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13/10/2008 | FRANCE | N°07/03941

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ct0269, 13 octobre 2008, 07/03941


RG N° 07/03941
COUR D'APPEL DE GRENOBLECHAMBRE SOCIALEARRET DU LUNDI 13 OCTOBRE 2008
Appel d'une décision (N° RG 07/00094)rendue par le Conseil de Prud'hommes de VIENNEen date du 01 octobre 2007suivant déclaration d'appel du 29 Octobre 2007
APPELANT :
Monsieur José X......38240 MEYLAN
Comparant et assisté par Me Mustapha BAICHE (avocat au barreau de LYON)
INTIMEE :
La SA BETON RHONE-ALPES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siègeB.P. 334 Avenue Aristide Bergès38080 L'ISLE D'ABEAU
Représentée par Monsi

eur DESELAIE (Directeur de Région) assisté par Me Marie-Laurence BOULANGER (avocat au...

RG N° 07/03941
COUR D'APPEL DE GRENOBLECHAMBRE SOCIALEARRET DU LUNDI 13 OCTOBRE 2008
Appel d'une décision (N° RG 07/00094)rendue par le Conseil de Prud'hommes de VIENNEen date du 01 octobre 2007suivant déclaration d'appel du 29 Octobre 2007
APPELANT :
Monsieur José X......38240 MEYLAN
Comparant et assisté par Me Mustapha BAICHE (avocat au barreau de LYON)
INTIMEE :
La SA BETON RHONE-ALPES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siègeB.P. 334 Avenue Aristide Bergès38080 L'ISLE D'ABEAU
Représentée par Monsieur DESELAIE (Directeur de Région) assisté par Me Marie-Laurence BOULANGER (avocat au barreau de LYON) substituée par Me ROBINET (avocat au barreau de LYON)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Jean-François GALLICE, Conseiller, faisant fonction de Président,Madame Hélène COMBES, Conseiller,Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 23 Septembre 2008,Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).Puis l'affaire a été mise en délibéré au 13 Octobre 2008.L'arrêt a été rendu le 13 Octobre 2008.

EXPOSE DU LITIGE
Depuis 1993, José X... effectuait le transport et la livraison de béton prêt à l'emploi pour le compte de la société Béton Rhône-Alpes. Aucun contrat écrit n'avait été établi.
Au mois de septembre 2001, il a saisi le conseil de Prud'hommes de Grenoble afin d'obtenir la requalification du contrat en contrat de travail et en cours de procédure, les parties ont conclu le 26 mars 2002 un accord transactionnel mettant fin au litige.
Aux termes de cet accord, les parties ont notamment accepté de reprendre les relations commerciales dans le cadre d'un nouveau contrat de location de véhicule avec conducteur.
Le 8 juin 2006, José X... a de nouveau saisi le conseil de Prud'hommes de Vienne pour obtenir la requalification de cette convention en contrat de travail et le paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts, heures supplémentaires, repos compensateurs...
Par jugement du 1er octobre 2007, le conseil de Prud'hommes l'a débouté de toutes ses demandes au motif qu'il ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un lien de subordination.
José X... a relevé appel le 29 octobre 2007.
Il demande à la Cour de condamner la société Béton Rhône-Alpes à lui payer les sommes suivantes :
- 16.985,94 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé- 24.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse - 5.661,98 euros au titre de l'indemnité de préavis - 7.360,57 euros au titre de l'indemnité de licenciement - remise sous astreinte certificat de travail et attestation Assedic - 16.136,64 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de congés payés - 53.000 euros au titre des heures supplémentaires et 5.300 euros au titre des congés payés afférents - 26.500 euros à titre de dommages-intérêts pour perte du droit au repos compensateur - 3.000 euros au titre des frais irrépétibles
Il expose que depuis le mois de juin 1993, il effectue le transport et la livraison de béton prêt à l'emploi pour le compte de la société Béton Rhône-Alpes et rappelle les circonstances dans lesquelles un accord transactionnel a été établi le 26 mars 2002.
Il fait valoir que dans le cadre du nouveau contrat établi après la transaction, il a été contraint de continuer à fournir sa prestation sans bénéficier de la moindre autonomie ou indépendance et dans des conditions de nature à caractériser l'existence d'un contrat de travail ;
que dans les mois qui ont suivi la saisine du conseil de Prud'hommes, la société Béton Rhône-Alpes lui a notifié la rupture du contrat avec effet immédiat.
Il soutient que sa demande est recevable dès lors que la transaction ne porte que sur le contrat qui a produit ses effets de 1993 à 2001 et non sur le contrat conclu postérieurement pour lequel il n'a jamais renoncé à toute action de requalification.
Il rappelle que le juge ne doit pas s'arrêter à la dénomination que les parties ont donnée à leur convention.
Il soutient encore que le principe de l'unicité de l'instance n'a pas vocation à s'appliquer dès lors que ce n'est pas le même contrat qui est en cause.
Sur les éléments de nature à justifier la requalification du contrat commercial en contrat de travail, il fait successivement valoir :
- qu'il était intégré dans un service organisé dirigé directement par la société Béton Rhône-Alpes, laquelle diffusait des notes d'information sur les heures d'ouverture des centrales à béton, lui transmettait des heures de convocation, organisait les rechargements et les pauses déjeuner, lui imposait des obligations et des consignes de sécurité.
- qu'il n'avait pas le libre choix de son organisation et était astreint à des sujétions d'horaires.
- que sa rémunération était exclusivement et unilatéralement fixée par la société Béton Rhône-Alpes qui ne faisait aucun appel d'offres.
- qu'il n'avait aucun pouvoir de négociation et n'établissait pas lui-même sa facturation.
- que la société Béton Rhône-Alpes disposait d'un pouvoir de direction et de sanction se traduisant par des instructions et directives.
S'il était fait droit à sa demande de requalification, il précise que la convention collective applicable est celle des industries de carrières et métaux, qu'il a une ancienneté de 13 ans dans l'entreprise, que sa durée hebdomadaire de travail était de 55 heures par semaine, qu'il relève de classification OS échelon C coefficient 150 et peut prétendre au paiement d'une prime d'ancienneté.
La société Béton Rhône-Alpes conclut au principal à l'irrecevabilité de la demande et subsidiairement à son rejet.
Elle réclame 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle réplique que l'accord transactionnel du 26 mars 2002 qui a mis fin au litige a l'autorité de la chose jugée, ce qui constitue une fin de non-recevoir rendant la demande irrecevable ;
que les parties ont en effet transigé sur le principe de la reprise des relations contractuelles et sur leur nature commerciale, de sorte que la transaction porte tant sur la période antérieure au 26 mars 2002 que sur la période postérieure.
Elle invoque également le principe de l'unicité de l'instance et soutient que l'extinction de l'instance par l'effet d'un désistement entraîne son application.
Sur le fond, elle conclut au rejet de la demande de requalification et réplique que le contrat de transport est en l'espèce un contrat d'entreprise et non un contrat de travail.
Elle précise que José X... étant immatriculé au registre du commerce et des sociétés, il est présumé travailleur indépendant et doit donc rapporter la preuve qu'il fournissait ses prestations dans des conditions le plaçant dans un lien de subordination juridique.
Pour contester l'existence d'un lien de subordination, elle fait valoir que les impératifs de son activité et les sujétions inhérentes au contrat de location de véhicule avec conducteur n'ont pas pour effet d'établir un lien de subordination propre à la relation employeur / salarié et soutient successivement :
- qu'en tant que locataire, elle a la maîtrise et la responsabilité des opérations de transport dont elle doit garantir le bon déroulement ;que la spécificité du produit livré nécessite une organisation particulière au respect de laquelle elle doit veiller ;
qu'il est donc tout à fait légitime qu'elle donne aux chauffeurs des consignes techniques et sécuritaires imposées par des nécessités de police administrative ou qu'elle leur diffuse des notes, les convoque chaque matin à une heure précise ou leur donne des consignes générales sur la prise des pauses déjeuner ;
- que dans la mesure où l'objet du contrat est le transport de béton, il serait inconcevable qu'elle n'organise pas elle-même les modalités de chargement au sein de ses centrales.
- qu'en tant que travailleur indépendant, José X... n'est pas rémunéré en fonction du nombre d'heures de travail effectuées mais en fonction du nombre de livraisons accomplies.
- qu'il a seul la maîtrise et la responsabilité des opérations de conduite et est libre de l'organisation de son travail, de ses parcours, de la gestion de ses congés et de ses moyens de travail.
- que rien n'empêche les chauffeurs de faire des contre-propositions à la proposition de tarifs qu'elle leur envoie en début d'année, ce que José X... n'a pas manqué de faire à plusieurs reprises.
- que l'établissement de relevés de prestations mensuels pour chaque chauffeur est destiné à leur faciliter le travail de facturation, chaque chauffeur ayant la possibilité d'émettre une facture complémentaire s'il n'est pas d'accord avec les termes du relevé.
- que l'établissement de relevés d'heures ne vise pas à contrôler le temps de travail des chauffeurs mais à répartir et organiser les livraisons de façon équitable.
- que José X... n'a jamais souhaité porter les signes distinctifs de la société ni installer dans son camion un système de géolocalisation.
Pour le cas où il serait fait droit à la demande de requalification, elle conteste le quantum des demandes au titre des heures de travail et de l'imputabilité de la rupture.
DISCUSSION
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
1 - Sur la recevabilité de la demande
Attendu que lorsqu'elles ont conclu l'accord transactionnel du 26 mars 2002, les parties ont décidé de reprendre leurs relations commerciales interrompues le 28 septembre 2001 dans le cadre d'un nouveau contrat de location de véhicule avec conducteur ;

Attendu qu'il est de jurisprudence constante que la qualification d'un contrat ne peut être laissée à la seule volonté des parties et qu'il appartient au juge de rechercher sa véritable nature juridique ;
Attendu qu'en signant le protocole du 26 mars 2002, José X... n'a pu valablement renoncer à solliciter ultérieurement la requalification du contrat commercial en contrat de travail ;
que c'est à tort que la société Béton Rhône-Alpes soulève la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ;
Attendu que la société Béton Rhône-Alpes n'est pas davantage fondée à invoquer le principe de l'unicité de l'instance, la demande de José X... à ce stade de la procédure ne dérivant pas du même contrat que la demande qu'il présentait en 2001 devant le conseil de Prud'hommes ;
que sa demande sera déclarée recevable ;
2 - Sur le fond
Attendu que José X... est immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Grenoble en qualité de loueur de véhicule avec conducteur ainsi qu'il résulte des écritures concordantes des parties dont aucune ne produit d'extrait du registre du commerce et des sociétés ;
Attendu qu'en application de l'article L 8221-6 du code du travail, il est présumé ne pas être lié avec la société Béton Rhône-Alpes par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité de location de véhicule ;
que c'est donc à lui d'établir que les conditions dans lesquelles il effectuait sa prestation le plaçaient dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de la société Béton Rhône-Alpes, lien de subordination caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;
Attendu que la société Béton Rhône-Alpes produit et commercialise du béton prêt à l'emploi dont elle confie le transport à des chauffeurs indépendants avec lesquels elle passe des contrats de location de véhicule avec conducteur conformément au décret du 17 avril 2002 ;
Attendu que dans le cadre de ces contrats, le loueur assume la maîtrise et la responsabilité des opérations de conduite et le locataire la maîtrise et la responsabilité des opérations de transport ;
Attendu que la société Béton Rhône-Alpes indique sans être contredite que le béton a une durée d'utilisation limitée et ne peut être mis en oeuvre plus de deux heures après sa fabrication ;
Attendu qu'il en résulte que ses clients doivent être livrés à des horaires très précis en fonction du moment où ils entendent utiliser le béton ;
Attendu que ces contraintes d'utilisation nécessitent la mise en place d'une organisation rigoureuse et rationnelle des chargements qui suppose la disponibilité des camions tout au long de la journée ;
que c'est afin d'optimiser la rotation des chargements que la société Béton Rhône-Alpes adresse aux chauffeurs des notes relatives aux heures de convocation, aux modalités de rechargement, aux pauses déjeuner ou au retour des bétons destinés à la décharge ;
Attendu qu'il peut être retenu que comme l'ensemble des chauffeurs, José X... était bien intégré à un service organisé, imposé par les sujétions inhérentes à l'activité, y compris dans leur aspect administratif et sécuritaire ;
Mais attendu que si l'intégration au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination, ce seul élément ne suffit pas à caractériser un tel lien ;
Attendu qu'en l'espèce, il ne ressort d'aucun des éléments produits par José X... qu'indépendamment des directives visant à la satisfaction des clients et au respect des règles de sécurité, la société Béton Rhône-Alpes lui donnait des ordres relatifs à l'exercice du travail lui-même, qu'elle en contrôlait l'exécution et en sanctionnait les manquements ;
Attendu que José X... ne dément pas qu'il avait la maîtrise des ses congés, qu'il ne portait pas les signes distinctifs de l'entreprise, qu'il a refusé l'installation d'un système de géolocalisation et qu'il n'a pas changé de camion comme il s'y était engagé dans le protocole transactionnel du 26 mars 2002, ce que la société Béton Rhône-Alpes ne lui a pourtant jamais reproché ;
Attendu qu'il n'est pas inutile de relever au surplus que le ton des courriers adressés par la société Béton Rhône-Alpes à José X... ne traduit en rien l'existence d'un rapport hiérarchique (ex : courriers du 15 mars 2006, du 16 novembre 2006) ;
Attendu que pour ce qui concerne la rémunération, José X... n'établit pas qu'elle lui était imposée sans qu'il ait la possibilité de la discuter ;
qu'ainsi, la société Béton Rhône-Alpes lui a adressé au mois de novembre 2005 deux bons de régularisation de 836 euros et 952 euros en réponse à ses réclamations
qu'il ressort encore d'un courrier du 27 février 2006 que José X... a contesté les tarifs concernant l'acheminement du béton sur le chantier du stade de Grenoble, à la suite de quoi la société Béton Rhône-Alpes s'est engagée à revoir ses propositions et lui a adressé un bon de régularisation le 19 mars 2006 ;
Attendu qu'il résulte de tous ces éléments que l'existence d'un lien de subordination n'est pas démontrée ;
que José X... sera débouté de sa demande de requalification et le jugement du conseil de Prud'hommes confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Béton Rhône-Alpes les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Déclare recevable la demande de José X... .

- Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er octobre 2007 par le conseil de Prud'hommes de Vienne.
- Y ajoutant, déboute la société Béton Rhône-Alpes de sa demande au titre des frais irrépétibles.
- Condamne José X... aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur GALLICE, président, et par Madame VERDAN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ct0269
Numéro d'arrêt : 07/03941
Date de la décision : 13/10/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Vienne, 01 octobre 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2008-10-13;07.03941 ?
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