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05/11/2008 | FRANCE | N°08/00047

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 05 novembre 2008, 08/00047


RG No 08/00047

COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 05 NOVEMBRE 2008

Appel d'une décision (No RG 03/00182)rendue par le Conseil de Prud'hommes de BOURGOIN-JALLIEUen date du 20 novembre 2007suivant déclaration d'appel du 18 Décembre 2007
APPELANTS :
LA SARL COUSSIPLUM prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siègeAvenue Georges et Louis FrerejeanZI l'Abbaye38780 PONT EVEQUE
Maître Jean-Michel X... mandataire judiciaire de la procédure de sauvegarde de la SARL COUSSIPLUM...38200 VIENNE


Tous les deux représentés par Me Muriel LINARES (avocat au barreau de LYON)
INTIME...

RG No 08/00047

COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 05 NOVEMBRE 2008

Appel d'une décision (No RG 03/00182)rendue par le Conseil de Prud'hommes de BOURGOIN-JALLIEUen date du 20 novembre 2007suivant déclaration d'appel du 18 Décembre 2007
APPELANTS :
LA SARL COUSSIPLUM prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siègeAvenue Georges et Louis FrerejeanZI l'Abbaye38780 PONT EVEQUE
Maître Jean-Michel X... mandataire judiciaire de la procédure de sauvegarde de la SARL COUSSIPLUM...38200 VIENNE
Tous les deux représentés par Me Muriel LINARES (avocat au barreau de LYON)
INTIME :
Monsieur Michel Y...38690 BURCIN
Comparant et assisté par Me Christian PICHOUD (avocat au barreau de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,Madame Dominique JACOB, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 02 Octobre 2008,Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 05 Novembre 2008.
L'arrêt a été rendu le 05 Novembre 2008.

EXPOSE DU LITIGE

Michel Y... a été embauché le 1er janvier 1968 en qualité de représentant de commerce par les Etablissements CINDA, entreprise familiale créée en 1964 qui fabrique et vend des coussins, galettes de chaises, nappes et, plus généralement, tous articles en matière textile, mercerie, bonneterie, bimbeloterie, articles de Paris.Son contrat de travail à durée indéterminée en date du 23 janvier 1968 prévoit qu'il est chargé "de placer au nom et pour le compte des Ets CINDA, les articles qu'ils lui donneront à vendre". Le contrat a fait l'objet de deux avenants : l'un du 12 janvier 1970 qui redéfinit le secteur géographique, et l'autre du 24 juin 1974 qui est relatif à des accords de pourcentages de commissions.Le 1er avril 1991, la SARL COUSSIPLUM, dirigée par le fils du dirigeant des Ets CINDA, est venue aux droits de ceux-ci, et le contrat de travail de Michel Y... s'est poursuivi dans les mêmes conditions.Par lettre du 24 juin 2002, Michel Y... a indiqué qu'il cesserait ses activités de VRP le 1er octobre 2002, et a fait valoir ses droits à la retraite.Entre temps, le 7 mai 2002, il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bourgoin-Jallieu d'une demande en paiement de commissions, qui a été radiée pour défaut de diligences.Le 19 décembre 2003, Michel Y... a saisi de nouveau le Conseil de Prud'hommes des mêmes demandes.Par jugement du 2 novembre 2004, le Conseil de Prud'hommes a rejeté sa demande d'expertise et a ordonné à la SARL COUSSIPLUM de produire la totalité des factures à commissions directes ou indirectes, de mai 1997 à septembre 2002, sous astreinte.Par jugement du 6 décembre 2005, le Conseil de Prud'hommes a, au vu de ces documents, ordonné une expertise comptable et liquidé l'astreinte à la somme de 7 500 €.La cour d'appel saisie par la SARL COUSSIPLUM a, par arrêt du 14 juin 2006, déclaré l'appel irrecevable et condamné la SARL COUSSIPLUM à verser à Michel Y... la somme de 2000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.L'expert judiciaire a déposé son rapport le 28 février 2007.Par jugement du 20 novembre 2007, le Conseil de Prud'hommes a condamné la SARL COUSSIPLUM à payer à Michel Y... la somme de 48 794,33 € au titre des commissions indirectes, a rejeté la demande formée au titre de la liquidation de l'astreinte et a condamné la SARL COUSSIPLUM à verser à Michel Y... la somme de 1500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.La Cour est saisie par l'appel interjeté le 18 décembre 2007 par la SARL COUSSIPLUM, à qui le jugement a été notifié le 29 novembre 2007.
La SARL COUSSIPLUM sollicite l'infirmation du jugement, le rejet des demandes de Michel Y... et la condamnation de celui-ci à lui payer 3 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose, en ses conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience :- qu'elle a fait l'objet d'un placement sous sauvegarde de justice, par décision du Tribunal de Commerce de Vienne du 27 novembre 2007, et que la période d'observation a été prolongée jusqu'au 25 novembre 2008 ; - que les opérations d'expertise ont permis de démontrer que Michel Y... avait été rempli de ses droits au titre des commissions directes et indirectes sur toutes les affaires traitées concernant les produits qui lui étaient confiés à la vente ;- que les commissions indirectes réclamées par Michel Y... concernent exclusivement des produits non confiés à la vente ; qu'il s'agit de travaux à façon qui relèvent d'une activité de sous-traitance de fabrication avec des clients industriels et qui ne génèrent aucune activité de représentation ; qu'il n'existe d'ailleurs pas, pour ce type d'activité, de collection ni de gamme de produits qui pourraient être confiés à des représentants ;- que Michel Y... a confirmé à l'expert judiciaire qu'il n'avait jamais visité ces clients ni ne s'était occupé des ordres transmis par eux ; que ces ordres étaient gérés directement par le gérant de la SARL COUSSIPLUM ;- que la SARL COUSSIPLUM avait d'ailleurs l'interdiction de vendre les produits dont la fabrication lui avait été en partie sous-traitée par les sociétés FERMOB, DIVA ou VIVARAISE DES TEXTILES ;- que cette branche d'activité a été développée par la SARL COUSSIPLUM dans un objectif de diversification afin d'assurer la survie de l'entreprise dans un secteur d'activité sinistré;- que la demande de Michel Y... en vue de voir liquider l'astreinte à la somme de 59 400 € n'est pas fondée dès lors qu'aucune des décisions rendues jusqu'au jugement dont il est fait appel n'avait l'autorité de la chose jugée ; que la SARL COUSSIPLUM a communiqué au Conseil de Prud'hommes, dès le 3 février 2005, les factures demandées par le jugement du 2 novembre 2004 ; qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération la période de suspension des opérations d'expertise judiciaire pendant la durée de la procédure d'appel interjeté à l'encontre du jugement avant dire droit du 6 décembre 2005 ; qu'après l'arrêt de la cour du 14 juin 2006, la SARL COUSSIPLUM est intervenu auprès de l'expert dès le 7 juillet 2006 alors que Michel Y... a attendu le 20 septembre 2006 pour procéder à la consignation mise à sa charge.
Michel Y..., intimé, demande à la cour de confirmer, dans son principe, le jugement déféré, sauf à modifier le montant des condamnations prononcées : il sollicite le paiement par la SARL COUSSIPLUM de la somme de 146 383 € au titre des commissions indirectes, la liquidation de l'astreinte à la somme de 59 400 € et le versement de la somme de 3 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.Il expose, en des conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience :- que le Conseil de Prud'hommes a tranché, dans son jugement du 2 novembre 2004 non frappé d'appel, le principe du bien fondé de sa demande en paiement des commissions indirectes ; - qu'il convient de retenir le taux de 12 % qui est le taux normal de ses commissions, la motivation du Conseil de Prud'hommes pour appliquer le taux minimum n'étant pas fondée puisque, par définition, les commissions indirectes sont dues lorsque les clients ne sont pas visités ;
- que l'astreinte doit être liquidée entre le 3 novembre 2004, point de départ du délai imparti par le jugement du 2 novembre 2004 pour la production des factures par l'employeur, et le 5 janvier 2007, date de transmission des pièces complémentaires réclamées par l'expert judiciaire.
MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues oralement et sans modification à l'audience.Le dispositif du jugement du Conseil de Prud'hommes du 2 novembre 2004, qui seul a autorité de la chose jugée, dit n'y avoir lieu à expertise, ordonne la communication des factures et déboute les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.La question du bien fondé ou non du paiement des commissions indirectes n'a donc pas été tranchée par cette décision avant dire droit.Il est constant que les commissions sont dues sur les ordres directs, c'est-à-dire sur les affaires traitées et conclues par le représentant lui-même, mais qu'elles peuvent l'être également sur les ordres indirects, c'est-à-dire sur les commandes transmises par les clients à l'employeur sans passer par l'intermédiaire du représentant, comme fruit indirect de sa prospection antérieure. Pour ce qui concerne les ordres qui parviennent à l'entreprise sans intervention quelconque du représentant, ils n'ouvrent droit à commission qu'en présence d'une stipulation expresse du contrat. Dans le silence du contrat, il appartient au représentant de prouver le bien fondé de sa prétention à commissions sur toutes les affaires traitées dans son secteur, même en dehors de lui, en établissant l'existence d'un usage constant à cet égard dans la profession ou l'entreprise. En l'occurrence, l'article 5 du contrat de travail du 23 janvier 1968 prévoit : "En rémunération de ses services, Michel Y... aura droit sur toutes les affaires directes ou indirectes faites dans son rayon et traitées aux conditions du tarif général, à une commission de 10 %. Pour toutes les affaires traitées à d'autres conditions que celles du tarif, un accord spécial interviendra au moment de l'acceptation de l'ordre fixant le taux de la commission."Cette disposition prévoit donc le droit à commission indirecte, sans imposer d'autres conditions que celles liées au secteur géographique et à la référence au tarif général.Les affaires sur lesquelles Michel Y... revendique des commissions indirectes concernent trois clients (Fermob, Diva et Vivaraise des Textiles) qui dépendent bien de son secteur géographique.Toutefois il ne conteste pas que les produits fabriqués pour ces clients ne figuraient pas au catalogue de la SARL COUSSIPLUM, qui avait même l'interdiction de les vendre, ce qui corrobore l'affirmation de l'employeur selon laquelle il s'agissait d'une activité de sous-traitance exclue des affaires soumises à commission. En outre, l'analyse faite par l'expert judiciaire de l'évolution du secteur de Michel Y... sur la période considérée montre que le chiffre d'affaires de ces clients correspondait, en 1997, à 11 % du chiffre d'affaires total de la société, puis sur les quatre années suivantes, à un pourcentage allant de 37 à 40 %, et qu'il représentait un montant cumulé sur les cinq années visées par la demande de 1 219 860 €.
Il s'agissait donc de clients importants dont Michel Y... ne pouvait ignorer l'existence ni, compte tenu de l'importance des commissions générées par une telle activité, se dispenser de réclamer, et, ce, pendant plusieurs années, une telle rémunération, alors qu'il est de principe que les commissions donnent lieu à un règlement au moins tous les trois mois.Enfin Michel Y... n'a pas contesté les informations données à l'expert judiciaire, lors de la réunion d'expertise qui s'est tenue le 8 février 2007, quant aux taux de commission, et selon lesquelles (page 9 du rapport) il était de 0 % pour la "fabrication spécifique à un client, les articles hors catalogues et la clientèle non visitée". Michel Y... ne peut, dans ces conditions, revendiquer un droit à une rémunération sur des prospections qu'il n'a jamais initiées, ni suivies, et qui ne concernaient pas les articles que les Ets CINDA, devenus SARL COUSSIPLUM, lui avaient donné à vendre, pour reprendre les termes du contrat de travail. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que la demande formée par Michel Y... n'est pas fondée et que le jugement doit être infirmé.
Sur l'astreinte :Le jugement avant dire droit du Conseil de Prud'hommes en date du 2 novembre 2004 a ordonné à la SARL COUSSIPLUM de communiquer la totalité des factures à commissions directes ou indirectes, de mai 1997 à septembre 2002, sous 15 jours à compter de la réception du jugement, sous astreinte de 75 € par jour de retard. Ces documents ont été transmis au Conseil de Prud'hommes par la SARL COUSSIPLUM le 3 février 2005. Par jugement du 6 décembre 2005, le Conseil de Prud'hommes a ordonné "la liquidation de l'astreinte ordonnée dans le jugement avant dire droit du 2 novembre 2004, à hauteur de 7 500 € à réception du présent jugement ", et a dit qu'en cas de "non paiement de cette astreinte forfaitaire, le conseil exigerait la liquidation de l'astreinte initiale, soit 75 €, par le nombre de jours à compter du 3 novembre 2004 jusqu'à la production des pièces (factures donnant droit à commissions indirectes) à l'expert".Il n'est pas contesté que l'astreinte forfaitaire a été payée par voie de saisie attribution pratiquée le 7 septembre 2007, validée par le juge de l'exécution le 14 janvier 2008.Dès lors qu'aucun délai n'a été fixé par le Conseil de Prud'hommes pour cette exécution, la demande de liquidation de l'astreinte n'apparaît pas fondée et la demande de Michel Y... doit être rejetée.
Sur les frais de défense : L'équité commande de laisser à la charge de la SARL COUSSIPLUM les frais exposés pour sa défense.
PAR CES MOTIFS

LA COUR,Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL COUSSIPLUM à payer à Michel Y... 48 794,33 € de commissions indirectes et 1 500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Déboute Michel Y... de ses demandes en paiement de commissions indirectes et en liquidation de l'astreinte,
- Rejette la demande de la SARL COUSSIPLUM formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Laisse les dépens d'appel à la charge de Michel Y....
Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.VERDAN, Signé par Monsieur DELPEUCH, président, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08/00047
Date de la décision : 05/11/2008
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu, 20 novembre 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2008-11-05;08.00047 ?
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