R. G. No 07 / 03026
SCP GRIMAUD
Me RAMILLON
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU LUNDI 01 DECEMBRE 2008
Appel d'un Jugement (No R. G. 02 / 1115) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GAP en date du 02 mai 2007 suivant déclaration d'appel du 08 Août 2007
APPELANTE :
Mademoiselle Mireille Thérèse Y... née le 05 Octobre 1946 à L'ARGENTIERE LA BESSEE (05120) de nationalité Française ...05330 SAINT-CHAFFREY
représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour assistée de la SCP GERBAUD-AOUDIANI-CANELLAS-VEYRAT, avocats au barreau des HAUTES ALPES et plaidant par Me AOUDIANI
INTIMEE :
Madame Marie-Jeanne Y... née le 20 Août 1944 de nationalité Française ... 13080 LUYNES
représentée par Me Marie-France RAMILLON, avoué à la Cour assistée de Me SEBBAR, avocat au barreau de HAUTES-ALPES
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : Madame Françoise LANDOZ, Président, Madame Claude-Françoise KUENY, Conseiller, Madame Véronique KLAJNBERG, Conseiller, Assistées lors des débats de Mme Hélène LAGIER, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 27 Octobre 2008, Madame KLAJNBERG a été entendue en son rapport.
Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE
Jean Joseph Y... et Honorine B..., avec laquelle il était marié sous le régime de la communauté de meubles et acquêts, sont décédés le 2 novembre 1978 en ce qui concerne le premier et le 16 août 1985 en ce qui concerne la seconde, laissant huit enfants pour leur succéder.
A ce jour l'indivision est constituée de Marie Jeanne X... titulaire de deux tiers des droits et de Mireille Y... titulaire d'un tiers.
Le 4 novembre 2002 Mireille Y... a assigné sa soeur en partage devant le tribunal de grande instance de Gap.
Le 17 juin 2003, Michel H... a été désigné en qualité d'expert afin dévaluer les biens composant l'indivision.
Par jugement du 2 mai 2007, le tribunal a :
Ordonné le partage de l'indivision existant entre Mireille Y... et Marie-Jeanne Y...,
Commis pour y procéder le président de la chambre départementale des notaires,
Ordonné la licitation devant la barre du tribunal en un seul lot et sur la mise à prix de 260 000 € des immeubles indivis situés sur la commune de Pelvoux,
Débouté Mireille Y... de sa demande d'indemnité d'occupation,
Dit que dans le cadre des opérations de partage devant le notaire commis, Marie-Jeanne Y... devra rendre compte de l'exploitation qu'elle a faite du bien indivis,
Débouté Marie-Jeanne Y... de sa demande en paiement de 30 000 €,
Ordonné une mesure d'expertise, en donnant mission à l'expert de rechercher et préciser les améliorations apportées à ses frais par un indivisaire à l'immeuble indivis pendant l'indivision, et évaluer la plus-value donnée à l'immeuble indivis, ainsi que rechercher et préciser les dépenses de conservation supportées par un indivisaire, en déterminer le montant, et s'il y a lieu, évaluer la plus-value donnée à l'immeuble indivis.
Mireille Y... a relevé appel de cette décision et demande par voie d'infirmation partielle de :
Dire que l'expert Claude F... aura de surcroît pour mission de vérifier contradictoirement le montant des sommes perçues par Marie-Jeanne Y... dans le cadre de l'exploitation des biens indivis.
Débouter Marie Jeanne Y... de toutes ses prétentions et demandes formulées contre Mireille Y... tendant à voir cette dernière condamnée au paiement de sommes diverses et infondées.
Dire et juger que Marie Jeanne Y... est redevable d'une indemnité d'occupation égale à la valeur locative du bien, soit 350 € par mois à compter du l0 juillet 1987 et jusqu'à la liquidation du bien à valoir sur le prix de vente définitif de l'immeuble et le cas échéant le solde non couvert versé par Marie-Jeanne Y....
Condamner Marie Jeanne Y... à payer cette indemnité d'occupation.
Condamner Marie-Jeanne Y... à rapporter devant le notaire chargé des opérations de partage l'intégralité des fruits provenant de l'exploitation du bien indivis, tels que devant être vérifiés par l'expert F....
Condamner Marie-Jeanne Y... au paiement de la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Au soutien de son recours elle fait valoir en substance que :
- en l'absence de convention d'indivision signée, la jouissance du bien indivis devait se faire en conformité avec les textes régissant l'indivision,
- elle n'a pu librement jouir du bien indivis en raison de l'activité économique qu'y exerçait Marie Jeanne Y...,
- aucun élément dans le rapport d'expertise ne fait état des masses actives et passives de la succession,
- aucun élément ne permet ainsi d'apprécier la part successorale des héritiers,
- les travaux effectués par Marie-Jeanne Y... n'ont profité qu'à elle et à l'activité d'hébergement qu'elle a maintenue,
- le Gîte d'étape " gîte X... " n'a jamais cessé d'être exploité,
- Marie Jeanne Y... ne lui a jamais reversé sa part des fruits de l'indivision.
Marie Jeanne Y... sollicite la confirmation partielle du jugement et demande à la cour de :
Ordonner la licitation devant le dit tribunal, en un seul lot et sur la mise à prix de 260 000 € des immeubles indivis situés sur la commune de Pelvoux.
Dire et juger que le notaire aura pour mission de chiffrer le coût des travaux supportés par elle-même ainsi que par son fils aîné et rendus nécessaires pour la conservation de l'immeuble.
Dire et juger que le prix de vente du chalet d'un montant de 4 389 €, entièrement construit par elle lui reviendra intégralement.
Condamner Mireille Y... à lui payer la somme de 30 000 € au titre de son appauvrissement sans cause pour tous les travaux qu'elle a entrepris qui ont corrélativement procuré un enrichissement sans cause à Mireille.
Condamner Mireille Y... à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. "
Elle conclut pour l'essentiel que :
- Mireille Y... a refusé d'entreprendre ou de participer aux travaux indispensables à la bonne conservation de l'immeuble malgré les importantes fuites qui affectaient la toiture et le pourtour de la cheminée,
- celle-ci a toujours pu se rendre à sa guise dans ses parties privatives qu'elle a exploitées également sous forme de gîte qu'elle occupe depuis 1995 avec son ami,
- elle-même a effectué d'importants travaux pour la conservation de l'immeuble et éviter qu'il ne tombe en ruine compte tenu de la rudesse du climat dans le PELVOUX,
- le bâtiment n'a aucune vocation commerciale, la licence a été vendue en 1985,
- les travaux qu'elle a effectués et payés ont profité à sa soeur Mireille ce qu'a admis l'expert,
- elle a droit à une rémunération,
- en 1989 avec l'aide de sa famille et d'amis, elle a également construit un petit chalet en béton recouvert de bois aux lieux et place de la vieille cabane en bois sur le terrain indivis,
- sa soeur a bien exploité à des fins commerciales son tiers indivis,
MOTIFS ET DÉCISION
Sur la demande d'indemnité d'occupation
Attendu que le tènement indivis des consorts Y... se compose des parcelles sur la commune de Pelvoux cadastrées section A N° 1447, 1448, 1470, 1471, 1472 classées en zone ND de la commune ;
Qu'un bâtiment anciennement à usage d'hôtel de montagne datant des années 1940 et d'une surface habitable d'environ 236, 63 m ² a été construit sur la parcelle A 1447 ainsi qu'un cabanon de 9, 40 m ² à usage de remise ;
Que Marie-Jeanne Y... a construit en 1988 un petit chalet recouvert de bois de 14, 63 m ² sur le terrain indivis ;
Attendu qu'il ressort tant des constatations de l'expert H... que des nombreuses attestations produites aux débats, que Mireille Y... et Marie-Jeanne Y... ont occupé surtout pendant les deux mois d'été, la propriété indivise d'Ailefroide, originellement d'ailleurs avec leur soeur Irène, conformément à une division des lieux dont elles avaient convenu ;
Qu'un petit logement de 41, 39 m ² avec accès indépendant était ainsi réservé à Mireille Y..., situé au sud et à l'est de la maison, logement qui obligeait celle-ci à utiliser les commodités (toilettes et douches) de la partie du bâtiment dévolue à Marie-Jeanne Y..., en réalité dédiée à une activité de gîte d'étape puis de meublés ;
Que malgré les inconvénients présentés par cette situation, c'est à juste titre que le premier juge a, par des motifs auxquels la cour se réfère, considéré qu'il n'y avait pas lieu de retenir une occupation privative exclusive des lieux par Marie-Jeanne Y... pouvant ouvrir droit à une indemnité d'occupation ;
Sur l'activité exercée dans l'immeuble indivis
Attendu qu'il n'est pas contesté que Marie-Jeanne Y... a exploité un gîte dit " Gîte d'Albrand " sur la propriété indivise et que, par arrêté municipal du 29 juin 1999, les lieux ont été interdits d'ouverture au public ;
Que si un courrier de la sous-préfecture de Briançon du 23 février 2000 relate une correspondance aux termes de laquelle Marie-Jeanne Y... sollicite le classement de son établissement en refuge et non plus en gîte d'étape, rien ne permet de dire qu'elle a obtenu satisfaction ;
Que par application de l'article 815-12 du Code civil Marie Jeanne Y... d'une part est donc redevable des produits nets de son activité, d'autre part a droit à la rémunération de celle-ci ;
Attendu par ailleurs, que Marie-Jeanne Y... produit un extrait de l'annuaire téléphonique 1997 d'Ailefroide sur lequel apparaît la mention " Y... Mireille gîte d'étape Ailefroide 04 92 23 32 03 " ainsi qu'une annonce parue dans un article de magasine non daté et consacré à Ailefroide ainsi libellé : " dormir et manger (à Ailefroide) Gîte Mireille Y... 04 92 23 32 03 " ;
Que l'expert Claude F... désigné par le tribunal devra donc s'adjoindre un sapiteur expert-comptable à l'effet de donner à la cour tous les éléments permettant d'évaluer les produits nets et la rémunération afférents à l'activité de gîte d'étape exercée dans la maison indivise ;
Sur les travaux effectués
Attendu qu'à bon droit le premier juge a retenu que les règles propres à l'indivision excluaient celles de l'enrichissement sans cause invoquées par Marie-Jeanne Y... ;
Que Marie-Jeanne Y... comme Mireille Y... produisent chacune un certain nombre de factures et soutiennent avoir effectué des travaux dans la maison d'Ailefroide, dont il convient d'apprécier, par application de l'article 815-13 du Code civil, dans quelle mesure ils ont contribué soit à la conservation, soit à l'amélioration du bien indivis et quelle plus-value ils ont pu lui apporter, en ce compris les travaux de construction en 1988 du petit chalet en bois ;
Que le jugement déféré, qui a ordonné une expertise à cet effet et débouté Marie-Jeanne Y... de sa demande en paiement de 30 000 € au titre d'un appauvrissement sans cause, sera par conséquent confirmé de ces chefs ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré,
et ajoutant,
Dit que l'expert Claude F... s'adjoindra un sapiteur expert-comptable à l'effet de donner au tribunal devant lequel l'affaire est renvoyée tous les éléments nécessaires à la détermination des produits nets tirés par Marie-Jeanne Y... et éventuellement Mireille Y... de leur activité de gîte d'étape ou de meublés exercée dans la maison indivise d'Ailefroide, d'autre part à la rémunération à laquelle celles-ci pourraient en contrepartie prétendre,
Déboute Marie-Jeanne Y... et Mireille Y... de leurs demandes en cause d'appel fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Dit que les dépens de la procédure d'appel seront employés en frais privilégiés de partage avec application de l'article 699 au profit des avoués qui en ont demandé le bénéfice.
PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau code de procédure civile,
SIGNÉ par Madame LANDOZ, Président, et par Madame LAGIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.