SCP CALAS
SELARL DAUPHIN et MIHAJLOVIC
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU MARDI 09 SEPTEMBRE 2008
Appel d'un Jugement (No R. G. 05 / 00557) rendu par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE en date du 09 mars 2006 suivant déclaration d'appel du 18 Avril 2006
APPELANT :
Monsieur Dominique X... né le 20 Juin 1936 à VALENCIENNES (59300) de nationalité Française... 26170 BUIS LES BARONNIES
représenté par la SCP JEAN CALAS, avoués à la Cour assisté de Me AUZIAS BONHOMMO, avocat au barreau de CARPENTRAS
INTIMES :
Madame Suzanne Z...... 26170 BENIVAY OLLON
représentée par la SELARL DAUPHIN et MIHAJLOVIC, avoués à la Cour assistée de la SELAFA R. BARTHOMEUF et ASSOCIES, avocats au barreau de VALENCE substituée par Me PENANT, avocat au même barreau
Monsieur André B... né le 19 Janvier 1949 à VAISON LA ROMAINE (84110) de nationalité Française... 26170 BENIVAY OLLON
représenté par la SELARL DAUPHIN et MIHAJLOVIC, avoués à la Cour assisté de la SELAFA R. BARTHOMEUF et ASSOCIES, avocats au barreau de VALENCE substituée par Me PENANT, avocat au même barreau
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Françoise LANDOZ, Président, Madame Claude-Françoise KUENY, Conseiller, Madame Véronique KLAJNBERG, Conseiller,
Assistées lors des débats de Madame Hélène LAGIER, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 16 Juin 2008, Madame KLAJNBERG a été entendue en son rapport.
Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour, après prorogation dudit délibéré.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte en date du 7 juillet 2000 Dominique X... a acquis une propriété au... à Buis les Baronnies (26) consistant en une maison d'habitation élevée de trois étages sur rez-de-chaussée.
Cette propriété comporte un mur mitoyen avec la maison des époux B... cadastrée Section AK378.
Considérant que les époux B... étaient responsables du non-fonctionnement des cheminées du rez-de-chaussée et du premier étage et d'infiltrations au deuxième étage de sa maison, Dominique X... a obtenu le 20 décembre 2002 la désignation d'un expert judiciaire.
Il a ensuite assigné le 8 décembre 2004 les époux B... devant le tribunal de grande instance de Valence en réparation de ses préjudices.
Par jugement du 9 mars 2006, le tribunal l'a débouté de toutes ses prétentions, a débouté les époux B... de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et a condamné Dominique X... à leur verser une indemnité de 1. 500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Dominique X... a relevé appel de cette décision et par voie d'infirmation, demande à la cour de :
" Condamner les époux B... à remettre en état conformément au devis CHARRAS de 2002, actualisé en 2007, les deux conduits de cheminée, de telle sorte que les cheminées puissent fonctionner à feu ouvert et autoriser toute entreprise à pénétrer dans l'immeuble B... pour procéder à ces travaux, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du troisième mois qui suit la signification de l'arrêt à intervenir.
Condamner les époux B... à remettre dans son état d'origine, à leurs frais, le mur mitoyen en R + 3 source d'infiltrations.
Condamner les époux B... à lui payer la somme de 20. 000 € à titre de dommages et intérêts pour privation de jouissance des cheminées depuis l'achat de l'immeuble.
Les condamner à lui payer la somme de 3. 000 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel en ceux compris les frais d'expertise. "
Au soutien de son recours il fait valoir en substance que :
- le rapport d'expertise judiciaire est incohérent,
- l'avant-dernier occupant de la maison, François C..., s'est chauffé à foyer ouvert avec la cheminée du rez-de-chaussée,
- les deux obturations du conduit de cheminée au niveau des premier et troisième étages ont été faites sans l'accord des propriétaires de l'époque, Monsieur C..., puis les époux D...,
- une destruction partielle du conduit a été effectuée en 1994 pour la partie allant du plancher du troisième étage au toit, lorsque les époux B... ont installé une douche dans ce conduit,
- la cheminée du premier étage n'était nullement condamnée mais rendue inutilisable,
- les conclusions de M. Y... architecte contredisent celles de l'expert judiciaire,
- les infiltrations qu'il a subies dans sa maison en plafond du deuxième étage proviennent du mur mitoyen surélevé par André B... sur une partie seulement de l'épaisseur du mur,
- l'expert judiciaire a attribué ces infiltrations à la construction de la terrasse par Dominique X..., alors qu'elle était déjà construite en 1994 par les époux D...,
- ces infiltrations sont dues à l'existence d'un ressaut non conforme dans la partie sous toiture, du mur mitoyen.
Les époux B... sollicitent la confirmation du jugement, la condamnation de Dominique X... à leur payer 32. 400 € de dommages et intérêts et 2. 000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Ils demandent en outre d'ordonner à Dominique X... de remettre en état les lieux, et ce dans les quinze jours de la signification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 € par jour de retard.
Ils concluent pour l'essentiel que :
- en 1979 la maison qu'ils ont achetée était une ruine,
- le mur mitoyen avec l'actuelle propriété de Dominique X... ne comportait aucune cheminée et seulement des traces noires d'anciens conduits de fumée sur le mur écroulé de cette bâtisse,
- les trois dalles figurant le rez-de-chaussée et les deux étages existaient avant leur acquisition de l'immeuble,
- aucune extension n'est intervenue sur la dalle du troisième étage postérieurement à 1981,
- la souche de la cheminée du rez-de-chaussée n'existait pas lors de leur acquisition en 1979,
- lors de la réalisation des travaux d'étanchéité par l'entreprise H... en 1981, celle-ci a constaté qu'il n'existait pas de souche de cheminée sur le toit,
- l'existence d'une feuille d'aluminium bitumée sur la toiture se justifie car à cet endroit la toiture est en faux équerrage et il est impossible d'y mettre des tuiles pour bien étancher la toiture,
- l'expert a conclu qu'il n'existait aucun lien de causalité entre les travaux qu'ils ont réalisés en 1980-81 et la mise hors d'usage du conduit du rez-de-chaussée de Dominique X...,
- la cheminée du rez-de-chaussée ne fonctionnait qu'avec un poêle après 1992,
- la cheminée du premier étage avait été condamnée par les précédents propriétaires de l'immeuble X...,
- il n'existe pas de lien de causalité entre le ressaut constaté sur le parement ouest du mur mitoyen et l'infiltration sous le plancher de la terrasse de Dominique X...,
- Dominique X... a fait pression sur les témoins des intimés,
- ils avaient acquis l'immeuble pour la réalisation de studios destinés à la location,
- depuis le début de cette procédure en 2002, ils ont été contraints de stopper ces projets pour les studios au premier et deuxième étage et subissent un manque à gagner important,
- lors des recherches entreprises par l'appelant, ce dernier a percé les parois du mur mitoyen au premier étage et ne les a pas rebouchées.
MOTIFS ET DÉCISION
Attendu qu'aux termes de l'article 662 du Code civil l'un des voisins ne peut pratiquer dans le corps d'un mur mitoyen aucun enfoncement, ni y appliquer ou appuyer aucun ouvrage sans le consentement de l'autre, ou sans avoir, à son refus, fait régler par experts les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit nuisible aux droits de l'autre ;
Qu'en l'espèce les époux B... exposent qu'ils ont acquis en 1979 des époux E... un immeuble (vieux de plusieurs siècles d'après l'expert judiciaire) en très mauvais état, pour y faire des logements locatifs et qu'en 1962 le mur mitoyen de cet immeuble acquis par M. E..., ne comportait aucune cheminée mais seulement les traces noires d'anciens conduits de fumée ;
Que Jacques F... ayant vécu dans son enfance dans une maison mitoyenne à celle des époux B... atteste effectivement qu'une partie de leur immeuble " s'est effondré dans les années 1950-1960 et qu'il ne restait plus que trois pans de mur dont celui du fond, noirci, sans toit ni dalle " ;
Que Monique E... atteste, quant à elle, que feu son époux " avait acheté " cette ruine " en 1962, qu'il avait fait construire les planchers en 1962-1965 et qu'à l'époque il subsistait toujours sur le mur mitoyen des traces noires pouvant être d'anciens conduits de fumées " ;
Que sur l'état des lieux dressé le 24 septembre 1979 par Jacques G... architecte, figurent deux dalles en béton au premier et deuxième étages et une dalle en bois au troisième étage, dalle aujourd'hui en béton mais dont la date précise de réalisation est ignorée, étant précisé que des travaux ont été effectués dans l'immeuble B... en 1980 et 1981 ;
Qu'ainsi Raymond H... entrepreneur de maçonnerie atteste que les trois dalles en béton, " engravées dans le mur mitoyen " existaient lors de son intervention, ce que sa facture du 24 avril 1981 mentionnant la pose d'un escalier sur trois étages confirme, et qu'il " n'y avait aucune cheminée ou autres conduits " ;
Attendu par ailleurs qu'il est établi par les constatations de l'expert, que l'immeuble mitoyen tout aussi ancien, propriété de Dominique X..., est doté au rez de chaussée et au premier étage de deux cheminées anciennes à foyer ouvert, totalement encastrées dans le mur de séparation (mur mitoyen) avec l'immeuble B..., cheminées qui ne sont pas en état de fonctionner ;
Que l'expert constate que le conduit de la cheminée du premier étage est parfaitement droit, qu'il débouche en toiture à quelques centimètres au-dessus des tuiles et que construit intégralement sur la propriété X..., il n'est pas condamné et peut donc fonctionner ;
Qu'il considère néanmoins que pour des raisons de sécurité et de conformité aux normes en vigueur, ce conduit ne peut être remis en service sans un tubage inox et qu'eu égard à sa section inférieure à 250 cm ², il ne pourra alors fonctionner que pour un appareil de type poêle à bois ou au fuel ;
Attendu en ce qui concerne la cheminée du rez de chaussée, que le fond de l'âtre empiète au-delà de l'axe médian du mur mitoyen, du côté de la propriété B... ;
Que le foyer de cette cheminée avait été anciennement condamné par une cloison bâtie en briques ;
Que dans un courrier du 20 mars 2002 adressé à Dominique X..., les époux B... ont reconnu : " suite aux recherches que nous avons effectuées dans notre propriété nous avons retrouvé un conduit qui rejoint votre cheminée. Ce conduit est partiellement détruit à certains endroits. Nous allons faire le nécessaire pour le rétablir afin que vous puissiez vous servir de votre cheminée " ;
Attendu que l'expert a également localisé le conduit de cette cheminée et relevé que, construit en maçonnerie de pierres et de briques il occupait depuis le rez-de-chaussée une grande partie de l'épaisseur du mur mitoyen et que réalisé en suradossement sur celui de la cheminée du premier étage, il se trouve presque intégralement sur la portion du mur mitoyen donnant dans la propriété B... ;
Que sa paroi est démolie en plusieurs endroits côté B..., de sorte qu'il communique désormais avec le conduit du premier étage, l'expert soulignant que " d'aprés les témoignages de messieurs B... et G..., cette paroi aurait été démolie lors de l'acquisition de l'immeuble par les époux B... " ;
Attendu que l'expert judiciaire a en outre noté, que ce conduit est d'une part partiellement condamné au niveau du plancher du deuxième étage de l'immeuble B... et d'autre part complètement obstrué par le plancher béton du troisième étage de l'immeuble B... sous lequel apparaît une canalisation en PVC d'évacuation des eaux usées d'un bac à douche, puisqu'à cet étage les époux B... ont aménagé en 1981-1982 un studio dont le cabinet de toilette est implanté au niveau du conduit de la cheminée du rez-de-chaussée ;
Qu'il se déduit de ce qui précède que Dominique X..., qui a engagé son action sur le fondement de l'article 662 du Code civil, établit bien que, sans aucune autorisation des propriétaires voisins, M. C... puis les époux D..., d'une part, M. E... auteur des époux B... a fait construire des planchers engravés dans le mur mitoyen dont celui du deuxième étage empiétait déjà jusqu'au nu intérieur du conduit situé à l'intérieur du mur mitoyen et ne permettait plus d'utiliser normalement le conduit de la cheminée du rez-de-chaussée que, d'autre part, en 1980 et 1981 les époux B... ont fait réaliser la dalle du troisième étage en béton également engravée dans le mur mitoyen et installer un cabinet de toilette au droit du conduit de fumée litigieux, achevant de l'obstruer ;
Attendu en conséquence, qu'il convient de condamner les époux B... à remettre le conduit de la cheminée du rez-de-chaussée en état, sauf à dévoyer son tracé conformément aux préconisations de l'expert, Dominique X... n'ayant pas invoqué la prescription du tracé originel de ce conduit dont il faut rappeler qu'il est implanté à l'intérieur du mur mitoyen côté B... ;
Que de surcroît ce dévoiement permet de respecter les écarts de feu avec les ouvrages en bois de l'immeuble B... ;
Que Dominique X... devra prendre en charge le tubage de ce conduit conformément au règlement sanitaire départemental désormais en vigueur, l'expert ayant néanmoins souligné que la section de ce conduit ne permettait pas son utilisation en cheminée à foyer ouvert (DTU 24-2) mais seulement avec un foyer fermé de type insert pouvant fonctionner porte ouverte ;
Attendu que l'expert chiffre à 4. 000 € TTC le montant de ces travaux valeur au 23 août 2003 laquelle sera réactualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 de la construction au jour du prononcé de l'arrêt ;
Que les époux B... seront donc condamnés à payer ladite somme à Dominique X..., et devront si nécessaire autoriser toute entreprise à pénétrer dans leur immeuble pour procéder à ces travaux, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du quatrième mois qui suit la signification de la présente décision ;
Sur la rénovation du mur mitoyen au niveau R + 3 :
Attendu que le troisième étage de l'immeuble X... est occupé en partie par une terrasse d'agrément réalisée après démolition du toit et mise en place d'un revêtement d'étanchéité ;
Que Dominique X... fait grief au époux B... d'avoir reconstruit le mur mitoyen partiellement détruit au troisième niveau, en réduisant son épaisseur d'origine, si bien que le décrochement existant ou ressaut au droit de sa terrasse, serait d'après lui source d'infiltrations sous le plancher de celle-ci et donc de désordres à l'intérieur de sa maison (au deuxième étage) ;
Or attendu que l'expert exclut le lien de causalité entre ledit ressaut et ces infiltrations, considérant que celles-ci sont la résultante des fissures infiltrantes en partie basse du parement du mur mitoyen sous la ligne d'héberge, les eaux pluviales s'insinuant ensuite derrière le relevé d'étanchéité de la terrasse très exposée lors de pluies battantes ;
Que c'est donc à juste titre que le premier juge a débouté Dominique X... de cette demande, en retenant d'une part que le rapport d'expertise amiable du 13 avril 2005 diligentée par la compagnie d'assurance Generali parvient aux mêmes conclusions que l'expert judiciaire, d'autre part que ni Gérard I... de la société Ossaturbois ni Bernard J... architecte consultés par Dominique X... n'imputent obligatoirement la cause des infiltrations de la terrasse à ce ressaut, Bernard J... précisant simplement que ce ressaut est une erreur de conception et constitue un facteur de risque d'infiltration ;
Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts des époux B... :
Attendu que Dominique X..., lequel est privé depuis huit années de l'usage de la cheminée du rez-de-chaussée, est en droit de se voir allouer des dommages et intérêts qu'il convient de fixer à la somme de 6. 000 € ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Dominique X... de ses demandes relatives à la remise en état de la cheminée du premier étage de sa maison et à la remise en état du mur mitoyen au troisième étage de celle-ci,
Infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Ordonne la remise en état conformément aux préconisations de l'expert judiciaire du conduit de la cheminée du rez-de-chaussée de la maison de Dominique X... à charge des époux B... sauf le coût du tubage,
Condamne les époux B... à payer à Dominique X... une somme de 4. 000 € TTC outre réévaluation depuis août 2003 en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction au jour du présent arrêt,
Dit que les époux B... devront en tant que de besoin et sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du quatrième mois qui suit la signification de l'arrêt à intervenir, autoriser toute entreprise à pénétrer dans leur immeuble pour procéder auxdits travaux,
Condamne les époux B... à payer à Dominique X... une somme de 6. 000 € en réparation de son préjudice de jouissance,
Condamne les époux B... à payer à Dominique X... une indemnité de 2. 000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Condamne les époux B... aux dépens des procédures de première instance et d'appel avec application de l'article 699 au profit de la SCP CALAS qui en a demandé le bénéfice.
PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau code de procédure civile,
SIGNÉ par Madame LANDOZ, Président, et par Madame LAGIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.