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17/12/2008 | FRANCE | N°08/01020

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 17 décembre 2008, 08/01020


RG No 08 / 01020
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 17 DECEMBRE 2008
Appel d'une décision (No RG F 06 / 01296) rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE en date du 18 février 2008 suivant déclaration d'appel du 28 Février 2008

APPELANTE :

Le CONSULAT DE TUNISIE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège 4, rue Alexandre 1er de Yougoslavie 38000 GRENOBLE

Représenté par Me Philippe GALLIARD (avocat au barreau de GRENOBLE)
INTIMEE :
Madame Kalthoum X....

.. 38000 GRENOBLE

Comparante et assistée par Me Bénédicte DELL'ACCIO-ROUDIER (avocat au barr...

RG No 08 / 01020
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 17 DECEMBRE 2008
Appel d'une décision (No RG F 06 / 01296) rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE en date du 18 février 2008 suivant déclaration d'appel du 28 Février 2008

APPELANTE :

Le CONSULAT DE TUNISIE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège 4, rue Alexandre 1er de Yougoslavie 38000 GRENOBLE

Représenté par Me Philippe GALLIARD (avocat au barreau de GRENOBLE)
INTIMEE :
Madame Kalthoum X...... 38000 GRENOBLE

Comparante et assistée par Me Bénédicte DELL'ACCIO-ROUDIER (avocat au barreau de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre, Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 20 Novembre 2008, Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 17 Décembre 2008.
L'arrêt a été rendu le 17 Décembre 2008.
EXPOSE DU LITIGE
Madame Kalthoum X... a été embauchée en qualité de secrétaire par le Consulat de Tunisie à Grenoble, à compter d'octobre 1986. Sa rémunération, au terme de 20 ans d'ancienneté, s'élevait à 1.490 € par mois.
Le 24 décembre 2004 elle a été victime d'un accident du travail entraînant un arrêt qui s'est prolongé jusqu'en novembre 2005.
Elle a de nouveau été arrêtée, pour cause de rechute de cet accident, à compter du 28 mars 2006. Les arrêts de travail ont été prolongés jusqu'au 15 juin 2006.
Dans l'intervalle, le 28 avril 2006, l'employeur lui a écrit pour lui signifier sa mise à la retraite à compter du 1er juillet 2006.
Le 17 novembre 2006, Madame Kalthoum X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Grenoble qui, par jugement du 18 février 2008, s'est déclaré compétent, a dit que le licenciement de Madame Kalthoum X... était nul et a condamné le Consulat de Tunisie à payer à celle-ci :
- 3 973,30 € à titre d'indemnité de licenciement- 1 615,00 € à titre de solde de prime pour l'année 2005 / 2006- 2 980,00 € à titre de préavis- 298,00 € à titre des congés payés afférents- 2 578,85 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés- 30 000,00 € à tire de dommages et intérêts pour licenciement nul,- 1 000,00 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile

La Cour est saisie par l'appel interjeté le 28 février 2008 par le Consulat de Tunisie à qui le jugement a été notifié le 26 février 2008.
Le Consulat de Tunisie sollicite l'infirmation du jugement. Il demande à la Cour de dire que le contrat d'embauche de Madame Kalthoum X... relève du droit tunisien, de constater que les dispositions du contrat de travail confirment le caractère diplomatique des fonctions de Madame Kalthoum X... et la condamnation de celle-ci à lui verser la somme de 1.500 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Il expose, en ses conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience :
- que Madame Kalthoum X... a été recrutée en qualité de Tunisienne, comme employée consulaire ayant en charge, notamment, la valise diplomatique ; qu'elle avait ainsi un accès direct à tous les rapports et correspondances du ministre tunisien des affaires étrangères ; qu'elle en assurait la répartition et le suivi, supervisait les opérations de scellage de ladite valise ; qu'elle détenait par ailleurs les clés d'entrée du consulat et participait aux permanences hebdomadaires, au même titre que tous les fonctionnaires consulaires ;- que ses fonctions ayant un caractère diplomatique, il y a lieu de faire application des dispositions de la convention de Vienne pour les relations consulaires de 1964 et de la convention consulaire conclue entre la Tunisie et la France (décret du 23 janvier 1974) qui prévoient que les fonctionnaires et employés consulaires ne sont pas justiciables des autorités judiciaires et administratives de l'Etat de résidence pour les actes accomplis dans l'exercice des fonctions consulaires ;- il invoque un arrêt de la Cour d'Appel de Lyon du 6 juillet 2005.

Madame Kalthoum X..., intimée, demande à la Cour de confirmer le jugement et, y ajoutant, de condamner le Consulat de Tunisie à la lui payer :

- 161,50 € à titre de congés payés afférents à la prime de fin d'année 2005 / 2006 ;- 2.500,00 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive dans le paiement des condamnations bénéficiant de l'exécution provisoire de droit ;- 2.000,00 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Elle expose, en des conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience :
- qu'elle n'a pas été embauchée en qualité d'employée consulaire mais comme agent local, qualité expressément visée dans l'avenant de son contrat de travail du 5 janvier 1992,- que ses fonctions de simple secrétaire assurant le standard et le secrétariat, ne lui conféraient aucune responsabilité particulière dans l'exercice du service public relevant de la compétence de l'Etat étranger en France, au sens de la convention consulaire liant les Etats français et tunisiens,- qu'elle conteste avoir été en charge de la valise diplomatique et avoir eu accès à des documents confidentiels ; que seul le consul prenait connaissance du contenu du courrier qu'elle enregistrait, sachant qu'en ce qui concerne les plis confidentiels elle n'était en possession que de l'enveloppe ; que les opérations de scellage de la valise diplomatique étaient du ressort du comptable public du consulat ; qu'elle avait les clés des locaux mais pas du bureau du consul ; qu'elle travaillait le mercredi, jour de repos hebdomadaire au sein du consulat, mais ne participait pas à la permanence,- que la loi française doit recevoir application, les parties n'ayant pas entendu soumettre la relation de travail à une autre législation,- qu'elle perçoit une pension de retraire de 621,72 € par mois et vit seule avec sa mère à charge.

****
MOTIFS DE L'ARRET :
L'article 16 du Décret 74-57 du 23 janvier 1974 portant publication de la convention consulaire entre la République française et la République tunisienne signée le 28 juin 1972 dispose :
1) les fonctionnaires consulaires et les employés consulaires ne sont pas justiciables des autorités judiciaires et administratives de l'Etat de résidence pour les actes accomplis dans l'exercice des fonctions consulaires,
2) Toutefois, les dispositions du paragraphe 1er du présent article ne s'appliquent pas en cas d'action civile : a) Résultant de la conclusion d'un contrat passé par un fonctionnaire consulaire ou un employé consulaire qu'il n'a pas conclu expressément ou implicitement en tant que mandataire de l'Etat d'envoi,ou b) Intentée par un tiers pour un dommage résultant d'un accident causé dans l'Etat de résidence par un véhicule, un navire ou un aéronef.

Les dispositions de l'article 16-1° ne sont applicables que pour autant que les actes litigieux ont été accomplis dans l'exercice des fonctions consulaires.
En l'espèce, il n'est nullement établi que Madame X... ait eu la qualité de fonctionnaire ou d'employée consulaire.

En effet, Madame X... a conclu le contrat de travail auquel son employeur a mis fin, pour son propre compte, non en qualité de représentante de l'état tunisien. Elle n'exerçait pas de fonctions lui conférant de responsabilité particulière dans l'exercice du service public diplomatique. Les foncions qu'elle a exercées ne participaient pas à l'exercice de la souveraineté de l'Etat tunisien.

Si Madame X... a effectivement été engagée le 1er octobre 1986, aucun contrat de travail contemporain à cette date n'est produit. Il apparaît, ainsi que le précise Madame X... que la partie appelante ne contredit pas, qu'il s'agissait d'un contrat à durée déterminée d'un an renouvelable par tacite reconduction.
Le document le plus ancien produit est un " avenant du 5 janvier 1992 au contrat d'engagement conclu le 1er octobre 1986 entre le Consulat de Tunisie et Madame X..., agent local ".
Ce document mentionne que la salariée " dactylographe-standardiste, à mi-temps, est engagée à compter du 1er janvier 1992 à plein temps, au salaire de 4.500 F nets par mois ".
Un document plus récent, daté du 1er mai 22002, intitulé " contrat d'engagement " définit les fonctions de Madame X..., de la façon suivante :
- standard-secrétariat-valise diplomatique-et toute autre tâche qui lui sera confiée par le chef de poste.

Si le " contrat d'engagement " opportunément conclu à la date du 1er mai 2002, et contenant curieusement une période d'essai de 3 mois mentionnant, au titre des tâches de Madame X..., celle de la " valise diplomatique ", il apparaît, dans la réalité qu'elle n'exerçait pas cette fonction.
Le seul élément produit à l'effet d'établir que Madame X... exerçait effectivement cette fonction est une " note " rédigée le 11 novembre 2008 par le Consul de Tunisie à Grenoble. Cette " note " n'est accompagnée d'aucun document propre à la conforter.
Nul ne peut se confectionner de preuve à lui-même. En outre cette " note " est contraire à l'avenant du 5 janvier 1992.
La " note ", établie dans le cadre de la procédure d'appel, est dénuée de toute force probante et doit être écartée des débats.
En fait, en ce qui concerne la valise diplomatique, celle-ci était transportée par un diplomate et était remise au consul qui prenait connaissance du courrier. Madame X... était ensuite chargée d'enregistrer le courrier. Cependant, s'agissant des courriers confidentiels, elle n'avait en sa possession que les enveloppes.
Les opérations de scellage par la cire étaient du ressort du comptable public du Consulat.
Madame X... n'avait pas les clés du bureau du Consul mais uniquement les clés permettant l'ouverture du Consulat.
Les fonctions exercées par Madame X... étaient des fonctions de secrétariat. Elle était une employée privée, aux tâches subalternes, étrangères aux activités consulaires relevant de l'exercice de la souveraineté de la République tunisienne.
L'arrêt de la Cour d'Appel de Lyon (6 juillet 2005) auquel la partie appelante se réfère concerne une situation tout à fait différente de la présente affaire puisque le salarié participait effectivement au service public consulaire.
Le jugement sera en conséquence confirmé, en ce qu'il a retenu que le contrat de Madame X... était soumis à la législation française.
La rupture du contrat de travail de Madame X... est frappée de nullité, dès lors qu'elle est intervenue alors que son contrat était suspendu du fait d'une rechute de l'accident du travail dont elle avait été victime le 24 décembre 2004, en application de l'article L 1226-13 du Code du Travail.
L'indemnité de licenciement, exactement calculée sera confirmée. Il en va de même de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.
La somme allouée par le par le Premier Juge, à titre de dommages-intérêts, correspondant à 20 mois de rémunération, a été justement fixée, elle sera confirmée.
Il est dû à Madame X... au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, la somme de 2.578,85 € correspondant à 45 jours ouvrables en 2005 et 2006. Le jugement sera également confirmé sur ce point.
Il est dû à Madame X..., ainsi que l'a retenu le Premier Juge, la somme de 870 € et celle de 745 € au titre de la prime de fin d'année pour l'année 2005 et pour l'année 2006.
A la somme de 870 € + 745 €, doivent s'ajouter les congés payés afférents, soit 161,50 €.
Le Consulat de Tunisie a refusé de s'acquitter des condamnations assorties de l'exécution provisoire de droit. Il ne fournit aucune explication à cet égard.
Ce comportement fautif a causé un préjudice à Madame X... dont les ressources sont très modestes (retraite de 585,35 € bruts par mois).
Le Consulat de Tunisie sera condamné à payer à Madame X... 2.500 € à titre de dommages-intérêts.
****
L'équité commande la condamnation du Consulat de Tunisie à payer à Madame X... 1.500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
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PAR CES MOTIFS
La Cour après en avoir délibéré conformément à la loi, contradictoirement,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Ajoute au jugement.
Condamne le Consulat de Tunisie à payer à Madame X... :
- 161,50 euros au titre des congés payés afférents à la prime de fin d'année 2005-2006- 2.500,00 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice résultant du non-paiement des condamnations assorties de l'exécution provisoire de droit- 1.500,00 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne le Consulat de Tunisie aux dépens.
Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08/01020
Date de la décision : 17/12/2008
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Grenoble, 18 février 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2008-12-17;08.01020 ?
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