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08/09/2008 | FRANCE | N°07/02166

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ct0269, 08 septembre 2008, 07/02166


RG N° 07 / 02166

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU LUNDI 08 SEPTEMBRE 2008

Appel d'une décision (N° RG 02 / 00216) rendue par le Conseil de Prud'hommes de BONNEVILLE en date du 09 septembre 2003 suivant déclaration d'appel du 11 Juin 2007

APPELANTES :

La S. A. R. L. GFC prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège 264 Avenue Ravanel Le Rouge 74400 CHAMONIX MONT BLANC

Représentée par Me Arnaud DURRLEMAN (avocat au barreau de VALENCE)

La S. R. L. GRIVEL

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège Les Forg...

RG N° 07 / 02166

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU LUNDI 08 SEPTEMBRE 2008

Appel d'une décision (N° RG 02 / 00216) rendue par le Conseil de Prud'hommes de BONNEVILLE en date du 09 septembre 2003 suivant déclaration d'appel du 11 Juin 2007

APPELANTES :

La S. A. R. L. GFC prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège 264 Avenue Ravanel Le Rouge 74400 CHAMONIX MONT BLANC

Représentée par Me Arnaud DURRLEMAN (avocat au barreau de VALENCE)

La S. R. L. GRIVEL prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège Les Forges 6 Strada Larzey Entreves 11013 COURMAYEUR (ITALIE)

Représentée par la SCP SAUL-GUIBERT-PRANDINI (avocats au barreau de GRENOBLE)

INTIME :

Monsieur Jean-Paul
Y...

...

74400 CHAMONIX MONT BLANC

Représenté par Me Christophe GRIPON (avocat au barreau de THONON)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Jean-François GALLICE, Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme LEICKNER, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 02 Juin 2008, Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 08 Septembre 2008.

L'arrêt a été rendu le 08 Septembre 2008.

EXPOSE DU LITIGE

Jean-Paul
Y...
était gérant, depuis 1987, de la société CHAMONIX CREATION exerçant sous l'enseigne NEW ALP, spécialisée dans le matériel pour l'escalade et l'alpinisme, qui avait son siège à Chamonix et qui importait et vendait depuis 1991 les produits de la société GRIVEL S. R. L., société de droit italien dont le siège est à Courmayeur (Italie). Le 7 août 2001, Jean-Paul

Y...
et la S. R. L. GRIVEL ont passé un accord écrit en ces termes : " Monsieur Jean-Paul

Y...
d'un côté et GRIVEL S. R. L. de l'autre conviennent que : 1) Monsieur

Y...
, qui a vendu, les produits GRIVEL en France à travers la société Chamonix Créations / NEW ALP, va arrêter l'activité de vente des produits GRIVEL en France le 31 octobre 2001, en faveur de la nouvelle société GRIVEL France (GF) qui sera créée pour cette fonction. 2) Le rachat de sa clientèle et l'indemnité pour son travail de développement de GRIVEL en France est évalué d'un commun accord à 150. 000 (cent cinquante mil) Francs Français payable contre facture en ces termes à GRIVEL S. R. L. Italie. 3) GRIVEL France s'engage à embaucher Monsieur

Y...
au titre de directeur technique jusqu'au 9 mai 2005, au salaire actuel à Chamonix Création (CC), compétences à définir avec GF dans le cadre de son contrat de travail, Monsieur
Y...
sera salarié à partir du 1er janvier 2002. 4) Monsieur

Y...
s'engage à transmettre toutes données et informations (passées et actuelles) sur le marché français à GRIVEL France, et à amener ses connaissances et compétences en termes fiscaux et administratifs à GRIVEL France pour la période de son contrat de travail. Tout travail de développement de nouveaux produits est exclu de ce contrat. 5) Monsieur

Y...
s'engage sur une clause de non-concurrence pour la durée de son contrat et à proposer avec priorité à GF tout nouveau produit. 6) GF va utiliser les locaux actuels pour la mise en place de la nouvelle société, et s'engage à libérer les locaux courant 2002. 7) Le 31 octobre 2001, après inventaire commun du stock de produits GRIVEL GF va acheter ce stock de CC suivant barème :-100 % du prix payé par CC à GRIVEL pour les articles présents sur le catalogue GRIVEL fall 2001-50 % du prix payé pour les articles des catalogues précédents mais achetés après le 1er janvier 1998-Pas de valeur pour les articles précédents-Les produits devront être en état original (produits et emballages) et non modifiés. 8) Cet accord sera effectif à condition que tous comptes entre Chamonix Créations / NEW ALP /

Y...
et GRIVEL soient soldés. "

Alors que la création de la SARL GFC a été largement annoncée aux clients, Jean-Paul
Y...
s'est inquiété par courrier recommandé adressé le 24 avril 2002 à cette dernière, de ce qu'il n'avait pas reçu la confirmation de son embauche. Le 29 juillet 2002, il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bonneville qui, par jugement rendu en départage le 10 juin 2003 :- a dit que Jean-Paul

Y...
était au bénéfice d'une promesse d'embauche de la S. R. L. GRIVEL ratifiée par la SARL GFC,- a constaté la rupture abusive de cette promesse d'embauche par la SARL GFC,- a condamné cette dernière à payer à Jean-Paul

Y...
la somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts, et a condamné la S. R. L. GRIVEL et la SARL GFC à lui verser 1000 € par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Le Conseil de Prud'hommes a ordonné l'exécution provisoire à hauteur de la moitié de la somme allouée à titre de dommages et intérêts. La Cour d'Appel de Chambéry, saisie d'un contredit puis d'un appel formé par chacune des deux sociétés a, par arrêt du 24 janvier 2006, déclaré irrecevables les exceptions d'incompétence soulevées par la SARL GFC et la S. R. L. GRIVEL et, sur le fond, a confirmé le jugement déféré, sauf à dire que la SARL GFC et la S. R. L. GRIVEL sont tenues in solidum au paiement des sommes allouées à Jean-Paul

Y...
, et a condamné les deux sociétés, in solidum, au paiement de la somme de 1 500 € par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par arrêt du 14 février 2007, la Cour de Cassation a cassé et annulé cette décision en relevant que les exceptions d'incompétence ne pouvaient être déclarées irrecevables au motif que les sociétés n'avaient pas indiqué la juridiction devant laquelle elles demandaient que l'affaire soit portée, alors, d'une part, que la société GRIVEL n'était pas tenue de préciser la nature ni la localisation exacte de la juridiction étrangère compétente et, d'autre part, que la société GFC avait demandé la désignation des juridictions civiles ou commerciales du ressort de Chamonix.

La SARL GFC soulève l'incompétence de la juridiction prud'homale au profit des juridictions civiles ou commerciales du Tribunal de Grande Instance de Bonneville, s'agissant de l'action engagée à son encontre. Elle demande à la cour de statuer ce que de droit sur l'exception d'incompétence soulevée par la S. R. L. GRIVEL et de se déclarer incompétente au profit des juridictions commerciales dont relève le siège social de cette société, à Courmayeur.

Subsidiairement sur le fond, elle sollicite l'infirmation du jugement, le rejet des demandes de Jean-Paul
Y...
, la condamnation de celui-ci à lui restituer la somme de 75 000 € outre intérêt au taux légal à compter du versement, le 4 novembre 2003, et à lui payer 4 500 € par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle expose, en ses conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience :

1) qu'à l'égard de la S. R. L. GRIVEL, la convention du 7 août 2001 revêt un caractère commercial, comme ayant été conclue entre deux sociétés commerciales et ayant pour objet principal de mettre fin à un contrat d'agent commercial ;- que le Tribunal compétent est donc le Tribunal de Commerce dont dépend Courmayeur, lieu du siège social de la société défenderesse et également lieu de conclusion du contrat ;- que ce contrat a été conclu sous condition suspensive ; que la constatation de la levée de la condition relève de la seule appréciation de la juridiction commerciale ;- que, quand bien même il existerait une promesse d'embauche valable, elle n'est que l'accessoire du contrat principal organisant le rachat de la clientèle de Jean-Paul

Y...
, et que le Conseil de Prud'hommes ne pouvait retenir sa compétence ;

2) qu'à l'égard de la SARL GFC, la compétence du Conseil de Prud'hommes n'est pas pertinente car : • la SARL GFC ne pouvait pas se manifester avant sa création qui est intervenue le 28 décembre 2001, • la SARL GFC n'était pas partie à l'acte passé entre New Alp Création et la S. R. L. GRIVEL, • la SARL GFC n'a pas à exécuter un contrat auquel elle n'était pas partie et qu'elle n'a pas repris ;

3) sur le fond, que Jean-Paul
Y...
ne s'est pas engagé personnellement mais uniquement en sa qualité de gérant de la société CHAMONIX CREATION, et que la convention ne traite que de l'arrêt des relations commerciales entre sa société et la S. R. L. GRIVEL ;- qu'au surplus Jean-Paul

Y...
est demeuré gérant de la société CHAMONIX CREATION ce qui est totalement incompatible avec les dispositions de la loi du 1er août 2003 ;- que le point 3 de l'accord du 7 août 2001 concernant l'embauche de Jean-Paul

Y...
apparaît inapplicable en raison : • de l'indépendance qui existe entre les deux sociétés, • de l'inexistence, au jour de la signature de l'accord, de la société promettant l'embauche, qui n'a été constituée que le 28 décembre 2001, • de l'irrespect des dispositions de l'article L 122-1-2 du code du travail qui exclut tout contrat à durée déterminée au-delà de 18 mois, • de l'incompatibilité entre les fonctions de gérant de la société CHAMONIX CREATION et de salarié exclusif de la S. R. L. GRIVEL ou d'une autre société, Jean-Paul

Y...
étant resté gérant jusqu'à la dissolution de la société le 30 novembre 2003 et ayant été nommé liquidateur à compter de cette date,

• de l'imprécision des tâches de Jean-Paul
Y...
dont la compétence restait à définir, • enfin de l'incohérence de la promesse d'embauche au terme de laquelle Jean-Paul

Y...
les fonctions qu'il aurait dû exercer dans la SARL GFC étaient incompatibles avec l'objet social de celle-ci (distribution en gros, en France, des produits fabriqués par la S. R. L. GRIVEL), mais correspondaient plus avec celui de la S. R. L. GRIVEL, fabricant ;

4) que la condition suspensive n'a toujours pas été levée, faute de preuve de l'acquisition par Jean-Paul
Y...
des parts de Madame
Z...
dans la société CHAMONIX CREATION, ni du paiement des sommes restant dues en compte courant ;- que le stock de la société CHAMONIX CREATION a été racheté et payé par la SARL GFC le 10 septembre 2002, soit plus d'un an après l'échéance prévue (inventaire du 31 octobre 2001) et dans des conditions tout à fait différentes de ce qui avait été arrêté ;- qu'en tout état de cause, au jour de l'introduction de l'instance, la condition n'avait pas été réalisée de sorte que l'accord du 7 août 2001 n'est pas applicable, Jean-Paul

Y...
ne démontrant pas que cette non-réalisation serait imputable à son co-contractant ;

5) que la promesse de porte-fort n'est pas plus opposable à la SARL GFC, tiers à cette promesse, que ne l'est l'engagement synallagmatique du 7 août 2001 ;- que, même si elle était valable, la SARL GFC ne l'a nullement ratifiée selon les modalités limitativement prévues et qu'il ne peut être admis de ratification tacite ; que Jean-Paul

Y...
ne s'est en outre jamais adressé à la S. R. L. GRIVEL pour obtenir l'exécution de l'engagement du 7 août 2001 ;- enfin que la demande de condamnation des deux sociétés " in solidum " démontre l'erreur de droit commise par le demandeur ;

6) très subsidiairement sur le préjudice invoqué par Jean-Paul
Y...
, que celui-ci ne démontre pas que la somme réclamée (150 000 €) correspondrait aux salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à sa retraite, puisque le salaire n'était pas déterminé dans la convention litigieuse et qu'il a vendu sa carte d'agent commercial pour la somme de 150. 000 francs (22 867, 35 €).

La S. R. L. GRIVEL, également appelante, demande à la cour d'infirmer le jugement, de se déclarer incompétente au profit de la juridiction civile ou commerciale italienne dont relève son siège social, et de condamner Jean-Paul
Y...
à lui verser 2 000 € par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Elle expose, en des conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience :- que Jean-Paul

Y...
n'a jamais eu de relation salariale avec elle ;

- que l'accord qui fonde l'action est un contrat commercial conclu sous condition suspensive dont il revient à la juridiction commerciale de dire si elle a été ou non réalisée ;- que la promesse d'embauche qui est stipulée dans l'accord au nom d'une société qui devait être créée constitue une stipulation accessoire du contrat qui ne peut remettre en cause la nature commerciale de ce dernier.

Jean-Paul
Y...
, intimé, demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner solidairement la S. R. L. GRIVEL et la SARL GFC à lui payer 150 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive d'un contrat à durée déterminée et 4000 € par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Il expose, en des conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience :

1) qu'il n'existait pas de contrat d'agent commercial avec la S. R. L. GRIVEL, la société NEW ALP achetant pour son compte les produits GRIVEL afin de les revendre en France, et étant, à ce titre, importateur de produits ;- que l'accord du 7 août 2001 n'avait donc pas vocation à mettre fin à un contrat d'agent commercial, mais constituait bien une promesse d'embauche que seul le Conseil de Prud'hommes a compétence pour apprécier ;- que l'exécution du contrat devait avoir lieu dans les locaux de CHAMONIX CREATION et qu'il est lui-même domicilié dans le ressort du Conseil de Prud'hommes de Bonneville ;

2) que l'accord du 7 août 2001 fait état d'une offre d'emploi précise et détaillée ;- que cet accord a été signé par lui, à titre personnel, et non en qualité de gérant de la société CHAMONIX CREATION ;- que le règlement tardif des sommes dues à l'occasion de la cession des parts sociales provient de la seule attitude de M.

A...
, dirigeant de la S. R. L. GRIVEL ;- que le compte courant de la société New Alp est contesté ;

3) que différents fax et courriers postérieurs au 7 août 2001 confirment que M.
B...
, dirigeant de la société française, a expressément entendu reprendre les engagements prévus dans l'accord, en indiquant en particulier que Jean-Paul
Y...
serait embauché comme directeur technique ;- que la promesse d'embauche a été ratifiée et reprise sans condition préalable ;- que le statut de gérant n'est pas incompatible, en droit ni en fait, avec celui de salarié ; qu'il devait d'ailleurs utiliser les locaux de la société New Alp, spécialisée dans les produits d'escalade complémentaires des produits d'alpinisme de GRIVEL ;

4) qu'il a été abusé par ses co-contractants qui ont obtenu de lui et de sa société New Alp qu'il cesse de commercialiser les produits GRIVEL moyennant une indemnité de clientèle extrêmement faible (22 867, 35 €) eu égard au chiffre d'affaires développé par New Alp depuis dix ans ;- que la contrepartie était son embauche jusqu'à l'âge de la retraite avec un maintien de sa rémunération.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues oralement et sans modification à l'audience.

Sur la compétence :

Le litige soumis par Jean-Paul
Y...
à la juridiction prud'homale porte sur l'application d'un accord, éventuellement de nature commerciale mais comportant, selon le demandeur, une promesse d'embauche. L'appréciation de l'existence d'une telle promesse relève de la compétence du Conseil de Prud'hommes seul juge, en application de l'article L 1411-1 du code du travail, de la relation de travail et de la non exécution d'une promesse d'embauche. L'exécution du contrat devant avoir lieu dans les locaux de Chamonix Création, le Conseil de Prud'hommes de Bonneville était bien territorialement compétent. Il y a donc lieu de rejeter les exceptions d'incompétence soulevées.

Sur l'existence d'une promesse d'embauche : En droit, pour engager l'employeur, une promesse d'embauche doit être ferme et précise. Elle doit préciser les éléments essentiels du contrat de travail, à savoir la nature de l'emploi proposé, le montant de la rémunération et, éventuellement, la date et le lieu d'entrée en fonctions. En l'occurrence, l'acte du 7 août 2001 est passé entre " Jean-Paul

Y...
d'un côté et GRIVEL SRL de l'autre ". Il porte à titre principal, sur la cessation de l'activité de vente par Jean-Paul
Y...
des produits Grivel et sur le rachat de sa clientèle. En outre, au terme des points 3 et 4 de l'accord, il est fait mention d'un engagement d'embauche de Jean-Paul

Y...
au titre de directeur technique, de l'engagement de Jean-Paul
Y...
de transmettre toutes données et informations sur le marché français à la SARL GFC et d'amener ses connaissances et compétences en termes fiscaux et administratifs, à l'exclusion de tout travail de développement de nouveaux produits.

S'il est également noté que les compétences de Jean-Paul
Y...
seront à définir avec la SARL GFC dans le cadre du contrat de travail, pour autant la référence à un poste de directeur technique apparaît suffisamment explicite, alors surtout que la rémunération est évoquée par référence " au salaire actuel à Chamonix Création ", donc parfaitement déterminable, la prise d'effet du contrat est fixée du 1er janvier 2002, et le lieu d'exercice de l'activité est précisé, à savoir " les locaux actuels " qui s'entendent de ceux de la société Chamonix Création. Il est enfin prévu une clause de non-concurrence à la charge de Jean-Paul

Y...
pour la durée de son contrat. Ainsi le document signé par la société GRIVEL S. R. L. comporte bien toutes les précisions utiles et nécessaires à la qualification de promesse d'embauche.

Sur la non exécution de la promesse d'embauche : L'engagement invoqué par Jean-Paul

Y...
au soutien de ses demandes formées à l'encontre des deux sociétés qu'il estime tenues solidairement à son égard, est pris par la société GRIVEL S. R. L. au nom de la SARL GFC, à une date où cette dernière n'a pas encore d'existence juridique. Si, en application de l'article 1119 du code civil on ne peut, en général, s'engager ni stipuler en son propre nom, que pour soi-même, l'article 1120 indique qu'on peut néanmoins se porter fort pour un tiers, en promettant le fait de celui-ci ; sauf l'indemnité contre celui qui s'est porté fort ou qui a promis de faire ratifier, si le tiers refuse de tenir l'engagement.

Il y a donc lieu de rechercher si la SARL GFC a, postérieurement à sa constitution, ratifié la promesse d'embauche. Il est établi que la SARL GFC, dont les statuts datent du 31 octobre 2001, a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 28 décembre 2001. Dès le 24 septembre 2001, Manu

B...
, alors salarié de la société GRIVEL S. R. L., informait les détaillants français de la création de la SARL GFC en ces termes : " je dirigerai une équipe composée de Jean-Paul
Y...
au poste de directeur technique (...) Cette nouvelle structure sera opérationnelle début 2002 ".

Le 21 mars 2002, Jean-Paul
Y...
suggérait à la SARL GFC d'envoyer un courrier d'information à chaque détaillant pour officialiser le démarrage de la société au 1er avril 2002 et leur transmettre les coordonnées de celle-ci. En réponse, Jean-Paul

Y...
recevait, le 27 mars 2002 avant sa diffusion, le courrier que la SARL GFC, sous la signature de son gérant, Manu
B...
, a envoyé le lendemain aux magasins pour les informer qu'à partir du 2 avril 2002 la distribution des produits GRIVEL était assurée par cette société. La SARL GFC a donc été effectivement mise en place à cette date du 2 avril 2002. Le 9 avril 2002, Jean-Paul

Y...
a été destinataire d'une télécopie de la SARL GFC dans laquelle Manu
B...
lui demandait de lui adresser l'inventaire selon le point 7 de l'accord du 7 août 2001 et ajoute : " Comme convenu, après un inventaire contradictoire, et facturation à GFC, GFC rachètera ce stock selon les conditions du point 7 de l'accord ".

Le 4 mai 2002, Jean-Paul
Y...
a reçu la même télécopie avec une mention manuscrite de la main de l'épouse du gérant relative aux difficultés rencontrées par son mari et elle pour s'occuper de l'inventaire. Par conséquent la SARL GFC a bien repris les engagements prévus dans l'accord litigieux et a ratifié la promesse de porte fort de la société GRIVEL S. R. L.. L'effectivité de l'accord était, selon le point n° 8, soumise à la réalisation d'une condition, à savoir " que tous comptes entre Chamonix Création / New Alp /

Y...
et Grivel soient soldés ", sachant qu'au point n° 7 il était prévu le rachat par la SARL GFC, le 31 octobre 2001, du stock de produits Grivel, après un inventaire commun. Or il s'avère, à la lecture des pièces produites par Jean-Paul

Y...
, que le paiement du solde du stock par la SARL GFC n'est intervenu que le 10 septembre 2002, non par la faute de Jean-Paul
Y...
, mais du fait de la société. En effet l'épouse du gérant reconnaissait, dans le fax du 4 mai 2002 susvisé, ne pouvoir s'occuper de l'inventaire, demandant à Jean-Paul
Y...
, pour accélérer la procédure, de lui faxer la liste de l'inventaire, ajoutant " dès votre retour, nous ferons l'inventaire contradictoire ".

Le 17 mai 2002, Jean-Paul
Y...
écrivait à la SARL GFC pour signaler que le stock était " prêt, emballé, donc immédiatement transportable ". Il ajoutait : " Puisque vous êtes très occupé, je peux vous apporter le colis à Grivel France : il suffit de me dire quand (...) Attention : dernière limite le 25 mai car je dois libérer le local pour la société qui me remplace ". Le paiement de ce stock, remis le 22 mai 2002, est intervenu, selon la société GRIVEL S. R. L., le 10 septembre 2002, sans que le retard ainsi apporté ne puisse être imputé à Jean-Paul

Y...
.

Par ailleurs la société GRIVEL S. R. L. invoque l'existence de comptes avec Jean-Paul
Y...
à raison du rachat par celui-ci des parts de Madame
Z...
dans la société CHAMONIX CREATION. L'acte de cession de parts a été régularisé le 8 novembre 1999 et le prix payé comptant. Jean-Paul

Y...
s'engageait par ailleurs à rembourser à Madame
Z...
la somme de 100 000 francs détenue en compte courant, au moyen de quatre versements égaux de 25 000 francs. Le premier versement a été effectué sans difficulté contrairement aux suivants qui ont donné lieu à un échange de correspondances entre Jean-Paul
Y...
et la société GRIVEL S. R. L. Ainsi le 29 octobre 2002, Jean-Paul

Y...
écrivait à la société GRIVEL S. R. L. en indiquant qu'il n'avait pas reçu de réponse à son fax du 1er octobre 2002, en particulier " sur le règlement en espèces que vous attendez et pour lequel je vous demandais quelle serait la façon pratique de régler cette somme. Je veux bien remettre cette somme à M.
B...
(...) " Le 20 mai 2003, il rappelait l'absence de réponse sur la manière de régler le solde de compte courant (11 433, 66 €) et indiquait joindre à son courrier un chèque correspondant à cette somme.

La preuve que les délais ainsi apportés au règlement des comptes entre les parties seraient imputables à Jean-Paul
Y...
n'est donc pas rapportée. La SARL GFC, qui a ratifié l'acte, est donc tenue par la promesse d'embauche, et sa non exécution sans motif légitime constitue un manquement envers Jean-Paul

Y...
dont il est fondé à demander réparation.

Sur l'engagement solidaire de la société GRIVEL S. R. L. : Dès lors que le tiers à la promesse de porte fort a ratifié l'acte, il est seul tenu par l'engagement pris pour son compte. La demande formée à l'encontre de la société GRIVEL S. R. L. n'est donc pas fondée.

Sur le préjudice subi : L'embauche de Jean-Paul

Y...
devait intervenir à compter du 1er janvier 2002, pour une durée indéterminée, la date du 9 mai 2005 correspondant à la date à laquelle Jean-Paul
Y...
pouvait faire valoir ses droits à la retraite. Elle faisait suite à la cessation par Jean-Paul

Y...
, alors âgé de 62 ans, de la commercialisation des produits GRIVEL qui représentaient près de 90 % des produits qu'il vendait, moyennant une indemnité de clientèle de 22 867, 35 €, chiffre particulièrement faible au regard du chiffre d'affaires développé par sa société, à savoir selon le tableau établi par Jean-Paul
Y...
le 3 juillet 2002 et non démenti par ses adversaires, de l'ordre de 30 000 € par mois. Il y a lieu de tenir compte également des circonstances de la non-exécution de la promesse d'embauche. L'évaluation du préjudice subi faite par le Conseil de Prud'hommes doit donc être confirmée.

Sur les frais de défense : Une somme de 1 500 € sera allouée à Jean-Paul

Y...
au titre des frais exposés pour sa défense en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Rejette les exceptions d'incompétence soulevées par la société GRIVEL S. R. L. et La SARL GFC,

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

- Condamne La SARL GFC à payer à Jean-Paul
Y...
la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne La SARL GFC aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

Signé par Monsieur GALLICE, président, et par Madame VERDAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ct0269
Numéro d'arrêt : 07/02166
Date de la décision : 08/09/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Bonneville, 09 septembre 2003


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2008-09-08;07.02166 ?
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