RG N° 08/03946
N° Minute :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 25 NOVEMBRE 2009
Appel d'une décision (N° RG 07/01095)
rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE
en date du 12 août 2008
suivant déclaration d'appel du 09 Septembre 2008
APPELANT :
Monsieur [Z] [P]
[Adresse 3]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Comparant et assisté par la SCP A. BOTTA-AUBERT (avocats au barreau de GRENOBLE)
INTIMEE :
La SEM VFD prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
38000 GRENOBLE
Représenté par Me Fabienne SADION-MARTIN (avocat au barreau de GRENOBLE) substitué par Me MAURICI (avocat au barreau de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de Président,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,
Madame Dominique JACOB, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 04 Novembre 2009,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 25 Novembre 2009.
L'arrêt a été rendu le 25 Novembre 2009.
Notifié le :
Grosse délivrée le :
RG N° 08/3946 HC
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat à durée indéterminée du 12 décembre 1994, [Z] [P] domicilié à [Localité 1] a été embauché en qualité de conducteur d'autocar par la Régie départementale des VFD.
Le contrat de travail prévoit en son article 3 qu'il est rattaché au centre de [Localité 5] et que son lieu de résidence sera à [Localité 1].
[Z] [P] était affecté à la ligne 800 Genève/ Nice qui est divisée en trois tronçons (Genève/Grenoble - Grenoble/ Laragne - Laragne/Nice) et il assurait la desserte des tronçons Nice/Laragne/Nice.
Le 1er juillet 2006, le contrat de travail d'[Z] [P] a été transféré à la Sem VFD.
Au mois de janvier 2007, à la suite de la création de lignes Nice/Sisteron et Marseille/Grenoble à l'initiative de la région Paca, la Sem VFD n'a plus assuré que la desserte du tronçon Genève/Grenoble.
Par courrier du 2 février 2007, la Sem VFD a proposé à [Z] [P] de fixer sa nouvelle résidence de travail à [Localité 5], ce qu'il a refusé considérant qu'elle impliquait une modification de son contrat de travail en raison de l'éloignement du centre de [Localité 5] de son domicile.
Après avoir réuni le conseil d'enquête la Sem VFD l'a licencié par courrier du 3 mai 2007.
[Z] [P] a saisi le conseil de Prud'hommes de Grenoble d'une demande de requalification de son licenciement en licenciement économique et par jugement du 12 août 2008, le conseil l'a débouté de toutes ses demandes.
[Z] [P] a relevé appel le 9 septembre 2008.
A ce stade de la procédure, il ne sollicite plus la requalification du licenciement en licenciement économique mais soutient que la rupture du contrat de travail est sans cause réelle et sérieuse et sollicite le paiement des sommes suivantes :
- 50.000 euros à titre de dommages-intérêts
- 15.000 euros à titre de complément de l'indemnité de licenciement
- 2.500 euros au titre des frais irrépétibles
Il demande également la rectification de l'attestation Assedic.
Il expose que l'employeur a tout mis en oeuvre pour qu'il n'accepte pas les changements proposés, de sorte que les choix de celui-ci étant à l'origine de sa privation d'emploi, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Il soutient encore qu'aucune clause de mobilité n'est prévue au contrat de travail, que la Sem VFD ne lui a laissé que quelques jours pour prendre ses fonctions à [Localité 5] et qu'aucun défraiement ne lui a été proposé.
Il fait valoir qu'une modification unilatérale du contrat de travail ne peut être imposée au salarié et qu'en cas de refus du salarié, l'employeur doit soit renoncer à la modification soit en tirer les conséquences du refus en engageant la procédure de licenciement, étant rappelé que la cause du licenciement ne peut résider dans le seul refus du salarié.
Sur l'indemnité de licenciement, il fait valoir qu'elle doit être calculée non sur le fondement de la convention collective des transports routiers mais sur celui de la convention VFIL.
La Sem VFD conclut au rejet de toutes les demandes d'[Z] [P] et réclame 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle réplique que le 2 février 2007, elle a uniquement demandé à [Z] [P] de changer sa résidence de travail, ce qui ne constitue pas une modification substantielle du contrat de travail dès lors que l'emploi de chauffeur implique une mobilité naturelle et que la mention du lieu de travail à une simple valeur d'information.
Elle soutient encore que les changements relatifs aux conditions de travail sur les lignes sont de simples changements des conditions de travail.
Elle fait valoir que le contrat de travail a été exécuté de bonne foi et que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Elle indique à cet égard que ce sont les nouvelles conditions d'exploitation de la ligne Genève/Nice qui ont justifié le changement.
Sur l'indemnité de licenciement, elle soutient que la convention collective des VFIL n'a survécu que 15 mois au changement de statut, que la convention collective des transports routiers est désormais applicable et que l'indemnité de licenciement versée est conforme à ses dispositions.
DISCUSSION
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
1 - Sur le licenciement
Attendu que la lettre de licenciement du 3 mai 2007 est ainsi rédigée :
'Dès le 2 février 2007, et à la suite de plusieurs conversations, nous vous avons proposé de vous mettre à disposition du centre de [Localité 5] afin que ce dernier soit votre nouvelle résidence de travail.
Par courrier daté du 10 février 2007, vous nous avez expressément fait part de votre refus à cette proposition.
Nous vous rappelons que cette proposition a résulté des modifications intervenues sur la ligne Genève-Nice sur laquelle vous étiez affecté, ligne qui a été reconfigurée 3 lignes distinctes (.....) à la suite d'un appel d'offre par la région Paca et de leur attribution pour deux d'entre elles à de nouveaux transporteurs, attribution opérée conformément aux règles relatives aux marchés publics et s'imposant à notre entreprise, laquelle n'a conservé que la ligne Grenoble / Genève avec prise de service se réalisant à partir de Grenoble.
Par la présente, et compte tenu de cette situation, nous vous voyons en conséquence contraints de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse pour les raisons sus-exposées. Votre préavis de deux mois (....)'
Attendu qu'il n'est pas contesté qu'[Z] [P] a toujours exécuté sa prestation de travail à partir de [Localité 1] où il est domicilié, ce qui est expressément prévu par le contrat de travail ;
Attendu qu'aucune clause de mobilité n'est prévue au contrat de travail ;
Attendu qu'en lui demandant le 2 février 2007 de fixer sa résidence de travail à [Localité 5], la Sem VFD lui a proposé une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail et non un simple changement de ses conditions de travail, dès lors que la modification entraînait un changement de secteur géographique ;
Attendu que selon le courrier du 2 février 2002 la Sem VFD proposait à [Z] [P] de se mettre à la disposition du centre de [Localité 5] dès le 8 février 2007, ce qui lui laissait un délai de moins de six jours pour examiner les conséquences pratiques de la proposition ;
Attendu qu'il ne s'agit manifestement pas d'un délai raisonnable au regard de la modification proposée ;
Attendu que la fixation par l'employeur d'un délai manifestement insuffisant, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ;
Attendu qu'[Z] [P] avait une ancienneté de plus de 12 ans dans l'entreprise ;
que lors de l'audience du 4 novembre 2009, il a indiqué qu'il avait retrouvé un emploi quelques mois après son licenciement ;
que la perte de son emploi lui a causé un préjudice qui sera réparé par la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
2 - Sur l'indemnité de licenciement
Attendu que la Régie départementale des VFD a changé de statut le 1er juillet 2006 pour devenir la Sem VFD ;
Attendu que la Sem VFD admet que la convention collective des VFIL applicable à la Régie départementale a continué de produire ses effets dans le délai de 15 mois à compter du changement de statut ;
que ses dispositions relatives à l'indemnité de licenciement sont plus favorables que celles de la convention collective des transports routiers ;
Attendu qu'[Z] [P] est bien fondé à soutenir que l'indemnité de licenciement qui lui a été versée lors de la rupture de son contrat de travail aurait dû être calculée sur le fondement de la convention collective des VFIL et non sur celui de la convention collective des Transports routiers ;
Attendu qu'[Z] [P] avait 12,5 ans d'ancienneté de sorte qu'en application des dispositions de la convention collective des VFIL il peut prétendre à une indemnité de licenciement de 15.285 euros alors qu'il n'a perçu qu'une somme de 5.308 euros ainsi qu'il résulte du bulletin de salaire du mois de juillet 2007 ;
qu'il sera donc fait droit à sa demande à hauteur de 9.977 euros
Attendu qu'il sera fait droit à la demande d'[Z] [P] au titre de l'attestation Assedic qui devra mentionner [Localité 1] et non [Localité 5] comme son dernier lieu de travail ;
Attendu qu'il lui sera alloué la somme de1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 août 2008 par le conseil de Prud'hommes de Grenoble et statuant à nouveau,
- Condamne la Sem VFD à payer à [Z] [P] :
la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
la somme de 9.977 euros au titre du solde restant dû sur l'indemnité de licenciement
la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles
- Dit que la Sem VFD devra remettre à [Z] [P] une attestation Assedic faisant apparaître [Localité 1] comme dernier lieu de travail, dans le délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt et passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard que la Cour se réserve expressément le pouvoir de liquider.
- Condamne la Sem VFD aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame COMBES, Conseiller en l'absence du président empêché, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.