RG No 08 / 00549
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 26 NOVEMBRE 2008
Appel d'une décision (No RG 07 / 00159) rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE en date du 22 janvier 2008 suivant déclaration d'appel du 01 Février 2008
APPELANTE :
La Société CALBERSON RHONE ALPES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège 183, avenue de Clichy 75850 PARIS CEDEX 17
Représentée par Me Fanny ROY (avocat au barreau de LYON)
INTIME :
Monsieur Jean-Paul X...... 38590 SAINT ETIENNE DE SAINT GEOIRS
Comparant et assisté par Me Alain FESSLER (avocat au barreau de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre, Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, Madame Hélène COMBES, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 05 Novembre 2008, Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 26 Novembre 2008.
L'arrêt a été rendu le 26 Novembre 2008.
EXPOSE DU LITIGE
Le 3 novembre 1980, Jean-Paul X... a été embauché en qualité d'employé de service exploitation par la société Pan-Européenne.
Son contrat de travail a par la suite été transféré à la société Bourgey Montreuil International puis à la société Calberson Europe Rhône-Alpes.
Au dernier état des relations contractuelles, il était affréteur.
Il a été licencié pour faute grave par courrier du 24 janvier 2007, le motif étant d'avoir refusé le 9 janvier 2007 d'exécuter les instructions données par son supérieur hiérarchique.
Il a contesté son licenciement devant le conseil de Prud'hommes de Grenoble qui par jugement du 22 janvier 2008 a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société Calberson Europe Rhône-Alpes à lui payer :
- 8 000 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement- 4 400 euros au titre de l'indemnité de préavis et 440 euros au titre des congés payés afférents- 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse- 1 000 euros au titre des frais irrépétibles
Le conseil a en outre ordonné le remboursement des indemnités de chômage dans la limite de six mois.
La société Calberson Europe Rhône-Alpes qui a relevé appel le 1er février 2008, demande à la Cour de juger que le licenciement repose sur une faute grave et de débouter Jean-Paul X... de toutes ses demandes et réclame 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Subsidiairement, elle conclut à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.
Elle expose qu'à compter de 2002, Jean-Paul X... a eu des ennuis de santé qui ont conduit le médecin du travail à le déclarer apte avec restrictions en 2002, 2004 et 2005 ;
Qu'à compter du 1er avril 2005, il a travaillé sous le régime du mi-temps thérapeutique ;
Elle fait valoir qu'elle a bien pris en compte les avis du médecin du travail en soulageant Jean-Paul X... de l'intégralité des fonctions de manutention comprises dans le poste d'affréteur ;
Que le comportement du salarié s'en est trouvé profondément perturbé et qu'il a fait preuve d'insubordination à l'égard de ses supérieurs hiérarchiques et d'inconduite vis-à-vis de ses collègues ;
Que la persistance de ce comportement l'a contrainte à lui notifier des sanctions (deux mises à pied disciplinaires), avant de lui notifier son licenciement pour des faits commis le 9 janvier 2007 ;
Elle fait valoir que c'est à tort que le conseil de Prud'hommes a considéré que le travail demandé à Jean-Paul X... le 9 janvier 2007 consistait en une opération de manutention alors qu'il s'agissait simplement de pointer des colis sur une feuille après que le manutentionnaire ait communiqué le numéro de bon ;
Elle soutient que le pointeur ne manipule pas les colis et conclut que le refus de Jean-Paul X... est constitutif d'une faute grave ;
Elle conteste tout comportement humiliant, harcelant et toute mise au placard.
Jean-Paul X... conclut à la confirmation du jugement et réclame 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Il réplique qu'à compter du jour où le médecin du travail lui a interdit la manutention, la responsabilité du service camionnage, les gros dossiers et la gestion des tournées des chauffeurs lui ont été retirés, ce qui constitue une véritable " mise au placard " ;
Qu'en 2005, il effectuait son travail dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique ;
Il indique que Monsieur Z... le chef d'agence a été supplanté dans ses fonctions par Madame B... qui exerçait des pressions sur les salariés, contraignant certains à la démission ;
Il invoque les brimades et humiliations qu'il a subies : éloignement des autres salariés par son installation au fond du quai dans un préfabriqué qui a été enlevé après son départ, consignes données de ne pas le fréquenter, dénigrement, retrait des dossiers ;
Il soutient encore qu'il n'a reçu aucune formation pour occuper un poste à temps plein purement administratif et que la direction n'a fait aucun effort pour lui trouver un poste conforme à son état de santé ;
Il conteste les sanctions qui lui ont été infligées ;
Sur les faits qui ont motivé le licenciement, il fait valoir que l'opération demandée impliquait bien de la manutention et que son refus ne constitue pas une faute ;
Il conteste les attestations produites par des salariés dont aucun n'était présent le jour des faits.
DISCUSSION
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
Attendu que Jean-Paul X... a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement par courrier du 10 janvier 2007 avec notification d'une mise à pied conservatoire et licencié pour faute grave par courrier du 24 janvier 2007 en ces termes :
" Le mardi 9 janvier en fin de matinée, vous avez refusé de réaliser les instructions données par votre supérieur hiérarchique Madame B.... Ces instructions consistaient à pointer une liste de déchargement de notre client Marèse. Ce refus est intolérable car il s'agissait d'une demande ponctuelle, exceptionnelle due à l'absence de Monsieur C.... Alors même que vous étiez en mesure de réaliser cette mission d'une durée très courte (2h), vous avez préféré refuser, mettant ainsi en difficulté l'agence, car faute de pointage le fret de notre client ne pouvait être expédié. "
Attendu que s'agissant d'un licenciement disciplinaire, c'est à la société Calberson Europe de rapporter la preuve de la réalité de la faute grave ;
Attendu que compte tenu des restrictions formulées par le médecin du travail qui depuis 2002 déclare Jean-Paul X... apte à un poste sans manutention, il convient de rechercher si son refus d'accomplir le travail qui lui était demandé le 9 janvier 2007 était fautif ou non ;
Attendu qu'il sera observé à titre liminaire qu'il ne s'agit pas du travail habituel de Jean-Paul X... puisque la société Calberson Europe le qualifie elle-même de ponctuel et exceptionnel dans la lettre de licenciement ;
Attendu que les parties ont une argumentation contraire, la société Calberson Europe soutenant que le travail de pointage demandé à Jean-Paul X... n'impliquait pas d'opérations de manutention, le salarié soutenant l'inverse ;
Attendu que la société Calberson Europe produit les attestations de quatre de ses salariés (Mahmadou D..., Vincent E..., François F..., Sébastien G...) qui indiquent tous que lorsqu'ils effectuent le pointage du client Marèse, une première personne annonce le numéro du colis, tandis qu'une seconde personne (le pointeur) vérifie sur le listing du client si le numéro est indiqué ;
Qu'ils précisent tous que la personne affectée au pointage des expéditions sur le listing n'effectue pas de manutention ;
Mais attendu qu'aucun de ces salariés n'étaient présents auprès de Jean-Paul X... le 9 janvier 2007 ;
Que la société Calberson Europe qui a la charge de la preuve n'établit par aucune attestation que le jour des faits un manutentionnaire était spécialement affecté à la manutention des colis dont le pointage était demandé au salarié ;
Que l'attestation de Suzy H... que l'employeur invoque à son profit bien qu'elle soit produite par le salarié, n'évoque pas la présence d'un manutentionnaire et n'affirme nullement que le travail demandé à Jean-Paul X... consistait exclusivement en du pointage ;
Attendu que l'article L 122-43 devenu L 1333-1 du code du travail dispose que si un doute subsiste, il profite au salarié ;
Attendu qu'un doute subsistant sur la réalité du travail confié à Jean-Paul X..., la société Calberson Europe ne rapporte pas la preuve de la faute grave qu'elle lui impute ;
Que c'est à bon droit que le conseil de Prud'hommes a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Attendu que le montant de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement ne sont pas contestés ;
Attendu que Jean-Paul X... avait une ancienneté de 26 ans au sein de l'entreprise ;
Que le conseil de Prud'hommes a justement apprécié le préjudice résultant de la perte de son emploi ;
Attendu que le jugement du 22 janvier 2008 sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu qu'il sera alloué à Jean-Paul X... la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 janvier 2008 par le conseil de Prud'hommes de Grenoble.
- Y ajoutant, condamne la société Calberson Europe Rhône-Alpes à payer à Jean-Paul X... la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.
- La condamne aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, président, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.