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22/10/2008 | FRANCE | N°07/04545

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ct0269, 22 octobre 2008, 07/04545


RG N° 07 / 04545
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 22 OCTOBRE 2008
Appel d'une décision (No RG 99 / 00572) rendue par le Conseil de Prud'hommes de SAINT-ETIENNE en date du 13 novembre 2002 ayant fait l'objet d'un arrêt de la Cour d'Appel de LYON le 24 juin 2005 et suite à un arrêt de la Cour de Cassation du 30 mai 2007

APPELANTE :
Madame Martine X... ...

Représentée par Me Jean SANNIER (avocat au barreau de LYON)
INTIMEE :
La SA FONCIA IGD 5 Rue du Lieutenant Morin 42000 SAINT-ETIENNE

Représentée par la SCP MA

RRE-CHALAOUX (avocats au barreau de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DEL...

RG N° 07 / 04545
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 22 OCTOBRE 2008
Appel d'une décision (No RG 99 / 00572) rendue par le Conseil de Prud'hommes de SAINT-ETIENNE en date du 13 novembre 2002 ayant fait l'objet d'un arrêt de la Cour d'Appel de LYON le 24 juin 2005 et suite à un arrêt de la Cour de Cassation du 30 mai 2007

APPELANTE :
Madame Martine X... ...

Représentée par Me Jean SANNIER (avocat au barreau de LYON)
INTIMEE :
La SA FONCIA IGD 5 Rue du Lieutenant Morin 42000 SAINT-ETIENNE

Représentée par la SCP MARRE-CHALAOUX (avocats au barreau de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre, Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, Madame Hélène COMBES, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 01 Octobre 2008, Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 22 Octobre 2008.
L'arrêt a été rendu le 22 Octobre 2008.
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat à durée indéterminée du 14 décembre 1998, Martine X... a été embauchée en qualité de "négociatrice transaction" par la société Foncia IGD.
Le 5 octobre 1999, la société Foncia IGD l'a convoquée à un entretien préalable à son licenciement avec notification d'une mise à pied conservatoire et l'a licenciée pour faute grave le 16 octobre 1999.
Martine X... a contesté son licenciement devant le conseil de Prud'hommes de Saint-Etienne qu'elle a saisi le 17 novembre 1999 et dans le même temps, la société Foncia IGD a engagé des poursuites pénales pour vol, la procédure se terminant par une ordonnance de non-lieu le 17 décembre 2001.
Par jugement du 13 novembre 2002, le conseil de Prud'hommes a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse mais non sur une faute grave et a condamné la société Foncia IGD à payer à la salariée l'indemnité de préavis, le salaire dû pendant la mise à pied et un rappel de commissions.
Sur appel de Martine X..., la cour d'appel de Lyon a, dans un arrêt du 24 juin 2005, augmenté les sommes dues au titre des commissions et réformant le jugement pour le surplus, dit que le licenciement repose sur une faute grave et débouté Martine X... de toutes ses demandes initiales et nouvelles de ce chef.
Par arrêt du 30 mai 2007, la Cour de Cassation a cassé l'arrêt du 24 juin 2005, mais seulement en ce qu'il a débouté Martine X... des ses demandes en paiement des indemnités de rupture et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Grenoble.
A ce stade de la procédure, Martine X..., qui conteste le bien-fondé de la rupture du contrat de travail, demande à la Cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de condamner la société Foncia IGD à lui payer les sommes suivantes :
-2. 509, 48 euros au titre de l'indemnité de préavis et 250, 94 euros au titre des congés payés afférents-1. 254, 74 euros au titre de la mise à pied conservatoire et 125, 47 euros au titre des congés payés afférents-60. 227, 52 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat-30. 113, 76 euros à titre de l'indemnité de clientèle-2. 500 euros au titre des frais irrépétibles

Elle sollicite également la remise sous astreinte d'une attestation Assedic et d'un solde de tout compte rectifiés.
Elle expose qu'elle a rencontré des difficultés relationnelles avec sa supérieure hiérarchique, Michèle Y..., et que par l'intermédiaire de son conseil, elle en a informé son employeur par un courrier du 27 septembre 1999, dont une copie a été adressée à la société holding du groupe.
Elle fait valoir que les termes de ce courrier ne sont nullement injurieux et font simplement état de la situation à laquelle elle était confrontée, de sorte que cet envoi ne peut constituer une faute et encore moins une faute grave.
Elle ajoute que le fait qu'elle ait transmis à ses supérieurs (société et groupe) des documents appartenant à la société et auxquels elle avait eu accès dans le cadre de ses fonctions, ne saurait constituer une faute dès lors que ces documents lui permettaient de démontrer la réalité de la situation dénoncée.
Elle relève que ces documents envoyés dans le cadre d'une phase pré-contentieuse n'ont pas été transmis à des tiers mais seulement à l'employeur et au groupe dont dépendait la société Foncia IGD.
Elle souligne qu'en tout état de cause, c'est son conseil qui a adressé les lettres du 27 septembre 1999 et qu'elle ne peut se voir imputer la responsabilité des termes qu'elles contiennent.
Elle invoque sa bonne foi et soutient qu'en alertant son employeur de ses difficultés, elle pensait légitimement qu'il pourrait intervenir pour mettre fin au litige et assainir la situation, ce qu'a d'ailleurs admis le conseil de Prud'hommes.
Elle conclut que l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement fonde sa demande au titre des indemnités de rupture et ajoute que du fait de la rupture brutale du contrat de travail, elle a subi un important préjudice aggravé par les plaintes de l'employeur.
Elle soutient enfin qu'en l'absence de faute grave, une indemnité de clientèle lui est due.
La société Foncia IGD, intimée, demande à la cour de dire le licenciement pour faute grave justifié, de débouter Martine X... de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 4. 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle expose que le 15 décembre 1998, Michèle Y..., supérieure hiérarchique de Martine X..., lui a remis son plan d'action commercial avec attribution de son secteur d'intervention ;
que Martine X... s'est déclarée insatisfaite des secteurs d'intervention qui lui étaient dévolus, et n'a pas hésité à soutenir auprès de la direction que Michèle Y... s'était sciemment attribué les secteurs les plus porteurs pour ne lui laisser que les secteurs en difficulté ;
qu'au cours d'une réunion qui s'est tenue le 19 février 1999, il a été décidé que pour éviter toute confusion, les secteurs de la ville de Saint-Etienne seraient désormais répartis selon un découpage nord-sud, découpage ne conférant cependant aucune exclusivité aux négociateurs.
Elle indique qu'en dépit de cette mise au point, Martine X... a adopté un comportement de refus et de dénigrement systématique de sa hiérarchie en court-circuitant les procédures internes ;
que la situation au cours de l'été 1999 a nécessité une nouvelle mise au point de la part du dirigeant et l'établissement d'une note de service dont l'objet était de limiter au maximum les contacts entre Martine X... et Michèle Y... .
Elle indique que dans un courrier du 27 septembre 1999, Martine X... a, par l'intermédiaire de son conseil, imaginé d'alléguer de prétendus harcèlements en menaçant d'en tirer toutes les conséquences et en annexant à son envoi un compte-rendu d'activité et 16 pièces hautement confidentielles qui appartenaient à la société Foncia IGD et à elle seule.
Elle fait successivement valoir :
- que Martine X..., dont les accusations ont été démenties par l'ensemble des salariés interrogés, a sciemment tenté de porter discrédit à sa supérieure hiérarchique, avec une volonté de nuire évidente ;
- qu'elle n'a pas hésité à mettre en cause le dirigeant de l'entreprise auprès de la holding, rapportant des faits matériellement inexacts dans des termes excessifs constitutifs d'une faute grave ;
- qu'elle a photocopié à des fins personnelles des documents appartenant à son employeur, comme le registre des mandats qui est un document légal fortement réglementé ou les renseignements bancaires concernant les clients ;
- qu'elle ne pouvait exciper au moment où elle a réalisé ces photocopies d'un procès prud'homal qui n'était pas à l'ordre du jour puisqu'elle n'était pas encore licenciée ;
- que la teneur de ces écrits est totalement étrangère à une situation de harcèlement et que Martine X... n'en a d'ailleurs pas fait usage dans le cadre des différentes procédures ;
- qu'elle ne pouvait diffuser les documents appréhendés ni menacer de les communiquer à des tiers ;
- que l'attitude manifestement hostile de Martine X... rendait impossible la poursuite du contrat de travail et son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
Elle soutient enfin que la demande au titre de l'indemnité de clientèle est irrecevable au regard de la décision de la Cour de cassation et qu'elle doit en tout état de cause être déclarée mal fondée, la nature même des fonctions de négociateur immobilier excluant l'application des dispositions de l'article L 751-9 du code du travail.
DISCUSSION
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
Attendu que seule la question relative aux commissions est définitivement tranchée à ce stade de la procédure, la Cour devant se prononcer sur le licenciement et ses conséquences ;
Attendu que la lettre de licenciement pour faute grave reproche à Martine X... de s'être prétendue victime de harcèlement moral de la part de la directrice des ventes, d'avoir menacé le dirigeant de l'entreprise de poursuites pénales, d'avoir adressé un courrier dans les mêmes termes au président de la société holding du groupe Foncia et d'avoir intercepté, photocopié et conservé par devers elle des documents strictement privés et confidentiels ;
Attendu que dans les écritures qu'elle développe devant la Cour, Martine X... soutient qu'elle rencontrait des difficultés relationnelles avec sa supérieure hiérarchique et que c'est en toute bonne foi qu'elle a informé la direction de sa situation ;
qu'elle ne précise cependant pas l'origine de ces difficultés et n'allègue plus l'existence d'un harcèlement moral ou de brimades comme elle le faisait devant les premiers juges ;
Attendu que si la réalité des difficultés relationnelles entre Martine X... et Michèle Y... est reconnue par l'employeur, force est de constater que rien dans les pièces versées aux débats ne permet d'en attribuer la responsabilité à Michèle Y... ;
que le compte rendu de la réunion transaction du 19 février 1999 fait état d'une répartition des secteurs nord-sud et règle quelques questions annexes entre Martine X..., Nathalie Z... et Michèle Y... ;
que la note du 21 juillet 1999 par laquelle le dirigeant de la société instaure un nouveau fonctionnement du service transaction maintient le découpage géographique, sauf à prévoir une répartition plus efficace sur les immeubles en copropriété et abandonne la gestion des acquéreurs dont " le fonctionnement atypique ne sera pas conservé " ;
qu'aucun de ces documents ne suggère une inégalité de traitement entre les négociatrices contre laquelle Martine X... se serait légitimement élevée ;
Attendu que le 27 septembre 1999, le conseil de Martine X... a adressé au dirigeant de la société Foncia IGD un courrier dans lequel il affirme que " la directrice des ventes, Madame Y..., abuse de cette qualité pour entraver le travail de ma cliente " et évoque plusieurs faits qu'il qualifie de harcèlement ;
qu'il indique avoir établi un compte rendu des problèmes relevés qu'il joint en annexe et précise enfin qu'il adresse copie de ce courrier et de son annexe à la direction parisienne, ce qu'il a fait le jour même ;
Attendu que dans le courrier qu'il a adressé à la société holding du groupe Foncia, le conseil de Martine X... a fait appel au pouvoir de direction du dirigeant " afin que cessent les exactions à l'égard de ma cliente " ;
Attendu que le compte rendu annexé aux courriers du 27 septembre 1999 est une longue énumération des " agissements " de Michèle Y... (page 2) à laquelle il est reproché de s'attribuer les secteurs les plus intéressants, d'entraver la bonne marche des dossiers, de s'être rendue coupable d'une " malversation inadmissible ", d'avoir agressé Martine X..., d'avoir falsifié le registre des mandats, de tenter de discréditer Martine X..., de faire fi des directives qui lui sont imposées et d'entraver " avec une constance exemplaire " et de " manière inadmissible " l'exercice des fonctions de sa subordonnée ;
Attendu que pas plus qu'elle le faisait en première instance, Martine X... n'établit le bien-fondé d'une seule de ces allégations et n'essaye d'ailleurs même pas de le faire ;
Attendu qu'il convient de rejeter comme dépourvue de toute pertinence son argumentation selon laquelle elle n'est pas l'auteur du courrier que son avocat n'a pu rédiger et expédier sans son approbation ;
Attendu que les courriers de Martine X... rapportent des faits dont certains pourraient revêtir une qualification pénale et dont elle ne tente même pas d'établir la véracité ;
qu'il s'en déduit qu'ils ont été établis dans la seule intention de nuire à Michèle Y... et à travers elle de jeter le discrédit sur la direction de la société Foncia IGD, présentée comme complice de ses agissements ;
Attendu que l'intention de nuire est aggravée par la dénonciation à la direction parisienne de la holding de faits qui doivent être tenus pour inexacts ;
Attendu qu'en agissant comme elle l'a fait, Martine X... a fait preuve d'une mauvaise foi constitutive de la faute grave incompatible avec son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis ;
que le jugement du conseil de Prud'hommes sera infirmé en ce qu'il a fait droit à sa demande au titre de l'indemnité de préavis et du salaire pendant la mise à pied ;
que Martine X... sera déboutée de toutes ses demandes dont la demande au titre de l'indemnité de clientèle formulée en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Infirme le jugement rendu le 13 novembre 2002 par le conseil de Prud'hommes de Saint-Etienne en ce qu'il a jugé le licenciement de Martine X... fondé sur une cause réelle et sérieuse mais non sur une faute grave.
- Statuant à nouveau, dit que le licenciement de Martine X... est fondé sur une faute grave et la déboute de ses demandes au titre de l'indemnité de préavis, de l'indemnité de clientèle et du salaire pendant la mise à pied.
- La condamne aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, président, et par Michèle VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ct0269
Numéro d'arrêt : 07/04545
Date de la décision : 22/10/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Saint-Etienne, 13 novembre 2002


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2008-10-22;07.04545 ?
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