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19/05/2008 | FRANCE | N°07/01926

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ct0269, 19 mai 2008, 07/01926


RG No 07 / 01926
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU LUNDI 19 MAI 2008
Appel d'une décision (No RG 06 / 00293) rendue par le Conseil de Prud'hommes de VALENCE en date du 19 avril 2007 suivant déclaration d'appel du 18 Mai 2007

APPELANT :
Monsieur Tahar X......

Comparant et assisté par la SCP JANOT- GIROT (avocats au barreau de GRENOBLE)
INTIMÉE :
L'E. A. R. L. JABOULET PHILIPPE ET VINCENT prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège La Négociale 26600 MERCUROL

ReprÃ

©sentée par Me Pierre MULLER (avocat au barreau de VALENCE) substitué par Me MAILLAU (avocat au ba...

RG No 07 / 01926
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU LUNDI 19 MAI 2008
Appel d'une décision (No RG 06 / 00293) rendue par le Conseil de Prud'hommes de VALENCE en date du 19 avril 2007 suivant déclaration d'appel du 18 Mai 2007

APPELANT :
Monsieur Tahar X......

Comparant et assisté par la SCP JANOT- GIROT (avocats au barreau de GRENOBLE)
INTIMÉE :
L'E. A. R. L. JABOULET PHILIPPE ET VINCENT prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège La Négociale 26600 MERCUROL

Représentée par Me Pierre MULLER (avocat au barreau de VALENCE) substitué par Me MAILLAU (avocat au barreau de VALENCE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Jean- François GALLICE, Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Eric SEGUY, Conseiller, Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.

DEBATS :
A l'audience publique du 31 Mars 2008, Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie (s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 19 Mai 2008.
L'arrêt a été rendu le 19 Mai 2008.
Tahar X..., né en 1949, a été engagé à compter du 2 janvier 1989 pour une durée indéterminée en qualité d'ouvrier agricole par le GAEC A....
Son contrat de travail ainsi que celui de deux autres salariés ont été transférés le 2 janvier 2006 à l'EARL Jaboulet Philippe et Vincent, qui a repris une partie de l'activité de ce GAEC, qui exerce une activité dans le domaine de la viticulture et qui employait au moins cinq salariés au 14 novembre 2006.
Tahar X... travaille toujours dans cette entreprise.
Mais, estimant que sa durée de travail avait été réduite unilatéralement par l'employeur, il a saisi le conseil de prud'hommes de Valence, le 17 mai 2006, d'une demande aux fins de rétablissement de son horaire de travail à 169 heures mensuelles et aux fins de rappel d'heures supplémentaires, de régularisation de sa situation à l'égard de la garantie complémentaire prévoyance SORAVIE ainsi que d'une demande aux fins d'obtenir paiement de diverses indemnités.
Il a été débouté de l'ensemble de ses prétentions par jugement du 19 avril 2007, dont il a relevé appel le 18 mai 2007.
Tahar X... demande à la cour :
- de réformer cette décision,- à titre principal, de constater qu'il bénéficiait d'un usage constant équivalent à une convention de forfait pour 169 heures de travail mensuel,- à titre subsidiaire, de juger que cet élément avait été contractualisé en ce que, après la modification de la durée légale du travail en janvier 2002, son salaire avait été payé selon la pratique constante suivante, qui s'était poursuivie pendant une période suffisamment significative pour constituer un usage, à savoir 151h67 payées au taux de base, plus 17h33 payées au taux majoré 25 % de la 36e à la 39e heure.

Il fait valoir que c'étaient ces 17 heures 33 qui avaient été supprimées par l'EARL Jaboulet, qui avait tenté à l'occasion du transfert de lui faire signer un nouveau contrat de travail pour 151h67 payées 1. 668, 37 € alors qu'avant il gagnait plus.
Il estime que cette durée initiale de travail ainsi que le bénéficie d'une garantie complémentaire constituaient des éléments essentiels de son contrat de travail, que le cessionnaire avait violé les dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail et que l'EARL devait être condamnée à lui payer, en conséquence :
- rappel d'heures depuis 2006 sur la base de l'usage ou du contrat : 6. 195, 54 € plus les congés payés afférents,- rappel de prime d'ancienneté : 619, 58 € plus les congés payés afférents,- dommages et intérêts pour préjudice moral : 1. 000 €,- indemnité pour frais irrépétibles : 1. 500 €.

Il demande également de condamner sous astreinte l'EARL à lui faire bénéficier de la prévoyance complémentaire résultant de la convention collective et incorporée à son contrat et à lui remettre des bulletins de salaire rectifiés.
L'EARL Jaboulet demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter Tahar X... de ses demandes et de le condamner à indemniser ses frais irrépétibles.
Elle prétend qu'il n'avait aucun droit acquis au maintien des heures supplémentaires.
Elle conteste l'existence d'un usage collectif, d'une convention de forfait ou d'un usage incorporé au contrat. Elle fait observer d'une part, qu'en réalité, les bulletins de salaire démontraient le caractère variable du nombre d'heures supplémentaires effectué au- delà de 35 heures et, d'autre part, qu'elle avait mis en place un système de modulation annuelle du temps de travail.
Elle reconnaît avoir supprimé unilatéralement la garantie contractuelle de prévoyance mais au 31 décembre 2006 et non pas au 1er janvier 2006, après un vote des salariés. Elle invoque en conséquence la dénonciation de l'usage dans un délai de prévenance suffisant.
Elle rappelle qu'elle avait envisagé de prendre en charge cette garantie pour M. X..., qui était le seul salarié qui la souhaitait mais que les parties ne s'étaient pas entendues sur l'échéancier des cotisations.
Sur demande de la cour, Tahar X... a produit en délibéré, le 10 avril 2008, ses bulletins de paye pour l'année 2001, en indiquant avoir adressé copie de ces pièces à son adversaire.
Sur quoi :
Attendu que l'examen des bulletins de salaire délivrés par le GAEC A... à Tahar X... fait apparaître :
- pour l'année 2001, qu'il était payé sur la base d'un horaire mensuel de 169 heures et qu'il avait effectué au cours des 7 premiers mois de 2001 des heures supplémentaires,
- pour les années 2002 inclus à 2005 inclus, qu'il était payé sur la base d'un horaire mensuel de 151, 67 heures, mais que cet horaire était systématiquement complété par des heures supplémentaires ;
Que, certes, la ventilation des heures effectuées mensuellement au- delà de 151, 67 heures était variable d'un bulletin à l'autre et que le nombre n'était pas régulier de celles majorées au taux de 10 %, de celles majorées à 25 % et de celles parfois rémunérées à 50 % (comme tel a été le cas en février, juin, juillet 2002, mars, mai 2003, mai à août 2004, octobre 2004, juillet, octobre, décembre 2005 où il a perçu des heures à 50 %) ;
Mais qu'il n'en demeure pas moins que la référence à des heures supplémentaires à 10 % n'apparaît plus à partir de 2003, date à partir de laquelle les bulletins de paye font référence seulement aux taux de majoration de 25 et 50 % et qu'en quatre ans, dans la majorité des cas (sauf 10 exceptions en mars, novembre et décembre 2003, février, mars, décembre 2004, février, mars, juin, novembre 2005) le nombre total d'heures effectuées mensuellement atteignait au moins 169 heures, quand il ne le dépassait pas ;
Attendu qu'au regard de ces bulletins, l'indication suivante, fournie par le précédent employeur et dans ces termes sous la signature de Mireille A... qui a certifié le 26 septembre 2006, au nom du Gaec A..., avoir employé Tahar X... jusqu'au 31 décembre 2005 et qu'il " effectuait 39 heures par semaine (35h + 4 heures supplémentaires à 25 %). S'il était absent, il récupérait ces heures " n'apparaît pas dépourvue de crédibilité, contrairement à ce que prétend l'actuel employeur ;
Que la pratique constante observée pendant cinq ans a constitué pour le moins un usage au bénéfice du salarié et que cet usage s'est incorporé à son contrat de travail ;
Attendu qu'au surplus, dès lors que :
- d'une part, l'employeur a présenté à Tahar X... un nouveau contrat de travail, ce qui n'est pas contesté et ce qui est même établi par la production du projet et de son préambule faisant lui- même référence aux feuilles de paye remises par la personne morale cédante,
- d'autre part, ce projet de contrat prévoyait que la durée hebdomadaire était fixée à 35 h par semaine, soit 151, 67 selon le préambule portant aménagement du temps de travail,
la preuve est bien établie que l'EARL admettait que le temps de travail effectif antérieur constituait un élément du contrat puisqu'elle avait estimé nécessaire de faire régulariser une modification ;
Mais attendu que l'employeur ne pouvait remettre en cause unilatéralement cet élément du contrat ni valablement rémunérer son salarié sur une base inférieure à 169 heures ;
Que tel a pourtant bien été le cas puisque à l'examen des fiches de paye délivrées à partir de janvier 2006, Tahar X... n'a perçu qu'une rémunération sur la base de 151, 67 € certes au même taux horaire de 11 euros que celui appliqué précédemment en décembre 2005 et avec maintien du principe d'une prime d'ancienneté, mais le montant de cette dernière a été lui aussi affecté par la limitation du nombre d'heure payées ;
Qu'une modulation du temps de travail a été invoquée par l'EARL sur le fondement de l'accord professionnel du 23 décembre 1981 modifié par trois avenants no 12, 13 et 14 des 29 mars et 20 juin 2000 permettant à une entreprise de moins de 10 salariés de mettre en place l'application directe d'une des modalités d'organisation du temps de travail prévue par cet accord, à savoir, selon les lettres adressées les 29 mai, 19 août et 3 novembre 2006, puis en mars, août et octobre 2007 par la gérante de l'EARL à l'inspecteur du travail, une " programmation indicative pour la modulation du temps de travail " distinguant des semaines hautes à 48 h pendant les trois semaines de vendanges, des semaines basses à 32 heures de novembre à mars et des semaines moyennes à 39 heures de mars à novembre, donc neuf mois sur douze ;
Mais que cette modalité d'organisation du temps de travail mise en place unilatéralement à partir de mai 2006 ne pouvait aboutir à une remise en cause unilatérale des dispositions contractuelles ;
Que le jugement sera donc infirmé sur cette question et qu'il sera fait droit aux demandes :
- de rappel de salaire pour la période de janvier 2006 à mars 2008, exactement chiffrée à la somme de 6. 195, 54 € sur la base du taux de 11 euros majoré de 25 % et appliqué aux 17h33 mensuelles litigieuses,
- de rappel de prime d'ancienneté, également à concurrence de la somme réclamée outre les indemnités compensatrices de congés payés afférents ;
Attendu que l'EARL a encore fait savoir à Tahar X..., par lettre du 1er décembre 2006, qu'il était bénéficiaire chez son ancien employeur d'un contrat de prévoyance mais que ce dernier " n'existe pas dans notre entreprise ", que le personnel avait rejeté à la majorité son instauration dans l'entreprise et l'avait informé en conséquence que ce régime s'appliquerait en ce qui le concernait jusqu'au 31 mars 2007, date à laquelle il cesserait tous effets, les cotisations dues depuis janvier 2006 jusqu'à décembre 2006 devant être retenues sur son salaire de décembre 2006 ;
Qu'à l'issue d'une consultation organisée le 14 novembre 2006 à bulletins secrets, à laquelle Tahar X... a d'ailleurs participé ainsi que l'indique le procès- verbal, la majorité des salariés n'a pas voulu cotiser à une assurance collective ;
Attendu que l'assureur Groupama a indiqué que le contrat avait été résilié à effet du 31 décembre 2006 ; que la cour observe que le délai de prévenance n'a pas été de quatre mois comme l'affirme l'employeur mais d'un mois ;
Attendu que les bulletins de salaire de Tahar X... mentionnent des retenues mensuelles pour cotisations SORAVIE opérées au taux de 1, 360 pour la partie salariée et au taux de 0, 80 pour la partie employeur ;
Attendu que ces bulletins de salaire, y compris ceux émis par l'EARL Jaboulet, indiquent aussi que la convention collective qui s'applique dans l'entreprise est celle du travail des exploitations agricoles de la Drôme du 22 janvier 1970 ; que d'ailleurs le projet de contrat de travail proposé à Tahar X... par l'EARL faisait référence à cette même convention collective modifiée le 22 janvier 1970 ;
Or attendu que l'article 17 de cette convention collective, modifié par avenant du 16 mars 1994, prévoit que tout employeur est tenu d'adhérer pour ses salariés au régime de retraite complémentaire et de prévoyance dans les conditions définies par la convention nationale du 24 mars 1971 ;
Que l'EARL ne justifie pas des modalités de substitution mises en oeuvre après la résiliation du contrat SORAVIE pour permettre à son personnel, et notamment à Tahar X..., de bénéficier de cet avantage conventionnel ;
Qu'il sera en conséquence fait droit à la demande de régularisation, la condamnation étant assortie de l'astreinte fixée au dispositif, afin d'en garantir l'effectivité ;
Attendu qu'en revanche Tahar X... ne justifie pas du préjudice moral qu'il invoque au soutien de sa demande de versement de dommages et intérêts distincts ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ses frais irrépétibles d'instance et d'appel ; qu'en application de l'article 700 du code de procédure civile, son employeur lui versera une indemnité de 1. 500 euros ;
PAR CES MOTIFS
la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :
Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Condamne l'EARL JABOULET à verser à Tahar X... les sommes suivantes :
- rappel de salaire sur la période du 2 janvier 2006 au 31 mars 2008 : 6. 195, 54 €,- indemnité compensatrice de congés payés afférents : 619, 55 €,- rappel de prime d'ancienneté : 619, 58 €,- indemnité compensatrice de congés payés afférents : 61, 98 €,- indemnité pour frais irrépétibles d'instance et d'appel : 1. 500 € ;

Condamne l'EARL à faire à nouveau bénéficier Tahar X... d'une garantie de prévoyance complémentaire et à lui remettre les bulletins de paye depuis janvier 2006 rectifiés en application du présent arrêt ;
Dit qu'à défaut d'exécution dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, des dispositions qui précèdent sur la garantie de prévoyance et la remise des bulletins de salaire, l'EARL Jaboulet sera redevable envers Tahar X... d'une somme de 10 euros par jour de retard ;
Dit que la cour d'appel de ce siège se réserve le contentieux de cette astreinte ;
Déboute Tahar X... du surplus de ses prétentions ;
Condamne l'EARL JABOULET aux dépens d'instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Signé par Monsieur GALLICE, président, et par Madame LEICKNER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ct0269
Numéro d'arrêt : 07/01926
Date de la décision : 19/05/2008

Références :

ARRET du 28 septembre 2010, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 septembre 2010, 08-43.161, Publié au bulletin

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Valence, 19 avril 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2008-05-19;07.01926 ?
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