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17/09/2008 | FRANCE | N°06/02511

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ct0269, 17 septembre 2008, 06/02511


RG N° 06/02511
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 17 SEPTEMBRE 2008
Appel d'une décision (N° RG 05/00614) rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE en date du 15 juin 2006 suivant déclaration d'appel du 28 Juin 2006

APPELANT :

Monsieur Christian X... ...

Comparant et assisté par la SCP FESSLER-JORQUERA-CAVAILLES (avocats au barreau de GRENOBLE) substituée par Me BAUER (avocat au barreau de GRENOBLE)
INTIMEE :
La S. A. NEOPOST FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cet

te qualité audit siège 5, Boulevard des Bouvets 92747 NANTERRE CEDEX

Représentée par Me Gé...

RG N° 06/02511
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 17 SEPTEMBRE 2008
Appel d'une décision (N° RG 05/00614) rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE en date du 15 juin 2006 suivant déclaration d'appel du 28 Juin 2006

APPELANT :

Monsieur Christian X... ...

Comparant et assisté par la SCP FESSLER-JORQUERA-CAVAILLES (avocats au barreau de GRENOBLE) substituée par Me BAUER (avocat au barreau de GRENOBLE)
INTIMEE :
La S. A. NEOPOST FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège 5, Boulevard des Bouvets 92747 NANTERRE CEDEX

Représentée par Me Gérard DELAGRANGE (avocat au barreau de PARIS) substitué par Me AUBERTY-JACOLIN (avocat au barreau d PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre, Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 02 Juillet 2008, Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie (s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 17 Septembre 2008.
L'arrêt a été rendu le 17 Septembre 2008.
M. Christian X... a été embauché par la société des Machines HAVAS aux droits de laquelle vient la société Neopost France le 14 février 1983 par un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de technicien SAV.
M. X... a été promu ingénieur commercial en 2003. Il relève à ce titre de la Convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Sa rémunération se décompose en deux parties :- une partie fixe mensuelle,- une partie variable calculée sur la base d'un Plan de Rémunération Variable (PRV), en fonction d'objectifs déterminés annuellement et unilatéralement par la société.

Ce PRV prévoit notamment le versement de trois primes par catégorie de vendeurs et par zones géographiques :- une Prime d'Objectif Prioritaire (POP),- une Prime d'évolution De Parc (PDP),- une Prime d'Objectif Spécifique (POS)

Ses griefs sont les suivants : à savoir qu'à compter de 2005, la création d'une nouvelle ligne d'objectifs dite « contrat de service », dont l'atteinte conditionne le déclenchement de la POP ainsi que la modification de la prime de parc (PDP) ne consistaient pas en une simple modification de ses objectifs, mais touchaient à la structure même de sa rémunération, engendrant une baisse significative de sa part variable.
M. X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Grenoble afin de voir constater la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.
Le Conseil, dans son jugement du 15 juin 2006, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, au motif que les aménagements annuels des objectifs respectent la clause de rémunération variable prévue dans les avenants au contrat et n'entraînent pas de modification d'une clause essentielle du contrat de travail.
La Cour est saisie par l'appel interjeté le 28 juin 2006 par Monsieur X..., le jugement lui ayant été notifié le 16 juin 2006.
Le 12 mars 2008, M. X... a été licencié suite à une inaptitude et un refus de l'offre de reclassement qui lui a été faite.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur X..., appelant, demande à la Cour :- d'infirmer le jugement attaqué,- de constater que les modifications effectuées par l'employeur constituent des modifications du contrat de travail sans l'accord du salarié,- de prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur.- de condamner la société NEOPOST à lui payer les sommes de : · 438, 80 € à titre de rappel de salaire sur la prime POP 2005, · 1 611, 22 € à titre de rappel de salaire, sur la prime de parc 2005, · 13 338 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, · 1 334 € au titre des congés payés afférents, · 177 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, · 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur X... expose en ses conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience que :
1. Le Conseil des Prud'hommes ne s'est pas prononcé sur la modifications de la structure des objectifs. Or la révision annuelle et unilatérale des PRV ne consiste pas en une modification des objectifs dont la fixation relève du pouvoir de direction de l'employeur, mais en une modification de la rémunération du salarié, élément essentiel de son contrat de travail. L'accord du salarié était donc nécessaire. La société en a convenu implicitement puisqu'elle a laissé le choix à chaque commercial d'opter pour le PRV de 2004 ou 2005.

2. La société a utilisé diverses méthodes, en sus de la modification de sa rémunération variable, pour l'inciter à démissionner. NEOPOST lui a ainsi retiré, sans explication, une part importante de ses comptes clients, ce qui, en, conséquence, a entraîné une diminution de son chiffre d'affaires habituel.

La société NEOPOST, intimée, demande à la Cour à titre principal de confirmer le jugement rendu le 15/06/2006 et de débouter M. X... de toutes ses demandes, fins et conclusions, à titre subsidiaire de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts du salarié et de dire que cette résiliation sera privative de toutes indemnités, en ce compris le préavis et de dire que M. X... ne rapporte pas la preuve d'un préjudice et en conséquence de le débouter de sa demande de dommages-intérêts, en tout état de cause, de condamner M. X... à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, de mettre les dépens à sa charge.

La société Neopost France expose en ses conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience que : 1) la société Neopost France n'a commis aucun manquement à ses obligations, 1-2) il faut distinguer le plan de rémunération qui est un élément du socle contractuel et la notification des objectifs qui relève du pouvoir de gestion et de direction, 1-3) la notification d'affectation correspond à l'attribution des secteurs et/ou clients qui relève également du pouvoir de direction, 1-4) la contestation porte sur la structure des objectifs et l'argumentation de M. X... repose sur la confusion qu'il entretient entre plan de rémunération et objectifs, 1-5) aucune pression n'a été exercée à son encontre, le soutien qui lui a été apporté a permis le rattrapage de son retard, 2) si la résolution judiciaire doit être prononcée, c'est à ses torts car il n'y a pas de faute de la société Neopost France, 2-2) aucun préavis n'est dû puisque son état de santé ne lui permettait pas de travailler et qu'il a refusé le poste de reclassement 2-3) la demande de dommages-intérêts est exorbitante (32 mois de salaire pour 23 ans d'ancienneté)

MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
Attendu qu'appel ayant été formé à l'encontre du jugement rejetant la demande de résiliation du contrat de travail de M. X..., il importe dans un premier temps de statuer sur sa demande initiale de résiliation ;
Attendu que M. X... demande que soit constatée la résiliation de son contrat de travail en raison des manquements de son employeur qui a modifié son contrat de travail sans avoir au préalable obtenu son accord ; que le litige porte selon M. X... sur la modification du mode de calcul de la part variable de sa rémunération ;
Attendu qu'un avenant au contrat de travail de M. X... signé le 14 février 2003 prévoit, outre l'assiette à 100 % de la partie variable de la rémunération, que le plan de rémunération variable (PRV) est revu annuellement et que les modifications de mode de rémunération donnent lieu à l'émission d'un avenant ; qu'il y est rappelé que la fixation des objectifs relève du pouvoir de direction ;
Que le PRV tel qu'il a encore été appliqué jusqu'en 2004 comprenait une prime d'objectif prioritaire basée sur le chiffre d'affaires HT avec des majorations et minorations et une bonification sur les ventes de contrats de services en sus de la vente du produit ; qu'il est par ailleurs prévu une prime spécifique qui n'est pas en cause ici et une prime d'évolution de parc qui est également en litige ;
Attendu que la fixation des objectifs n'est pas discutée par M. X... ;
que par contre celui-ci a contesté pour l'année 2005 la modification de la base de calcul de la rémunération variable (PRV) sans accord préalable du salarié, modification dont la conséquence est une réduction de cette rémunération variable ; qu'il indique qu'en 2005, la société Neopost a ajouté un objectif « chiffre d'affaires annuels contrats de services » qui a pour conséquence de modifier la structure du PRV et d'y ajouter un taquet qui n'existait pas jusqu'alors, ce qui l'a conduit à refuser de signer l'avenant ; qu'en 2004 la notification d'objectifs ne laissait apparaître que deux lignes : « chiffre d'affaires machines à affranchir et chiffre d'affaires ventes », ce dont il résultait que leur atteinte ouvrait droit au paiement de la prime d'objectif prioritaire ; que pour 2005 il fallait atteindre trois objectifs au lieu des deux précédents pour ouvrir ce droit en totalité ; qu'en outre les bonifications ont été supprimées ;
Attendu que toute modification de la structure de calcul de la rémunération ayant une incidence sur la rémunération doit être acceptée au préalable par le salarié ; que la véracité de l'analyse faite par M. X... quant à la réalité de la modification de la structure de sa rémunération est confirmée par le fait que la société Neopost a reconnu ne pas pouvoir lui imposer cette modification et a laissé aux salariés la possibilité d'opter pour le maintien du PRV 2004, et donc des objectifs 2005 hors ligne contrats de services ; qu'en effet il n'est pas contestable que l'adjonction d'un objectif qui n'existait pas jusqu'alors dans la structure de la PRV est susceptible, au cas où il ne serait pas atteint de diminuer la rémunération du salarié ; qu'en outre, l'intégration dans l'assiette de l'objectif POP des contrats de services avait pour conséquence directe de supprimer les bonus et donc de réduire la rémunération variable ; qu'un tel changement ne pouvait intervenir sans l'accord de M. X... ; que son refus est de nature à justifier la résiliation de son contrat de travail s'il est établi que la société Neopost a passé outre à ce refus ;
Attendu que la société Neopost, en acceptant de maintenir en 2005 les objectifs du PRV 2004, prétend avoir respecté, vis-à-vis de M. X..., ses obligations contractuelles ;
Attendu qu'en 2005 son objectif ventes a été de 225 000 euros ;
Que la société Neopost indique clairement dans ses conclusions qu'elle a tenu compte pour fixer la prime de M. X... du chiffre de 239 688 euros, prenant en compte l'objectif contrats de services ; qu'il en est résulté une perte de rémunération de 438, 80 euros qui devra être payée ;

Qu'en 2006, alors que M. X... a encore refusé le changement de structure du PRV, la société Neopost a entendu le lui imposer ;
Attendu que c'est donc à tort que les premiers juges ont considéré que les aménagements annuels des objectifs adoptés par la société Neopost respectaient les obligations contractuelles de la société et n'entraînaient pas de modification d'une clause essentielle du contrat de travail dans la mesure où l'adjonction d'un nouvel objectif pour accéder au paiement de la prime d'objectif prioritaire était bien de nature à avoir une incidence négative sur la rémunération du salarié ;
Attendu, s'agissant de la modification de la prime de parc, que M. X... rappelle que le PRV 2004 stipule que l'impact sur la prime PDP intervient à la résiliation qui est ainsi précisée : « fin du contrat de location récurrente et retrait du produit, le parc perd une unité et la valeur récurrente » ; que ces termes sont repris en 2005 ; que le changement de modalité par un traitement « à l'ordre » des fins de contrat (et non des annulation/résiliation de commande prévues au 6. 1) s'il ne modifie pas le contrat de travail de M. X... a réduit sa rémunération sur ce poste dans les proportions qu'il indique puisque la société Neopost lui a imposé, ce qui n'est pas contesté par l'employeur, une modalité contraire aux stipulations de l'article 6. 2 qui prévoit que pour les fins de contrat, le parc du salarié perd une unité et sa valeur au retrait du produit ; que M. X... chiffre sa perte pour l'année 2005 à la somme de 1 611, 22 euros ;
Que cette seconde modification de la structure de la part variable de sa rémunération sans accord préalable justifie la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;
Attendu qu'il y a donc lieu de faire droit aux demandes de rappels de commissions présentés par M. X... ;
Attendu qu'il appartenait à la société Neopost, si elle estimait que le refus des modifications du contrat de travail opposé par M. X... mettait en jeu sa compétitivité, de mettre en œuvre la procédure légale adéquate ;

Attendu qu'il y a lieu de réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes et de prononcer la résiliation aux torts de la société Neopost du contrat de travail de M. X... ;

Que la rupture du contrat de travail de M. X... étant imputable à l'employeur, il y a lieu de faire droit à la demande de paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ;
Attendu que M. X... a travaillé 25 ans pour la société Neopost avec compétence et assiduité ; qu'il y a donc lieu de fixer le montant des dommages et intérêts alloués en réparation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail à la somme de 83 000 euros ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, contradictoirement,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Prononce la résiliation du contrat de travail de M. X... aux torts de la société Neopost,
Condamne la société Neopost à payer à M. X... les sommes suivantes : 438, 80 € à titre de rappel de salaire sur la prime POP 2005, 1 611, 22 € à titre de rappel de salaire, sur la prime de parc 2005, 13 338 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 1 334 € au titre des congés payés afférents, Outre les intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2005, 83 000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Neopost à payer à M. X... la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel,
Déboute la société Neopost de sa demande faite en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne la société Neopost aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ct0269
Numéro d'arrêt : 06/02511
Date de la décision : 17/09/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Grenoble, 15 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2008-09-17;06.02511 ?
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