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13/10/2008 | FRANCE | N°07/03840

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ct0269, 13 octobre 2008, 07/03840


RG N° 07 / 03840
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU LUNDI 13 OCTOBRE 2008
Appel d'une décision (No RG 06 / 00596) rendue par le Conseil de Prud'hommes de VIENNE en date du 18 septembre 2007 suivant déclaration d'appel du 23 Octobre 2007

APPELANT :

Monsieur François X... ...38300 MAUBEC

Comparant et assisté par Me Nicolas MAGUET (avocat au barreau de LYON)
INTIMÉE :
La S. A. OXADIS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège Parc de Chesnes-Z. I. de Tharabie 65 rue de Luzais-B. P. 37 38291 SAINT

QUENTIN FALLAVIER CEDEX

Représentée par Me Olivier BARRAUT (avocat au barreau de LYON)
CO...

RG N° 07 / 03840
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU LUNDI 13 OCTOBRE 2008
Appel d'une décision (No RG 06 / 00596) rendue par le Conseil de Prud'hommes de VIENNE en date du 18 septembre 2007 suivant déclaration d'appel du 23 Octobre 2007

APPELANT :

Monsieur François X... ...38300 MAUBEC

Comparant et assisté par Me Nicolas MAGUET (avocat au barreau de LYON)
INTIMÉE :
La S. A. OXADIS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège Parc de Chesnes-Z. I. de Tharabie 65 rue de Luzais-B. P. 37 38291 SAINT QUENTIN FALLAVIER CEDEX

Représentée par Me Olivier BARRAUT (avocat au barreau de LYON)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Jean-François GALLICE, Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Eric SEGUY, Conseiller, Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 15 Septembre 2008, Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie (s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 13 Octobre 2008.
L'arrêt a été rendu le 13 Octobre 2008.

François X... a été engagé le 13 mars 1989 en qualité de " responsable référencement centrales produits inertes " par la société GENEST SA, filiale du groupe LIMAGRAIN. Son contrat a été transféré le 1er juillet 1989, avec reprise d'ancienneté, statut cadre, à la société OXADIS, sous-filiale de LIMAGRAIN et dont l'activité comprend notamment la commercialisation d'aliments et d'accessoires pour animaux de compagnie.
Le 1er janvier 1994, il a été nommé responsable de la centrale référencement, coefficient 430 de la convention collective.
Le 1er mars 1995, un contrat de travail a été signé entre les parties pour les fonctions de chef de groupe marketing, coefficient 480, avec reprise d'ancienneté.
Il a par ailleurs été élu délégué du personnel pour la période du 22 novembre 2001 au mois de décembre 2005 et a été désigné délégué syndical suppléant par l'UNSA le 22 avril 2003 jusqu'au 26 octobre 2004.
Il a été placé en arrêt maladie de septembre 2003 à juillet 2004 puis de nouveau à compter du mois de septembre 2004 et n'a jamais repris son travail.
Sa convention de préretraite progressive à effet au 1er mai 2003 a été signée entre l'employeur et l'Etat le 10 octobre 2002 et il a été mis fin à son contrat de travail en raison de son départ à la retraite à 60 ans le 30 avril 2008.
C'est dans ce contexte que François X... a saisi le conseil de prud'hommes de Vienne, le 30 juin 2006, d'une demande aux fins d'établir qu'il avait été victime d'un harcèlement moral et d'obtenir 108. 000 euros de dommages et intérêts.
Par jugement du 18 septembre 2007, ce conseil a dit qu'il ne rapportait pas la preuve de faits caractérisant un harcèlement moral, l'a débouté de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné à verser une indemnité de 500 euros à la société OXADIS au titre des frais irrépétibles.
F. X..., auquel ce jugement a été notifié le 2 octobre 2007, en a relevé appel le 23 octobre 2007. Il demande à la cour de réformer la décision, de constater son harcèlement moral par la société OXADIS, de la condamner à lui verser 108 649, 22 euros de dommages et intérêts, soit l'équivalent de 24 mois du salaire qu'il percevait avant son arrêt maladie et 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Il invoque :- une mise au placard et une évolution de carrière négative,- le retrait à compter du 17 avril 2000, lors de l'établissement du nouvel organigramme de la direction marketing animalerie, de toutes ses responsabilités et de ses attributions contractuelles,- le fait d'avoir été réduit : dans un premier temps à l'emploi de chef de groupe animalerie (3 subordonnés), dans un deuxième temps (1er septembre 2000) à l'emploi d'acheteur animalerie, alors que pendant les 11 années précédentes il avait progressé dans l'entreprise où il avait notamment dirigé une équipe de 6 personnes et avait eu la responsabilité de 30 % du chiffre d'affaires, dans un troisième temps (septembre 2002) à l'emploi d'acheteur isolé,- le fait que la matérialité de sa régression n'était pas contestée par l'employeur qui n'avait fourni aucun élément objectif pour la justifier,- son absence d'acceptation de ces postes de chef de groupe achat puis d'acheteur isolé,- une absence d'évolution de carrière en termes de rémunération et une absence d'entretien d'évaluation pendant près de 5 ans jusqu'à 2002,

- son retrait progressif de la gestion des grands comptes fournisseurs à partir de 2003,- une adhésion imposée à la préretraite,- la concomitance de ces faits avec ses mandats de représentation du personnel,- sa dépression réactionnelle (longs arrêts de travail).

Il explique que, s'il avait refusé en octobre 2003 de prendre en charge le service approvisionnement animalerie proposé en juin 2003, c'était essentiellement parce que ce poste était vide de substance, excluant toute relation achat avec les principaux fournisseurs du secteur.
Il souligne aussi qu'il n'avait cessé de dénoncer cet état de fait depuis 2002 mais qu'il n'avait jamais obtenu de réponse à ses nombreux mails ou lettres de réclamations et soutient que sa démotivation n'était que la conséquence de cette régression professionnelle imposée.
La société OXADIS demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner François X... à lui verser 3. 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle relève que le salarié n'avait pas pris acte de la rupture, n'avait invoqué le harcèlement qu'une seule fois le 22 avril 2003, mais avait attendu le mois de juin 2006 pour agir par voie judiciaire contre l'employeur, n'avait pas saisi le médecin du travail et n'avait dénoncé aucun fait de harcèlement dans ses lettres alors qu'il avait les moyens, notamment syndicaux, pour réagir.
Elle explique que le changement de fonctions dénoncé était justifié par une réorganisation du service qui était elle-même nécessaire car le service était trop lourd et qui correspondait à la création d'un service achats et au détachement de la fonction approvisionnement.
Elle soutient que F. X... avait confirmé avoir accepté son poste de chef de groupe achats, lors d'un entretien le 3 janvier 2003 avec un haut responsable de l'entreprise, Arnaud Z..., et qu'il était mal venu de se plaindre d'une discrimination alors qu'il avait refusé expressément l'activité achats/approvisionnement qui lui avait été proposée en juin 2003 par son supérieur Philippe A... alors que F. X... avait lui-même reconnu que c'était une " bonne solution ".
Elle lui reproche d'avoir, en réalité, été démotivé à partir du moment où le poste de responsable achats, créé en novembre 2001, ne lui avait pas été confié parce qu'il n'avait pas le profil, mais avait été confié à une certaine Françoise B..., avec laquelle il n'avait pas entretenu de bonnes relations. Elle soutient qu'il avait été déçu de ne pas obtenir un licenciement négocié.
Elle conteste l'absence d'augmentation de salaire, reconnaît que les entretiens d'évaluation n'avaient plus eu lieu jusqu'en 2002 pour des raisons techniques mais indique que cette situation concernait l'ensemble des salariés.
Elle conteste le retrait des grands comptes, indiquant notamment que le client HILL'S avait toujours été géré par le directeur général d'OXADIS.
Elle conteste tout lien entre cette situation et les mandats de représentation du personnel, faisant valoir que le supposé harcèlement aurait débuté en 2000 alors que le premier mandat n'était que de novembre 2001.
Subsidiairement, l'employeur conteste le quantum des dommages et intérêts sollicités.
Sur quoi :
Attendu que le dernier document contractuel entre les parties est constitué par le contrat de travail à durée indéterminée signé le 1er mars 1995, avec reprise de l'ancienneté depuis le 13 mars 1989, qui prévoyait que François X... exercerait les fonctions de chef de groupe marketing ;
Qu'il était affecté au groupe animalerie dont il était le chef ; que la définition de cette fonction prévoyait que son titulaire était responsable d'une ou plusieurs familles de produits en termes de chiffre d'affaires, de part de marché, de stratégie des marques par rapport à la concurrence, qu'il animait, gérait et contrôlait une équipe et dépendait du directeur marketing, qu'il recommandait la politique de l'entreprise en matière de produits animalerie en termes d'organisation interne (approvisionnement, fabrication, logistique, commercial) et en termes d'organisation externe (achats, accords entre entreprises) ;
Que des organigrammes pour la période 1994 / 1995 et pour le premier semestre 1997 font apparaître qu'il avait sous ses ordres deux chefs de produits, deux responsables achats / merchandising et deux autres subalternes ;
Attendu que la réorganisation de la direction marketing animalerie, décidée au début de l'année 2000 à la suite d'un audit et du constat de la baisse du chiffre d'affaires sur deux ans, avait pour objectif notamment d'améliorer l'efficacité commerciale et de recentrer les fonctions marketing et achats sur les métiers respectifs ;
Qu'elle a eu pour conséquence de scinder l'ancien service en deux groupes, de placer l'un des subordonnés de François X..., Eric C..., ex-chef de produit, aux fonctions de chef de groupe animalerie, au même niveau hiérarchique que François X... ;
Que ce dernier n'était plus chef de groupe marketing animalerie mais " chef de groupe achats ", n'avait sous ses ordres que trois personnes et, en particulier n'était plus le supérieur des chefs de produits ni du responsable merchandising ;
Que la poursuite de cette réorganisation en juin 2000, effective au 1er septembre 2000, s'est traduite par le détachement de la fonction approvisionnement-gestion des stocks, placée désormais sous la responsabilité de la logistique, et la création d'un service distinct du service marketing, le " service achats " avec à sa tête Françoise B... ;
Que François X... a été alors réduit aux fonctions d'acheteur, à égalité avec trois autres salariés, tous les quatre placés sous la subordination de la nouvelle responsable de service ;
Attendu que dès lors que la fonction marketing lui a été retirée et que la fonction achats a été partagée à égalité avec trois autres personnes, François X... n'était plus responsable de la totalité des négociations avec les fournisseurs animalerie comme auparavant ;
Que certes cette nouvelle organisation résultait d'un choix de gestion de l'entreprise destiné à améliorer sa compétitivité mais, en revanche, aucune raison objective n'est fournie par la société OXADIS pour justifier que François X... n'avait pas été nommé responsable du service achat ou, tout au moins, responsable de l'équipe des 4 acheteurs qu'elle comprenait désormais ou, au moins, pour expliquer pourquoi des fonctions équivalentes à celles qu'il avait occupées depuis 1995 ne lui avaient pas été proposées en 2000 ;
Attendu que la situation professionnelle de François X... s'est pérennisée lors de la troisième réorganisation, effective au 1er septembre 2002, puisqu'il a rejoint le service marketing pour être rattaché directement au directeur marketing avec la qualification " achat animalerie ", mais sans aucun subordonné et, curieusement, sans lien fonctionnel avec le " groupe animalerie " qui était lui toujours animé par le chef de groupe C... avec 5 subalternes ;
Attendu que l'employeur ne produit aucune définition de ce poste " achat animalerie ", ce dont le salarié s'était précisément plaint lorsqu'il lui avait été demandé le 19 juin 2002 de préparer son entretien d'évaluation ;
Que dans un message du 1er août 2002 à son directeur du marketing Philippe A..., il se plaignait aussi que le chef de groupe C... ou d'autres responsables empiétaient sur ses fonctions en s'occupant également des achats et dénonçait le fait qu'il était réduit à un rôle d'" assistant achats " ;
Attendu qu'il est certes indiqué dans le compte rendu de cet entretien d'évaluation, qualifié d'" entretien de progrès OXADIS 2002 / 2003 " et organisé le 1er août 2002, que les deux clients des achats sont la logistique et le marketing, ce qui est toutefois insuffisant pour cerner les contours de cette fonction ;
Que ce même compte rendu mentionnait d'ailleurs qu'il n'existait pas de définition de la fonction achat et que le salarié devait être revu pour " sécurisation missions du poste et engagement personnel ainsi que remotivation " ; qu'il y était noté, à propos des points à améliorer : " manque de motivation pour son poste actuel qui ne correspond pas à ses capacités " ;
Attendu que même si le retrait des anciennes attributions en matière de marketing pouvait s'expliquer en partie par la réorganisation de l'entreprise, les responsabilités de François X... dans les missions qui lui restaient dans le domaine des achats se sont trouvées également réduites ;
Que la situation à laquelle François X... a été confronté à partir de 2000 s'analyse en réalité bel et bien en une rétrogradation, alors que l'employeur ne justifie pas :- lui avoir notifié des reproches quelconques en terme de respect de ses obligations contractuelles ou en terme d'insuffisance professionnelle,- lui avoir notifié des motifs quelconques expliquant les coupes franches opérées par l'employeur entre 2000 et 2002 dans ses attributions effectives,- lui avoir proposé en 2000 et 2002, précisément à l'occasion de la réorganisation de l'entreprise et de la création de nouveaux postes de chefs de service ou de groupe, des attributions plus en rapport avec l'ancien poste de responsabilité qui lui avait été confié ou d'avoir fait en sorte, si la charge de travail de François X... devenait plus importante en raison de la croissance de la société, de le seconder en étoffant son équipe tout en le laissant au même degré hiérarchique et au même niveau de responsabilités alors que c'est le contraire qui s'est produit ;

Que, d'une part, le représentant de l'employeur n'avait pas contesté l'effectivité de la régression, lors de l'entretien d'évaluation déjà cité, et que, d'autre part, cette rétrogradation non motivée était effectivement de nature à démotiver le salarié, ces deux points résultant d'ailleurs de ses commentaires retranscrits dans le compte rendu de cet entretien d'évaluation : " François vit mal le manque d'explications claires sur sa régression régulière de poste. Il n'y voit ni mauvais résultats, ni incompétence. Jamais rien ne lui a été communiqué, ni reproché, depuis sa prise de fonction comme chef de groupe animalerie, responsable de l'activité animalerie depuis 1995 (aucun entretien d'évaluation depuis 5 ans) La fonction acheteur aujourd'hui trop réductrice par rapport à l'expérience acquise et aux fonctions précédentes, ce qui joue fortement sur sa motivation. François est candidat au nouveau plan PRP, il aura 55 ans en avril 2003. Il souhaite le mettre en place... " ;

Attendu que l'employeur ne produit aucun élément de nature à remettre en cause la pertinence de ces commentaires et ne produit non plus aucun élément de nature à démontrer que François X... avait accepté les modifications successives de ses attributions à partir de 2000, modifications qui portaient non pas sur ses conditions de travail mais bien sur son contrat de travail ;

Attendu qu'à cet égard, le message d'Arnaud Z..., directeur général d'OXADIS, à François X... après l'entretien qu'il lui avait accordé le 3 janvier 2003, message dans lequel il est indiqué : " tu as accepté à l'époque le poste de chef de groupe achat à la suite de ton poste de chef de groupe marketing ", est insuffisant pour constituer cette preuve dès lors qu'il ne fait référence à aucune des modalités de cet accord et dès lors que ce message a été suivi immédiatement des protestations du salarié ;
Qu'en effet, François X... a répondu le 9 janvier 2003 à Arnaud Z... qu'il avait accepté de passer chef de groupe achat au lieu de chef de groupe tout court mais en ajoutant, dans son même message, deux observations sur le contexte :- le chiffre d'affaires de son secteur avait doublé entre 1995 et 2000 de sorte que le changement était un moyen d'assumer une charge de travail " considérablement développée ",- il avait été mis en demeure d'accepter un poste d'acheteur pour le département animalerie ou de démissionner ;

Qu'il n'apparaît pas qu'Arnaud Z... ou qu'un autre responsable de la société ait répondu à ce message ;
Qu'il ne peut être considéré, dans ces conditions, que cet échange de correspondances constitue une preuve de l'acceptation claire et non ambiguë par le salarié de la modification litigieuse de son contrat de travail ;
Attendu que dans la suite de son message du 6 janvier 2003, Arnaud Z... faisait savoir à François X... qu'il ne souhaitait pas revenir sur le passé mais qu'il souhaitait que le salarié sorte d'une " logique d'échec, d'opposition, de dénigrement et d'aigreur dans laquelle (il) s'était installé " et qu'il considérait que la fonction d'acheteur était une fonction clé dont " l'organisation... n'est pas optima aujourd'hui et devra évoluer dans les années à venir, au vu des renégociations en cours qui éclaireront notre stratégie animalerie " ;
Attendu que François X... a effectivement été écarté des responsabilités à partir de 2000 et que, malgré les plaintes qu'il avait exprimées à sa hiérarchie, son positionnement dans l'organisation de l'entreprise n'a pas été modifié et aucune définition précise de ses attributions ne lui a été notifiée ; que ce message du 6 janvier 2003 n'était pas de nature à l'éclairer sur le périmètre exact de ses responsabilités nouvelles ;
Attendu que François X... s'était également plaint le 9 janvier 2003 d'avoir été écarté de la gestion du dossier des produits HILL'S (marque concédée d'aliments pour chats et chiens) qu'il traitait pourtant encore en 2000, ce dont il justifie par la copie d'un mail de novembre 2000 récapitulant son intervention pour améliorer la marge de l'entreprise sur cette gamme de produits ;
Qu'il s'est plaint les 21 janvier 2003 et 20 avril 2003, par des messages qui n'apparaissent pas avoir reçu de réponse, d'avoir également été écarté du dossier des produits TETRA (aliments pour poissons) et du dossier sellerie ;
Attendu qu'il s'était plaint les 22 avril et 22 mai 2003 d'une 3ème modification de son planning PRP qui lui était imposée en deux mois (à savoir ne pas travailler 2 semaines en juillet, 3 semaines en août et 2 semaines en décembre et être présent 5 jours sur 5 ouvrables les semaines des autres mois de l'année) alors que :- il exposait avoir établi en février 2003 avec P. A... un planning de présence pour sa première année de PRP qui prévoyait un travail 4 jours sur 5 par semaine toute l'année (vendredis non ouvrés),- la répartition d'un solde de 22 jours de réduction de son temps de travail dans le cadre du planning PRP n'avait toujours pas été fixée et restait au bon vouloir de son employeur, ce qui ne lui permettait pas de s'organiser dans sa vie personnelle ;

Qu'il demandait une confirmation de son PRP et dénonçait expressément, dans son message du 22 avril 2003 à la direction des ressources humaines, une volonté de déstabilisation, une mise au placard et un harcèlement moral ;
Que ces messages, dont François X... produit les accusés de réception par leurs destinataires, n'apparaissent pas non plus avoir reçu une réponse ;
Attendu que François X... a expliqué par message du 1er octobre 2003 avoir décliné l'offre de prendre en charge le service approvisionnement animalerie " bien que cela soit de toute évidence la bonne solution " ;
Mais qu'il invoquait les raisons suivantes : parce que le planning de PRP qui lui avait été finalement imposé (deux mois d'absence continue en juillet août et un mois en décembre) n'avait pas été celui qui avait été négocié et accepté initialement, parce que ce planning ne lui paraissait pas compatible avec la gestion en continu d'une équipe, compte tenu des longues périodes d'absence que le planning imposait plusieurs fois par an, et parce que sa demande d'augmentation de salaire au 1er juillet 2003 avait été refusée alors qu'il estimait pouvoir y prétendre à l'occasion de cette prise de service et aussi dans la mesure où il n'avait pas été augmenté depuis 5 ans ;
Que ses salaires mensuels étaient de 3. 784 euros en janvier 1998, 3. 881 euros en juin 2002, 3. 916 euros en juillet 2002 (hors 13e mois) soit effectivement seulement 132 euros d'augmentation en 5 ans et demi ;
Qu'il fait observer, au moyen d'un message du 7 octobre 2003 et d'un document daté de juillet 2003, afférent à une réunion du 30 septembre 2003 consacrée à l'organisation des marques concédées (HILL'S, TETRA, PETSAFE) et au rôle des " pilotes " pour la gestion des marques concédées, qu'il leur était interdit d'entrer en contact directement avec les sociétés mais demandé de prendre contact, pour les approvisionnements, avec " A. E...- F. X... uniquement si A. E... absente ", ce qui signifie que la première était prioritaire alors que François X... était pourtant théoriquement responsable des achats ;
Que ces instructions données par l'employeur revenaient à contourner l'intéressé, ce qui est loin d'être indifférent dès lors que François X... précise que ces trois marques représentent 70 % du volume global des achats du secteur animalerie ;
Qu'il s'était plaint de n'avoir pas été informé de cette modalité d'organisation avant la réunion de septembre et en a aussi tiré argument pour refuser la proposition de nouveau poste, en raison de la défiance de la société à son égard, en précisant qu'il avait pris la précaution d'attendre cette réunion avant de donner sa réponse le 2 octobre 2003 ;
Que François X... avait des raisons légitimes pour décliner la proposition de poste qui lui avait été faite en juin 2003 par son supérieur hiérarchique direct ;
Attendu qu'Arnaud Z... lui a répondu, le 15 décembre 2003, que " le début de ta PRP et ton engagement syndical ont également nécessité de transposer plusieurs de tes charges à d'autres. Tu nous aurais reproché de ne pas l'avoir fait. Tous ont été informés comme toi ce jour là puisque c'était l'objet de la réunion et je n'ai pas noté de ta part des remarques fondamentales sur la cohérence du schéma proposé "... " en ton absence en PRP, en maladie ou en délégation, l'entreprise doit continuer d'avancer " ;
Qu'il apparaît ainsi que le salarié n'avait pas été informé préalablement de cette modification de ses attributions, qu'il a découverte lors d'une réunion en présence d'autres collègues et que l'employeur faisait expressément un lien entre sa décision de modifier le travail de François X... et l'engagement syndical de ce dernier ;
Que rien ne démontre que cette transposition de charge était justifiée et proportionnée à la diminution du temps de travail résultant du PRP (20 %) alors que le périmètre retiré représentait 70 % du chiffre d'affaires ;
Attendu que les attestations de l'assistante de direction marketing Géraldine F..., qui le qualifie de " dictateur " avec lequel personne ne voulait travailler et du chef de groupe Valérie H...- G..., qui fait état de la déception de François X... de n'avoir pas été nommé au poste de directeur des achats et de son mauvais comportement à l'égard de ses interlocuteurs, sont contredites par les cinq témoignages produits par le salarié et émanant d'autres salariés ou anciens salariés de l'entreprise (tels qu'un délégué du personnel représentant les cadres, l'ancien directeur du marketing jusqu'en 2003, un ancien membre du comité d'entreprise) ;
Que parmi ces témoignages contraires figure d'ailleurs celui d'un des responsables cités par Mme H... G... pour de prétendues mauvaises relations (Eric C...) ;
Que tous contestent les traits de caractère que Mme H... G... attribue à M. X... ;
Qu'au demeurant l'expression de dépit et les doléances de François X... n'étaient que la conséquence de sa mise à l'écart progressive et injustifiée ;
Que son ancien subordonné puis collègue Eric C... témoigne de l'engagement de François X... puis du retrait progressif de ses fonctions et responsabilités " au point de passer de chef de groupe en charge des achats, des approvisionnements et du marketing, à acheteur, sans avoir la négociation des gros contrats " ;
Attendu que non seulement l'appelant a été rétrogradé mais que même après et dans son nouveau poste, son domaine d'attribution a été progressivement réduit et ses relations avec les fournisseurs ou les collaborateur progressivement bridées ;
Que François X... administre ainsi la preuve de faits et d'agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour objet ou pour effet de dégrader ses conditions de travail ;
Attendu que ces agissements étaient dépourvus de motifs objectifs mais étaient bien susceptibles d'avoir un retentissement sur l'état de santé physique et morale de François X... ;
Que son médecin traitant indique lui avoir prescrit quatre arrêts de travail en rapport avec un syndrome anxio-dépressif réactionnel (du 6 au 22 décembre 2002, du 21 novembre au 7 décembre 2003, du 15 avril au 18 juillet 2004, puis du 6 septembre 2004 au 31 janvier 2006) ; que ces arrêts de travail étaient concomitants à la période litigieuse ;

Attendu que le fait pour le salarié d'avoir poursuivi son travail entre les périodes d'arrêt maladie et d'avoir attendu son départ à la retraite pour invoquer ces faits et en demander réparation n'empêche pas la caractérisation du harcèlement moral ;

Que le jugement sera donc infirmé ;
Qu'en réparation du harcèlement moral dont François X... a été victime pendant plusieurs années, son ancien employeur devra lui verser une indemnité de 50. 000 euros ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'ancien salarié ses frais irrépétibles d'instance et d'appel ; qu'à ce titre, la société OXADIS lui versera une indemnité de 2. 000 euros ;
PAR CES MOTIFS
la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :
Infirme le jugement déféré ;
Juge que François X... a subi des agissements répétés de harcèlement moral de son employeur au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ;
Condamne la SA OXADIS à lui verser en réparation une indemnité de 50. 000 euros ;
Condamne la société OXADIS aux dépens d'instance et d'appel et à verser à François X... une indemnité de 2. 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur GALLICE, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ct0269
Numéro d'arrêt : 07/03840
Date de la décision : 13/10/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Vienne, 18 septembre 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2008-10-13;07.03840 ?
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