RG No 07/02605
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 26 NOVEMBRE 2008
Appel d'une décision (No RG 1788/2001) rendue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYONen date du 08 septembre 2002ayant fait l'objet de deux arrêts de la Cour d'Appel de LYON les 27 Mai 2003 et 27 Janvier 2004suite à un arrêt de la Cour de Cassation du 5 Juillet 2005
APPELANTE :
L'URSSAF DE LYON6 Rue du 19 Mars 196269691 VENISSIEUX CEDEX
Représentée par Madame DE MARINIS
INTIMEE :
CHOEUR ET ORCHESTRE XIXJean-Philippe X......69001 LYON 01
Représentée par Me FOURNIER (avocat au barreau de LYON)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller,Madame Hélène COMBES, Conseiller,
DEBATS :
A l'audience publique du 29 Octobre 2008,Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, chargé du rapport, en présence de Madame Hélène COMBES, Conseiller, assistés de Madame Simone VERDAN, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;Puis l'affaire a été mise en délibéré au 26 Novembre 2008, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 26 Novembre 2008.
La Cour est saisie sur renvoi de cassation l'arrêt rendu le 5 juillet 2005, cassant l'arrêt du 27 janvier 2004 par la Cour d'Appel de Lyon sur un appel du jugement rendu le 8 février 2002 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Lyon.
Exposé des faits
L'association Choeur et Orchestre Jean Philippe X... a fait l'objet d'une vérification portant sur l'assiette des cotisations sociales réglées au cours de la période 1998/1999 puis d'un redressement de cotisations (requalification en éléments de salaires de sommes versées à titre de frais professionnels) notifié par une mise en demeure du 2 juillet 2001.
La commission de Recours Amiable saisie le 13 juillet 2001 n'ayant pas statué dans le délai d'un mois, l'association Choeur et Orchestre Jean Philippe X... a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité sociale le 9 octobre 2001. Le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Lyon a jugé le 8 septembre 2002 que les sommes en cause constituaient bien un défraiement et a en conséquence déclarée nulle la mise en demeure délivrée par l'U.R.S.S.A.F. de Lyon le 2 juillet 2001.
La Cour d'Appel de Lyon saisie par l'appel de l'U.R.S.S.A.F. a, par arrêt du 27 mai 2003, déclaré recevable le recours engagé par l'Association et régulière la procédure suivie par l'U.R.S.S.A.F., invitant avant dire droit l'association à produire toutes les pièces comptables afférentes à l'exercice concerné justifiant des montants et des dates de règlement ainsi que les noms et adresses à l'exercice concerné justifiant des montants et des dates de règlement ainsi que les noms et adresses de tous les bénéficiaires de ces sommes et ordonnant l'appel en cause toutes ces personnes. La Cour d'Appel de Lyon a dans un second arrêt rendu le 27 janvier 2004 validé le jugement en ce qu'il a déclaré nulle la mise en demeure et annulé la décision de la Commission de Recours Amiable rejetant le recours de l'Association au motif que la mise en demeure est nulle pour défaut de justification de la qualité de son signataire faute d'indication de ses nom, prénom et qualité et que la nullité de la mise en demeure pour ce motif constitue une défense au fond qui peut être proposée en tout état de cause conformément à l'article 72 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Cour de Cassation a jugé le 5 juillet 2005 que l'omission des mentions prévues par l'article 4, alinéa 2 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 n'affecte pas la validité de la mise en demeure prévue par l'article L 244-2 du Code de la Sécurité Sociale dès lors que celle-ci précise la dénomination de l'organisme qui l'a émise.
La Cour de Grenoble a été désignée Cour d'Appel de renvoi.
Demande et moyens des parties
L'U.R.S.S.A.F., appelante, demande à la Cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, de juger que les sommes versées constituent des éléments de rémunération soumis à cotisations et en conséquence de juger bien fondée la reprise opérée à hauteur de 13.823,31 € de cotisations et 1.382,26 € de majorations de retard, de condamner l'Association Choeur et Orchestre Jean Philippe X... au paiement de ces sommes sur le fondement de la mise en demeure du 2/07/2001.
Elle sollicite 2.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'U.R.S.S.A.F. expose en ses conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience que :
1°) la question de la validité de la mise en demeure ne se pose plus,
2°) au regard de la présomption de salariat posée par l'article L 762-1 du Code du Travail, l'Association ne rapporte pas la preuve de la nature des sommes forfaitaires qu'elle a versées à ses musiciens ni de l'utilisation de ces sommes conformément à leur objet prétendu.
L'Association Choeur et Orchestre XIX venant aux droits de l'Association Choeur et Orchestre Jean Philippe X..., intimée, demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris après avoir constaté le caractère irrégulier de la procédure suivie par l'U.R.S.S.A.F. de Lyon, le caractère erroné du montant retenu pour calculer le redressement au titre de l'année 1998, le caractère irrégulier du redressement au titre de l'année 1998 et constaté que les sommes allouées aux musiciens le sont à titre de défraiements, de condamner l'U.R.S.S.A.F. à lui payer la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et à payer les dépens.
****
L'Association Choeur et Orchestre XIX expose en ses conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience que :
1°) a. à l'époque du contrôle, l'adresse du siège social de l'Association était 20 montée des Carmélites, LYON 1er, or le 12 janvier 2001, à l'issue du contrôle, l'agent Inspecteur de l'U.R.S.S.AF. a adressé la lettre d'observation à l'adresse personnelle du trésorier alors que par la suite, la lettre de mise en demeure va bien être envoyée à l'adresse de l'Association,
b. faute d'avoir été adressée au siège social, cette notification doit être considérée comme nulle, et à défaut de cette communication les opérations de contrôle et de mise en demeure subséquentes sont nulles,
Subsidiairement,
2°) a. l'Inspecteur de l'U.R.S.S.A.F. qui n'a pas indiqué dans sa lettre d'observation un défaut d'informations et de documents pour déterminer l'assiette du redressement ne pouvait imposer une taxation forfaitaire,
b. compte tenu de la date de réception de la lettre de mise en demeure, le redressement ne pouvait porter que sur les cotisations exigibles à compter du 2 juillet 1998 de sorte que les sommes allouées aux musiciens et au chef d'orchestre pendant la période du 1er avril au 2 juillet 1998 bénéficiaient de la prescription triennale, ce dont a tenu compte l'U.R.S.S.A.F. de Lyon en réduisant la base de calcul à 3.296,86 €, mais cette somme ne recouvre pas plus de réalité que la précédente et en conséquence c'est à la totalité de la période que doit être appliquée la prescription,
Plus subsidiairement,
3°) a. la qualité de salariés des musiciens et chef d'orchestre n'étant plus contestée, acte étant pris de l'arrêt de la chambre correctionnelle de la Cour d'Appel de Lyon, cela n'empêche pas que ces sommes correspondent non pas à des salaires mais à des remboursements de frais, qui peuvent être indemnisés sous forme d'allocations forfaitaires (arrêté du 26/05/1975 applicable),
b. on peut reconstituer les frais que les musiciens et le chef d'orchestre doivent exposer à environ 1.000 € par an, de sorte que l'allocation versée est bien conforme à son objet.
****
MOTIFS DE L'ARRET :
1°) Sur la régularisé de la procédure :
L'arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 27 mai 2003 a, notamment avant d'ordonner la réouverture des débats et invité l'Association à produire différentes pièces ainsi qu'à fournir diverses précisions, dit que la procédure suivie par l'U.R.S.S.A.F. de Lyon était régulière.
Cet arrêt n'a pas été frappé de pourvoi en cassation, il est en conséquence définitif.
La procédure suivie par l'U.R.S.S.A.F. est régulière et toute discussion sur le respect des prescriptions de l'article R 243-59 du Code de la Sécurité Sociale est vaine.
2°) Sur la violation des dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits du citoyen dans leurs relations avec les administrations :
L'Association indique dans ses conclusions que, suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 5 juillet 2005, elle n'entendait plus soulever ce moyen.
3°) Sur le bien fondé du redressement :
L'Association intimée ne conteste pas que les musiciens jouant dans les concerts qu'elle organisait, avaient la qualité de salariés, ainsi que l'a jugé définitivement la Cour d'Appel de Lyon, chambre correctionnelle, le 20 septembre 2006, en la reconnaissant coupable du délit de dissimulation d'emploi.
La seule question qui demeure à trancher est celle de la nature des sommes versées aux musiciens.
Les sommes versées aux musiciens, nonobstant leur qualité de salariés, ne sont pas ipso facto des salaires au sens de l'article L 242-1 du Code de Sécurité Sociale.
L'Association versait aux musiciens participants aux spectacles une somme de 300 F (45,73 €) par répétition et par concert. Chaque musicien percevait au maximum 6.300 F par an (960,42 €), l'Association organisant en effet trois séries de 2 concerts (15 répétitions + 6 concerts x 300 F = 6.300 F ou 960,42 €).
Une grande partie des musiciens percevait moins de 2.000 F par an (304,90€).
Les sommes versées aux musiciens leur permettaient de payer différents frais: stationnements, déplacements, tenues de concert, repas, partitions, achat entretien des instruments de musique.
Ces frais sont justifiés par l'Association et attestés par leurs bénéficiaires.
Frais de stationnement :
Les répétitions avaient lieu au foyer l'Escale 11 rue Bossuet dans le 6ème arrondissement à Lyon, de 9 h à 12 h où le stationnement est pratiquement partout payant.
Les concerts avaient lieu, soit au Grand Temple dans le 3ème arrondissement, soit salle Molière dans le 5ème arrondissement. Le stationnement est également malaisé dans ces arrondissements, nécessitant d'utiliser les parkings payants.
Ainsi que l'établissent les justificatifs produits par l'Association, chaque musicien devait débourser, en frais de stationnements annuels, la somme de (15 x 30 F) + (6 x 20 F) = 570 F (86,89 €)
Frais de déplacement :
La plupart des musiciens utilisaient leur véhicule personnel pour se rendre aux répétitions et aux concerts.
Certains de ces musiciens habitaient loin de Lyon : Montluçon (03), Etapes (25), Saint André de Corcy (01), Saint Clair du Rhône (38), Rilleux la Pape (69), Manziat (01), Le Monastier (43), Ecully (69), Saint Genis l'Argentière (69), Pommiers (69).
En moyenne, il peut être retenu que chaque musicien effectuait, chaque année, 210 km (répétitions et concerts) x 2,925 F = 614,25 F (93,64 €).
Frais de tenue :
Il est justifié par les éléments produits par l'Association que chaque musicien déboursait 700 F par an (106,71 €).
A la somme de 106,71 €, s'ajoutaient les frais de nettoyage, 9,15 € (à multiplier par 3, compte tenu du nombre de concerts).
Frais de repas :
Eu égard à l'heure de fin de répétition et à l'heure où s'achevaient les concerts, les musiciens prenaient un repas.Ces frais s'élevaient annuellement à : 21 repas x 4 MG = 1.570,80 F (1MG = 18,70 F), soit 239,47 € par an.
Frais de partition :
L'Association justifie que les musiciens devaient se procurer les partitions correspondant aux oeuvres jouées, soit la somme de 50 F, par partition x 3 = 150 F (22,87 €).
Frais d'instruments de musique :
Le coût des instruments de musique est variable selon la nature de l'instrument, à titre d'exemple : clarinette 4.116 €, flûte 12.195 €, violon de 6.860 € à 15.000 €... La " durée d'amortissement " d'un instrument est difficile à déterminer. Cependant la somme de 1.524,49 € par an peut être de retenue pour un instrument de 7.622,45 €, sur une durée de 5 ans.
A ces frais s'ajoutent les frais d'entretien : réparation 304,90 € et ceux d'assurance 152,45 €, par an.
Au total, les frais d'instrument s'élevaient à 1.254,49 € + 304,90 € + 152,45€ = 1.981,84 € qu'il convient de diviser par 5 en considérant que le musicien n'utilisait pas exclusivement son instrument de musique pour jouer au sein de l'Association. La somme de 396,37 € doit en conséquence être retenue.
Les frais auxquels devaient faire face les musiciens étaient au maximum de 973,40 €.
L'allocation forfaitaire versée par l'Association correspondait aux frais exposés par les musiciens. L'allocation forfaitaire était utilisée conformément à son objet.
Le jugement sera confirmé.
****
L'équité commande la condamnation de l'U.R.S.S.A.F. de Lyon à payer à l'Association Choeur et Orchestre XIX la somme de 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
****PAR CES MOTIFS
La Cour après en avoir délibéré conformément à la loi, contradictoirement,
Confirme le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Lyon du 8 septembre 2002.
Condamne l'U.R.S.S.A.F. de Lyon à payer à l'Association Choeur et Orchestre XIX la somme de 500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.