans dire quel frais, étaient pris en charge par l'employeur ; que la notion d'avantage en nature logement est en tout cas distincte de celle de frais de déplacement et d'hébergement exposés lors d'un détachement temporaire et que ce témoignage ne permet pas de considérer que des assurances avaient été fournies à l'intéressé le 3 décembre 2007 sur le maintien de l'avantage en nature sous forme de repas ;

Attendu que par lettre du 7 décembre 2007, la société HIPPO GESTION avait indiqué à [X] [C] qu'il était affecté à l'HIPPOPOTAMUS de [Localité 9] où il était attendu à compter du jeudi 13 décembre 2007 pour recevoir une formation lui 'permettant d'acquérir les différents process et outils du groupe' ; que cette lettre indiquait que cette formation et ce détachement dureraient 'jusqu'à l'ouverture du site Hippopotamus de [Localité 7] [Localité 5]' ;

Que dans ce document, l'employeur n'indiquait pas avoir tiré les conséquences de l'absence de signature de la convention et ne lui signifiait pas qu'il devait quand même se soumettre à un détachement dans un autre établissement du groupe en raison de la fermeture temporaire de l'établissement de [Localité 6] et d'un impératif de recevoir une formation ;

Qu'aucun ordre de mission n'a jamais été notifié à [X] [C] ; que la société employeur ne peut, sans dénaturer le projet de convention de détachement, soutenir qu'il s'agissait en réalité de la notification d'une mission ;

Qu'en réalité la société HIPPO GESTION avait voulu passer outre l'absence de signature de la convention ou de l'avenant contenant une clause de mobilité et de mutation et imposer ce détachement, de surcroît dans le cadre de conditions contractuelles imprécises et pour une durée qui n'a jamais été clairement précisée dans les correspondances dont se prévaut l'employeur ;

Attendu que le fait que, dans son contrat de janvier 2003, il était indiqué que le salarié avait dû suivre une formation de 5 semaines à [Localité 10] en 2003 n'autorisait pas l'employeur à imposer d'autres détachements dans n'importe quelle condition ;

Attendu que si l'employeur, tenu de fournir du travail à son salarié, était en droit de l'affecter temporairement à un autre site à cause de la fermeture pour travaux de l'établissement auquel il était affecté, il était aussi tenu de lui garantir le maintien des conditions contractuelles d'emploi résultant du contrat de travail transféré ;

Que l'équivoque sur les nouvelles conditions contractuelles était d'autant plus préoccupante pour le salarié que l'employeur, qui n'ignorait pas que [X] [C] était marié puisque son épouse était également salariée de la même société, avait exigé que [X] [C] se rende dans un établissement situé à plus de 260 km de son lieu de résidence habituelle et du lieu de travail de son épouse avec laquelle il avait la charge de deux enfants, alors que cette même société appartient à un groupe qui exploite des restaurants sur tout le territoire national et notamment dans la région Rhône-Alpes et ne démontre pas qu'elle était dans l'impossibilité de dispenser à [X] [C] la formation qu'elle estimait nécessaire qu'il reçoive pour acquérir les différents process et outils du dit groupe sans lui imposer un éloignement aussi important pour une durée imprécise ;

Attendu que force est de constater que la société HIPPO GESTION n'a pas répondu clairement et complètement aux demandes que lui avait adressées [X] [C] par l'intermédiaire de son avocat sur le montant de sa rémunération et ne l'avait pas assuré que, malgré son refus de la proposition de modification des conditions contractuelles, les conditions de rémunération résultant du contrat de travail du 6 janvier 2003 étaient maintenues ;

Attendu qu'avant l'engagement de la procédure de licenciement par lettre du 4 janvier 2008 portant convocation à un entretien fixé au 22 janvier 2008 préalable à un éventuel licenciement, l'employeur n'avait jamais clairement répondu aux interrogations de [X] [C] sur la nouvelle clause de mobilité et de mutabilité ;

Que dans la lettre du 19 décembre 2007, il était renvoyé sur cette question à une lettre de [G] [L], directeur des ressources humaines ; que dans ses lettres des 26 novembre et 7 décembre 2007, M. [L] n'avait jamais évoqué ce point mais avait fait état seulement, notamment dans la dernière lettre, du détachement à l'établissement de [Localité 9] ;

Qu'au contraire, la lettre du 7 décembre 2007 ainsi que les réponses apportées les 26 novembre 2007 et le 19 décembre 2007 par la direction des ressources humaines sur la poursuite de la relation de travail par application des dispositions de l'article L.122-12 du code du travail malgré l'absence de signature d'un l'avenant, ne pouvait être interprétées que comme une modification imposée des conditions de rémunération en ce que l'employeur annonçait seulement le maintien d'un salaire de base de 3.047 euros sans faire référence au maintien d'un avantage en nature repas d'une valeur identique à celle résultant de la mise en oeuvre du contrat de travail initial ;

Attendu que dans ses conclusions déposées au soutien de ses observations orales, la société HIPPO GESTION indique qu'il était normal que [X] [C] ne bénéfice pas de l'indemnité de repas puisqu'il n'était pas présent physiquement au sein du restaurant durant les heures de repas;

Que cet argument ne répond pas à la question du maintien de cet avantage en nature pendant la période de détachement ni à celle du maintien de cet avantage lors de la reprise des fonctions de directeur lors de la réouverture de l'établissement de [Localité 6] ;

Que dès lors que le contrat transféré prévoyait un horaire prévisionnel moyen de travail effectif de 43 heures par semaine pour couvrir les dépassements de l'horaire individuel que [X] [C] serait amené à effectuer pour assurer l'exercice normal de ses fonctions et prévoyait que le salarié assurait ses fonctions du mardi au samedi soir donc pendant les horaires d'ouverture du restaurant à la clientèle compte tenu de l'amplitude de son temps de travail contractuel, [X] [C], en raison de la nature même de ses fonctions, remplissait les conditions du versement de l'avantage en nature lié au repas à savoir la prise effective de repas, la présence du salarié pendant les heures de repas et l'ouverture de l'établissement à la clientèle au moment des repas ;

Attendu qu'il était fait référence dans la lettre du 26 novembre 2007 à une partie complémentaire variable en fonction d'objectifs quantitatifs et qualificatifs mais sans aucune précision sur ces objectifs, alors que le projet de contrat de travail du 31 octobre 2007 faisait seulement état d'une rémunération brute calculée sur la base de 16% du chiffre d'affaires hors taxes, de sorte qu'aucune assurance n'était fournie sur le maintien d'un niveau de rémunération mensuel brut équivalent à 3.047,01 + 139,48 = 3.186,49 euros ;

Attendu que ces circonstances, jointes aux retards répétés constatés par le salarié dans le règlement de son salaire, à savoir 13 jours pour celui de novembre 2007 et 68 jours pour celui de décembre 2007, constituaient des manquements de l'employeur suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat de travail ;

Que [X] [C] justifiant des griefs à l'encontre de son employeur, c'est donc à tort que les premiers juges ont débouté [X] [C] de ses demandes et ont validé son licenciement ;

Attendu que [X] [C] n'étant plus resté au service de son employeur à partir du 14 décembre 2007, la date de la prise d'effet de la rupture sera fixée au 14 décembre 2007 et sa demande de paiement d'un rappel de salaire jusqu'au 7 février 2008 sera rejetée ;

Attendu qu'en revanche, la résiliation produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis ;

Que celle-ci est calculée sur la base des salaires et des avantages bruts auxquels aurait pu prétendre le salarié ; qu'en revanche, même si l'avantage en logement a été supprimé, le salarié est en droit de calculer l'indemnité de licenciement qui lui revient sur la base de la rémunération brute des 12 derniers mois précédant son licenciement ou d'un tiers des 3 derniers mois selon la formule la plus avantageuse qui s'avère être la première;

Qu'il peut en conséquence prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de 3.186,49 X 3 = 9.559,47 euros plus les congés payés afférents et d'une indemnité conventionnelle de licenciement de 1.807,75 euros ;

Attendu que [X] [C] comptait 5 années d'ancienneté ; qu'il a fait indiquer lors de l'audience de la cour qu'il avait créé sa propre entreprise ; qu'il ne produit aucun justificatif d'une période de chômage ni de sa situation professionnelle après son licenciement ; que les dommages et intérêts destinés à réparer son préjudice consécutif à la rupture de son contrat de travail seront fixés à 25.000 euros ;

Qu'il n'apparaît pas nécessaire d'assortir d'une astreinte la remise des documents de rupture rectifiés ;

Attendu qu'il y a lieu en application de l'article L.1235-4 du code du travail d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par [X] [C] ;

Qu'au vu des circonstances de la cause, le remboursement sera ordonné dans la limite de un mois ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de [X] [C] ses frais irrépétibles d'instance et d'appel ; que la société HIPPO GESTION lui versera de ce chef une indemnité de 1.800 euros;

PAR CES MOTIFS

la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme le jugement déféré ;

Prononce la résiliation du contrat de travail de [X] [C] et juge qu'elle a pris effet le 14 décembre 2007 ;

Condamne à la société SNC HIPPO GESTION à verser à [X] [C] les sommes suivantes :

- 9.559,47 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 955,94 euros au titre des congés payés afférents,

- 1.807,75 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 1.800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne à la SNC HIPPO GESTION de remettre à [X] [C] des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation Assedic rectifiés en conformité avec le présent arrêt ;

Ordonne en application de l'article L.1235-4 du code du travail le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par [X] [C] dans la limite de un mois ;

Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée à l'UNEDIC, [Adresse 2] ;

Déboute [X] [C] du surplus de ses demandes et la SNC HIPPO GESTION de sa demande au titre de ses frais irrépétibles ;

Condamne la SNC HIPPO GESTION aux dépens d'instance et d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur VIGNY, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/00565
Date de la décision : 20/01/2010

Références :

Cour d'appel de Grenoble, arrêt n°09/00565


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-20;09.00565 ?
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