RG N° 08/02710
N° Minute :
Notifié le :
Grosse délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU MERCREDI 11 FEVRIER 2009
Appel d'une décision (N° RG 05/00054)
rendue par le Conseil de Prud'hommes de ROANNE le 31 octobre 2005, ayant fait l'objet d'un arrêt rendu par la Cour d'Appel de LYON le 31 août 2006 cassé par un arrêt de la Cour de Cassation du 21 mai 2008
APPELANT :
Monsieur [C] [F]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Comparant et assisté par Me Roland VIGNON (avocat au barreau de ROANNE)
INTIMES :
La S.A. [K] ET [H] - LE FOURGON ROANNAIS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentée par Monsieur [H] (Gérant) assisté par Me CHANTELOT (avocat au barreau de ROANNE)
SELARL Eric ETIENNE-MARTIN administrateur judiciaire de la SAS [K] et [H]
Administrateur judiciaire
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Maître [B] représentant des créanciers de la SAS [K] et [H]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Tous les deux représentés par Me CHANTELOT (avocat au barreau de ROANNE)
L'A.G.S.-C.G.E.A. DE [Localité 6]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par la SCP FOLCO - TOURRETTE (avocats au barreau de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,
Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller,
Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 17 Décembre 2008,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 11 Février 2009.
L'arrêt a été rendu le 11 Février 2009.
****
RG 08 2710 Pivot ES
[C] [F] a été engagé le 26 avril 1995 en qualité d'aide mécanicien par la société [K] et [H] 'le fourgon roannais' et avait pour fonctions l'entretien et la réparation de poids lourds et semi-remorques.
Il a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail discontinus pour épisodes lombalgiques puis d'un arrêt de travail continu à partir du 13 novembre 1999 jusqu'au 5 juin 2000, arrêts de travail dont il est constant qu'ils ne sont pas consécutifs à un accident du travail.
L'employeur a proposé à [C] [F] lors d'un entretien du 26 mai 2000 un poste d'employé de bureau comportant des opérations de saisie informatique.
Lors de la première visite de reprise du 5 juin 2000, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude temporaire du salarié à son emploi d'aide mécanicien, en détaillant diverses contre-indications (port de charges lourdes, manutentions lourdes, postures défavorables, station debout prolongée).
Par lettre du 13 juin 2000, l'employeur a notifié à [C] [F] qu'il n'avait aucun poste de reclassement à lui offrir.
Lors de la seconde visite de reprise du 20 juin 2000, le médecin du travail a déclaré [C] [F] inapte à son emploi habituel en raison de la persistance des mêmes contre-indications médicales mais a estimé qu'il était apte à un poste excluant ces mêmes contre-indications (petites soudures, suivi de commandes ...).
[C] [F] a été convoqué le 21 juin 2000 à un entretien préalable à un licenciement puis a été licencié le 30 juin 2000 pour inaptitude, la lettre de licenciement faisant référence à la lettre du 13 juin 2000 sur l'absence de poste de reclassement compatible aux contre indications et précisant 'la même fiche d'aptitude ayant été confirmée le 20 juin 2000 et nous trouvant dans la même situation, nous sommes en conséquence... dans l'obligation' de vous licencier.
Par jugement du 31 octobre 2005 confirmé par arrêt du 31 août 2006 de la cour d'appel de Lyon, le conseil de prud'hommes de Roanne, saisi le 18 mars 2005, a débouté [C] [F] de sa contestation de son licenciement.
Par arrêt du 21 mai 2008, la Cour de Cassation a cassé et annulé en toutes dispositions l'arrêt du 31 août 2006 de la cour d'appel de Lyon, en rappelant que seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la visite de reprise peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement et en retenant que la cour d'appel avait violé l'article L.122-24-4 (L.1226-2) du code du travail dès lors qu'elle avait constaté que l'employeur, qui avait engagé la procédure de licenciement dès le lendemain du second avis d'inaptitude, n'avait pas recherché de possibilités de reclassement postérieurement à cet avis notamment en étendant ses recherches aux autres agences de la société.
La SAS [K] et [H] a été placée en redressement judiciaire le 2 avril 2008, Maître [B] ayant été désigné en qualité de mandataire judiciaire, représentant des créanciers et la SELARL ETIENNE-MARTIN en qualité d'administrateur.
[C] [F], appelant, demande à cette cour de renvoi d'infirmer le jugement du 31 octobre 2005 et de fixer sa créance sur le redressement judiciaire de la société intimée aux sommes suivantes :
-14.211,59 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, représentant l'équivalent de douze mois de salaire,
- 4.000 € d'indemnité pour frais irrépétibles.
Il estime que la société qui l'employait n'avait procédé à aucune recherche de reclassement à la suite des avis d'inaptitude et que c'était à tort qu'elle invoquait les effets d'une prétendue visite de pré-reprise du mois de mars 2000 dont la preuve n'était même pas rapportée et qui, de toute façon, serait légalement inopérante.
Il considère au surplus que la recherche d'un prétendu reclassement antérieurement aux avis d'inaptitude n'était pas sérieuse, en particulier au regard de la chronologie et de l'absence de recherche dans les cinq autres agences dont la société disposait en France, notamment à [Localité 8] et [Localité 12] et soutient que la proposition de reclassement comme employé de bureau était de pure forme.
Pour permettre l'appréciation de son préjudice, il fait valoir qu'il n'avait pas retrouvé d'emploi définitif, qu'il était classé travailleur handicapé depuis 2003, qu'il percevait l'allocation adulte handicapé et avait un enfant à charge lui-même handicapé.
La société [K] & [H] ainsi que les organes de la procédure collective demandent à la cour de confirmer le jugement, de débouter [C] [F] de ses demandes et de le condamner à leur verser une indemnité de 2.000 euros pour frais irrépétibles.
La partie intimée fait valoir qu'aucun texte n'exigeait d'attendre l'avis d'inaptitude définitif du médecin du travail pour entreprendre les recherches de reclassement, que lors de son déplacement dans l'entreprise, le médecin du travail avait indiqué que [C] [F] ne pourrait plus exercer ses fonctions d'aide mécanicien, ce qui était inévitable après sept mois d'arrêt de travail, que ce même médecin du travail avait énuméré à cette occasion les contre-indications, que ses déplacements dans l'entreprise avaient été aussi l'occasion de rechercher un éventuel poste de reclassement et qu'il était apparu que le seul poste était un emploi administratif d'employé de bureau que [C] [F] avait refusé le 26 mai 2000 puis lors de l'entretien préalable du 27 juin 2000.
Elle soutient aussi :
- que les fiches de visite n'avaient fait que reprendre les observations déjà présentées à l'employeur par le médecin du travail,
- que l'employeur avait répondu le 13 juin 2000 au médecin du travail, qui exigeait une réponse immédiate, pour expliquer les démarches de reclassement vainement entreprises,
- que ce médecin du travail avait visé cette réponse dans sa fiche du 20 juin 2000.
Elle prétend que la situation au regard des possibilités de reclassement n'avait pas évolué entre le mois de mai et le mois de juin 2000, que la société [K] & [H] ne constituait pas un groupe, que ses agences, dont certaines étaient éloignées de [Localité 10], employaient seulement des manutentionnaires.
Elle dénonce le caractère tardif de la contestation portée devant le conseil de prud'hommes.
L'AGS CGEA de [Localité 6] fait assomption de cause avec la partie intimée et rappelle en tout état de cause les conditions de sa garantie.
Sur quoi :
Attendu qu'il n'est pas contesté que [C] [F] était, au moment de son licenciement, affecté au service entretien en qualité d'aide mécanicien et qu'il exerçait en particulier des travaux de soudure et des travaux sur métal (changement de portes de semi-remorque, redressage des ranchets, longerons, tabliers avant de semi-remorque, soudure de châssis et entretien courant de matériels en fosse), ainsi que les délégués du personnel ont décrit son poste, dans le compte rendu revêtu de trois signatures, daté du 9 juin 2000, portant procès-verbal de leur réunion tenue le 31 mai 2000 et consacrée précisément à la situation de ce salarié ;
Attendu que le médecin du travail, le Dr A. [D], a estimé lors de la seconde visite organisée le 20 juin 2000 que :
- compte tenu de l'état de santé actuel du salarié, il existait des contre-indications médicales au port de charges lourdes et manutentions de pièces lourdes ou encombrantes, à l'usage de tire palle à mains, aux postures défavorables accentuées ou prolongées : penché en avant, accroupi ou bras en l'air (travail en fosse ou sous les châssis) ou sur échelles ou escabeaux, station debout prolongée,
- 'le salarié doit être considéré comme inapte à son poste habituel mais apte à un poste excluant ces contre-indications (petites soudures, contrôle suivi de commandes...)' ;
Attendu que dans une lettre du 13 juillet 2005 adressée à l'employeur, le Dr [D] a confirmé qu'il avait bien effectué une visite sur les lieux du travail les 16 mai 2000 et 23 mai 2000 après avoir reçu [C] [F] en visite de 'pré-reprise' le 29 mars et 15 mai 2000, qu'une demande d'aménagement de poste avait été faite par écrit 'ainsi que l'étude des possibilités de reclassement sur le terrain' ;
Que le fait pour [C] [F] d'avoir reçu des infiltrations articulaires le 3 mars 2000, ainsi qu'il l'établit au moyen d'une fiche d'un service de médecine, n'a rien d'incompatible avec l'organisation d'une visite dite de pré-reprise par le médecin du travail à la fin du mois de mars 2000, [C] [F] n'établissant pas que son hospitalisation s'était prolongée jusqu'au 29 mars 2000, comme il le laisse entendre ;
Attendu que, par ailleurs, dès lors que ce médecin du travail s'était déplacé sur les lieux du travail de [C] [F] au cours du mois qui avait précédé son second avis d'inaptitude, cet avis, y compris celui portant sur l'aptitude résiduelle aux postes décrits dans son document du 20 juin 2000, a été émis en toute connaissance de cause ;
Que l'employeur, auquel aucune disposition alors en vigueur ne lui en faisait obligation, avait pris le soin de consulter les délégués du personnel le 31 mai 2000 sur la situation et sur les possibilités de reclassement de [C] [F], qui était placé en arrêt de travail depuis plus de six mois ;
Que ces délégués du personnel ont cité dans leur compte rendu daté du 9 juin 2000 les indications du médecin du travail, dont ils avaient connaissance, sur les contraintes et sur l'aptitude du salarié, indications exprimées dans des termes très comparables à ceux qui allaient être repris dans les deux avis d'aptitude partielle des 5 et 20 juin 2000 ;
Que ces délégués du personnel ont indiqué qu'ils avaient, eux aussi, recherché un poste de remplacement en fonction de ces renseignements émanant du médecin du travail et qu'ils avaient constaté qu'ils étaient dans l'impossibilité totale 'malgré les différentes solutions envisagées, de pouvoir offrir à M. [F] des fonctions de remplacement compatibles avec son état de santé et les directives de la médecine du travail ' ;
Attendu que le compte rendu de la réunion des délégués du personnel mentionne également que [M] [H] avait reçu [C] [F] le 26 mai 2000, lui avait demandé si éventuellement un poste d'employé de bureau pouvait lui convenir avec une certaine connaissance en informatique, que [C] [F] avait répondu qu'il n'avait aucune formation, non seulement en informatique, mais en travail de secrétariat ou d'employé administratif et que, d'autre part, hormis cette fonction, les autres postes de l'entreprise lui étaient contre indiqués ;
Attendu que [M] [H] avait fait part au médecin du travail, le 13 juin 2000, au vu de l'avis du 5 juin 2000, de la proposition d'un poste de reclassement comme employé de bureau comprenant des taches de saisie informatique, de la position négative adoptée par le salarié sur cette proposition et de l'absence d'autres postes compatibles avec l'aptitude de l'intéressé ;
Attendu que le second avis du médecin du travail en date du 20 juin 2000 est superposable à celui rédigé à l'issue de la première visite de reprise, le 5 juin 2000 et se trouve également très comparable à l'avis cité par les délégués du personnel, de sorte qu'il apparaît à la cour d'appel de ce siège que le tableau médical d'aptitude physique du salarié n'avait pas évolué entre le 5 et le 20 juin 2000, voire entre le 31 mai et le 2000 juin 2000 ;
Que dans ce contexte, la société [K] & [H] a recherché sérieusement entre le 20 juin 2000, date du second avis et le 21 juin 2000, date d'engagement de la procédure de licenciement, les postes de reclassement compatibles avec la fiche d'aptitude du 20 juin 2000, simplement en actualisant ses recherches ;
Qu'elle avait parfaitement la possibilité matérielle de le faire très rapidement et y compris de constater qu'elle n'avait toujours pas de poste disponible ne comprenant que des opérations de petites soudures ou de suivi de commandes dans la mesure :
- où son siège social était à [Localité 10], site où, selon les indications fournies à l'audience par [M] [H], étaient employés 180 des 250 salariés de l'entreprise à cette époque,
- où les cinq autres sites exploités à [Localité 7], [Localité 11], [Localité 9], [Localité 8] et [Localité 12] n'étaient pas des sociétés filiales mais des agences locales, dont l'état des effectifs était donc connu au siège de l'entreprise,
- où enfin, selon les mêmes indications apportées par le dirigeant, ces agences employaient seulement des manutentionnaires, postes effectivement non compatibles avec l'aptitude présentée par [C] [F] le 20 juin 2000 ;
Attendu que [C] [F] soutient qu'il s'était engagé à suivre toutes 'formations utiles' pour accéder au poste de travail d'employé de bureau ; mais qu'il résulte des pièces qu'il a régulièrement produit aux débats qu'il avait un CAP de soudure, n'avait jamais eu d'expérience professionnelle dans un emploi d'employé de bureau ayant été auparavant peintre, soudeur-métallier, monteur de chassis ; qu'au titre du reclassement, l'employeur n'est pas tenu de dispenser ou faire dispenser la formation initiale dont l'intéressé était dépourvu ;
Que le jugement sera donc confirmé et [C] [F] débouté de ses prétentions ;
Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la partie intimée ses frais irrépétibles en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :
Confirme le jugement prononcé le 31 octobre 2005 par le conseil de prud'hommes de Roanne ;
Déboute [C] [F] de ses prétentions ;
Rejette la demande formée par la SAS [K] & [H], la SELARL Eric ETIENNE-MARTIN et Me [B], es qualités, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne [C] [F] aux dépens de l'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, président, et par Madame VERDAN greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
6